- Not said -
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La peur de l’abandon. Cette peur oppressante et dévorante qui te tiraille les entrailles. Qui te lacère et brûle le cœur. Qui te le réduit en un seul et unique même morceau. Cette peur, si puissante, qu’elle peut montrer le plus mauvais côté de soi-même. Qui peut briser des amitiés, - ou du moins - ne pas la rendre telle qu’elle était, même sincère. Parce que cette peur. Cette peur. Est si mordante qu’elle t’infliges une inquiétude si grande qu’elle invite à un repli sur soi. Un repli, capable de te protéger en cas de nouvelle douleur. Douleur infligée par une absence, un départ ou n’importe quelle autre raison qui te pousse même à t’en sentir coupable ou responsable. Même s’il y a aucun sens logique à cela.

Luka a toujours eu du mal avec cette peur. Elle l'oppresse. Elle le foudroie encore de l’intérieur même s’il apprend au fil des années à calmer ses angoisses. A ne pas trop les écouter et s’en sentir submergé. Mais ce n’est pas toujours facile. Il en a conscience. Il a toujours cette voix à l’intérieur de sa tête. Une petite voix vile et malhabile qu’on nomme esprit troublé quand les pensées prennent le dessus sur tout le reste.

Il l’a connu - au tout début - avec sa mère. Quand elle est partie du jour au lendemain, laissant son père et lui sur le palier de la porte. Il l’a ensuite connu avec son meilleur ami, son voisin, un confident et frère de cœur qui a dû repartir - lui aussi - en France, le laissant de nouveau seul et impuissant. Puis il l’a de nouveau connu avec Nola. Nola…. Nola qu'il s' est pris à aimer si doucement au fil des années. Nola qui a toujours su apaiser son cœur et lui donner une immense inspiration. Comme il regrette encore de lui avoir imposé un ultimatum. Comme il regrette encore de n'avoir pas su se contrôler en éprouvant encore cette peur de la voir partir et de ne plus jamais la voir revenir. Il s'en veut encore tellement pour ça. Il se déteste même, même si cela s'apparente désormais au passé car elle - aussi - est revenue. Elle lui a assuré de ne pas lui en vouloir. Elle lui a murmuré même qu'elle le comprenait. Mais Luka ne pourra jamais se défaire de cette culpabilité et c'est peut être pour cette raison qu'il a invité Simon, son meilleur ami, l'ami qui avait fini par partir lui aussi du haut de ses dix ans avant de revenir cinq ans plus tôt, sans qu'il ne parvienne encore vraiment à lui pardonner.

- Hey.

Une salutation qui respire encore quelque peu d’un regret, d’un éloignement subtile même s’ils ont de nouveau fini par se côtoyer, par se reparler. Mais dont les non dit respire encore au travers de leur amitié. Luka invite alors Simon à entrer. Il lui fait un mouvement de tête d’entrer dans cet appartement où il réside déjà depuis quelques années. Ce n’est pas forcément bien rangé. Il le sait. Il n’a pas beaucoup dormi cette nuit et il a fait que composer, laissant alors vêtements, feuilles et sa guitare, traîner au travers du canapé. Il aurait peut-être dû le faire, cela dit. Il s’en excuse presque du bout des lèvres et il masse sa nuque d’un air gêné tandis que son regard se pose sur Simon qui - tout le contraire de lui - n’est en rien replié.

- Pardon pour le bordel. Je n’ai pas eu le temps de ranger. Tu veux quelque chose à boire?

Car oui. Aujourd’hui. Il tient à parler, à mettre enfin ces non dits au travers de la table. Ce sont ses retrouvailles avec Nola qui lui ont fait prendre conscience que tant qu’ils n’en parlent pas. Tant qu’ils restent dans leur non-dit et qu’il n’exprimera pas ses ressentis. Ressentis, qu’il a tendance à garder enfouis. Rien ne s’arrangera et Luka ne tient pas à perdre ce meilleur ami qui lui manque d’une certaine manière. Il espère juste que cela n’est pas trop tard pour ça. Un léger sourire traverse alors la barrière de ses chairs et il désigne le canapé d’un mouvement de tête avant de se diriger vers la cuisine, tenue dans la même pièce, en l’interrogeant du regard.

