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Qu'on se le dise, aussi téméraire soit-il quand il s'agit d'escalader des falaises qui donneraient le vertige à n'importe qui, Brody ne l'est pas tant que ça lorsqu'il est question de maison hantée. Ce n'est pas la possibilité de tomber sur des fantômes ou autres esprits maléfiques du genre qui l'inquiète. Il n'y croit pas, de toute façon, un brin trop rationnel pour se laisser embarquer dans ces histoires-là. Non, ce qui l'inquiète vraiment, ce sont les intrus à plus de deux pattes qui squattent les maisons abandonnées. Autrement dit, les araignées et les souris. Deux espèces qui le terrifient, bien qu'Elijah ne connaissent que son arachnophobie. Pourtant, il a accepté de suivre le jeune homme dans ses bêtises. Parce que c'est Eli, et qu'il le suivrait n'importe où. Peut-être un peu aussi parce qu'il sait que le troisième membre du trio à venir a déjà fini dans le lit du barman. Une part de lui est curieuse, peut-être aussi un peu jalouse. Loin d'avoir conscience que cette part de lui s'apprête à être titillée plus que de raison, Brody se contente d'attendre pour l'instant. Fidèle à eux-mêmes, l'attente des deux hommes ne se fait pas sans flirter. A croire qu'ils ne savent pas agir autrement quand ils ne sont que tous les deux.

Pourtant ils sont relativement sages quand le dernier invité arrive enfin jusqu'à eux. Si Elijah ne manque pas de l'accueillir à grand renfort de sourire et de compliments, Brody, lui, prend le temps de l'observer. Il n'est pas tout à fait son genre, mais force est de constater qu'il est beau malgré tout. Evidemment. Il ne pouvait pas être moche. Cela aurait été trop simple, s'il avait été de ceux avec qui on s'envoie en l'air avant de le regretter parce que les néons de la boite de nuit étaient plus flatteurs que la lumière du jour. Mais il ne dit rien, Brody. Il se contente de se redresser et d'adresser un sourire amical à celui qu'il compte bien observer le reste de la soirée. Pour la science, bien sûr. Pas de jalousie chez Brody. Non, non, non. Ce n'est pas son genre du tout.

- Taylor, donc. Enchanté, répond-il en lui tendant la main pour serrer la sienne.

Peu de temps après, c'est Elijah qui revient à la charge. Le bras autour de l'épaule de son ancienne - pour ce qu'il en sait - conquête, il l'interroge. Va-t-il les suivre ? Par réflexe, le trentenaire lève la tête vers la maison derrière son ami. Sombre, en mauvais état, elle n'inspire rien de bon. Il en est sûr, des petites bêtes vivent là-dedans. Il sent déjà les insectes sur sa peau. Mais il est hors de question qu'ils laissent ces deux-là dans un espace clos sans qu'il ne soit là aussi. On ne sait jamais. Après tout, Elijah n'est jamais le dernier à se lancer quand il s'agit de pimenter un peu certains instants.

- Je viens, affirme Brody qui va sans doute le regretter mais qui n'a pas l'intention de reculer maintenant. Tu me sauveras si on croise des araignées.

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Halloween est proche. il attend avec impatience l'ouverture des festivités organisées par la ville, Taylor ; ça lui avait beaucoup plu, l'année dernière. c'est déjà amusant de voir la ville changer et s'accorder avec l'atmosphère du mois d'octobre, jour après jour, petit à petit. de voir les décorations s'illuminer le soir tombé et les citrouilles s'aligner sur les porches. les gens n'ont visiblement pas perdu leur créativité ni leur âme d'enfant, il est content de constater qu'il n'est pas le seul à accorder autant d'importance à cette fête, alors que la majorité de la population se prépare déjà à Noël. chaque chose en son temps, l'hiver est encore loin. heureusement, il peut compter sur Eli pour se mettre dans l'ambiance, avec la visite d'une authentique maison hantée ; à en croire les mots de son ami et les rumeurs autour du lieu. il a bien tenté de se renseigner, Taylor, mais sans grand succès - mis à part le fameux scénario du propriétaire mort dans son fauteuil, la bâtisse a manifestement décidé de garder tous ses secrets pour elle. ou peut-être n'a-t-elle pas de passé sombre qui lui permettre d'abriter un ou plusieurs fantômes. ils se sont livrés à imaginer différents scénarios plus ou moins plausibles quant à ce qu'ils pourraient trouver à l'intérieur, avec Eli ; mais au fond, toutes les maisons abandonnées ont leur histoire, et pour Taylor, c'est une raison suffisante pour s'y aventurer.

