and i wouldn't marry me either,
a pathological people pleaser who only wanted you to see her ;

1993, la naissance ses parents ont été deux âmes libres, des années durant, deux amoureux savourant l’aube bien heureux ensemble. son père, jason weaver était invité à travailler dans des boutiques ou des restaurants dans les quatre coins du pays tandis que sa mère, claire weaver, le suivait volontiers partout, en exerçant en tant que photographe. ils vivaient libres mais cette passion glorieuse pris fin quand jorja s’invita dans leurs plans.

1994, le divorce jason et claire, tous deux la trentaine bien tassée, ont célébré la nouvelle en décidant de se marier en petit comité ; le ventre arrondi, sous la robe, se voyait à peine. ils pensaient suivre le modèle familial classique mais durent se rendre à l’évidence, l’amour s’étiolait et n’allait pas survivre aux couche-culottes et autre cris ;  ils divorcèrent l’année qui suivit. sa mère sacrifia sa carrière pour élever jorja – et le ressentiment naquit peu à peu pour l’enfant qu’elle allaitait mais qu’elle ne parvenait pas à aimer.

1997, la désirée jorja ne connaît pas ses traits, à son âge, elle ne sait même pas encore comment on fabrique les enfants et ignore qu’elle partage un père avec cette petite fille qui naît ce soir d’hiver 97. jason avait rencontré la douce inaya quelques années auparavant et cette fois, il se sentait prêt. un remariage, une nouvelle naissance, un nouveau départ. son ex-épouse sombre dans une amertume encore plus profonde en apprenant la nouvelle. elle aussi, aurait aimé avoir le choix de rejeter cette vie et cet enfant qui a détruit sa vie, tout ce qu’elle avait accompli. de l’impossibilité de diriger sa rancœur vers celui qui les a abandonné toutes les deux, elle voit naître un profond ressentiment envers jorja. la figure maternelle laisse des cicatrices profondes et indélébiles, en se rendant coupable d’absence. le foyer devient un lieu sans âme, sans affection ni attention et l’enfant s’y sent seule. même quand sa mère est dans l’autre pièce, il y a quand même un vide immense, comme si elle était elle-même invisible.

1999, l’enlèvement enfant renfermée, elle s’est développée façonnée par l’idée qu’elle n’avait pas beaucoup d’importance. un sentiment internalisé qui la suivra encore à l’âge adulte, qu’elle ne sait pas très bien gérer. elle voit désormais son père deux week-ends par mois, depuis qu’il s’est établi à brisbane et fait la rencontre de sa tante. besoin d’investir cette relation parce qu’hera est gentille et surtout, hera s’intéresse à elle. leur relation comble un peu le vide affectif. d’ailleurs, jorja en fait peut-être trop et se montre particulièrement pot-de-colle, à exprimer sa soif inassouvie d’approbation et d’attention. elle lui fait découvrir les grands airs du classique, jusqu’aux animaux du zoo et aux saveurs d’autres cuisines, le lien se tisse doucement. la petite fille s’ouvre peu à peu, jusqu’à se confier à elle sur sa situation à la maison – pourquoi ce n’est pas toi, ma maman ? la négligence de sa mère atteint un point critique, inquiétant, qui met en jeu la santé et le bien-être de jorja. hera n’y réfléchit pas à deux fois quand elle signale la situation aux autorités compétentes. elle sait qu’elle a pris la bonne décision quand elle reçoit une lettre de menace de la part de son ancienne belle-soeur, encore plus quand cette dernière tente d’enlever la petite fille pour s’enfuir avec. à peine le temps de se demander si sa mère tient vraiment à elle, la mère et l’enfant seront retrouvées deux heures après. les procédures prennent moins de temps après un tel événement et c’est acté dans un jugement, claire perd la garde de jorja et elles ne se reverront pas avant plusieurs années.

2000, la famille jorja fait irruption au sein du foyer des weaver et perd les quelques repères qu’elle avait dans son ancienne vie. elle emménage dans une nouvelle maison, avec des personnes quasi inconnues pour elle et s’aperçoit douloureusement que la place de fille est déjà prise. même si inaya, est une présence bienveillante pour elle et qu’elle redouble de patience et de tendresse pour sa belle-fille malgré qu’elles ne partagent aucun lien de sang, ça ne l’empêche pas de se retrouver en lutte.  portée par le besoin de définir son identité au sein de la constellation familiale, jorja oscillait entre les tentatives de surmonter son sentiment d’infériorité et son besoin d’appartenance à cette famille. sa petite sœur, ignorante de la tempête qu'elle créait, continuait à illuminer le cocon familial de son éclat irréprochable ; disha naviguait avec une grâce déconcertante dans cette vie. c’était une enfant agréable, joyeuse et intelligente. de plus, elle excellait dans tous les domaines que la grande sœur avait désespérément tenté de dompter, créant ainsi une rivalité silencieuse qui s'étendait bien au-delà des salles de classe. jorja jugeait tous ses succès avec un mélange d’orgueil et d’amertume et au sein de la demeure familiale, faisait porter à chacun le fardeau complexe de cette rivalité silencieuse. chaque diplôme, chaque éloge, chaque sourire conquis par disha venait hanter ses nuits. disha-ci, disha-ça, toujours disha, disha, disha…

