@Elijah Hawkins
Du point de vue de Brody, le séjour a eu l'effet escompté sur son cher et tendre. Il ne sait pas si c'est la neige qui a été efficace, si c'est simplement la découverte d'un autre pays si loin du leur ou les piètres tentatives de Brody de s'exprimer en français. Toujours est-il qu'Eli a retrouvé le sourire. Il lui semble même moins soucieux, désormais. De son côté de la table, c'est en tout cas une version apaisée, voire même émerveillée, d'Elijah qu'il peut admirer sous les lumières colorées de la fête. Il a les traits sereins. Le petit pli qui s'était formé entre ses sourcils ces dernières semaines ne s'est pas montré depuis quelques jours. Il ne sait pas ce qui se trame dans l'esprit de son lapin, Brody. Il ne peut pas affirmer haut et fort qu'il va mieux, qu'il n'est plus inquiet, qu'il n'a plus peur. Ces choses-là ne disparaissent pas facilement. Le trentenaire est bien placé pour savoir que souvent, elles sont tapies dans l'ombre et qu'il faut bien plus qu'un voyage pour qu'elles disparaissent pour de bon. Mais Eli a l'air heureux et à cet instant, c'est tout ce qui compte. Brody n'a besoin de rien de plus. La preuve, il ne quitte pas l'autre homme des yeux alors même qu'autour d'eux, les animations ont de quoi attirer l'œil. La magie est partout, c'est la thématique du soir. Dans le grand restaurant de l'hôtel, les prestidigitateurs sont venus divertir les clients. Des grandes scènes aux animations plus intimistes faites directement à table, impossible de s'ennuyer. Il y en a pour tous les goûts, avec un seul mot d'ordre : être spectaculaire. Mais toutes les bonnes choses ont une fin et le magicien qui fait le show sur la petite scène du restaurant est le dernier de la liste. Bientôt, les illusions prendront fin et il faudra soit se diriger vers le bar pour un dernier verre, soit déplacer le spectacle dans leur propre chambre, where the magic happens, comme on dit.

- C'est quand même frustrant, commente Brody qui cesse enfin d'admirer le joli minois d'Elijah pour s'intéresser à ce qui se passe quelques mètres plus loin. Je peux pas m'empêcher d'essayer de deviner leurs combines, mais c'est mission impossible.

Il faut reconnaître qu'ils ont du talent et que c'est un vrai métier, magicien. On est loin des spectacles que tous les enfants essaient de faire au moins une fois dans leur scolarité. Ici, impossible de voir quelle astuce permet de réaliser les tours. Les choses sont faites trop rapidement, sont constituées de détails si petits que seul un œil entraîné peut percevoir. Ou peut-être que Brody n'est juste pas assez attentif. Ce n'est pas en admirant Elijah qu'il devinera comment les uns arrivent à berner les autres, après tout.

- Tu veux un dernier verre après ? Ou tu préfères que je te fasse un tour de magie dans la chambre ?, ne peut-il s'empêcher de plaisanter, penché vers son lapin, bien que sérieux dans sa proposition.

@Elijah Hawkins
Imaginer une version miniature d'Elijah en train de faire des tours de magie amuse beaucoup l'homme qui ne retient pas son sourire. Il sait que le plus jeune n'a pas eu une enfance facile, qu'il l'a passée dans un foyer, qu'il a fallu du temps pour qu'il trouve une famille. Alors il comprend l'envie de devenir magicien. Aux yeux d'un enfant, c'est forcément un rêve. Qui n'a pas envie d'apprendre à faire disparaître les choses ou à faire apparaître des pièces de monnaie derrière l'oreille d'un convive ? Si les tours parviennent à émerveiller les adultes, nul doute qu'ils ont un effet encore plus grand sur les enfants.

- Peut-être que c'est plus simple maintenant, avec les tutos. Je t'achèterai un paquet de cartes, t'auras qu'à retenter l'expérience.

Et puis, si ça ne marche toujours pas, rien ne les empêche de trouver un autre spectacle de magie auquel se rendre. Ce n'est certainement pas ce qui manque, dans une grande ville comme Brisbane. Peut-être même que Brody pourrait se renseigner auprès des agences d'événementiel avec lesquelles il arrive à la start-up de bosser. Toutefois, cette pensée est vite éclipsée de son esprit. Il est encore en vacances, il est donc interdit de penser au travail maintenant. Il aura tout le temps de se replonger dans ses dossiers lorsqu'ils seront de retour. Pour l'heure, ils sont encore dans leur bulle, loin de tout et de tout le monde. Ils peuvent encore profiter du Canada, de sa neige, de la chaleur de ses habitants. D'eux, aussi, et de la tranquillité dans laquelle ils sont. Brody a envie de voir encore un peu l'émerveillement dans le regard d'Elijah et le sourire sur ses lèvres. Deux éléments qui ne coûtent rien mais qui lui réchauffent le cœur en instant, plus encore quand le plus jeune donne suite à ses propositions.

