TW : blessure physique, deuil, cancer, infection au VIH, validisme internalisé, dépression, TCA, perte d'un proche.


trente-et-une années, horloge brisée depuis trois ; posez-lui la question, et Loïs rechignera à se dire encore vraiment vivante. Tout juste spectre — à peine vacillante. Deux décennies passées à arpenter les tapis vitrifiés des studios de danse, à confronter barres et miroirs, deux décennies mâchouillées par un acharnement viscéral à devenir plus, tourner plus vite, sauter plus haut, tomber plus juste. Embrasser le sol et le ciel. Décennies gâchées. Le reste ne sera que pâles copies d’une existence déjà dépréciée : depuis, Loïs se contente banalement d’exister, avec le cynisme de celles et ceux qui sont trop lâches pour quitter un monde ouvertement méprisé.



Fille du froid née dans le climat rude de l’Alaska, bercée par les bras de Juneau et ceux de son paternel, plus maladroits. Quant à sa mère, elle n’en connait le visage que par les vieux clichés sépias, gardés et regardés par son mari, les soirs de mélancolie. Cancer du cerveau, c’est ce qu’on lui avait dit. Origines maternelles d’un Brésil resté tristement inconnu pendant de nombreuses années, elle n’en découvrira les terres qu’à l’occasion d’une de ses premières tournées, à l’aube de la vingtaine. Loin de l’Alaska depuis longtemps déjà, Loïs porte pourtant en elle le souvenir inlassable des soirs d’hiver, le givre des regards froissés par la neige, le brasier des coeurs habitués au froid.    



[$$$$$] il y a bien une époque où elle se disait danseuse avec fierté, elle le disait en souriant, en redressant le nez. C’était à l’époque de New-York, de l’Europe, Pina et les ballets, pieds pointés et corps essoufflés, des longues journées passées dans le studio à s’échauffer, s’entrainer, juste à danser. Face à la débâcle de sa propre vie, Loïs garde une ligne de conduite : elle joue à celle qui ne remarque rien de particulier, contemple les choses s'affaisser au ralenti, l’effondrement qui s’accélère petit à petit. Mais elle ne cède ni sur la fierté, ni sur l'élégance, avec la paisibilité des ratés que le monde a dégueulé. Désormais immobile derrière le bureau d’accueil d’un cabinet d’avocats, le mouvement de poignet pour répondre au téléphone est bien la dernière danse qu’elle s’accorde, ces jours-ci. La passion a délesté toutes les ombres de sa profession, qu’elle ne considère que comme un stupide gagne-pain qui l’indiffère profondément.



Loïs aimait jadis les hommes pour le regard qu’ils posaient sur elle, pour l’admiration distante qu’ils avaient à son égard. Mais dans leurs yeux, elle ne lit plus que l’apathie de leur sexualité nauséabonde, elle ne s’y voit plus que comme un objet à posséder, à attraper le temps d’une heure, puis à délaisser. Elle qui s’était un jour enfiévrée de sa propre sensualité et rêvée muse étoilée au creux de leurs nuits, elle n’y déchiffre plus qu’un profond ennui, et plus une seule once d’utopie. Elle confond le toucher des amants avec celui des partenaires perdus, la danse des corps étreints avec toutes celles qu’elle ne connaîtra plus ; et cette enveloppe cassée, inutile et cabossée, elle ne parvient plus à l’offrir à la tendresse, à la traiter avec considération. Poupée désarticulée, qu’elle doit confisquer à l’amour et au monde, par honte d’encore exister de manière si limitée.


Hétérosexualité embarrassante et encombrante, le désir pour les corps masculins parfois porté avec un ennui certain – jugeant le manque de constance et de maturité émotionnelle des hommes qui la convoitent avec une sévérité certaine.


Famille éloignée dont le manque lui serre parfois le cœur, mais avec laquelle elle peine à garder le contact par honte, trouvant toujours difficile l’exercice qui consiste à prétendre qu’elle a repris sa vie en main – que tout va bien.


Sagittaire.


Les hommes qui ne prennent pas la peine de se déshabiller complètement, pour qui l’acte sexuel est tout à fait dissocié de la pression des chairs nues, du contact des peaux drues ; car l’érotisme naît du toucher, avant même le premier frôlement de bassins, elle en est convaincue.



Charmée par l’idée de l’amour à plusieurs, elle s’est déjà une ou deux fois laissée tenter par les étreintes à corps multiples et à lèvres inépuisables ; recommencerait certainement si l’occasion s’en présentait, ne voyant pas pourquoi au creux de la nuit, les visages et les désirs ne pourraient s’illustrer en polymorphismes.


L’Australie trouvée il y a de ça huit ans, engagée dans une importante compagnie de danse au coeur de la métropole en question. Et sans doute aurait-elle pu repartir, après son accident ; mais pour aller où ? Car si Brisbane est le siège de ses plus pénibles souvenirs, c’est aussi l’endroit où elle s’est construite – celui qu’elle peut appeler maison.