- not said -
@Luka Reid
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(outfit) Souvent parmi les premiers arrivés et l’un des derniers à partir en temps normal, Simon fait exception à ses habitudes ce soir. Lorsque les dernières lumières de la scène se coupent et que celles des plafonniers s’allument dans la salle, il sait qu’il est temps pour lui de ranger. Ce soir il n’y aura pas de discussions avec les équipes du Queensland Performing Arts Center, pas de temps passé à aider les autres, pas de plaisanterie avec ceux qui il s’entend particulièrement bien, ni de verre partagé dans le bar du théâtre. Ce soir, il s’est engagé à voir quelqu’un d’important Simon, quelqu’un qui fait partie de sa vie depuis bien longtemps mais qu’il semble avoir perdu avec le temps et la distance. Depuis son retour à Brisbane il y a cinq ans, il a tenté de retrouver l’amitié forte qui le liait à Luka, le gamin des voisins, son frère de cœur avec qui il a partagé la douleur de l’abandon. Cependant, rien n’est comme avant et quelque chose échappe au brun. Il s’accroche pourtant, à lui, au cœur qu’il connaît derrière cette carapace de mec distant qu’il affiche depuis quelques années, il s’accroche férocement aux souvenirs d’enfance qui ne le quitteront jamais. Luka n’est pas souvent le premier à initier un contact avec lui, alors quand il lui propose de venir chez lui ce soir, Simon sait qu’il ne peut pas dire non et rien ne lui fait plus plaisir. Ce soir pour une fois, il ne sera pas le bosseur exemplaire, le collègue que tout le monde adore. Quand il voit la bande habituelle arriver dans sa direction, l’ingénieur baisse le regard et se concentre dans le démontage de son matériel. Il accélère, range rapidement mais efficacement les câbles, récupère sa bouteille d’eau, son sac à dos et sort de la loge technique en saluant brièvement tous ceux qui s’y trouvent pour éviter de perdre du temps avec les questions.

C’est en constatant que le vélo qu’il avait loué ce midi pour venir ici n’est plus devant le théâtre et qu’aucun autre vélo ou trottinette n’est présent devant le bâtiment qu’il se dit qu’il serait peut-être temps de songer à passer son permis. De l’autre côté de la rue, il aperçoit le bus pour South Bank s’approcher de l’arrêt. Sans perdre une seconde à douter de ses capacités physiques, il se met à courir, manque de se faire renverser sur la piste cyclable et atteint finalement la porte du bus qui se referme juste derrière lui. Le cœur bondissant, la respiration coupée, il avance pour s’asseoir et se dit que oui, il est vraiment temps de devenir un homme adulte qui conduit, comme tout le monde.

Une légère appréhension s’empare de lui quand il pénètre dans l’immeuble de Luka. Il aura bien réussi à arriver ici à l’heure grâce à une course qu’il n’oubliera pas de si tôt, mais ce n’est pas vraiment cela le problème. Et en réalité, il n’a pas la moindre idée de ce qui cloche. Avec ce qu’il lui reste de souffle, il grimpe et toque timidement. C’est un Luka pas plus enjoué que cela qui lui ouvre la porte et le salue. Le pressentiment de Simon se renforce, tandis qu’il entre dans l’appartement en lui répondant un « Hey » un peu plus dynamique mais pas totalement joyeux non plus. « Pardon pour le bordel. Je n’ai pas eu le temps de ranger. Tu veux quelque chose à boire? » S’il n’en avait pas parlé, le français n’aurait même remarqué le bordel en question. Ce n’est pas quelques vêtements et des feuilles qui le dérangent Simon, lui aussi plutôt du genre à s’étaler. Probablement un truc d’artiste, c’est en tout cas l’excuse la plus facile qu’il aime se donner pour justifier son incapacité à garder sa chambre rangée plus de deux jours d’affilée. « T’inquiètes, je suis personne pour juger » répond-t-il en s’installant sur le canapé, un faible sourire sur le visage. « Si t’as une bière, je suis preneur. J’ai pas eu le temps de passer nous acheter des trucs sur la route, désolé. Je peux descendre vite fait à l’épicerie si t’as pas assez » Alors que Luka se dirige vers la cuisine, il laisse son regard parcourir la pièce, étudiant les papiers qui traînent à la recherche d’une raison de sa visite ce soir. « Je vois que t’as sorti la guitare, t’étais en train de bosser sur une composition ? » l’interroge-t-il en passant le bout de ses doigts sur les cordes tendues de l’instrument.
   

- Not said -
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Parfois, on pourrait se demander pourquoi Luka est si renfermé. Pourquoi il n’est pas le premier à nouer un contact et à laisser un peu sa solitude de côté. Il en a pourtant fait du chemin. Il s’est un peu amélioré. Grâce à la musique, à ses compositions qui l'ouvrent un peu plus sur le monde par le biais des réseaux sociaux ou quand il se produit sur scène devant des centaines de personnes. Mais quand il est tout seul. Quand il n’est pas obligé parfois de sourire ou de se montrer social avec des gens qui semblent pourtant l’apprécier, c’est ce petit garçon - au fond - qui refait surface, derrière une mine tendue, discrète, non pas intimidée mais plutôt repliée parce que ses peurs ont prit le pas sur tout le reste. Parce que ses peurs l'ont façonnées ainsi et qu’avec la maturité, il devient presque difficile d’en changer.