- Je suis même excellent, je sais faire disparaître les vêtements en un clin d'œil, confie-t-il avec toute la modestie du monde juste avant qu'un compromis ne soit proposé. Un dernier verre dans la chambre, nouvelle scène pour faire preuve de magie. Sans surprise, Brody accepte dans un hochement de tête. Parfait, allons-y.

Ils abandonnent leur table, mais le trentenaire ne s'éloigne pas tout à fait. Il change d'avis à la dernière seconde, marque un détour, s'arrête au bar de la salle de restauration, demande une bouteille de champagne. Dans leur cas, le room service aurait sûrement pu être utile mais l'homme ne tient pas tellement à être dérangé, surtout si on le laisse faire une démonstration de ses talents dignes de Houdini. Ce n'est qu'une fois la bouteille dans une main et deux flûtes dans une autre qu'il revient vers son lapin, tout sourire.

- Maintenant on peut y aller, annonce-t-il en se dirigeant droit vers l'ascenseur qui leur permettra de regagner leur chambre.

Calé contre la paroi de l'habitacle, Brody ne peut s'empêcher d'observer Elijah et de se satisfaire de tout le bonheur qu'il parvient à lire sur son visage. Il ne fait aucun doute que ce voyage était une bonne idée.

- Si j'avais su que la magie te ferait un tel effet, j'aurais trouvé un spectacle bien plus tôt, commente-t-il alors que le tintement de l'ascenseur annonce leur arrivée au bon étage.

@Elijah Hawkins
Pour une fois, force est de constater qu'Elijah a raison. Ils ont beau se connaître depuis un moment maintenant, les deux hommes découvrent des facettes d'eux-mêmes chaque jour. De quelque chose d'aussi simple qu'une anecdote à des traits de personnalité, il existe bien des couches à découvrir, à appréhender et à adopter. Ces derniers temps, ce constat est particulièrement vrai. Brody a vu une autre facette d'Eli. Celle qui a peur pour sa famille, celle qui est plus fragile, celle qui s'inquiète. Celle que Brody avait pu apercevoir lors de leur voyage à Hawaii, autre lieu éloigné qui lui aura permis d'en apprendre davantage sur l'histoire familiale d'Elijah. Ce soir, l'ambiance est plus légère qu'elle ne l'était ce soir-là. Pas de parents déplorables à blâmer, rien d'autre que de la magie, de l'alcool et le sourire idiot d'un Brody ravi de voir son Elijah aussi heureux.

- Rien de particulier, je me suis dit que c'était une bonne façon de terminer cette soirée, répond-il avec un petit haussement d'épaule, justifiant ainsi l'action spontanée dans laquelle il n'a pas mis plus de profondeur que cela.

Il imagine déjà la tournure que prendra leur nuit, Brody. Déjà prêt à ouvrir la bouteille, il n'en fait toutefois rien quand il voit Elijah s'approcher. A la place, il la pose sur le guéridon de l'entrée avec les deux flutes, son attention immédiatement happée par la silhouette qui s'approche au point de pouvoir bientôt le toucher. Le visage pris entre les mains d'Elijah, le trentenaire affiche un sourire en réponse au premier remerciement. Il ne s'attend pas à un merci, Brody. Ses gestes ne sont jamais guidés par un besoin de reconnaissance. S'il a organisé ce voyage, c'est uniquement parce qu'il avait envie de revoir la neige et parce que la faire découvrir au plus jeune lui a semblé être une bonne idée. Il ne veut pas qu'on imagine qu'il agit pour qu'on lui en soit redevable, ou pour acheter l'affection d'Elijah. Affection ou amour, d'ailleurs. Parce que c'est ce chemin que prennent les remerciements qui suivent. Le 'je t'aime' est lâché si vite qu'il croit un instant l'avoir imaginé. Il écarquille les yeux, Brody. Il bugue, même. S'il n'attendait pas de remerciement, il n'attendait encore moins de déclaration, aussi brève soit-elle. Parce que tout ceci est improbable, n'est-ce pas ? Parce qu'en même temps, ça ne l'est pas tant que ça. Parce que les mots sont précipités mais que la petite partie de Brody encore connectée à l'instant présent sait que c'est vrai, que c'est réel, que c'est sincère. Et partagé. Il doit bien admettre qu'il les sent, ses propres battements de cœur qui s'accélèrent comme en réponse aux sentiments exprimés par Elijah. Ce n'est pas un signe de panique, pas cette fois-ci. Loin de lui l'idée de s'enfuir. Les battements ont un goût plus doux, un goût satisfaisant, un goût addictif. Ce qu'il est bon de se savoir aimé, aussi surprenant que ce soit de l'entendre. Surprise et réciprocité s'entremêlent alors qu'il recule un peu son visage pour pouvoir poser les yeux sur l'homme qui se penche déjà sur lui.

