/!\ tw : alcoolisme, dépression, idées suicidaires /!\

(ambiance) ⋄ Cette énième dispute avec Noah est la goutte de trop. Celle difficile à supporter. Celle qui fait déborder le vase. C'est l'ultime que Nelly voudrait oublier, alors que son frère lui reproche encore des choses. Mais cette fois-ci, ça ne les concerne plus seulement eux. Sorcha est le centre de leurs préoccupations, de leur prise de tête. Comme l'année dernière, quand ils se sont écharpés lorsque Noah n'est pas venu à son mariage. Mais cette fois-ci, ça semble pire. Car les mots de Nelly dépassent sa pensée, et ceux de Noah ne sont franchement pas mieux. La Scott s'en veut. Tellement qu'elle n'a rien trouvé de mieux que de picoler encore et encore pour oublier. Pour que son cerveau ne pense plus à son échange avec Noah, ni à celui qui a précédé avec Sorcha. Elle n'en peut plus. Ne supporte plus ces disputes interminables, ni les reproches qu'on peut lui faire. Tout comme son corps ne supporte plus de pleurer. Pourtant des larmes, ce n'est pas ce qui lui manque ! C'est même ce qui continu de se déverser sur ses joues, lui brûlant la peau. Elle pleure d'un chagrin incontrôlable, se vide de toute sa peine, de toute sa rage. Son appartement a beau être relativement grand, Nelly suffoque. Elle n'arrive pas à respirer ici, peut-être est-ce lié aux hoquètements causés par ses pleurs. Mais elle ne supporte plus les pièces de son appartement. Aucune. Ses pensées sont tournées en boucle sur son échange déplorable avec Noah, et finissent forcément par se centrer sur Sorcha. Celle qu'elle n'a pas le droit d'aimer, ni de désirer. Celle qu'elle n'arrive pas à oublier, malgré tout ce qu'elle entreprend pour le réaliser.

Alors elle boit Nelly. Trop, encore une fois. Elle ne prend même plus la peine de se servir dans un verre et boit directement au goulot de sa bouteille de vin blanc. Pour mieux respirer, elle est sortie sur la terrasse privative de son appartement. Espace qui donne à la fois sur le salon, et sur la cuisine. Allongée sur sa banquette depuis plusieurs minutes, Nelly vide la bouteille à une allure folle. Elle ne réalise qu'à moitié les appels à l'aide qu'elle envoie à Keith, trop ivre désormais pour composer en réfléchissant. Nelly est mal, vraiment mal en point. Désormais assise sur le canapé extérieur, la Scott fixe les horizons, observe le centre ville lumineux malgré la pénombre de la nuit. Elle a enfin cessé de pleurer, mais ses yeux sont bouffis et ses mains tremblent. Elle ignore comment elle en arrive là, mais voilà qu'elle est désormais debout. Prostrée devant la barrière de son balcon. Ses mains s'agrippent à celle-ci alors que ses yeux délaissent l'horizon pour observer la rue. Et si elle sautait ? Est-ce qu'elle manquerait au moins à quelqu'un ? Est-ce qu'on remarquerait sa disparition ? Au moins Noah et elle cesseront de se faire du mal. Elle est là la solution ; toute trouvée. Ce n'est que comme ça qu'elle peut l'oublier, qu'elle peut tourner la page de Sorcha. Mettre fin à cet amour impossible, à sens unique. Nelly recommence à pleurer alors que ses doigts agrippent un peu plus la barrière. Ils la serrent tellement fortement que le sang a du mal à circuler. À tel point qu'ils en deviennent blanc et que des fourmillements lui chatouillent le bout des doigts. Mais elle ne sent rien Nelly, le regard figé vers le vide. L'envie de sauter est présente. L'envie de mettre un terme une fois pour toute à sa souffrance ; et à celle qu'elle cause.

Nelly oublie son précédent appel au secours. Désormais elle ne pense plus qu'à sauter. Elle y pense tellement qu'elle pleure de plus en plus en se disant que ce n'est peut-être pas ce dont elle a envie. Mais n'est-ce pas la seule alternative pour se sauver elle-même ? Prise dans le tourment de ses pensées, Nelly est tirée de là par une voix raisonnant à l'intérieur de son appartement. Ses paupières papillonnent et elle délaisse le bas de la rue pour observer à travers la baie vitrée qui a osé entrer chez elle sans sa permission.

Keith.

Ses sourcils se froncent au même instant où il la trouve. Keith s'avance jusqu'à l'encadrement de la baie vitrée et lui fait savoir qu'il est là. Les mots sont forts, à double sens. Il est à physiquement, mais surtout mentalement. Là pour elle. A-t-il senti que quelque chose se tramait ? Perçu au-delà des frontières de la vie, dans ce monde invisible, que quelque part dans Brisbane, Nelly souffrait ? Désormais ivre, Nelly a oublié leur échange par messages. À cet instant, elle se sent plus reconnaissante que jamais, mais est trop mal en point pour le reconnaitre. Keith vient d'arriver au bon moment. Car sans lui, peut-être qu'elle aurait sauté, Nelly...