marcher jusqu'au lieu de rendez-vous lui prend quelques minutes. il s'est garé assez loin pour ne pas avoir de problèmes, normalement, si quelqu'un venait à les dénoncer. même si ça parait improbable, vu que le voisinage est inexistant. quasiment à hauteur de la maison, il aperçoit deux silhouettes se dessiner dans la pénombre, l'une d'elles qu'il reconnait aussitôt, nonchalamment appuyée contre la clôture, et qui s'en détache en le repérant à son tour. à ses côtés doit se tenir le fameux Brody, dont le blond ne peut pas encore discerner les traits du visage. visiblement en pleine forme, Eli s'avance pour le saluer. « arrête, tu vas me faire rougir. » qu'il rétorque sans grand sérieux, faisant mine de s'offusquer quand sa détermination à explorer le lieu est remise en question. il sait bien que son ami n'en pense pas un mot. « tu me connais mal. je suis un chasseur de fantôme dans l'âme. » jusque là concentré sur lui, il lève enfin les yeux sur Brody, tandis qu'Eli fait les présentations. et il bloque une courte seconde sur l'inconnu, Taylor, surpris de découvrir un homme qui semble avoir bien entamé sa trentaine, alors qu'il s'attendait à voir quelqu'un de leur âge. mais il se reprend bien vite, et sans se départir de son sourire, saisit la main tendue du brun. « de même ! » et parce qu'il a manifestement oublié de garder ses réflexions pour lui, ce soir : « je t'imaginais plus jeune, en fait, mais j'suis content de te rencontrer. Eli s'est montré bien mystérieux à ton sujet. » d'ailleurs, ce dernier enchaine aussitôt, glissant en même temps un bras autour de ses épaules. le blond ne réagit pas, se rapproche même un peu, inconsciemment. la réponse de Brody ne l'étonne pas ; c'est qu'il risque de s'ennuyer, à attendre là tout seul. bien loin de s'imaginer que le brun a d'autres raisons de les accompagner en tête, qu'Elijah va s'en donner à cœur joie pour provoquer sa jalousie, au cours de la soirée ; et qu'il va se retrouver au milieu de ce plan foireux, un peu malgré lui.

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On oublie. Genre ou pas son genre, Taylor atterrit dans le panier de ceux qui n'obtiendront pas les faveurs de Brody de sitôt. Comment ça, il le pensait plus jeune ? Sujet sensible chez le trentenaire, ce dernier se vexe presque instantanément. Il n'est pas vieux. Certes, il approche des quarante ans. Mais ce n'est pas l'âge qu'il se donne, à mille lieues des préoccupations de ceux qui entrent dans cette tranche. Pas de désir de famille ou de stabilité chez Brody qui vit comme à l'époque de ses vingt-cinq ans. Autant dire qu'il a du mal à accepter l'idée de vieillir et que conscient ou non de ce qu'il vient de dire, Taylor a remué le couteau dans la plaie. Emmitouflé dans sa vexation, il ne prête même pas attention aux restes des paroles du blond, passe à côté de l'échange sur le mystère entretenu par Eli à son sujet.

- Je suis pas si vieux, marmonne-t-il presque par réflexe et presque pour lui-même.

Il pourrait presque faire demi-tour pour s'éloigner du malotru qui a osé faire une remarque sur son âgé mais il n'en fait rien. S'il accorde déjà quelques mauvais points à Taylor, il n'a néanmoins pas l'intention de le laisser seul dans la maison vide avec Elijah. Alors araignée ou pas, remarque de sale gosse ou pas, Brody se joint à la fête et, pour éviter qu'on ne s'étale davantage sur son âge, exprime ses attentes envers son superhéros d'un soir. Rassuré sur un potentiel sauvetage en cas de mauvaise rencontre, il emboîte le pas aux deux autres.