- Tu quoi ?

@Elijah Hawkins
Le choc est passé, il laisse place à un sourire sur le visage de Brody. Il sait que ses propres sentiments existent. C’est ce qui le guide à prendre autant soin d’Elijah, à veiller autant à son bien-être. S’il s’en fichait, s’il ne ressentait rien de plus que de l’attraction, le trentenaire ne se serait pas donné tant de mal à faire revenir la bonne humeur chez le plus jeune. Dans sa façon d’agir, Brody a prouvé ses sentiments. Peut-être même qu’ils existent depuis plus longtemps encore, qu’ils étaient déjà là le jour où Eli lui a raconté les tristes épisodes de son enfance. Qu’il y avait déjà de la romance dans ce début de quelque chose qui a fait tilt chez lui à leur retour d’Hawaii. Les mois passés ensemble n’auront fait que renforcer la nature des sentiments. Discrètement, subtilement, sans que jamais ils ne s’en inquiètent. C’est tout l’avantage d’être sur la même longueur d’ondes. Les craintes n’ont pas l’occasion de se former, de se montrer, de tout déformer. Tout s’est fait naturellement, sans jamais rien remettre en cause. Alors il reste serein, Brody. Heureux, même, de savoir qu’il n’est pas le seul à s’être fait avoir par leur propre jeu.

Mais il sent qu’Eli n’est pas aussi serein que lui, que dans sa tête les craintes s’installent. Il est même capable de dire à quel moment le plus jeune a réalisé ce qu’il venait de dire et toute l’ampleur de ses mots, tous les risques qu’ils comprennent. Il le voit dans la manière dont il recule, dans la manière dont il essaie de noyer le poisson, détournant l’attention du trentenaire en revenant sur le tour qu’il a promis de lui faire. Manque de chance, son compagnon est d’humeur taquine, lui le privilégié qui sait que ses sentiments sont réciproques et qui ne craint rien. Brody ne le laisse pas s’enfuir. Il a un petit air narquois sur les lèvres quand ses bras entourent la taille de l’autre homme et l’empêchent de trop reculer.

– Juste merci, mh ?, relève-t-il.

On ne l’a jamais remercié de cette façon. C’est bien la première fois que des remerciements se muent en déclaration, et il n’est pas très complexe de deviner que cela ne fait pas non plus partie des habitudes d’Elijah. Impossible qu’il oublie, Brody. Il aurait pu prétendre que rien de tout ça n’existait s’il l’avait voulu. Dans d’autres circonstances, avec quelqu’un d’autre, sans doute l’aurait-il fait jusqu’au retour au bercail, jusqu’à ce qu’il puisse prendre la fuite sans demander son reste. Mais pas là, pas avec Elijah, qu’il continue de regarder avec amusement.

– Parce que moi je crois avoir entendu un truc qui commence par “je” et qui finit par “t’aime”, reprend-il d’un faux air suspicieux, le regard bien ancré dans les prunelles claires de son lapin.

Sans le lâcher, Brody s’avance un peu dans la chambre, embarquant Eli dans son mouvement. Le pauvre a le droit à une séance de torture personnalisée.

– Mais peut-être que c’était une illusion et que c’est ton côté magicien qui ressort. Ou alors c’est le champagne, j’ai pris au moins deux coupes.

@Elijah Hawkins
Elijah est de bon conseil, pour une fois. Car si hallucination il y avait réellement, Brody n'aurait pas hésité à consulter, effectivement. En urgence. Déclaration ou pas, il se serait envolé illico presto. Mais le trentenaire sait très bien ce qu'il a entendu. Elijah sait très bien ce qu'il a dit. Rien de tout ça n'est une illusion, quand bien même le plus jeune aurait peut-être préféré que ce soit le cas.

- T'as raison, c'est peut-être le début de la fin... Mais tu seras pas sans rien s'il m'arrive quelque chose, je ne mets que les gens qui m'aiment sur mon testament et comme tu viens de rejoindre ce club, le taquine-t-il en haussant les épaules en guise de conclusion.

