@Alarik Källström & @Mairead O'Riordan

Mairead a toujours apprécié son métier. La médecine c’est une vocation peu importe les conditions dans lesquelles elle exerce. Si gérer un service entier dédié aux urgences s’est avéré être un défi, elle y a vite pris goût. Le challenge c’est quelque chose qui lui parle après et surtout l’irlandaise aime être sur le podium. Elle a toujours été comme cela, elle a toujours voulu être la meilleure. Une image parfaite pour une vie parfaite. Au début, tout était rose, sa vie était sous contrôle. Et un beau jour tout a explosé et elle s’est retrouvée sans rien. Rien du tout. Il lui a fallu des années pour s’en relever et un jour, un jour alors que la mort l’a frôlé, enfin, elle a su s’en relever et se sentir vivante. Alors elle a recommencé à avancer. Cela semble presque loin aujourd’hui. Deux années qu’elle n’a pas vu passer. Elle passe le plus clair de son temps ici après tout, on pourrait presque qualifier ce service comme sa résidence principale et son appartement est la secondaire. Elle dort plus souvent dans un des lits des chambres de garde que dans le sien. Elle se noie dans le travail pour avancer comme elle et elle se sent utile ici, elle oublie que son cœur est vide, vide de tout ce qui le remplissait fut un temps. Impossible de trop regarder en arrière quand on n’a pas le temps de le faire. Sans doute qu’elle se fera rattraper par les événements et le regrets mais pour l’heure, elle a les urgences à faire tourner.

Le service hospitalier australien ne fait pas figure de model dans le monde. Il est débordé, il manque cruellement de moyens et de personnels, les frais médicaux ne sont pas toujours accessibles au plus grand nombre. Mairead se bat pour faire ouvrir un dispensaire, pour réunir des fonds mais il faut avouer que c’est compliqué, qui a envie d’investir dans un projet qui ne rapporte pas ? A ses yeux, si cela rapporte… mais pas en argent. Et les gens de nos jours, ils ne jurent que pas cela. Un compte en banque bien remplit. Ce qui, clairement, ne fait pas ses affaires. On peut lire une forme de fatigue dans son regard, elle s’efforce toujours d’être professionnelle mais parfois, parfois elle a juste envie de hurler. A l’hôpital, elle a trouvé la parfaite parade pour cela, elle monte sur l’un des toits la nuit et elle crie. Ce qui est drôle c’est qu’il arrive que quelqu’un réponde, c’est quelque chose qui l’amuse.

Ce soir, cette nuit, comme la plupart des nuits, les urgences ont de quoi s’occuper. Ce n’est pas plein, ce n’est pas débordant mais tout le monde a de quoi s’occuper. Elle se retrouve en binôme avec son collègue et ami de longue date, Alarik. Il revient d’un court arrêt pour raisons personnelles. Et si Mairead le connait bien, elle sait qu’il s’est passé quelque chose d’assez grave pour qu’il prenne du temps comme cela. Alarik n’est jamais absent, ne manque pas de journées de travail, pas de garde. Il est sans doute aussi passionné par son boulot qu’elle-même. Le regard azur de l’irlandaise tente de percer à jour celui du suédois, mais il semble concentrer sur les premiers soins d’un patient. Et c’est là qu’elle tique sur quelque chose. Sa main. Elle n’a pas une couleur tout à fait normale et même si rapidement cela devient caché par une paire de gant en latex blanc, elle comprend qu’il y a quelque chose qui cloche… et impossible de ne pas voir que son binôme n’est pas dans son assiette. « - Stuart, préparez Madame Jensen pour une radio et prévenez le neurochirurgien de garde pour qu’il vérifie que tout est en ordre, s'il vous plait » L’interne opine du chef, Mme Jensen vient d’avoir un léger accident de voiture, sa tête a cogné violemment son volant mais les constantes semblent bonnes, les soins à prodiguer sont moindres. Elle regarde les gens quitter le box d’auscultation et lorsqu’ils se retrouvent tous les deux, elle tire les stores et ferme la porte coulissante. « - Ok Rik, je te connais depuis assez longtemps pour savoir qu’il y a un truc qui ne va pas, t’es totalement à l’ouest… » Elle s’avance sans crier gare pour attraper ses mains et retirer l’un des gants. « - Et tu as vu l’état de tes mains ? Tu sais que tu peux me parler ? Rien ne sortira de cette pièce, qu’est-ce qui s’est passé ? » D’instinct, elle cherche le regard du géant scandinave. Elle se sent obliger de le brusquer un peu mais surtout, elle espère qu’Alarik lui fait assez confiance pour se confier.