Plus ils s'approchent de la maison et plus celle-ci paraît lugubre. Aussi téméraire soit-il quand il s'agit de grimper le long de parois rocheuses, traîner dans une vieille baraque enchante beaucoup moins Brody. Ce n'est pas les fantômes qui l'inquiètent. Il n'y croit pas vraiment, sans doute un peu trop terre-à-terre pour se laisser avoir de la sorte. Non, ce qui a tendance à l'inquiéter, c'est plutôt l'état de la maison. Malgré la pénombre, il est aisé de voir les menuiseries qui se sont abîmées avec le temps et l'absence d'entretien. L'ensemble n'a pas l'air très solide, constat appuyé par le craquement qui se fait entendre quand Eli, aussi heureux qu'un gamin dans un magasin de jouets, grimpe les marches qui mène à la porte d'entrée.

- Je t'ai rarement vu aussi enthousiaste, souligne-t-il avec taquinerie, sa vexation visiblement restée sur le trottoir au profit d'une meilleure humeur.

Mais l'enthousiasme est de courte durée. La porte ne cède pas. Elle semble fermée, mais ça ne décourage pas Elijah qui ne manque pas d'émettre une autre suggestion. En temps normal, le trentenaire aurait suggéré un abandon pur et simple, partant du principe qu'une porte fermée signifie que le propriétaire, quel qu'il soit, ne désire pas que des squatteurs débarquent dans le maison. Mais une fois encore, l'idée de laisser Taylor et Eli seuls n'est pas une option.

- Y a souvent une deuxième porte à l'arrière, dans ces vieilles maisons, fait-il remarquer en suivant Elijah pour faire le tour de la maison.

Alors qu'il jette un coup d'œil derrière lui pour s'assurer que Taylor les suit malgré tout, Brody remarque une zone plus sombre entre les hautes herbes, en bas du mur.

- Attends, décale-toi un petit peu ?, demande-t-il au blond avant de désigner un soupirail. Si la porte de derrière est fermée, on peut peut-être essayer de passer par-là ?

Si tant est qu'ils passent.

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focalisé sur Elijah qui se moque gentiment de sa remarque, il n'entend pas le commentaire grommelé par un Brody mécontent. et c'est tant mieux, puisqu'il n'aurait sans doute pas pu se retenir de répliquer un 'c'est pas ce que j'ai dit' avec un sourire bienveillant, mais que Brody n'aurait probablement pas perçu de la même façon, pour couronner le tout - rien qui n'aurait aidé son cas, et certainement pas à remonter dans l'estime du brun. il n'avait pas l'intention de vexer l'autre homme, Taylor, c'est la surprise qui l'a fait parler avant de réaliser que ce n'était peut-être pas la meilleure approche ; mais il ignore tout de lui, y compris sa méfiance à son égard et sa difficulté à assumer son âge, c'est donc avec sa franchise habituelle qu'il s'exprime, sans prendre de pincettes et sans se fatiguer à choisir ses mots. c'est qu'il n'est pas habitué à le faire, en présence d'Eli l'imperturbable, qui lui, a plutôt tendance à s'amuser des remarques à son encontre, ou qui ne s'en préoccupe même pas du tout. « voilà, et tu me donneras son dossier médical aussi, que je sache absolument tout. » renchérit le blond, rieur. rassuré quant à la présence de bestioles à huit pattes qu'Eli lui promet d'écarter de son chemin, Brody décide de les suivre. le surnom ne lui échappe pas, à Taylor, pas plus que ce ton vaguement affectueux employé par Elijah ; mais ce dernier ne lui laisse pas le temps de s'attarder sur ce détail.