Il s'amuse comme un petit fou, Brody. Son visage le trahit à chaque recoin. Cette conversation est plus divertissante que le spectacle qu'ils ont quitté quelques minutes plus tôt, et de loin. Les occasions d'embêter Elijah ne sont pas si fréquentes. Du moins, pas celles où le pauvre garçon ne peut pas faire grand chose pour se défendre. Il faut toutefois reconnaître qu'il fait des efforts pour essayer de s'en sortir. Tout comme il faut admettre que ce n'est effectivement pas son genre. C'est ce qui rend les trois petits mots plus précieux encore, plus importants, plus profonds. Sans connaître toute la vie d'Elijah de a à z, Brody en sait assez pour savoir que ces sentiments-là ne sont pas fréquents dans le cœur de son lapin. Le trentenaire fait partie d'un cercle restreint de privilégiés, et c'est ainsi qu'il se sent. Privilégié, heureux, chanceux... et définitivement taquin. Brody est un sale gosse que rien n'arrête ce soir, pas même une remarque sur sa vieillesse, sujet pourtant sensible en temps normal mais pour lequel il choisit de ne pas s'offusquer.

- Comment ça, ça ne change rien ? Ca veut dire que tu n'as pas commandé d'avion avec une banderole "Brody, je t'aime" ?, s'étonne-t-il alors que le sourire s'efface pour laisser place à une légère moue. Il faut au moins ça pour me charmer, tu sais.

A ce stade, le trentenaire dit n'importe quoi. Il ne faut pas grand chose pour le charmer. Pas quand on s'appelle Elijah et qu'on coche déjà toutes les cases. Elijah qu'il continue de torturer. Elijah qui l'amuse malgré lui. Elijah qu'il aime mais qu'il préfère faire poireauter un peu. Elijah qui a néanmoins raison sur un point : ça ne change rien. S'aimer ne vient pas bousculer leurs avis sur les relations amoureuses et sur le chemin que celles-ci doivent prendre après un certain temps. S'aimer, ça ne veut pas dire qu'ils tomberont dans un quotidien peinard qui les rebute, qu'ils achèteront une jolie maison et la jolie voiture qui va avec, qu'ils se passeront la bague au doigt. Ils restent eux-mêmes, deux idiots qui s'aiment mais qui ne cesseront pas de se taquiner, de sortir, de (se) découvrir, et de grimacer devant la vie rangée des autres.

- Mais bon, je suppose que je peux me contenter d'un "T'es le meilleur, je t'aime".

@Elijah Hawkins
Il fallait s'en douter, les premiers signes de mécontentement finissent par se montrer. La mine d'Elijah se renfrogne. Bientôt, il fronce les sourcils. Puis c'est une grimace qui s'affiche. Et enfin, les mots qui expriment un regret, qui incite à passer à autre chose. Il faut comprendre le plus jeune. Ce n'est pas souvent qu'il s'ouvre ainsi. Brody avait dû aller jusqu'à titiller sa jalousie, la dernière fois qu'il a voulu le faire parler. Alors évidemment, maintenant qu'il a parlé sans le vouloir et que son compagnon s'en amuse, c'est plus compliqué. Mais c'est justement ce point qui divertit le plus âgé : la spontanéité, l'absence de contrôle, les trois petits mots qui ont échappé à Elijah et la réaction de ce dernier avec sa vaine tentative de noyer le poisson. L'idiot qui sait ses sentiments réciproques y a vu une opportunité d'embêter son cher et tendre sans trop se soucier du reste. C'est tout le problème de Brody : quand ça ne va pas, il tergiverse jusqu'à se priver de sommeil ; quand tout va bien, il ne réfléchit plus.

Il est toutefois assez attentif pour comprendre que c'est là le début de la limite. Qu'il faut passer à autre chose, ou plutôt qu'il faut laisser les taquineries derrière lui. Il ne perd néanmoins pas son sourire, le garde bien ancré sur ses lèvres. Ses bras sont restés autour d'Elijah, le serrent même un peu plus pour être sûr qu'il ne s'échappe pas avant qu'il puisse le dire ce qu'il en est vraiment. Ce serait tout de même dommage que le plus jeune passe la nuit à bouder alors qu'ils sont sur la même longueur d'ondes. Il l'ignore encore, voilà tout. Mais plus pour longtemps. Plus proche du plus grand, Brody le relâche, ses mains préférant prendre son visage en coupe. Le trentenaire ne plaisante plus maintenant, même si ses traits sont sereins et que son regard est doux.

- Je t'aime, déclare-t-il, jamais trop bavard sur ses sentiments, lui n'est pas de ceux qui font de grands discours.