2003, la danse le temps passe, elle garde l’impression que les réussite de disha viennent éclipser ses modestes réalisations et l’abîme entre elles se creuse plus profondément chaque jour. il y a des hauts et des bas, inaya tente d’apaiser les tumultes de son âme mais c’est hera, sa bienfaitrice discrète, qui trouve la formule magique. ce fut elle qui lui proposa de l’accompagner au conservatoire un jour, et dans cet air où flottait un parfum de résine de pin, jorja ressentit un frisson d’excitation en admirant les jeunes ballerines. sa tante insuffla l’idée qu’elle s’essaye à la danse aussi, jorja encore curieuse et émerveillée de ce premier contact, accepta de s’aventurer timidement dans cet univers éthéré.

chaque plié, chaque pirouette, chaque arabesque devinrent une revanche, une déclaration de sa résilience naissante. la musique, qu’elle n’entendait autrefois que lors des rencontres avec sa tante, devint plus tangible dans sa vie, résonnait désormais dans son coeur et devenait un fil conducteur vers la guérison. la danse devenait son refuge, son amie et son alliée dans sa métamorphose et la petite fille renfermée qu’elle était, découvrait sa force, dans l’élégance de sa propre silhouette en mouvement. si dans un premier temps, ses proches observaient avec contentement la petite ballerine déployer ses ailes, ils réalisèrent que jorja dansait avec une intensité fiévreuse, un élan qui dépassait la simple performance. chaque pas portait le poids de sa quête incessante de reconnaissance. quand elle s’élevait, s’était pour s’éloigner de tous ces poids qui habitaient son esprit : le doute, le manque de confiance en soi, la peur de ne pas être aimée. les répétitions s’étiraient sur de longues heures, elle poussait chaque fibre musculaire et tendineuse de son corps, au nom de la perfection. ce n’était pas un fardeau pour elle car enfin, elle trouvait un domaine dans lequel elle brillait plus que disha et y trouvait encore plus d’épanouissement pour cette raison. la discipline qu’elle s’imposait ne laissait plus beaucoup de temps pour être une jeune adolescente ordinaire mais elle ne le ressentait pas comme un fardeau, au contraire. jorja s’enlisait dans une spirale d’obsession, les autres domaines de son existence s'effaçaient progressivement devant la danse. les amitiés se dissipaient, les passions se dissolvaient, la quête devenait solitaire. derrière chaque arabesque flamboyante se cachait un tourbillon dévorant, menaçant de la consumer tout entière.

2007, la chocolaterie la vie familiale prend un tournant plus doux lorsque jason réalise son rêve en ouvrant sa propre chocolaterie ; un rêve méticuleusement façonné par des années de travail acharné et d'économies scrupuleusement amassées. jason avait consacré toute sa vie à cet art et pour sa cinquantième bougie soufflée, il percevait enfin les bénéfices de son travail passionné et de sa détermination. c’est une période heureuse, tous les weaver inaugurent ce nouveau sanctuaire dédié aux arômes envoûtants du chocolat et l’effervescence de la création. quand les premiers clients franchirent la porte, leurs regards s'illuminèrent à la vue de ses oeuvres présentées et il frissonna lui-même d’émotion en les voyant savourer quelques échantillons offerts. la reconnaissance dans les yeux des clients était la récompense ultime, une confirmation tangible que cette boutique occuperait désormais une place particulière dans le cœur des amateurs de chocolat. l’accomplissement d’un homme, la fierté d’une famille et le dur travail de son père – et pourtant, jorja ne s’y intéresse pas. obsédée par sa recherche de perfection, elle ne pense qu’à la danse jour et nuit et trie tous les éléments de sa vie, en fonction. les aliments compris, et refuse de voir plus loin que son propre jugement, même si elle sait que cette position blesse son père, jorja considère que le chocolat n’est pas bon pour elle.