As de cœur — Décharné et mutilé, le cœur auquel les rêves ont été arrachés. Comme un oignon, les couches sont multiples jusqu’à l’épicentre qui brûle et qui consume le monde d’une passion trop pure ; elle commet parfois l’erreur de n’aimer qu’en demi-teintes par peur d’en ressentir la chaleur, d’enfouir et de garder le palpitant au creux d’elle-même jalousement, presque secrètement. Sauf quand elle bouge, lorsqu’elle s’anime : là, c’est le coeur qui parle, et elle n’y peut rien. Car s’il n’est pas dans ses mots, il est au moins dans ses bras, dans ses jambes et dans ses mains. 



Dame de pique — Le corps comme un front, un champ de bataille. La guerre fait souffrir ? Essayez la danse. Les dos cambrés et les sauts pour en atteindre le ciel, puis ressentir pleinement la chute ; le sol comme un allié et un ennemi, le quitter pour finalement le rejoindre et le chérir, avaler l’espace, dévorer la scène, les pieds qui se tordent et qui se plient, se pointent, s’appuient, et puis la tête pour défier la gravité. Grignoter les étoiles. La danse comme une guerre, mais aussi comme une liberté, la seule et unique qui puisse exister. La danse, comme un fragment trop brut de la réalité, un art auquel le corps a été dressé, modelé, décharné jusqu’à l’épuisement. Jusqu’à la poussière. Elle en a fait de l’argile, Loïs, une terre meuble et mobile qui se plie à ses volontés et aux mouvements qui hantent ses rêves, elle en a fait son esclave, son objet de domination ultime, celui sur lequel elle aurait toujours l’ascendant. Adoré et chéri lorsqu’il coopère, détesté et haï, lorsqu’il se brise. Ce corps, il n’en reste que des miettes. Un puzzle péniblement rafistolé par quelques médecins chevronnés, un corps qui crie à l’aide et qui scande chaque jour une souffrance qu’elle fait taire. La fierté la rend sourde aux cris de ses os, de ses muscles abimés, et ce n’est sans doute que de cette manière qu’elle tient encore debout : en méprisant l’enveloppe qu’elle habite comme un fantôme, comme un éclat de lune dans une église fermée. Solitaire. 



Valet de trèfle — L’esprit qui cogite et qui s’agite, l’âme mélancolique. Parfois, elle regrette le silence de l’Alaska, la chaleur réconfortante de la maison familiale, le nez qui hume l’air glacé, oui parfois, Loïs est nostalgique. L’âme quémande un retour aux racines, peut-être pour tout reprendre depuis le début, et puis revoir ce qu’elle avait un jour été. Mais la honte et la fierté, vous savez. La honte d’ouvrir les paumes et de présenter les rêves brisés, de formuler à haute voix l’aide dont elle a désespérément besoin, la honte, la honte, la honte d’être ce qu’elle est : une poupée brisée, désarticulée, tout juste bonne à jeter. Elle préfère continuer à avancer sans savoir où elle va, aveugle acharnée, quitte à s’oublier. S’ignorer, voilà une chose à laquelle elle restera toujours douée.

avatar : kaya scodelario (anglaise, brésilienne)

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romantisme (60%)	level de drague (50%)
engagement (60%)	passion (85%)
performance au lit (75%)	fidélité (50%)
nombre de cœurs brisés (60%)	recherche de l'amour (20%)

♡ qu'est-ce que le grand amour, selon ton personnage ? est-il à sa recherche actuellement ?

S’il existe, il doit porter plusieurs visages – Loïs en est persuadée ; elle peine à se dire qu’un amour puisse être le même à plusieurs décennies de différence, à la vitesse à laquelle les individus évoluent et leurs personnalités changent. Elle croit à la puissance du cœur et à celle de la réunion des corps, elle croit à la manie dévorante des passions lointaines ; c’est l’inconsistance des amours passagères qui la désole, l’habitude qu’ont les autres de ne pas prendre au sérieux la confusion exquise des sentiments. Alors elle s’exclue de ce marché depuis des années, essaie de fusiller en elle l’écœurant désir d’être aimée. Elle hait l’idée d’être condamnée à ce misérable besoin, méprise tous ces élans nouveaux, ces jeux amoureux et faciles et illusoires, car Loïs, elle veut aimer dans la pierre. Dans l’acier. Pas sur du sable fin.

♡ quelle a été la plus grosse déception amoureuse de ton personnage ?

L’amour de jeunesse, que l’on voit se déliter petit à petit : avec Gabe, les sentiments n’avaient résisté ni à la distance, ni à l’échafaud(age) du succès. Alors qu’il restait à Juneau, éternellement ligoté aux douces promesses d’un amour qui n’en finissait pas de s’épuiser, Loïs virevoltait aux quatre coins du pays et du globe. Une situation qui le faisait souffrir mais dont il n’a rien exprimé, préférant se replier sur lui-même — abandonnant leur tendresse aux griffes d’une frustration mutuelle. Et puis un jour, Loïs a commis l’erreur qu’il craignait peut-être : elle en a aimé un autre, juste une fois, juste comme ça. Il n’en a jamais rien su, mais elle, en plus de se détester, elle a compris que tout était terminé.

i. Carmen — Lana Del Rey
ii. Ivory — Movement
iii. Ocean — Alice Phoebe Lou
iv. Amsterdam — Daughter
v. Until we bleed — Lykke Li
vi. Young & beautiful — Lana Del Rey
vii. Reptilia — The Strokes
viii. Tes mains sales — Ojos
ix. No — Billy Nomates
x. Animals — Maroon 5

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