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junie admirait jin aguilar, sa muse, chaque soir se produire devant des milliers de spectateurs. les premières fois, ça lui avait donné des frissons, c’était très émouvant d’entendre toutes ses voix qui reprenaient en choeur ses chansons. elle savait combien jin aimait ça. ce n’était pas tous les jours facile d’être une star de la chanson mais qu’en concert, ses fans lui rappelaient pourquoi elle le faisait. elle-même ne réalisait pas son succès mais elle pouvait être fière d’elle, à force de passer du temps avec elle, junie avait appris à la connaître et trouvait qu’elle méritait amplement tout ça. elle n’aurait jamais cru côtoyer la célébrité, non plus, et elle-même devenir quelqu’un qu’on reconnaît. si quelqu’un lui avait dit qu’elle se retrouverait là à parcourir le monde en suivant la tournée d’une chanteuse internationale, pour quelques paillettes et des retouches express, elle ne l’aurait pas cru, il y a quelques années. elle n’était peut-être pas disposée à ça au départ, junie était le garçon manqué, junie passait trop de temps à la plage pour que se maquiller ait un intérêt, junie s’était même lancée dans des études pour être ingénieure. pour elle, elle ne faisait que cliquer par curiosité sur une vidéo où une fille présentait son maquillage pour aller en cours face caméra. puis, de vidéos en vidéos, elle a voulu s’y essayer. admirer les changements que pouvaient créer une ombre ou une touche de lumière, comment un trait d’eye-liner pouvait changer dramatiquement un regard. les visages l’avaient toujours fascinée. elle ne faisait pas toujours attention à tout ce qu’on lui disait, miss-toujours-en-train-de-rêver. pourtant, elle captait toujours les détails dans une expression, la beauté d’une particularité et l’harmonie générale des traits, ce petit truc qui rendait le tout unique. la jeune kane avait fini par trouver sa voie, celle où elle pouvait s’exprimer en tant qu’artiste, avec les visages pour canevas, tout en lui permettant de nourrir ses grandes ambitions.

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elle cherchait les mots justes, la tournure exacte qui sonnait assez bien pour être comprise sans blesser. les mots étaient importants, devaient être choisis avec soin. elle le savait. elle connaissait leur pouvoir, elle qui n’avait jamais prononcé une phrase qu’elle ne pensait pas, junie. dans sa vie, elle avait très peu menti ou cherché à dissimuler le fond de sa pensée. je ne sais pas. c’est tout ce qu’elle a dit quand elle l’a vu.e mettre un genou à terre et prononcer distinctement les mots est-ce que tu veux m’épouser ?. pas la réponse espérée, soufflée à son oreille alors qu’elle lui offrait une dernière étreinte avant de l’abandonner et ne pas voir son visage se décomposer. ce qui devait être une simple visite surprise au milieu de la tournée de jin, car elle était déjà sur la route depuis quelques mois, se transforma en fléau. “je ne sais pas” ont été les derniers mots prononcés. elle n’a plus rien dit après, rien qui pouvait faire penser qu’elle allait accepter ou refuser. et maintenant, elle pouvait jouer la scène autant qu’elle le voulait dans sa tête, tourner et retourner les phrases qu’elle aurait pu dire, c’état trop tard, elle ne pouvait pas revenir à ces quelques secondes décisives. aussi transparente et sincère qu’était sa réponse, le silence qui a suivi était aussi lourd de sens. la solitude la gagnait déjà alors qu’elle se retrouvait dans une nouvelle impasse. elle avait trop donner son coeur qu'on lui retournait cabossé. peut-être qu'elle avait juste été malchanceuse et qu'elle n'avait attiré que des menteur.euses, des infidèles, des narcissiques, des émotionnellement-indisponibles. c'était d'autres coeurs encore naïfs qui faisaient les frais de ses mésaventures, maintenant qu'elle en avait assez de souffrir. junie, elle voulait juste que les personnes soient là pour elle. pouvoir disposer de leur présence, de leurs sentiments à sa convenance mais elle voulait de l’espace. quand ils commençaient à lui demander un retour, à leur offrir un peu d’elle, dans toute sa vulnérabilité, elle finissait par saboter le peu qu’ils avaient construit. ça lui faisait penser à son frère qui s'était marié, au début de cette année avec une femme adorable. et les deux venaient de lui annoncer qu'ils attendaient un petit garçon (dont elle avait bien évidemment accepté d'être la future marraine). ils écrivaient ensemble leur petit bout d'histoire, partageaient ensemble toutes les joies, des plus grandes aux plus petites. si elle était folle de joie pour eux et de voir emilio heureux, plus elle-même était amère. plus junie pensait à l'amour, à leur bonheur, plus elle pensait qu'elle n'y aurait jamais le droit. pour elle, l’histoire se répétait. la solitude la retrouvait dans cette chambre d’hôtel à maudire cette ville, à maudire cette nuit mais surtout à se maudire elle. qui était plus coupable qu’elle ? qui pouvait être blâmé de ne plus savoir aimer ? elle et seulement, elle, à cause des forteresses qu’elle avait érigé.