Quand il lui demande si elle va bien, la Scott s'effondre à nouveau. Sa main droite – la dernière qui tenait la barrière – délaisse enfin la rambarde. Nelly court jusqu'à lui, se jette même dans ses bras et le serre de toutes ses forces. Comme s'il était sa bouée de sauvetage, celle qui l'empêchera de se jeter dans le vide.

– N... No.. Non ! hurle Nelly entre plusieurs sanglots.

Blottit contre un des hommes les plus importants de sa vie, Nelly se laisse aller. De tout son poids. Elle sent que Keith la soutient, la maintient debout à l'aide de ses bras musclés. Quant à elle, elle s'agrippe à lui, plante même ses ongles dans la chair de sa nuque. Parce qu'elle a peur maintenant... Peur du vide qu'elle a voulu affronter, et de l'envie demeurant en elle.

– Rien ne va. Je veux juste disparaître, qu'on me laisse ! Qu'est-ce que ça changera de toute façon !!! continue-t-elle de hurler, comme si c'était lui le problème à son existence. Alors qu'en fait, Keith est son véritable sauveur. Mais... Qu'est-ce que... Qu'est-ce que tu fais là toi ?

(ambiance) ⋄ Si l'arrivée de Keith ne l'avait pas interrompu dans sa démarche, qu'est-ce qu'il se serait passé ? Aurait-elle sauté par-dessus la rembarde ? La question demeure présente dans l'esprit de Nelly, tandis qu'elle réfléchit en même temps à la présence de son ex ici. Est-ce que quelqu'un se serait aperçu de son absence, si elle avait sauté ? Elle ne pense pas, Nelly. Ça fait deux ans qu'elle divague, qu'elle sombre dans un malheur et une addiction qu'elle ne contrôle pas, sans que personne ne le remarque. C'est le signe que si elle sautait, personne n'en serait réellement impacté, non ? Ses proches s'en ficheraient peut-être... Penser à cela lui fait d'autant plus du mal à Nelly. Des larmes brûlantes roules sur ses joues tandis qu'elle sent enfin des bras réconfortants l'enlacer. La sensation est puissante et a une importance particulière. Car elle les a attendu ces bras, inconsciemment. Dans le fond, Nelly voulait être soutenue, aidée. Il aura fallu des années avant que cela n'arrive enfin. Avant de sentir en quelque sorte en sécurité, blottie presque férocement contre le torse musclé de Keith. Après des années de silence, de distanciation entre eux, elle s'est perdue Nelly. Car ce n'est certainement pas à Alice qu'elle se confie sur ses états d'âme – Alice étant trop centrée sur elle-même pour constater le mal-être de son amie – ni à qui que ce soit d'ailleurs. Son confident c'était Keith. Ugo, son frère aussi l'était, mais depuis qu'il est père de deux enfants leur relation a pris une autre tournure. Alors elle n'a plus eu personne à qui parler Nelly. Personne à qui conter ô combien elle va mal, faisant demeurer en elle une sensation de solitude. Elle est seule et personne ne se soucie d'elle. La constatation fait mal et est même terriblement douloureuse.

Sa solitude se rompt quand Keith lui souffle à l'oreille être là. Elle a beau pleuré toutes les larmes de son corps, elle ne se sent soudainement soutenue. Ses doigts s'agrippent dans le dos de Keith, ses ongles sans manucure continuent de s'y planter presque férocement. Comme si elle cherchait à s'agripper à lui pour s'empêcher de passer à l'acte. Pour s'empêcher de se mettre en danger comme elle a manqué de le faire quelques secondes plus tôt. Elle a failli sauté. Elle aurait pu, s'il n'était pas intervenu à temps. Et maintenant qu'il agrippe son visage et la force à le regarder dans les yeux, Nelly regrette presque les idées noires qui se sont emparées d'elle, alors que Keith lui confie tenir à elle. Entre deux sanglots, c'est un hoquètement de surprise qu'elle échappe tandis que son ex meilleur ami lui assure que beaucoup de personnes tiennent à elle. Ah oui ? Qui ça ? Elle voudrait bien entendre des noms, car elle n'est pas certaine que ce soit le cas. Sinon, elle ne se serait jamais sentie aussi seule, et n'aurait jamais autant sombré non ? Mais elle n'a pas le temps de lui répondre, puisque Keith continue d'essayer de la rassurer. Il lui confie qu'il va l'aider. Cette remarque l'a fait pleurer d'autant plus. Nelly n'a plus aucun contrôle sur les larmes qui se déversent sur ses joues, ni sur ses mains qui tremblent bien qu'elles soient toujours agrippées au cou du O'Connor.

