Quitter la Suède. Changer de vie. C'était un gros ... un très gros changement pour la jeune femme. Elle n'a même pas fini ses études. Elle a laissé un peu tout en plan. Et ça la dérange pas. Parce que... parce que de l'autre côté des océans, il y a une famille. Une grande famille. Des gens qu'elle avait rencontré brièvement mais qu'elle ne connaissait pas assez. La famille de son père. Cet homme qu'elle n'aurait pu jamais connaître si elle n'avait pas un peu insisté auprès de sa mère. Qu'on se le dise, elle n'est pas malheureuse Rebekah. Elle n'a pas grandi avec son père. Il n'était pas là. Il était pas au courant. Même si elle peut pas lui en vouloir parce qu'il est pas si responsable que ça, elle lui en veut quand même un peu. C'est normal après tout.

Quoi qu'il en soit, elle passe cette fin d'après-midi, ce début de soirée avec lui. Ce qui ... elle trépigne d'impatience à dire vrai. Ce qui l'éclate beaucoup moins, par contre, c'est la chaleur. Oh grand dieu, qu'est-ce qui fait chaud ! Il est clair que pour un début d'hiver, ici, en Australie, les températures sont ... bien trop élevés. Et ça, c'est moyen. Ce qu'elle regrette le plus depuis qu'elle est partie de Suède ? La température. Elle aime le froid. C'est une fille qui vit dans le froid. Avec des températures extrêmes. Mais fraîches. Là, c'est tout le contraire. Et elle n'arrête pas de dire à qui veut l'entendre que ... et bien, qu'elle va mourir avec ces températures. Ce qui n'arrivera pas, bien sûr. Mais c'est pas ... génial. C'est sûr. Elle a mis un peu de crème solaire. C'est pas parce que le soleil est en train de se coucher qu'elle va pas cramer.

Un coup d'oeil à sa montre. Faut qu'elle se bouge quand même. Elle a pas envie d'être en retard. Les moments avec son père, ça reste quelque chose de sacré mine de rien. Et elle n'a pas envie qu'il croit qu'elle s'en fout ou quoi que ce soit dans le genre. Direction la voiture. Et direction donc la grande place avec le marché Milton. C'est une première pour elle. En même temps, c'est normal. Ca fait pas longtemps qu'elle est sur Brisbane. Mais passons. Elle a garé sa voiture. Bon, il faut payer la place de parking mais au moins, elle peut y rester autant qu'elle veut. Elle a vu qu'il fallait également payer l'entrée pour aller sur le marché. Mais elle attend son père avant de le faire. Non, elle est quasi sûre qu'il ne va pas lui faire faux bond à la dernière minute. Mais avec le boulot qu'il fait, ça pourrait être possible après tout. La médecin, surtout d'urgence, on prévoit pas toujours et les heures supp' sont possibles. Enfin, elle n'a plus qu'à attendre son père. Et voir s'il va venir. La joie ou la déception ?

Plus les minutes défilent, plus elle est anxieuse la jolie suédoise. A se poser mille et une questions. A se demander si son père va venir. Ou bien si au contraire, il va ... il va annuler à la dernière minute. Elle n'a pas de raison de douter de lui. Après tout, il lui a bien fait comprendre qu'il voulait être dans sa vie. Et tant mieux. Dans le cas contraire, durant l'année écoulée, il n'aurait pas cherché à garder le contact avec elle. Il aurait fait tout le contraire d'ailleurs. C'est à dire ... Et bien, c'est à dire la laisser tomber dans les oubliettes. Et c'est pas ce qui s'est passé. Il était là, à distance. Mais il était là quand même. Et maintenant qu'elle est sur Brisbane, il est là ... Un peu plus souvent pour elle. Et surtout, ils ont l'occasion de se voir. De passer du temps ensemble. Ca lui fait un bien fou. C'est vrai que c'est un grand changement de vie. Tout quitter. Enfin, quitter ce qu'elle connaissait déjà. Pour partir vers l'inconnu. Pour partir dans une ville qu'elle ne connaît pas très bien. Où elle a certes beaucoup de membres de sa famille mais très peu d'amis puisqu'elle doit tout recommencer. Et pourtant, elle a décidé. De recommencer. D'être là.

