@Alarik Källström & @Sorcha Adair
Il y a pas si longtemps, les fins de garde étaient toujours accueillies avec soulagement, quand Sorcha savait qu’elle retrouverait la maison, les chiennes, son fiancé qui ne manquait jamais quand il pouvait de lui préparer à manger ou lui faire couler un bain bien chaud. Les choses ont tant basculé en si peu de temps que c’en est effrayant. Maintenant, plus personne l’attend, si ce n’est son petit appartement qui la déprime(ce qui serait peut-être pas le cas si elle prenait une minute de son temps pour essayer d’en faire quelque chose). Les heures de garde, c’est un peu comme des vacances pour sa tristesse, parce qu’elle a pas le choix: elle ne peut penser qu’au travail, aux patients. Pas de place pour Noah, pas de place pour sa dépression ou son coeur encore brisé. Seul le présent compte. Alors, même si elle est épuisée, même si elle a bien envie d’aller dormir, y a toujours ce pincement dans sa poitrine quand tout est fini. D’un coup elle se retrouve avec des heures devant elle à remplir d’elle ne sait trop quoi.

Soupir de soulagement alors qu’elle essuie son front du dos de la main. Aujourd’hui, son appartement attendra un peu, le temps se participer au petit goûter organisé par leur collègue. Elle esquisse un sourire amusé. « Arrête, tu vas nous porter la poisse ! » C’est qu’elle a faim en plus, et l’idée d’une bonne pâtisserie lui fait plus envie que le reste de pizza froide dans son frigo. Elle évite de penser que pas si longtemps auparavant, c’est à elle qu’on aurait demandé de faire le gâteau. Elle a pas touché à la pâtisserie depuis des mois maintenant et ne doute pas qu’elle est complètement rouillée. Elle suit Alarik jusqu’à la salle de repos tout en priant intérieurement pour qu’Ashley n’ait pas eu l’idée d’effectuer une prouesse culinaire. Son sourire s’élargit lorsque son ami lui fait remarquer le logo de la boulangerie. Elle mime un ouf de soulagement tout en se tournant vers leur collègue qui est apparemment bien décidée à attirer leur attention. Bon d’accord, Sorcha est un peu curieuse. Très curieuse même, parce qu’à voir les yeux brillants d’Ashley et son sourire à peine contenu, elle doute pas qu’il s’agisse de quelque chose d’important pour elle.

Elle aurait dû se douter Sorcha. Mais les mots tombent comme des couperets, la prennent par surprise et elle a soudain l’impression de perdre l’équilibre. Elle aurait dû s’y attendre.
Trop tard.
Elle peut juste faire comme tous les autres. Sourire, applaudir, regarder le visage resplendissant de bonheur d’Ashley qui a tout ce que l’écossaise aurait dû avoir. Elle se déteste un peu pour ça, de pas être capable de se réjouir simplement pour quelqu’un d’autre. Elle entends des paroles de félicitations s’échapper de ses lèvres comme si une toute autre personne les prononçait. Mais elle arrive pas à chasser les pensées qui lui parasitent la tête. Il y a à peine plus d’un an, c’était elle. Celle qui allait se marier, celle qui venait de découvrir qu’elle était enceinte. Elle aura jamais eu le temps de l’annoncer à qui que ce soit…

Elle a l’impression de sentir sur elle quelques regards compatissants. Mais elle est pas sûre, peut-être qu’elle est juste parano. Sans doute que tout le monde a oublié, parce que pour eux les mois ont passé, la vie a continué et ce qui lui est arrivé à elle, c’est de l’histoire ancienne, un événement tragique du passé dont elle devrait déjà être remise. D’un coup, elle a l’impression d’étouffer, alors elle en profite que tous soient rassemblés autour d’Ashley à la féliciter pour s’éclipser. Ses pas la mènent directement dans le couloir où enfin elle arrive à respirer. Elle s’adosse contre le mur et pousse un profond soupir avant de fermer les yeux.

Quelques minutes. Juste quelques minutes pour se reprendre, et ensuite elle y retournera.

@Alarik Källström & @Sorcha Adair

TW: fausse couche

Elle se déteste un peu Sorcha, de pas être juste capable de faire taire cette douleur qui lui tord l’estomac. De pas pouvoir sincèrement se réjouir pour une collègue qui partage son bonheur, à juste titre. A sa place, la brune ferait très certainement la même chose. Elle a été à sa place, d’ailleurs. Elle a l’impression que dans son ventre se trouve un gouffre béant depuis le jour où elle l’a perdu. C’est ridicule, elle le sait bien. Un amas de cellules, c’est tout ce que c’était. La taille d’une lentille, si petit qu’elle pouvait même pas encore le sentir. Une lentille, ça peut pas lui manquer, c’est absurde. Alors elle se répète en boucle les phrases qu’on a pas cessé de lui dire (avec ou sans son accord) quand ça s’est su. Toutes ces paroles pleines de bonnes intentions, mais qui au fond n’ont fait que l’égratigner chaque fois un peu plus au lieu de la réconforter, sans même qu’elle s’en rende compte.

C’est mieux que ce soit au début plutôt qu’après.
Si ça s’est arrêté, c’est qu’il y avait un problème de toute façon.
Au moins tu sais que tu peux tomber enceinte.
C’est pas comme si c’était un vrai bébé.

Elle ferme les yeux, tente de reprendre une respiration à peu près normale. Il faut juste qu’elle évacue ça, ce malêtre qui l’a prise soudainement et après ça ira mieux. Elle y retournera, affichera son plus beau sourire et félicitera la future épouse et mère comme tout le monde. Parce qu’il n’y a pas de raison qu’il en soit autrement, c’est comme ça qu’elle doit se comporter. Elle a juste besoin d’une minute. Ou deux.

Elle se rend pas tout de suite compte qu’Alarik l’a rejointe, ce qui est surprenant étant donné sa taille. Ce n’est que lorsqu’elle sent sa présence près d’elle qu’elle finit par ouvrir les yeux, toute prête à se justifier sur son attitude même si là tout de suite elle a aucune excuse plausible qui lui vient. Alors, elle est un peu étonnée quand il commence à parler de photos d’animaux, lève les yeux vers lui. D’abord, c’est la surprise qui se peint sur ses traits (pourquoi il lui parle de photos de chatons ?) avant qu’elle comprenne ce qu’il essaie de faire. Ça marche, ça la fait sourire, enfin un peu. Assez pour qu’elle ait moins envie de pleurer en tout cas. La proposition qui suit l’intrigue, et en fait, elle a pas besoin de plus de quelques secondes pour se décider. Si elle est honnête, elle doit bien admettre qu’elle se sent pas du tout d’y retourner, de faire comme si tout allait bien. « Pourquoi pas. » Le sourire s’élargit un peu plus malgré la tristesse qui se lit encore dans ses yeux et sa curiosité se trouve piquée ; elle se demande bien ce que c’est, ce fameux remède miracle. « C’est bien mystérieux tout ça… d’accord, je me change et je te rejoins. »

Il va l’emmener quelque part donc, du moins c’est la déduction logique qu’elle en fait. Alors elle se change rapidement, se débarrasse en quelques minutes de son uniforme habituel pour revêtir ses « vêtements civils », à savoir un jean et un simple chemisier à manches courtes. Une fois ses baskets aux pieds, elle attache rapidement ses cheveux encore longs avant de sortir rejoindre son collègue et ami sur le parking réservé aux employés. « Alors, tu m’emmènes où ? »