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tw décès, deuil et c’est la seconde fois que les éléments emportent un être cher à nanay. son cri crève le silence dans la morgue, tandis que le médecin légiste recouvre le visage de son unique fils. cela mit fin à l’attente mais ça a surtout étouffé l’espoir qu’ils avaient tous, de les retrouver vivants. leur radio aurait pu être défaillante ou les radars gps trop capricieux. ils espéraient encore qu’emilio et scarlett fasse leur grand retour épanouis et heureux de leurs vacances alors que tout le monde s’était inquiétés pour eux. ils sont revenus, on les a retrouvés... mais ils n’étaient plus de ce monde depuis quelques jours déjà. juniper reçut la nouvelle alors qu’elle était en train de faire manger augustus, se la jouant baby-sitter pour une semaine. mais elle n’avait qu’une chose en tête et la peur au ventre, regardait l’écran de son téléphone toutes les trois minutes pour voir si elle n’avait rien manqué. la cuillère qu’elle tenait a fini par terre et elle s’est effondrée aussi. il lui avait suffit de quelques secondes pour percevoir les sanglots de ses parents, qui arrivaient à peine à articuler pour comprendre que c’était une mauvaise nouvelle. les jours qui avaient suivi, juniper, d’ordinaire déjà dans son monde, était encore plus loin, sur autre autre planète. elle ne pensait plus au monde extérieur, n’ouvrait plus sa boîte mail ni ne répondait aux appels, personnels ou pro. elle avait raté l’appel de l'avocat ou du notaire qui cherchait à la contacter. elle aurait pu rater les funérailles si ses parents ne les avait pas accueillis chez eux pour qu’ils pleurent ensemble et qu’ils puissent s’occuper d’augustus qui n’avait aucune idée de ce qui était en train de se passer. sa notion du temps s’était perdue, les secondes s’étaient dilatées. la terre avait continué de tourner mais mentalement, elle était restée à la table de la cuisine, le visage enfoui dans son bras, encore en train de pleurer.

emilio et scarlett ont été enterrés ensemble, leur deux familles unies un an plus tôt, réunies pour la seconde fois à leurs funérailles. ça sonnait comme une mauvaise blague. d’ailleurs, il y en avait peut-être un qui riait. pas junie en tous cas, elle avait oublié l’existence de ce papier. et clairement, son chagrin la laissait incapable de se projeter à ce moment-là. alors quand elle s'était trouvée face au notaire, elle lui a demandé de répéter. vous… êtes… dorénavant…les…tuteurs…légaux…d’augustus…kane. elle n’avait toujours pas compris. enfin, elle n’avait toujours pas saisi ce que ces mots impliquaient. et puis ce vous, ce vous, c’est benson et elle. celui assis à côté d’elle dans le bureau du notaire et qui la regardait comme si elle était débile. benson qui lâcha un, bah, qu’est-ce que t'as pas encore compris, juniper ? benson était si froid, si désagréable parfois qu’il lui filait la migraine. il était aussi économe en mot et n’écoutait jamais ses avis, deux choses qui ne l’avaient que rendu plus antipathique à ses yeux. c’était une chose de le croiser quand ils étaient tous les deux invités à dîner chez le couple, elle pouvait l’ignorer et même lui balancer quelques piques quand l’humeur lui en disait. mais ça allait être tout autre chose de devoir s’occuper d’un enfant ensemble. ils arrivaient à peine à communiquer, du moins, quand ils étaient dans la même pièce. comment ils allaient réussir à élever augustus dans ses conditions ? ce n’est que le début, se dit junie. tout le monde avait besoin de temps. l’australienne pensait même que ce serait temporaire, que quelqu’un allait leur annoncer qu’il y avait une autre solution ou désigner des gens plus qualifiés qu’eux pour avoir la garde du petit. mais emilio et scarlett avaient fait d’eux les tuteurs aux yeux de la loi et c’était ce document qu’elle avait signé qui faisait foi. l'idée que son neveu et filleul puisse voguer de famille d'accueil en famille d'accueil lui était insupportable.