les présentations faites, il est temps d'entrer dans le vif du sujet, la raison de leur présence ici : l'exploration. c'est Eli qui ouvre la marche et qui arrive le premier sur le seuil, comme l'autre fois. la bâtisse s'élève elle aussi sur un étage, mais parait plus compacte. elle est surtout en bien plus mauvais état, striée de larges fissures, soutenue par une charpente visiblement rongée par le temps et l'humidité, recouverte de végétation rampante. elle semble à peine tenir debout, et Taylor s'attend presque à la voir s'écrouler quand son ami tente d'ouvrir la porte. la vision le fait reculer d'un pas prudent, juste au cas où. heureusement, la structure ne leur tombe pas dessus, mais la porte ne s'ouvre pas non plus. Eli, dans sa grande délicatesse, propose de forcer le passage, par l'entrée principale ou une fenêtre ; un début de mauvaise idée aussitôt freiné par Brody, voix de la raison, qui suggère d'abord de faire le tour de la propriété. « ouais, on devrait vérifier avant de tout casser. » acquiesce Taylor, qui préférerait éviter de dégrader inutilement le lieu. abandonnée ou non, peut-être que cette vieille maison renferme encore une valeur sentimentale pour son propriétaire, et il n'est pas venu pour accélérer le processus de sa démolition. emboitant le pas aux deux autres, il manque de percuter Brody quand ce dernier s'arrête soudainement, et pointe quelque chose dissimulé dans les herbes qui longent le mur. un soupirail. la vue de ce petit espace qui s'enfonce dans le sol arrache une grimace proche du dégoût au musicien. sans se considérer claustrophobe, l'idée de se faufiler là-dedans, sans savoir ce qui les attend à l'intérieur, lui déplait fortement. « pas sûr qu'on passe. » répond simplement Taylor, l'air indifférent alors qu'il croise mentalement les doigts pour ne pas en arriver là. ce dont il est certain, c'est qu'il ne se proposera pas pour y aller le premier.
en tout cas, Brody a vu juste : il y a bel et bien une seconde porte, à l'arrière. prenant un peu d'avance sur ses compagnons, le blond s'en approche. cette fois, la poignée s'actionne et la porte s'ouvre - puis s'arrête, bute contre un objet non identifié, de l'autre côté. impossible de voir de quoi il s'agit, tant l'ouverture est mince, et tant l'obscurité est dense. « bon. » décidemment, c'est comme si la maison elle-même refusait de les accueillir. il serait presque tenté d'interpréter cette succession d'échecs comme un mauvais signe, Taylor, mais il a senti quelque chose bouger, en forçant un peu, et il reste persuadé qu'il est possible d'entrer sans rien abîmer. « on essaye de pousser ? » ce sera toujours mieux que de briser une vitre ou pire, se glisser dans le soupirail. c'est probablement juste un meuble qui leur bloque l'accès ; à trois, ils seront peut-être capables de le repousser juste assez pour dégager la voie, et enfin commencer leur petite expédition.

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L'idée d'entrer par la petite ouverture de la cave est abandonnée une fois le constat fait : ils ne passeront jamais. Tant pis. La chance décide toutefois de leur sourire un peu car la porte de derrière n'est pas verrouillée. Voilà de quoi ravir le petit groupe qui semble prêt pour son exploration. Mais la maison n'est pas tout à fait prête à accueillir des inconnus. Elle leur résiste. Aux yeux de Brody, c'est un signe suffisant pour battre en retraite, mais ce n'est visiblement pas l'avis des deux autres. La majorité l'emportant, il finit par joindre ses efforts aux leurs, poussant la porte jusqu'à ce que le meuble qui la bloquait cède et leur laisse toute la place pour rentrer. L'odeur dégagé par cette soudaine entrée fait grimacer Brody. Pour sûr, cette maison n'a pas goûté à un bol d'air frais depuis une éternité. Mais le trentenaire n'a pas le temps de faire un commentaire, car les paroles d'Elijah lui filent des frissons dans le dos. Si les araignées le terrifient au plus haut point, les souris se situent aussi sur la liste de ses phobies. Autant dire que leurs cousins les rats ne sont guère appréciés de Brody qui commence à sérieusement regretter de s'être aventuré là-dedans pour les beaux yeux de son ami.

- On reste groupés, répond-il du tac au tac, guidé non seulement par son manque d'envie de savoir Elijah et Taylor seuls dans un coin de la maison mais aussi par la terrifiante idée de tomber nez à nez avec des araignées ou des rats.

La sécurité avant tout, Brody ne se fait pas prier pour emboîter le pas. Si Elijah semble décidé à leur servir de guide, le trentenaire sort tout de même son téléphone pour enclencher lui aussi la lampe torche. Il dirige la lumière autour de lui, observant le peu de choses qu'il peut ainsi apercevoir. Les ombres sont plus nombreuses que le reste face à leurs téléphones qui servent d'unique point de lumière. Finalement, ce n'est peut-être pas plus mal s'il s'avère que Taylor n'a pas pensé à amener sa planche avec lui. Les lieux sont suffisamment étranges comme ça.

- C'est glauque, quand même. J'espère que le loft deviendra jamais comme ça, commente-t-il alors que l'idée même lui fait de la peine.