2010, l’ombre au tableau tw: orthorexie, maladie, grooming au fil des ans, jorja avait sacrifié beaucoup pour son art. les liens avec son père s’étaient distendus. son absence lors de l’inauguration de la chocolaterie n’avait jamais été évoqué, mais il le retenait toujours contre elle – surtout, qu’il ne comprenait pas l’étau enserré qu’était son trouble alimentaire. personne n’arrivait à briser sa routine, elle était trop perdue dans ses obsessions de perfection physique et artistique. pourtant, alors même que la danse l’absorbait entièrement, son monde se retrouve bien secoué quand inaya annonce qu’elle est atteinte d’un cancer du sein. ça la fait trembler, ça allait mettre à l’épreuve ses capacités de résilience, elle s’attendait à ce qu’on l’abandonne encore une fois. surtout qu’au fil des mois, sa figure devenait de plus en plus chétive et jorja comprenait que c’est la maladie allait gagner, pas inaya. sa belle-mère a toujours ce regard doux porté sur le monde, elle se montre forte, à n’en pas douter mais ce n’est pas assez. tout lui semble injuste. jorja se cache pour pleurer parce qu’à la maison, on n’a pas le droit de perdre espoir et on n’a pas envie d’avoir l’air triste à table pour offrir un tableau aussi sinistre à inaya. tout l’effraie. la perspective de la perte, de la mort, de l’absence, tout ça fait vriller son équilibre qui ne tenait déjà pas à grand chose. lui voit tout ça, il voit à quel point elle à un rien d’imploser. dans ses yeux sombres, elle trouve une connexion inédite. il dit la comprendre, il dit qu’elle est spéciale d’être déjà si mature pour son âge, il lui assure qu’il va l’aider à surmonter tout ça. et si ce soutien lui offre un répit bienvenu dans la tempête qu’elle traverse, elle ne sait pas qu’il n’est qu’éphémère parce que ses actions ne sont destinées qu’à le servir lui-même.

2011, la disparition tw : abus, deuil inaya n’est plus et ça fait mal, les fondations de la famille, de leur monde s’étaient écroulées, laissant une plaie béante dans ce tissu familial déjà fragile. jorja n’a pas le temps d’être éplorée, il lui faut se défendre ses attaques de sa cadette. la distance entre les deux sœurs s’accentue encore plus chaque jour, les cœurs brisés se fissurant un peu plus à chaque échange houleux. leur père, égaré dans son propre chagrin, tentait maladroitement de guider ses filles à travers le deuil, mais ses efforts semblaient souvent vains face à l'ampleur de leur détresse. le coeur de jorja saigne pour inaya et pour disha, elle ressent de l’empathie sa cadette, sans parvenir à l’exprimer autrement qu’en essuyant ses reproches sans rien dire. elle voit comment elle se débat, entre colère, tristesse et désespoir et pour la première fois, elle regrette cette fracture qui les séparent. avec son père, les échanges étaient teintés de tristesse et de maladresse, leurs paroles chargées du poids des souvenirs enfouis et des espoirs brisés mais ils parvenaient à se tenir la main pour affronter cette épreuve. la danseuse essaye de faire bonne figure, à porter le poids de cette tragédie avec dignité mais elle se noyait sous le poids de l’impuissance. elle les voyait souffrir mais ne savait pas comment s’y prendre pour les apaiser. jorja se présente vers son protecteur pour qu’il puisse l’éclairer sur ses préoccupations de jeune fille affligée par la peine mais bourrée de bonnes volontés,  c’est le coup de grâce. il tente d’abuser d’elle, dans son état le plus vulnérable et jette une ombre sur le sanctuaire qu'est devenue la danse pour elle à jamais.

2012, le naufrage tw : tentative de suicide un nouveau gouffre s’était ouvert sous ses pieds. dansaient autour d’elle des spectres faisant remonter les sentiments de trahison et de peur, alors que le chagrin et le deuil la dévoraient déjà de l’intérieur. dans un geste désespéré pour leur échapper, jorja se tourne vers l’oubli. elle sait qu’on a rangé les puissants anti-douleurs d’inaya dans la pharmacie et la morphine lui promet un soulagement, peu importe la durée, un répit est le bienvenu dans toute cette tourmente. il n’y a pas de lumière au bout du tunnel, pas de lueur d’espoir qui vacille, pas de figure familière pour l’accueillir au paradis. à la place, elle se réveille dans une chambre d’hôpital et c’est la main de son père qu’elle saisit. premier contact à son retour de ce sommeil qui aurait pu durer une éternité. ils n’arrivent pas à parler mais il serre un peu plus fort sa main dans ses doigts. un rappel poignant qu’il est là, qu’elle compte à ses yeux. impossible de ne pas s’en vouloir pour la peine supplémentaire qu’elle lui a infligée, impossible de ne pas lui promettre qu’elle va se relever, et lui aussi, qu’ils sortiront de ces ténèbres ensemble.