Keith tient à elle et ne veut pas qu'elle disparaisse. Elle ne pensait pas que ces paroles seraient aussi bonnes à entendre, aussi réconfortantes. Tout comme elle pensait qu'il avait tourné la page de leur histoire, de leur amitié d'antan. Ses iris embrumées de larmes arrivent tout de même à s'accrocher à celle de son ex, qui lui confie au même instant qu'il veut retrouver ce qu'ils avaient. Quoi donc ? Leur amitié ? Leur couple ? Nelly est confuse, son état d'ivresse n'aidant sûrement pas à analyser les propos de Keith comme elle aurait su le faire par le passé.

– Je t'aime aussi, souffle-t-elle alors qu'il dépose ses lèvres sur son front, la poussant à fermer ses yeux pour profiter de l'instant présent.

Elle ressent de l'amitié dans ce geste, cette même tendresse qu'il avait toujours avec elle. Ça lui fait un bien fou à Nelly. Elle se sent entourée, soutenue, aimée. Il lui a dit d'ailleurs... Il l'aime. Ces mots ont fait s'emballer son cœur meurtri par la solitude. Voilà des années qu'on ne lui avait plus dit tenir à elle. L'aimer. Le dernier en date qui lui a prononcé de tels paroles, c'est Andrew le lendemain de leur rupture. Ces paroles n'avaient aucun sens, surtout après ce qu'il lui avait fait. Mais aujourd'hui, elle le sent le sens, Nelly. Elle le voit. Keith l'aime comme elle l'aime lui. D'un amour fraternel, puissant, indestructible. Malgré les années séparées, il est encore là, présent ; ce sentiment d'être la moitié de l'autre. Un soupir de soulagement s'échappe d'entre ses lèvres tandis qu'elle fait reposer son visage contre le torse du brun. Ça ne dure qu'un instant, puisque Keith la tire à l'intérieur. Loin du potentiel lieu du crime. Loin de la tentation. Elle se laisse guider Nelly, et s'assoit sur le canapé juste à côté du gros Lenny. Le chat miaule dès qu'il sent sa maîtresse s'affaler sur le canapé, réellement dérangé par les secousses causées. Mais il se met à ronronner dès qu'il aperçoit la compagnie de Nelly. Keith. Lenny semble ne jamais l'avoir oublié, malgré les années. Alors dès que le O'Connor s'assoit sur la canapé lui aussi, Lenny saute sur les genoux de Nelly pour aller rejoindre ensuite ceux de Keith sur lesquels il se roule en boule. La scène fait sourire la Scott. Ah ce Lenny, toujours aussi câlin et aussi en amour pour Keith... L'animal ronronne ce qui amène un certain soulagement chez sa maîtresse. Ça la soulage de l'entendre si heureux.

Nelly pose son visage contre l'épaule de Keith, tandis qu'à son tour elle vient se blottir dans ses bras. Elle veille à ne pas gênée Lenny dans ses mouvements, tandis qu'elle niche son visage dans le creux du cou de Keith. Il lui demande de lui expliquer ce qu'il se passe, mais Nelly se sent perdue. Que lui dire ? Elle ne se voit pas tout lui raconter, pourtant ça libérerait d'un réel fardeau. D'un poids désormais trop lourd à porter. Si lourd qu'il a failli la pousser à mettre fin à ses jours.

Après plusieurs minutes de silence – comblé par des pleurs – Nelly se serre un peu plus contre le O'Connor. Elle le serre si fort qu'elle risque de l'empêcher de respirer convenablement, mais elle a besoin de ça. De lui. Alors elle s'agrippe à nouveau, comme elle l'a fait précédemment.

– Je... Je suis... Amoureuse, confie-t-elle entre deux sanglots, tandis que la honte la gagne à mesure qu'elle prononce ces mots. Elle est gênée de parler de ça à Keith, après l'histoire qu'ils ont eu. Mais surtout, terrifiée à l'idée qu'il lui demande l'identité de cette personne... Nelly n'est pas prête à lui faire son coming-out. À personne, d'ailleurs. Même pas à elle-même. Et je me suis encore fâchée avec Noah. Je n'en peux plus ! explique-t-elle doucement, en continuant de pleurer. Je n'en peux plus... répète-t-elle en référence à cette vie qu'elle ne supporte plus. Sa vie.