Car les peurs - telles qu’elles soient - changent les personnes. Elles les invitent inconsciemment à se protéger. Elles forment une carapace et même si Luka lutte toujours corps et âme contre ses crises d’angoisses. Même s’il arrive un peu plus à les dompter, les calmer par le biais de quelques exercices qu’il a lui-même appris au travers de certaines vidéos, il n’en demeure pas moins sur la défensive, muré derrière un manque évident de sécurité qu’il n’arrive pas toujours lui-même à expliquer.

Mais il veut changer. Il veut faire des efforts. Efforts qui peuvent varier d’un jour à un autre mais dont il en éprouve le besoin après avoir renouer contact avec l’une des personnes les plus importantes de sa vie. Nola. Lui donnant ainsi l’envie de faire de même avec Simon de son côté, dont il accorde autant d’importance dans son cercle plutôt fermé d'amis.

Par ailleurs, ce dernier entre dans son appartement et vient s'installer sur le canapé. Luka hoche silencieusement la tête quand ce dernier lui demande une bière et il entreprend d'en sortir deux du frigo avant de les décapsuler et d'en tendre une à son ami d'enfance. Puis de revenir avec quelques gâteaux apéritifs, achetés le matin même, préparant là un mini apéro pour qu'ils soient le plus à l'aise possible.

- Non t'inquiète. Ça va aller. J’ai de quoi faire. Je compte même commander des pizzas après si ça te dis?

Oui. Luka compte renouer avec cet ami qui a beaucoup compté sur tout un pan de sa vie. Il sent que quelque chose à changé. Entre eux. Il sent que ce n'est plus totalement pareil. Que les échanges restent toujours coincés. Mais il sait également que c'est uniquement de sa faute parce que Simon - lui - a toujours cherché à renouer sans qu'il l'accepte totalement de son côté. Il est temps pour Luka de changer ça et c'est pourquoi, il s'installe à son tour sur le fauteuil dressé en face du canapé. En vérité, c’est difficile de se lancer. De savoir quoi dire exactement. Ils ont beau se ressembler sur plusieurs points, Simon s’est toujours montré - lui - plus extraverti, plus sociable et souriant qu’il ne l’a jamais vraiment été.

Bière en main, il porte ce dernier à ses lèvres et il laisse un silence s'installer. Un léger mutisme bientôt rompu cependant par son ami dont ses feuilles de composition ne lui ont pas échappé.

- Ouai. On va dire que j’ai eu un élan d’inspiration cette nuit. Je me suis dis que j’allais en profiter.

Et pas des moindres. Puisque Nola a toujours eu cette pointe de magie en lui. Cet élan d’inspiration à chaque fois qu’il se trouvait à ses côtés ou qu’il avait besoin d’exprimer ce qu’il n’osait et n’oserait jamais lui dire. Qu’il l’aime. Qu'il a toujours aimé. Que sa présence a toujours été comme un baume au cœur sur son esprit quelque peu tourmenté, obscurci de peur divers qui s'apparente parfois à des cauchemars éveillés.

Un léger sourire attristé, contrit traverse la barrière de ses chairs à cette pensée et il reporte une fois de plus sa bière à ses lèvres. Il se confronte une fois de plus dans un silence léger. Mais il secoue légèrement la tête et se donne du courage quand son regard se pose sur Simon et le fait qu’il ne doit peut-être pas comprendre pourquoi il l’a invité si soudainement ce soir, alors qu’il a passé - au contraire - plutôt son temps ces dernières années à se montrer quelque peu distant.

- Écoute. Si je t’ai fait venir ce soir, c’est parce que…

Luka cherche ses mots. Il ne veut pas non plus tourner autour du pot. Ils ont des choses à se dire. Des choses à exprimer. Son amitié lui manque et un nouveau soupir traverse ses lèvres alors qu’il porte une main sur sa nuque, cherche la meilleure manière de faire et de crever l'abcès.

-J’ai conscience que notre amitié n’est pas comme elle était avant et j’en suis désolé. Vraiment. J’aimerai pouvoir me rattraper. D’une certaine manière. Et retrouver mon pote comme tu as pu l’être avant…. Bref avant que je réagisse encore comme un connard. Alors si tu n’en as pas déjà marre de mes humeurs à la con, dans quel cas je comprendrai, je me suis dis qu’il serait peut-être temps que je tourne la page et que j’arrête de me comporter comme un gamin avec toi. En gros, mon pote me manque et je me suis dis qu’il serait peut-être le temps de crever l'abcès. A voir, si tu le veux aussi de ton côté. Comme je te l’ai dis, si c’est le cas, je comprendrai.