2014, l’instituttw : dépression au milieu des ruines, ils se sont relevés. jorja a fait de son mieux mais doit également rendre grâce à tout ce qui l’aide à aller mieux ; la thérapie, les antidépresseurs, les endorphines que procurent le chocolat et surtout, son père. si elle lui offrit une épaule solide sur laquelle s’appuyer et que leurs conversations, autrefois rares et chargées d'incompréhension, se transformèrent en échanges empreints de tendresse et de soutien mutuel, lui, lui tendit la main. jorja ne montait plus sur des pointes et avait claqué les portes du conservatoire du jour au lendemain. elle ne s’était pas inscrite à la fac non plus et passait la majeure partie de son temps à la maison. du moins, les premiers mois après sa sortie d’hospitalisation. elle remettait de l’ordre en faisant le tri dans la demeure familiale, avant de faire le ménage chez les autres contre de l’argent et prenaient d’autres petits boulots qui se présentaient à elle, de façon occasionnelle. le simple fait d’exister lui demandait beaucoup d’énergie, elle n’arrivait pas à penser plus loin que la fin de journée alors il lui était impossible de se projeter.

durant la période des fêtes, les commandes se multiplient et les visites des clients à la boutique également. elle vient l’aider à jouer les vendeuses, comme quand elle le faisait quelques fois plus petite et c’est de cette façon qu’elle découvre comment vivait son père pendant tout ce temps. ses narines s’habituent à ce parfum de chocolat fraîchement confectionné, chaque effluve vient d’heures passées dans son atelier à perfectionner chaque recette. une lueur de fierté brillait dans les yeux de son père quand elle se glissa à côté de lui et qu’elle le regarda s’appliquer avec amour et minutie. avant même qu’elle ne comprenne comment, jorja se retrouva elle aussi avec les mains tâchées de chocolat fondu, à manipuler des moules délicats. ça vient comme ça, l’idée s’immisce doucement avant qu’elle ne lui annonce “moi aussi, papa, j’ai envie de faire ça”.

jorja se forma dans un des principaux instituts culinaires du queensland, ici, à brisbane. son père débloqua un petit fond pour lui permettre de suivre ses études et en échange, elle lui prêtait main forte à la chocolaterie dès qu’elle pouvait. elle avait hésité au départ ; jorja ne serait pas jorja si elle n’était pas pétrie de doute. est-ce qu’elle avait l’étoffe de se lancer dans ce domaine ? est-ce qu’elle ne ferait mieux pas de se cantonner à la cuisine ? est-ce que ce serait suffisant pour atteindre le niveau d’excellence de son père ? les journées de cours sont longues et requièrent une énergie et une discipline qu’elle sait déployer, mais d’une façon qui est loin de lui être familière. pourtant, elle s’accroche et parvient à naviguer assez bien pour pouvoir s’orienter dans la pâtisserie-chocolaterie et suivre les pas de son père. même si elle est bien loin du chemin qu’elle imaginait pour elle-même, loin des projecteurs et des scènes orchestrées, sa vie prend enfin un sens. jorja a le sentiment d’avoir trouvé sa place grâce au savoir-faire hérité de son père, cette voie est parfaite pour faire honneur à sa famille.

2016, le travail chaque création partagée et chaque sourire suscité lors d’une première bouchée alimentait la flamme de fierté dans son fierté. son regard porté sur la nourriture est totalement différent, tout comme elle a appris à être plus spontanée. jorja découvre une certaine liberté et se sent plus vivante que jamais, à travailler dans ce domaine. la rigueur que la danse classique avait forgé chez elle lui est bien utile et même si son côté perfectionniste n’est jamais bien loin, il lui rend service, cette fois. elle se distingue lors de quelques concours de pâtisserie, avec le soutien de son père et est repérée pour intégrer un établissement hôtelier réputé à sydney, en tant que commis pâtissier. elle y restera trois ans, avant de décider de se former ici et ailleurs, dans différents restaurants, au fil des rencontres et des opportunités. elle tombera amoureuse de la france lors d’un voyage pour assister à la coupe du monde de pâtisserie, où elle assistera également à plusieurs masterclass. voyage qui lui prendra une grande partie de ses économies de l’époque et qui lui feront prendre une décision importante. émue par le savoir-faire d’un artisan du chocolat, elle se rappelle son père, sa passion et sa boutique qui témoigne de son amour pour le métier.