Son loft, et par association le bâtiment dans lequel il se situe, méritent mieux que ça. C'est tout de même triste de voir à quel point une maison, qui a autrefois été le lieu de vie d'une personne et le théâtre de nombreux souvenirs, peut se délabrer à ce point sans que personne ne juge bon d'intervenir pour limiter les dégâts. Les pensées de Brody se perdent alors qu'il en vient à imaginer ce qui a pu se dérouler dans ces murs lorsqu'ils étaient encore accueillants. Il peut toutefois compter sur Elijah pour le ramener sur terre. Lui qui vient de l'abandonner pour se rapprocher de Taylor assène un coup sans prévenir en mentionnant leur dernière exploration et la proximité qui va avec. Le trentenaire fronce les sourcils. Brièvement, parce qu'il n'est pas jaloux, de toute évidence. Il s'apprête quand même à dire quelque chose, mais un bruit sourd se fait entendre dans la maison, le faisant sursauter et le faisant taire par la même occasion.

- C'est pas moi !, assure-t-il aux deux autres devant lui.

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l'option du soupirail est rapidement abandonnée pour la simple et bonne raison qu'Elijah et sa carrure de géant ne passeront pas. le trio rejoint donc l'arrière, où ils découvrent une porte qui s'ouvre bel et bien cette fois, avant de buter contre un objet non identifié. un peu comme si la maison elle-même leur refusait l'entrée. peut-être serait-il plus judicieux de faire demi-tour, puisque d'un point de vue purement cartésien, une bâtisse barricadée de l'intérieur l'est souvent pour de bonnes raisons. c'est pourtant Taylor qui propose de forcer le passage, et à trois, ils parviennent à dégager la voie. quelque chose grince puis s'écroule au sol dans un fracas bruyant, et la porte s'ouvre enfin sur un nouveau couloir plongé dans le noir, pas plus rassurant que le précédent. dans sa chute, le meuble a remué un épais nuage de poussière et une odeur de moisi assez déplaisante. sans pouvoir retenir un éternuement, Taylor se retrouve en bout de file, mais le commentaire d'Eli ne lui échappe pas, en plus de lui être familier. « arrête de vouloir trouver pire que des rats morts. » le réprimande-t-il, songeant distraitement qu'à force, il va finir par s'attirer le mauvais œil, ou quelque chose du genre. les légendes n'ont jamais mentionné d'histoires réellement sordides à propos de cet endroit, mais quand même, un peu de superstition n'a jamais tué personne. à son tour, le musicien s'équipe du flash de son portable pour s'éclairer. effectuant une rapide inspection du petit hall d'entrée, il constate que la maison est bien moins encombrée que la précédente. le calme est plat, rien ne s'agite dans la pénombre ou les alentours, l'atmosphère est presque étrangement paisible. pour autant, Taylor n'a pas l'intention de se séparer du groupe, comme le suggère Eli. il sait que le brun n'est pas sérieux, mais acquiesce tout de même quand Brody vient trancher dans ce sens.
quant à la fameuse ouija évoquée par sms, objet censé favoriser la communication avec l'au-delà, il ne l'a pas emmenée - il n'en possédait même pas, de base. « on trouvera bien d'autres moyens d'appeler les esprits. » peut-être que dégrader leur ancien lieu de vie les motivera suffisamment à se déplacer pour leur mettre une raclée. pas besoin de planche magique pour ça. il s'en veut même un peu, Taylor, de venir perturber la tranquillité apparente des lieux. c'est vrai qu'elle est glauque, cette maison - mais elle est surtout tristement vide et amochée, réduite à l'état de vieille carcasse bonne qu'à procurer quelques frissons aux curieux dans leur genre. elle a manifestement été très visitée, et pas forcément avec le plus grand des respects ; peut-être est-ce pour cette raison qu'on a tenté d'en condamner les accès. finalement, leur venue ne fait que perpétuer le cycle.

revenant vers lui, Eli lui rappelle qu'il peut se rapprocher si ça n'allait pas. l'invitation le fait sourire, bien loin de se douter des réelles intentions de son ami, à savoir, titiller la jalousie de Brody. « ça en fait du monde à protéger, » commence Taylor en repensant à la peur des araignées du brun, et la promesse d'Eli de l'en secourir. il n'a pas le temps d'en dire plus, cependant, coupé court par un son qui résonne quelque part à l'intérieur. « c'est juste la maison qui craque. » rétorque-t-il, comme si l'hypothèse de fondations fragiles et potentiellement sur le point de s'écrouler n'était pas la plus inquiétante de toutes, spectres vengeurs inclus. cette fois, l'idée de l'intrus malintentionné ne lui vient pas immédiatement en tête. flanqué de part et d'autre de ses deux acolytes, il est plutôt confiant, et de toute façon, l'endroit n'était pas accessible avant qu'ils ne viennent s'en mêler. le fait de ne pas avoir avalé la moindre goutte d'alcool joue certainement un rôle dans ce sang-froid pour le moment exemplaire, ne reste plus qu'à espérer qu'il ne s'agit pas de leur unique avertissement avant que le toit leur tombe dessus. « faites vos paris : fantôme, animal ou mort imminente ? » lance-t-il nonchalamment en levant les yeux sur le plafond. le danger, pourtant, est bien réel, contrairement au paranormal.

