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(o u t f i t) · L'institutrice rappelle à l’ordre certains de ses élèves au fond du bus, pour la énième fois aujourd’hui. Il faut dire que les enfants sont particulièrement enthousiastes à propos de cette sortie scolaire, ce qui les rend forcément plus dissipés. Heureusement le bâtiment de l’orchestre symphonique n’est plus qu’à quelques mètres ; tout le monde va bientôt pouvoir sortir du véhicule pour se dégourdir un peu les jambes.

Une fois à l’arrêt, Liv descend la première, échange quelques mots avec le chauffeur tandis qu’elle se poste devant la portière pour compter chacun des écoliers qui s’en extirpe au fur et à mesure. “En rang, deux par deux s’il-vous-plaît !” Demande-t-elle d’une voix légèrement autoritaire. Bien rapidement, elle est rejointe par la maman d’une des élèves de la classe qui termine de faire sortir les derniers chenapans de l’autocar, puis la petite troupe s’engage vers l’intérieur de l’édifice.

Ils sont accueillis par un homme qui se présente comme étant le chef d’orchestre ; les enfants se tiennent désormais beaucoup plus tranquilles devant la prestance de leur hôte, buvant les paroles de ce dernier, impatients de pouvoir visiter ce lieu un peu insolite. Du coin de l'œil, la Morgan reconnaît Hera et la salue d’une main, large sourire aux lèvres. Elle est plus que conquise d’avoir réussi à organiser et planifier dans les moindres détails cette sortie scolaire avec son ancienne amie, puisqu’après tout, elles sont les deux principales instigatrices de petite excursion.

Le groupe d’enfants et leur institutrice commencent à visiter les lieux durant une trentaine de minute, plusieurs membres de l’orchestre les ayant rejoints pour se présenter et faire quelques commentaires sur l’endroit. La plupart des élèves sont très attentifs et investis dans cet apprentissage, les yeux brillants d’admiration lorsque vient finalement le moment de découvrir les différents instruments dont dispose l’ensemble musical. Olive profite de ce moment où tout le monde est un peu occupé pour se rapprocher de la Weaver avec qui elle n’a pas pu vraiment discuter depuis leur arrivée en ces lieux ; les deux femmes s'étant jusqu'ici contenter d’échanger quelques regards de temps à autre.

Elle rejoint donc son ancienne amie à proximité de la scène philharmonique, rictus chaleureux aux lèvres au moment où elle arrive à sa hauteur. “Merci encore d’avoir accepté de nous recevoir. Les enfants ont l’air ravis de cette sortie, je suis contente.” Dit-elle d’une voix amicale, ne pouvant s’empêcher de fixer une demi seconde le visage de son interlocutrice ; les années ont beau avoir laissé ici et là quelques traces de leur passage, Hera est toujours aussi belle et charismatique qu’à l’époque où elles se sont connues. C’est étrange de repenser à ces moments-là, l’australienne ayant presque l’impression que tous ces souvenirs appartiennent à une autre personne qu’elle ; car tout lui semble tellement différent aujourd’hui.

Elle lève les yeux pour observer les alentours, puis repose ses pupilles sur la percussionniste. “Et cet endroit est vraiment impressionnant.” Ajoute-t-elle en hochant la tête. Puis son regard s’adoucit un peu plus, tout comme le sourire à ses lippes se fait plus tendre. “Ça fait plaisir de te pouvoir te parler, en chair et en os… Depuis le temps.” Leurs échanges des dernières années se résument à de simples messages sur les réseaux sociaux, médias qui lui ont permis de reprendre contact à plusieurs reprises durant les deux dernières décennies. Pour autant, ce n'est finalement que récemment qu'un lien a doucement recommencé à se tisser entre elles, puisque la Morgan est désormais libre de faire ce qui lui chante, même de revoir une ancienne conquête, comme c'est le cas ici présent.

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(o u t f i t) · C’est étrange de se retrouver à nouveau face à Hera ; plus de vingt années séparent l’enseignante de la dernière fois où leurs regards s’étaient croisés. Elles n’avaient passé que quelques semaines ensemble à cette époque, relation éphémère à Sydney, chacune à une intersection de leur vie ; elles ne s’étaient jamais rien promis de particulier, sauf peut-être de garder contact, de se revoir lorsqu’elles reviendraient toutes les deux à Brisbane. Promesse non tenue ; bien que leurs chemins ne cessaient de se croiser ça n’était jamais le bon moment et puis le temps ayant fait son œuvre, deux décennies se sont finalement écoulées avant ces véritables retrouvailles.

La percussionniste lui avoue être également ravie du bon déroulé de la sortie scolaire, yeux pétillants de gratitude du côté de l'institutrice. “Merci, vraiment.” Répète-t-elle, touchée par la gentillesse de son interlocutrice ; la Weaver aurait pu ne se contenter que du minimum, mais au contraire elle s’est investie dans l’organisation, dirigeant Olive vers les bonnes personnes pour faire ses demandes, l’aidant dans ses démarches et la paperasse à remplir avec l’école. C’est presque comme si tout cela lui avait tenu autant à cœur qu'à la Morgan, ce qui ne manque pas d’atteindre le petit myocarde flétri de cette dernière.