D'autant plus qu'il n'en ressent pas le besoin. Un simple je t'aime devrait suffire pour qu'Elijah comprenne pourquoi le trentenaire a pris le sien avec si peu de gravité, pourquoi il ne s'est pas inquiété une seule seconde. Parce que ce n'est pas un drame, de s'aimer. Parce qu'ils le feront forcément avec les mêmes envies, le même regard, la même absence d'attentes traditionnelles. C'est ainsi qu'ils fonctionnent, c'est ainsi qu'ils continueront de fonctionner.

- T'as eu un tel bug que je ne pouvais pas ne pas t'embêter avant de te le dire, ajoute-t-il parce qu'il faut reconnaitre que d'un point de vue extérieur, la réaction d'Elijah était tout de même plutôt drôle.

Profitant d'avoir le visage du plus jeune entre ses paumes, Brody vient planter un baiser sur ses lèvres. Il le relâche ensuite, fait retomber ses mains sur la taille du lapin.

- Mais tu as raison, ça ne change pas grand chose. Je suis toujours moi et t'es toujours toi, conclut-il, vision simpliste de la situation mais qui reflète bien l'état d'esprit dans lequel ils sont depuis le début de leur relation. Avec eux, rien n'est jamais trop compliqué.

@Elijah Hawkins
Il y a des situations dans lesquelles se faire traiter d'enfoiré aurait sans nul irrité Brody ou lui aurait rappelé de mauvais souvenirs. Mais dans celle-ci, et prenant en compte le fait qu'il s'agit là de l'unique réponse d'Elijah à son je t'aime - typique de son cher et tendre, finalement -, le plus âgé ne retient pas son éclat de rire. Heureusement pour lui, Elijah décide de ne pas lui en tenir rigueur. Il aurait, de toute façon, été mal placé pour cela. Des deux, c'est bien le plus jeune qui détient un don pour emmerder le monde. Dans ce domaine, Brody a rarement le dessus.

- Qui aime bien châtie bien, mon lapin, répond-t-il avec la plus grande innocence.

Il est heureux de constater qu'un sourire revient sur le visage d'Eli. Fini l'air boudeur, il redevient lui-même. Au point où il se sent obligé de rappeler qu'il n'attend ni maison avec clôture, ni animal de compagnie, ni voiture. Malgré lui, Brody affiche un petit sourire. Cela fait longtemps qu'ils ont acté qu'aucune de leurs intentions ne collent à ce modèle de vie. A l'époque, cela avait même causé une énième dispute dans la relation que le trentenaire entretenait avec son ex. Cette fois-ci, rien à craindre. Aucun des deux ne désire se conformer à ce que la société attend des couples traditionnels. Et il y a peu de chances que cela change.

- Ah. Mince. Attends, il faut que j'appelle mon banquier pour lui dire d'arrêter le paiement du monospace, ne peut-il s'empêcher de plaisanter en faisant mine de s'éloigner.

Mais attiré comme un aimant, Brody ne semble pas réellement capable de se détacher d'Elijah. Il retrouve sa place contre lui, profite même de leur proximité pour laisser ses lèvres effleurer la mâchoire du plus jeune. De toutes les soirées passées au Canada, celle-ci est de loin la plus douce et la plus agréable. Elle contient néanmoins encore une surprise, que Brody ne tarde pas à découvrir quand le géant reprend la parole. Les magiciens qu'ils ont eu le loisir d'observer sur scène lui ont visiblement fait plus d'effet qu'il ne l'aurait cru. Entre le "je t'aime" et l'étiquette, Elijah sort des sentiers battus. Rien de tout ceci n'est habituel, pour eux. Et pour autant, il ne faut que quelques secondes, durant lesquelles il se redresse, pour prendre conscience qu'avoir une étiquette ou non ne changera rien à ce qu'ils ressentent aujourd'hui et à leur mode de fonctionnement. A ses yeux, ce n'est finalement qu'un mot.

- Presque parfait, non, réplique Brody qui nie de la tête. En revanche, parfait, oui, tu peux, ajoute-t-il, parce que son ego ne sait pas fonctionner sans flatterie, qu'importe si elles viennent de lui-même ou de quelqu'un d'autre.

Il n'est pourtant pas si parfait que cela, Brody. Surtout dans ses relations amoureuses. Il n'est pas communicatif, tergiversera dans son coin le jour où quelque chose se passe mal. Il panique parfois, oublie souvent de réfléchir quand il le devrait. Mais aujourd'hui, il n'y a pas de nuage à l'horizon. Aujourd'hui, il se vante sans complexe, tout sourire.

- N'empêche, je maintiens que j'aurais dû t'emmener à un spectacle de magiciens dès le début du séjour.