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Brody est plutôt rationnel. Il ne croit pas vraiment aux fantômes, a tendance à se dire qu'un documentaire est truqué quand il montre un groupe d'individus qui s'aventurent dans une maison soi-disant hantée. Pourtant, il ne fait pas le malin, ce soir. Cette maison commence doucement à l'angoisser. Ce n'est pas tant l'odeur qui joue un rôle là-dedans mais plutôt la drôle d'ambiance qui règne, cette sensation de vide et d'abandon. S'il n'a pas peur des esprits, il ne peut s'empêcher de frissonner à l'idée que son propre loft puisse finir comme ça un jour. Heureusement ou malheureusement, l'homme n'a pas le temps d'aller plus loin dans sa réflexion. Un bruit se fait entendre et les interrompt tous les trois. Si l'un estime que c'est simplement la maison elle-même qui grince et que l'autre met plutôt cela sur le dos d'une bête mystérieuse, Brody, lui, décide plutôt de croire celui qu'il a pourtant mal jugé dès le départ. La version de Taylor lui paraît moins sinistre que celle d'Elijah qui s'emballe et qui en vient à imaginer qu'un tueur en série vit dans les parages.

- Si c'est pas un tueur en série, c'est peut-être juste des gens qui explorent aussi la maison, suggère-t-il, rationnel lui aussi, bien que l'entrée n'ait laissé aucune autre trace d'effraction que la leur.

Mais peut-être qu'ils ont utilisé un autre moyen pour pénétrer dans les lieux. Ou peut-être que les explorateurs en question ont quatre pattes, des grandes dents et une longue queue. Et cette idée ne vaut guère mieux que les araignées aux yeux de Brody.

- Si on croise une araignée géante, je me casse, assure spontanément le trentenaire qui n'a pas le temps d'en dire plus à son ami qui s'éloigne déjà vers d'autres horizons.

Parce qu'il n'est pas fichu de regarder ailleurs quand le corps d'Elijah se meut devant lui, le trentenaire ne rate rien du spectacle qui se joue sous son nez. Le surnom donné à Taylor vient irriter ses oreilles - Choupette, Bichette, il n'a donc pas l'exclusivité sur les surnoms ridicules. Quant au geste, il pousse le brun à froncer une fois de plus les sourcils. Pour l'absence de jalousie, on repassera. Pourtant, il prend sur lui. Parce qu'il n'est pas jaloux, qu'il l'a dit et redit. Parce qu'il est hors de question de laisser le plus jeune gagner ce petit jeu. Alors il se reprend, se force même à adresser un sourire à Elijah comme si rien de tout ceci ne l'affectait vraiment. Fake it till you make it.

- L'étage, d'abord, au moins on est sûrs qu'il existe. Le tueur en série peut nous attendre encore un peu.

La tête haute, histoire de se montrer aussi courageux que son adversaire qui a d'ores-et-déjà une visite de vieille maison à son actif, Brody passe devant les deux autres hommes. Avec la lampe de son téléphone pour seul guide, il lui faut quelques minutes avant de trouver le vieil escalier menant à l'étage. Le bois dégage une odeur d'humidité qui ne laisse que peu d'espoir quant à son état général. Il risque de céder sous leur poids, mais Brody s'y aventure tout de même. S'il fait attention, il ne devrait pas rencontrer de problème.