2020, l’entreprise
– hera et moi, on s’est dit qu’on partirait bien en voyage… elle va peut-être m’emmener au vietnam.
– comment ça ? qui est-ce qui va gérer la boutique ?
– tu te débrouilles déjà bien toute seule.
– papa…

cette boutique était une déclaration silencieuse à la passion et au dévouement qui avaient guidé les mains de jason weaver, tout au long de sa carrière. jorja travaillait avec lui depuis une année, seulement, et l’expérience était plaisante. elle aimait cette petite routine qu’ils avaient installés. la petite cloche au-dessus de la porte tintait doucement à chaque arrivée et départ de client, un doux carillon qui avait marqué le début d'une nouvelle aventure pour elle, mais aussi un projet qu’elle composait à quatre mains avec son père. c’était bien plus modeste que certains palaces où elle avait pu travailler et c’était mieux comme ça ; leurs chocolats et le plaisir qu’ils procuraient étaient accessibles à tous. ici, elle se sentait également libre d’explorer toutes les idées que lui soufflait son énergie créative. elle savait qu’il lui faisait confiance et pour lui laisser ce trésor entre les mains. elle ne sait pas si c’est la meilleure décision pour elle de s’attacher à la chocolaterie familiale de cette façon, de prendre la responsabilité de porter l’héritage familial, elle doute d’être à la hauteur, mais il faut au moins qu’elle essaie. elle sait que rien au monde ne ferait plus plaisir à son père.

2022, le nouvel an il avait attiré son regard cette nuit-là, ce trente-et-un décembre, son sourire fut la première chose qu’elle remarqua. elle ne se doutait pas que ce serait le début d’une histoire même quand elle initia leur premier baiser, sous les feux d’artifice, le temps des premières secondes de cette nouvelle année. impossible de lui résister. jorja s’était sentie grisée par un vent de liberté venu souffler sur elle, déliant quelques inhibitions en elle, le champagne avait aussi aidé et elle avait fini par lui demander son numéro, à ce musicien aux bras tatoués. et les voilà, deux ans plus tard, à former une bonne équipe alors que rien ne les prédestinait à être ensemble au départ. ils avaient eu leur lot d’épreuves et oui, ils s’étaient bien trouvés pour réparer le mal qu’on leur avait fait. les yeux pétillent quand il est dans la même pièce, johann est une source de joie et d’inspiration, un ami, un confident. rien n’est évident mais ils apprennent, il faut reprendre les bases : communiquer, rire, s’apaiser, pleurer, se réconforter, se contenir, se dévoiler un peu plus à deux. et se sentir heureux.

2024, la liberté jorja n’est pas entière. elle ne sait même pas ce qu’elle est, elle est parfois vide, elle est parfois trop. elle pourrait être faite en pâte à modeler, façonnée par le monde et ses attentes, les gens croisés, par les gens qu’elle pense aimer alors qu’elle osait à peine leur dire. elle ne sait pas ce que ce que ça fait d’avoir confiance en soi, assez pour pouvoir affirmer ce genre de choses. pour que ce soit concret et sincère, il faudrait que ça vienne d’elle-même, mais elle n’est pas sûre que ce serait joli à voir, encore moins accepté. pourtant, ça lui pèse de moins en moins de ne pas savoir s’il y a du “elle” quelque part. le regard change, du moins, veut changer et se montrer moins sévère. au fond, le plus important n’est pas de s’aimer soi-même mais d’aimer être soi. rien que ça, ça fait la différence. maintenant, elle s’offre des expériences et se montre reconnaissante pour un rien – (le premier client du matin, la chance de pouvoir assister aux représentations de l’orchestre où joue hera, d'avoir encore son père à ses côtés, sa mémoire gustative qu’elle travaille assidument pour pouvoir rivaliser avec la sienne, le verre de vin en racontant à johann sa journée, les discussions avec disha qui ne finissent pas en déclaration de guerre et même pour sa mère, qui lui envoient un message, parfois). pleins de petits riens qui forment un tout plus serein. ah et jorja danse à nouveau ; ses mouvements sont fluides, elle suit son propre rythme. elle danse sur des talons hauts ou pieds nus dans le sable, dans les bras de johann. elle vient de passer cette fameuse étape des trente ans, maintenant rien n'entrave sa liberté de disposer de la musique et de son corps comme elle l'entend. et ça lui fait le plus grand bien.