Rebekah retient son souffle. Et puis, finalement, elle peut le reprendre. C'est un peu comme si son coeur s'était arrêté de battre quelques instants, dans l'attente de son paternel. Et elle le voit. Il s'approche d'elle. Et elle a un grand sourire. C'est cool. Il est venu et il ne lui a pas posé un lapin ! Elle avait peur, mine de rien, que ça soit le cas. "Salut !" Qu'est-ce que c'est génial qu'il soit là ! Elle ne veut même pas penser à ce qu'elle aurait ressenti s'il avait dû annuler. Elle a encore, toutefois, un peu de mal quand il est câlin avec elle. Mais au fond, elle aime ça. "Non, ça fait quelques minutes." Elle pourrait lui dire que c'était les plus longues minutes de sa vie. Mais elle ne veut pas, non plus, le blesser. Lui faire du mal. Ca serait dommage qu'elle le vexe ou quoi que ce soit dans le genre. "Oui, on peut y aller." répond-elle dans un hochement de la tête. Alarik s'enquiert un peu des dernières nouveautés du côté de sa fille. "Ca va. J'essaie encore de m'habituer ... à cette chaleur." Elle secoue la tête. "Il paraît que c'est l'hiver ... bah, c'est carrément différent de la Suède." Il fait chaud. Il fait très chaud selon la demoiselle. "Y'a des fois, j'ai l'impression que j'vais fondre." Et elle plaisante pas. "Pas toi ?" Bon, il a peut-être pas connu la Suède aussi longtemps qu'elle. Quoi que, ça se vaut peut-être. Qui sait ? C'est peut-être équivalent. "Sinon, j'ai bossé ce matin. Il a fallu que je me lève tôt pour les matinales." Mais ça la dérange pas. Enfin, pas tant que ça. Elle a encore l'impression, parfois, de vivre au gré du décalage horaire. Enfin, que c'est pas vraiment l'heure que ça devrait être. "J'avoue, j'ai fait une petite sieste pour être en forme." Parce que ... parce qu'elle voulait pas louper ça. A la base, elle devait pas bosser. Et comme elle voulait pas annuler, enfin, remettre ça, oui, une petite sieste, c'était bien suffisant. "Et toi ? Pas trop compliqué ta journée ?" Ca aurait pu être sa vie, les urgences. Sauf que ... pour le moment, c'est un peu en stand-by. Et elle réfléchit encore à ce qu'elle va faire.

Qui l'aurait cru ? De lâcher sa vie en Suède ? De s'en aller, loin. De recommencer à l'autre bout de la terre, ou presque. C'était pas une décision facile. Elle pouvait rester en Suède, avec sa mère. C'est sans doute ce qu'elle aurait fait si jamais Alarik avait été au courant de son existence et qu'il se foutait d'elle. Sauf que ... il n'était pas au courant. Et elle a bien vu quand elle est venue l'année dernière qu'il avait envie de tisser un lien avec elle. Et c'était pas vraiment possible de lui demander de venir habiter en Suède. Il avait quitté son pays natal après tout et c'était forcément pour une raison. Elle n'a pas posé la question. Bon, il est vrai que sa mère avait son point de vue. Mais elle aimerait bien l'entendre, également, de la part de son père. Histoire de savoir quand même. S'ils étaient sur la même longueur d'ondes. ou bien si au contraire, elle lui en voulait d'être parti et elle l'a chargé au max. Oui. Elle lui posera la question un de ces jours. Peut-être pas ce soir. Ce soir, ils sont là pour profiter. Ce soir, c'est un moment père fille. A discuter un peu de tout et de rien. A profiter de la foire. A s'amuser, peut-être bien. A être là, tout simplement. Le temps des questions viendra un de ces jours, c'est vrai.

