@Sinead Redfield & @Sorcha Adair

11 janvier 2024

Elle doit bien l’admettre Sorcha, se retrouver dans cette boutique lui fait un petit coup au coeur. Tout autour d’elle s’étale tout ce qui se fait de mieux et de plus adorable à destination des bébés et jeunes enfants. Partout des vêtements, jeux, livres, poussettes, peluches, bibelots, tables à langer et bien d’autres choses encore dont elle ignore l’utilité. Un monde qu’au fond elle ne connait pas si bien et qui aurait pu être le sien aujourd’hui, si les choses avaient été différentes. Ce pourrait être elle, cette femme enceinte qu’elle a bien du mal à quitter des yeux, probablement en train de se demander lequel de ces lits hors de prix sera le meilleur pour son enfant à naitre. L’inconnue finit par lever les yeux et l’Ecossaise détourne précipitamment le regard, faisant soudain mine d’être plongée dans la contemplation d’un étalage de peluches. En vérité, elle ignore que choisir et se rend compte qu’elle n’a aucune idée de ce qui serait approprié pour des bébés de cet âge. Peut-être que ça veut dire qu’elle aurait fait une mauvaise mère, ne peut-elle s’empêcher de penser. Un jeu lui plait, mais n’est-ce pas trop avancé pour leur âge ? Elle a pensé aussi à des doudous, mais ne risquent-ils pas d’en avoir déjà beaucoup ?

« Si vous préférez des vêtements, nous venons de recevoir ceux-ci. » l’interpelle la vendeuse à qui elle a demandé conseil, en désespoir de cause. La jeune femme lui présente d’adorables pyjamas ornés de lapins. Et ça lui plait, à Sorcha, elle peut déjà imaginer les jumeaux, si craquants dans leur attirail assorti. Elle hésite pourtant. « Mmmm… le problème c’est que je ne connais pas leur taille exacte, j’ai peur de choisir trop petit. » Il semblerait pourtant que cet obstacle n’en soit pas vraiment un, car une solution lui est immédiatement apportée. « Dans ce cas, je vous conseille de viser large. Ce sera sans doute trop grand maintenant, mais ça ne tardera pas à leur aller. Vous ne pourrez pas vous tromper ! » Un sourire se dessine sur les lèvres de l’infirmière, rassurée. Elle se penche et choisit deux pyjamas de ce modèle, un vert et un jaune. « Je vais prendre ceux-là. Vous pourrez me faire un paquet cadeau ? »

Même à la caisse, elle peut pas s’empêcher de balayer l’endroit du regard. Ses yeux se posent malgré elle sur les quelques clientes présentes, la femme enceinte de tout à l’heure, puis une autre, un petit garçon collé à ses jambes. Et les pensées viennent, alors que la tristesse s’empare d’elle. Avec tout ça, ce manque, ce manque affreux, comme un gouffre qui menace de l’avaler.

Est-ce que ce sera mon tour, un jour ?
Est-ce que j’ai loupé le coche ?

La voix de la vendeuse la sort de ses pensées. Alors, elle fait semblant que tout va bien, échange quelques mots, paie ses achats, avant de sortir et retourner à sa voiture. Il lui faut pas longtemps pour rejoindre la rue où vit Sinead, qui réside d’ailleurs dans le même quartier qu’elle. Se garer ne lui prend par bonheur que quelques minutes et elle peut se satisfaire d’être pile à l’heure convenue entre elles. Avant de sortir, elle peut pas s’empêcher d’abaisser le pare-soleil pour s’examiner dans le miroir et secouer ses cheveux fraichement coupés. Elle ne les a plus eus si courts depuis le collège et peut pas nier que ça lui fait vraiment bizarre. En même temps elle se sent plus légère, c’est certain. Elle finit tout de même par rabattre le miroir et s’extirper du véhicule avant d’aller sonner à la porte de Sinead, munie du cadeau prévu pour les jumeaux. Elle le sait, elle est un peu en retard pour leur anniversaire, mais avec la fin d’année et les heures de garde enchainées, elle a eu bien du mal à trouver un moment. Et puis, devant la porte, elle sent une pointe de stress, parce que même si elles se sont toujours bien entendues, après tout ce qu’il s’est passé, ça faisait un sacré moment qu’elles s’étaient pas parlé avant de reprendre contact. Sorcha a soudain l’impression de se trouver plongée dans le passé. Pourtant, tout a changé.