L’institutrice reconnaît que l’endroit est impressionnant et son homologue appuie ses propos, avouant être encore parfois surprise par le lieu après plusieurs années à y travailler. “J’imagine. Ça doit être encore plus sensationnel lorsque vous faites des représentations !” Son sourire s’élargit lorsque Hera lui dit qu’elle est également heureuse de la revoir, lueur sincère dans ses yeux qui ne fait qu'accroître la tendresse dans le regard de la concernée. “Il nous aura fallu plus de vingt-ans, mais mieux tard que jamais, n’est-ce pas ?” Un petit rire file entre ses lèvres, avant qu’elle ne retrouve un peu son sérieux.

Puis c’est la Weaver qui reprend la parole, demandant à son interlocutrice comme celle-ci se porte. “Oh ça va, tu sais, la routine quoi.” Liv n’a pas envie d’étaler outre mesure ses états d’âme du moment. Cette semaine, ses enfants sont chez leur père, alors disons que la maison lui paraît bien vide et bien silencieuse, surtout le soir. Il n’y a que Cleo, leur vieux chat pour l’accompagner dans ces soirées en solitaire. C’est un peu triste, un peu pathétique même à son sens ; elle ne veut pas donner cette image à Hera, ni gâcher cette rencontre qu’elles attendaient toutes les deux avec impatience, même si elle reste certaine que son ancienne amie ne la jugerait pas. “Et toi ? Quoi de neuf ?” La questionne-t-elle à son tour en souriant une nouvelle fois, passant ses doigts dans sa chevelure brune pour accrocher une mèche derrière son oreille ; manie qu’elle n’a jamais perdue avec l’âge.

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(o u t f i t) · Les premières minutes en présence de Hera, l'institutrice craint qu’un malaise se crée entre elles ; cela fait vingt ans qu’elles n’avaient pas parlé face à face, après tout. Toutes les raisons auraient pu être réunies pour que l’échange ne soit pas fluide, pour que l’une ou l’autre se rende compte qu’en fait, elles n’ont strictement rien à se dire, qu’elles n’ont plus rien en commun. Mais il n’en est rien de tout ça ; c’est même plutôt le contraire, à dire vrai. Une fois les premières paroles échangées, la réserve passagère de la Morgan s’estompe, laissant place à de grands sourires et une lueur chaleureuse dans le regard.

D’ailleurs, la Weaver acquiesce à ses mots, avouant que le temps a filé à toute vitesse ; même si d’après elle, Liv n’a pas vraiment changé. Un petit rire sincère s’échappe de la gorge de la concernée. “Tu me flattes. Je suis pourtant certaine que je n’avais pas autant de rides ni de cellulites quand j’avais la vingtaine…” Elle a bien du mal à croire qu’après plus de quinze ans de mariage et quatre enfants à élever, elle n’est pas vieillie. Mais le compliment lui fait tout de même plaisir et une légère teinte de rouge empourpre discrètement ses joues, le temps de quelques secondes.

Les deux femmes ont beau avoir pris des chemins radicalement différents au fil des années, elles semblent en tout cas en être arrivées à ce même moment de leur vie où la routine s’est installée et se fait prédominante dans leur existence. Olive sourit une nouvelle fois, hochant doucement la tête avec compassion lorsque la percussionniste affirme n’avoir rien de plus excitant à regarder.  Cette dernière ajoute cependant que le métier d'institutrice va bien à l’intéressée et le rictus de celle-ci s’élargit un peu plus. “Ah oui, tu trouves ? C’est gentil…” Ses yeux se baissent momentanément puis elle hoche les épaules, à la fois touchée et troublée. “C’est loin des ambitions que j’avais lorsqu’on s’est connu mais… Ça me plait en tout cas, comme métier.” Et comme pour illustrer ses mots, l’un de ses élèves vient se blottir contre sa professeure. “Maîtressssseeeeee ! Adrien s’est moqué de moi quand j’ai voulu jouer de la contebrasse en disant que j’étais trop nul !” Douce risette s’échappe de sa bouche tandis qu’elle échange un regard complice et amusé avec son ancienne amie. “Tu veux plutôt dire, de la contrebasse ?” Demande-t-elle, avant de s’éloigner légèrement pour pouvoir s’accroupir devant l’enfant, posant ses mains sur ses petites épaules. “Pourquoi tu n’y retournes pas et tu ne demandes pas à l'un des musiciens de te montrer comment en jouer, pour montrer à Adrien à quel point il s’est trompé, hein ?” Regain d’énergie trouvé, le gosse acquiesce vivement puis repart en courant aussi vite qu’il est arrivé. La brune se redresse alors, faisant à nouveau face à son homologue ; se penchant un peu en avant tout passant ses mains dans son dos. “Bon et toi alors, raconte-moi un peu ta vie, ne sois pas timide ! Je veux tout savoir ! Que fait la talentueuse Hera Weaver en dehors du Queensland Symphony Orchestra depuis toutes ces années ?” A-t-elle une famille ? Quelqu’un avec qui elle partage sa vie ? Des hobby ? Leurs conversations ont été tellement succinctes pendant tout ce temps, c’est finalement l’équivalent de toute une vie que Liv doit apprendre à connaître désormais.