Quoi qu'il en soit, la première chose ... qu'elle regrette sans doute, c'est la fraîcheur. Rebekah a bien du mal à supporter cette chaleur. Après, il faut... qu'elle en prenne l'habitude. Ca fait à peine quelques mois qu'elle est là. Viendra un moment ou à un autre où oui, elle supportera bien mieux. Elle doit simplement prendre son mal en patience. "Ouais, non, Noël en mini-short ... Ca a toujours été Noël avec une doudoune." Elle passe une main dans ses cheveux. "Et tu vois, on est au début de l'hiver et il fait même pas aussi froid ... qu'en Suède." Elle aurait bien dit chez nous. Sauf que la Suède, ça doit plus être vraiment chez lui. Et ce depuis des années. Rebekah aura toujours une pensée pour la Suède. Toujours. Elle n'a pas voulu fuir ce pays. Elle a simplement voulu ... découvrir un peu le monde. Et surtout, se rapprocher de son père qu'elle ne connaît pas tant que ça. Enfin, elle apprend, petit à petit. "Tu sais que tu me rassures pas trop mine de rien." Elle rigole un peu. Elle aimerait que ça soit plus facile. Qu'elle s'habitue rapidement. Mais elle n'est pas certaine que ça sera le cas. De toute manière, elle est là. Elle va pas s'en aller. Faudrait déjà qu'elle refasse son compte en bancaire si elle voulait refaire un tel déménagement et elle ne pense pas que ça arrivera. "Ouais, presque. On en est pas loin en tout cas." Et c'est dérangeant. Mais bon. Elle doit faire avec.

Rebekah hausse les épaules quand son père lui demande ... si elle aime ce qu'elle fait. "C'est pas ... le job le plus passionnant au monde. Mais ceux qui passent derrière l'écran sont sympa avec moi. Y'a toujours des pénibles, c'est vrai." Mais elle n'a pas trop à se plaindre. Elle apprécie. Il est vrai qu'elle a peut-être un petit crush sur un certain reporter mais ça, c'est autre chose. "Ca occupe. Et ça paie les factures surtout." Même si elle est en colocation et qu'elle partage les frais. Ca, c'était une bonne idée quand même. Oui, bon, au départ, elle a cru que ça allait pas pouvoir le faire. Parce qu'à cause de la tempête de sable, y'a une escale qui a été retardée de deux jours. Et puis, elle a pu organiser une nouvelle visite avec Louis. Et si ce dernier lui tape sur le système en ramenant de nouvelles conquêtes tous les quatre matins, ça va. Elle s'entend bien avec tout le monde. Et elle sait que son père va probablement lui dire à nouveau que si ça va pas, elle peut toujours venir à la maison. Mais elle veut pas s'imposer. Et elle ne veut pas non plus mettre Esma mal à l'aise.

Les urgences. Ouais. Le boulot de Alarik est quand même prenant. Fatiguant. Il doit courir un peu partout. Elle le sait pour avoir fait quelques journées découvertes à l'hôpital. "Ah ... Et quand tu n'aimes pas le café, tu fais comment ?" demande-t-elle en se mettant à rire. Oui, bon, elle plaisante un peu. C'est pas ... disons qu'elle apprécie moyennement le café. C'est le goût. On lui propose un bon chocolat chaud, ok, ça, elle va le boire sans souci. Quitte à se brûler même des fois. Ce qu'elle adore ? C'est quand y'a de la mousse. Et qu'elle se fait limite une moustache pour que ça soit amusant.

Ils arrivent dans la foire et ils vont pouvoir s'arrêter à différents stands. Ils vont pouvoir fureter un peu à droite à gauche. Voir si y'a de jolies petites choses. Rebekah ne va pas non plus dépenser sans compter. Elle a pas un porte-monnaie extensible. Mais si elle voit une jolie petite chose, elle n'hésitera pas."On va faire le tour, non ?" Elle a un hochement de la tête. "Comme ça, on va pouvoir regarder un peu tout ce qu'il y a." Et faire une petite halte, oui, pour manger un bout. "Par contre, y'a de trop bonnes odeurs." Ca donne envie. Un peu trop.