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contrairement à l'autre fois, leurs premiers pas dans la maison se font plutôt sereinement. le plus bizarre dans l'histoire n'étant pas la bâtisse, mais bel et bien Elijah. enfin, pas plus que d'habitude, mais ses manières le sont, et cette manie de naviguer entre Brody et lui aussi. considérant qu'avec Eli, l'amitié va souvent au-delà de ce simple statut quand tout le monde est consentant, ça n'aurait rien d'étonnant qu'il partage ce genre de lien avec le plus vieux. mais justement, voilà des mois que de leur côté, ce pacte a implicitement été rompu pour une raison encore inconnue - et si l'explication se trouvait juste là, en la personne de Brody ? il n'est pas dupe, Taylor, et peut se vanter de connaitre suffisamment son ami pour en tirer les bonnes conclusions, la théorie étant qu'il y a des mots et des attentions qui ne trompent pas. affaire à suivre, donc. pour l'instant, chacun s'applique à déterminer d'où venait le son entendu et par quoi il a pu être causé. et si les hypothèses d'Eli ne font pas l'unanimité, la maison a visiblement décidé de leur sortir le grand jeu, puisque désormais, c'est en haut que résonne une série de sons distincts. le musicien ne démords pas de sa théorie pour autant. ils viennent à peine d'arriver, sans doute ont-ils perturbé l'équilibre des lieux en forçant le passage. c'est sûrement la maison qui fléchit sur ses appuis, ce qui n'est guère plus rassurant que d'y trouver la cave d'un tueur en série ou la présence d'une araignée géante. ce qui, finalement, représente les deux grandes peurs des acolytes d'Eli - les scènes sanglantes pour l'un, les bestioles à huit pattes pour l'autre. c'est à se demander lequel d'entre eux survivrait le plus longtemps dans un film d'horreur.

entre temps, le calme est retombé. et Eli la girouette, qui s'était rapproché de Brody, revient encore une fois vers lui, les yeux pétillants de malice. abaissant la tête par réflexe quand ses doigts se glissent dans ses boucles, prétendument pour leur faire retrouver leur éclat, le blond en profite pour lancer un coup d'œil discret sur l'autre homme. et ne manque pas de noter ses sourcils froncés, sa mine un peu bougonne qui s'efface derrière un sourire aussitôt qu'Eli se soit retourné. ah, c'est donc ça. l'expression amusée de son ami lui est familière, pour l'avoir vue dès lors que le Hawkins se met en tête d'emmerder le monde - et cette fois, il semblerait que Brody en soit la cible. il ne s'était donc pas trompé. « t'es un amour, merci. » rétorque-t-il, juste pour vérifier, et par le biais d'un regard s'opère un bref échange d'informations, la confirmation dont il avait besoin. il ne devrait pas capituler si vite, Taylor ; ça ne l'amuserait en rien qu'on se joue de lui de cette façon avec Jaime, par exemple, mais la tentation l'emporte sur la raison. et puis, techniquement, Brody ne saura jamais rien de sa participation volontaire. c'est Eli le maître de ce petit jeu, après tout, lui ne fait que suivre, en bon ami serviable. c'est d'ailleurs le brun qui suggère deux alternatives : partir à la recherche d'une cave ou rejoindre l'étage, option choisie par Brody.

la structure de l'escalier se dessine dans la pénombre après quelques minutes d'exploration prudente. l'odeur du bois putréfié se fait plus entêtante encore et le déroulement de leur petite aventure lui rappelle leur expérience précédente, avec Eli. ce sont notamment ses mots, prononcés au pied d'un escalier similaire, qui lui reviennent en tête. marquant une pause, il vient toucher le bras du plus grand. « j'peux compter sur vous pour me réanimer en cas de problème, docteur Hawkins ? comme la dernière fois. » il ne s'était rien passé de tel, mais ça, Brody l'ignore, et l'occasion est trop bonne pour la laisser filer. de dos, sa réaction leur est indéchiffrable, mais les grincements des marches, eux, s'accentuent à mesure qu'il grimpe. « fais attention. » lui lance Taylor, soudainement plus sérieux. heureusement, rien ne cède sous ses pieds, et le blond prend alors l'initiative de le rejoindre. décidant d'user de ses grandes jambes pour gravir les marches deux par deux, son cœur manque un battement lorsqu'un craquement inquiétant retentit à mi-parcours, mais il atteint le sommet sans passer à travers le plancher. expirant un soupir fébrile, il balaie l'étage de sa lampe. rien à signaler, si ce n'est un nouveau couloir lugubre à visiter. « et maintenant ? » le sol sera-t-il assez solide pour supporter leur poids combiné ? rien n'est moins sûr, et c'est précisément ce qui le retient d'avancer.