TW : alcoolisme, homophobie.

( o u t f i t ) ⋄ Il y a plein d'option possible et imaginable. Plein de personnes qu'elle peut contacter, Nelly. Elle le sait, et se le dit même à elle-même alors qu'elle ferme le volet roulant du Golden Wedding – son magasin. Les larmes roulent le long de ses joues et l'alcool coule déjà dans ses veines. La faute au fait qu'elle soit seule dans la boutique depuis dix-huit heures, à contempler le vide et bercée par le silence. Aucun client n'est venu ce soir, ce qui l'a conduite à se plonger dans ses pensées. La bouteille de vin planquée dans son casier a été à moitié vidée, tandis que des visages familiers vont et viennent dans son esprit. À commencer par Sorcha Adair ; cette femme dont elle est secrètement amoureuse depuis plus de quatre années, et pour laquelle elle n'ose pas assumer ses sentiments au grand jour. Non pas que ce soit possible d'ailleurs, puisque Nelly Scott est encore persuadée que son hétérosexualité sommeille en elle. Elle n'est pas homosexuelle et ne le sera d'ailleurs jamais. Puis, c'est finalement à sa meilleure amie – si elle peut encore l'appeler ainsi ? – qu'elle finit par penser. Pour une fois que ce n'est pas de la faute de Sorcha et de cet amour impossible qu'elle pleure... Depuis quand ne lui a-t-elle plus écrit ? Elle refuse, Nelly. Parce qu'elle redoute désormais les immondices qu'Isabella pourrait lui souffler. C'est ce qu'elle craint depuis qu'elle l'a comparée à son père, John Scott, et qu'elle a sous-entendu qu'elles n'étaient plus faites pour être amie. Elle en a souffert Nelly. Parce que Isa, c'était un de ses piliers essentiels dans sa vie. Si ce n'est la plus importante. Elles se connaissent depuis des décennies, savent tout l'une de l'autre, et n'ont jamais passé un seul jour sans échanger ne serait-ce qu'un message. Nelly est addicte à elle ; et probablement que c'est réciproque. Une addiction dont elle ne peut s'assouvir ; commençant à ressentir le manque. Tellement, que ça en devient insupportable.

Son casque de moto dans les mains, ses escarpins dans l'autre, Nelly traverse les rues de paddington en essayant de retenir ses larmes. Elle ne fait que penser à ce qu'elle a perdu et à cette vie encore plus solitaire qui commence à être sienne. Alors quand elle grimpe sur sa BMW, elle ne peut s'empêcher d'attraper son téléphone portable et de lancer un appel téléphonique à celle qui lui manque tant. Au pilier de son existance... Mais aussitôt l'appel lancé, que Nelly l'annule dans la foulée. Non. Elle ne peut pas. Elle s'interdit d'y retourner et de se jeter dans la gueule du loup. Parce que c'est ainsi qu'elle la perçoit maintenant. Surtout depuis qu'Isabella semble avoir perdu la tête, et risque de faire voler en fumée un mariage auquel Nelly elle-même est attachée. C'est inacceptable.

Le besoin de parler, de vider toutes ces émotions négatives hors de son corps, est bien réel. Mais qui aller voir ? Sa fratrie ? Non. Elle ne s'est jamais trop autorisée à leur montrer ses fragilités. Elle doit restée forte pour ses cadets. Quant à Keith, elle pourrait l'appeler, mais ce serait le déranger une fois encore. Il en a assez fait comme ça. Puis elle pense aux autres, dont Luther son ex, mais là encore, elle s'abstient Nelly. La meilleure option, celle qu'elle trouve la plus envisageable, est celle qui se répète continuellement depuis deux ans : rentrer s'enivrer chez elle, seule. Parce qu'elle sombre, Nelly. Elle s'enfonce tête la première dans un alcoolisme qu'aucune personne de son entourage n'a su déceler. Pas même Isabella, ni ses frères et sœurs.

L'option est envisagée, choisie même.
Nelly parcourt à une vitesse folle les rues de Brisbane pour rejoindre le centre-ville. Ce n'est finalement qu'en traversant South Bank & West End que son programme change brutalement. Elle passe devant un bâtiment qu'elle connait que trop bien. Les freins de sa moto crisse tandis qu'elle dérape pour faire demi-tour. Les voitures arrivant d'en face font raisonner et hurler leurs klaxonnes, mécontents de l'action inattendue entreprise par la motarde. En même temps, elle n'a rien vérifié Nelly. Elle a fait demi-tour sans prendre connaissance des automobilistes autour d'elle. D'un bras jeté en l'air, la Scott leur fait un geste d'excuse bref. Elle a bien failli avoir un accident, mais trop dictée par l'adrénaline en elle, et l'alcool coulant toujours dans ses veines, Nelly n'a pas réfléchi.

Sa moto garée devant le hall de l'immeuble, la blonde prend tout de même le temps d'attacher l'anti-vol puis de glisser une pastille mentholée dans sa bouche. Puis ses baskets la guident jusqu'à l'interphone, sur lequel elle ne sonne pas. Parce qu'elle connait le code par cœur Nelly et se permet donc d'entrer dans la bâtisse sans alerter Jalen de sa venue. Ce n'est qu'une fois devant la porte d'entrée du brun qu'elle lui fait connaître sa présence. Elle sonne. Une fois, deux fois. Mais l'avocat ne vient pas. Alors elle surenchérit Nelly, avant de donner des coups contre la porte. Les larmes roulent à nouveau le long de ses joues, parce qu'elle se sent enfin libre de pouvoir les exprimer, loin des regards d'inconnus.

Lorsque la porte s'ouvre enfin, Nelly ne laisse pas le temps à Jalen de prendre connaissance de qui vient le déranger à une telle heure. Voilà qu'elle se jette dans ses bras, s'accrochant à lui de toutes ses forces. Elle le serre presque avec férocité, et agit telle une noyée le ferait sur une bouée de sauvetage. Aucun son ne sort d'entre ses lèvres, si ce n'est quelques sanglots à peine perceptibles, alors qu'elle niche son visage dans le creux du cou de son vieil ami.

Venir trouver Jalen est soudainement devenu la meilleure option. Car peut-être que lui, il aura des réponses. Peut-être qu'il saura les aider, Isabella et elle...