ça a été rendu officiel en octobre. au printemps. gus avait encore grandi, il changeait de jour en jour et ça faisait trois mois qu’il vivait entre chez benson et chez elle. ça fonctionnait, dieu seul sait par quel miracle, mais jusque là, personne n’était venu frapper à sa porte puis leur retirer la garde. ce château de cartes est tenu à l'aide de plannings, de post-it, de rappels sur leurs téléphones respectifs. ils ne s'entendaient toujours pas mais à sa grande surprise, benson remplissait bien sa part du contrat. il la surprenait, il s’impliquait bien plus qu’elle n’aurait parié. elle pouvait facilement deviner pourquoi. augustus, c’est tout ce qui leur restait. tout ce qui les reliait encore à ces êtres chers qu’ils avaient brutalement perdu. même si benson évitait de parler de scarlett, évitait ses proches et amis, tout ce qui pouvait lui rappeler sa meilleure amie, la douleur se retranscrivait dans son regard. ça, elle ne l’avait pas manqué. et même si souvent, elle avait envie de lui balancer une couche sale à la gueule ou lui faire ravaler ses paroles, elle acceptait de lui laisser un peu de répit. il était tout aussi désemparé qu'elle par le deuil, par la situation. heureusement qu'elle n'avait pas à s'inquiéter pour les frais que ça impliquait de s'occuper d'un enfant, comme il venait d'une famille fortunée. heureusement aussi qu'elle pouvait compter sur ses parents qui aimaient profondément leur petit-fils. de son côté, elle faisait de son mieux. mais elle pouvait bien lire tous les livres du monde sur les enfants, sur leur développement ou leur éducation, ça restait dur. un bébé, ça avait des besoins constamment. c'était vraiment un job à plein temps dont on ne démissionne pas. aucun des deux ne s'était préparé à être parent et elle doutait de plus en plus qu'ils soient taillés pour ça. il y avait des jours encore plus difficiles. quand augustus lui rappelait trop emilio, quand tout ou un rien lui rappelait emilio. mais ce petit bout d’homme savait lui redonner le sourire et alléger sa peine, elle se souvenait alors que lui n’avait plus qu’elle. malgré le deuil, il était la raison pour laquelle elle parvenait à sortir de son lit.

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son absence est la plaie qui n’arrive pas à se refermer. celle qu’elle presse parfois, pour ressentir cette pointe de douleur dans le coeur, celle qui saigne encore. il existe toujours emilio, partout, même s’il ne peut pas la voir, ni écouter ce qu’elle a à lui dire, elle communique encore avec lui. elle s’accroche à tous les souvenirs possibles de son frère parce qu’il faudra qu’elle les transmettent à augustus un jour. “tu sais, ton papa…”, il était tout pour moi. au commencement, ils étaient deux. junie et son frère, qui fut aussi son premier ami, elle qui ne pouvait pas tisser des amitiés durables car ils déménageaient souvent. en grandissant, elle avait calqué tous ses mouvements sur les siens et leur relation était restée fusionnelle quand bien même ils changeaient, traçaient leur propre chemin et devenaient leur propre personne. junie avait une confiance aveugle en son frère et c’était réciproque. mais ça lui aurait peut-être bénéficié d’être plus superstitieuse quand elle a signé ces foutus papiers. pour elle, ce n’était qu’une simple formalité, une demande honorifique. l’éventualité qu’il puisse disparaître et laisser augustus, si petit, ne lui avait pas traversé l’esprit une seule seconde. mais les voilà, trois mois plus tard. sa vision en baissant la tête lui arrache un sourire, malgré elle. elle sent les vibrations des doux des ronflements du nourrisson, tout contre elle. il s’est endormi dans son écharpe de portage, bercé par le bruit des vagues et le rythme lent de ses pas sur le sable. l’océan qu’elle aime tant, lui a pris son frère, mais elle continue de ressentir le besoin d’y revenir. l’émotion la prend, trop difficile à réprimer quand elle est seule avec ses pensées. il suffit d’un rien pour la faire penser à la cruauté du destin. ce n’est pas avec qu’elle qu’il devrait être ni avec benson, ils ne sont clairement pas à la hauteur de leurs responsabilités. mais ils essayent, ils font de leur mieux, pour emilio, pour scarlett. pour ce petit qu’ils leur laissent et qui aura une définition bien différente des autres enfants du mot famille.