(ambiance) ⋄ Depuis leur enfance, Noah et Nelly se disputent pour des broutilles. C'est récurrent, comme si cela faisait parti de leur identité. Comme s'ils étaient obligés de passer chaque semaine qui défile à se hurler au visage. Mais cette fois-ci, ils sont allés plus loin. Les mots prononcés ont laissé un goût amer dans la bouche de Nelly et la rancœur a gagné son cœur. Elle s'en veut autant qu'à lui pour ce qu'ils se sont dits. Ça lui a fait tellement de mal à Nelly, qu'elle a fini par s'imaginer ce que dirait Noah s'il  apprenait la nature de ses sentiments pour Sorcha. Les savoir se fréquenter amicalement l'a déjà rendu fou de rage, alors s'il apprenait que sa sœur est en réalité amoureuse d'elle depuis leur rencontre, il deviendrait sûrement hors de contrôle. Elle a peur, Nelly. Pas de ce qu'il pourrait lui faire mais de ce qu'il pourrait lui dire. La rayer de sa vie en coupant les ponts avec elle. Elle le projette, Nelly. Assumer ses sentiments lui ferait immédiatement perdre son petit frère. Une réalité qu'elle se refuse d'affronter. Malheureusement, plus le temps passe, plus ses sentiments vis-à-vis de Sorcha demeurent intactes. Rien ne change, bien qu'elle souhaite le contraire Nelly. Si elle pouvait appuyer sur un bouton pour oublier cette femme, alors elle le ferait. D'autant qu'il est aussi là, le problème, Sorcha est une femme. L'interdit. Le poison. L'homosexualité est anormale, répugnante, aux yeux de Nelly Scott. Comment assumer alors l'ampleur de ses sentiments et devenir comme ces individus qu'elle méprise depuis l'enfance ? Tout ça, tous ces problèmes, n'ont fait que s'empiler les uns sur les autres. Et sous le coup de l'ivresse, Nelly a pensé à mettre fin à ses jours.

Nichée dans le cou de Keith, Nelly ne fait pas attention à son chat. Avachie sur le canapé et blottie contre son meilleur ami, elle ne pense à rien d'autre qu'à lui et au fait que sa vie n'ait pas pris la tournure qu'elle espérait. Les larmes continuent de rouler sur ses joues alors que Keith réagit comme il sait si bien le faire. Avec grâce et douceur, sans se montrer intrusif. Il ne l'interroge pas sur l'identité de cette personne dont elle se dit amoureuse, ce qui soulage immédiatement Nelly. Ses épaules se déchargent d'un poids lourds. Un poids qu'elle ne supportait plus de porter. Elle l'a enfin dit, enfin assumer à haute voix. Elle est amoureuse.

Ses poils se hérissent alors qu'elle sent l'emprise de Keith autour d'elle, et ses doigts caressant ses cheveux. Un geste dont elle a toujours raffolé, Nelly. Celui qui lui a toujours apporté réconfort et une sensation plénitude. Ses paupières se referment alors que son chagrin s'apaise lentement. Les larmes coulent encore lorsque Keith l'interroge sur sa dispute avec Noah. Il ne lui laisse pas le temps d'y répondre puisqu'il relance finalement Nelly sur les sentiments qu'elle vient de lui avouer. Il n'a pas tort. Être amoureux ce n'est pas censé faire si mal, être si douloureux. Elle le sait bien Nelly mais se l'entendre dire la fait pleurer de plus belle à nouveau. Elle n'en peut plus. Si Keith pouvait lui arracher son cœur dès maintenant, ça l'arrangerait Nelly !

– Je sais oui, murmure-t-elle entre deux sanglots lorsque Keith lui assure qu'il ne la jugera pas, et qu'elle peut tout lui dire. Oui. Tout. Sauf ça. Contrairement à ce qu'il lui dit, Nelly est persuadée qu'en expliquant tout à Keith, celui-ci lui tournerait le dos. L'homosexualité est une tare qu'elle se refuse d'assumer.

C'est justement ce qui fait si mal. Parce qu'elle aimerait guérir de ça, Nelly. Elle aimerait rencontrer quelqu'un – un homme – qui la rendra enfin heureuse. Seulement la vie semble en avoir décidé autrement, ce que la Scott ne supporte plus.

– Je confirme... On a été très cons. Jamais personne ne m'a manqué autant que toi, lâche-t-elle en réponse à son meilleur ami alors qu'elle déniche son visage de son cou pour le regarder dans les yeux. Le regard rempli de détresse mais aussi d'amour ne dure qu'un bref instant, puisque très vite Nelly se reblottie contre Keith. Je ne peux pas te le dire. Tu me détesterais autant que je me hais moi-même. C'est juste que... Que je n'en peux plus. Je veux juste tourner la page, oublier ces dernières années et être heureuse. Mais je n'y arrive pas. Je n'y arrive p... répète-t-elle sur la fin alors que de nouvelles larmes se déversent sur ses joues et que ses mots se coincent au fond de sa gorge.  Je ne veux pas que vous me détestiez ! conclue-t-elle enfin, en faisant référence à Keith mais aussi à Noah, ce petit frère qu'elle a trahi sans le vouloir.