@Keith O'Connor
Depuis qu'elle a accepté l'invitation de Keith, Emery est en forme. Elle sait qu'elle s'apprête à recevoir une bonne dose d'adrénaline. Elle ressent toujours ça lorsqu'elle se rend au casino avec son ami. Elle ressent toujours ça quand ils sortent tout court, d'ailleurs. Peu importe où ils vont. Kaith a toujours des idées à la con et elle suit. Parce que c'est excitant, de sortir du quotidien de cette façon. Parce qu'ils s'amusent bien, aussi. En somme, elle n'a aucune raison de refuser l'invitation. Ainsi, depuis une heure, elle farfouille dans sa penderie à la recherche d'une tenue. L'hiver est là, l'obligeant à choisir une robe un peu plus longue que celles qu'elle peut porter l'été. Le casino exige un dress code un peu élégant, éliminant aussitôt tout ce qui est trop ouvert ou trop pailleté. Résultat : c'est le bazar complet dans sa chambre. Des chaussures traînent en au sol, des fringues sont étalées sur le lit... Heureusement que son maniaque de colocataire ne met jamais les pieds dans cette pièce. Il ferait une syncope, sinon. Et ne manquerait sûrement pas de lui laisser un post-il pour lui rappeler de ranger ses affaires comme il a déjà pu le faire alors qu'elle n'avait laissé qu'une seule tasse en dehors du placard. Non, vraiment, ce mec a un problème et si Emery est prête à faire des efforts pour leur cohabitation, elle est tout de même heureuse d'avoir encore une pièce dans laquelle elle est libre de foutre le bordel.

Tenue choisie et enfilée, c'est la salle de bains qu'elle rejoint pour se maquiller et démêler sa tignasse brune. Elle repose sa brosse à cheveux quand son téléphone vibre, affichant le message de Keith qui l'attend au bas de son immeuble. Emery ne tarde pas. Elle retourne dans sa chambre pour enfiler des escarpins, attrape son minuscule sac et se trouve déjà dans le couloir quand elle met son manteau. La soirée va enfin débuter. L'idée de jouer, dans tous les sens du terme, la rend déjà euphorique. Mais un élément vient d'ores-et-déjà bouleverser ses plans. Elle n'avait pas prévu la moto, Emery. Ce n'est pas une mauvaise surprise en soi. C'est qu'elle le trouve plutôt sexy, Keith, quand il enfourche son deux-roues, un pied au sol pour se stabiliser. Non, vraiment, elle peut comprendre toutes ces femmes qui fantasment sur les motards. Celui qui se tient devant elle est canon. Comme sa robe, d'après le compliment qu'il lui offre.

- Merci, s'amuse-t-elle alors qu'elle fait glisser son manteau sur ses épaules et tournoie un peu pour lui montrer la tenue qu'elle s'apprête à remettre au placard malgré toute cette heure de recherche et d'essayage. Mais t'as raison, c'est pas très adapté. Donne-moi dix minutes, je vais aller enfiler autre chose.

Elle fait demi-tour, Emery. Elle revient sur ses pas, reprend l'ascenseur pour retourner à l'appartement. De retour dans sa chambre et parce que le temps presse, elle réfléchit beaucoup moins. Elle se débarrasse de sa robe, opte pour un ensemble blanc. Le pantalon à pinces est taille haute mais le crop-top asymétrique assorti laisse voir une bande de son ventre bronzé. Voilà qui fera l'affaire. Elle n'a pas vraiment le temps de réfléchir davantage de toute façon car Keith l'attend en bas. Emery se précipite à nouveau dehors, n'enfilant son manteau qu'après avoir franchi la porte d'entrée.

- J'ai bien fait de ne pas m'être coiffée plus que ça, souligne-t-elle alors qu'elle prend le casque qui lui est réservé. Elle l'enfile, lève la visière pour pouvoir parler alors qu'elle penche la tête en arrière pour offrir une vue dégagée sur la fermeture du casque. Tu veux bien le serrer ?

@Keith O'Connor
– Bien sûr que je peux aller vite. Mais où est le plaisir dans tout ça ? Se préparer en dix minutes, c’est pas drôle.

Emery préfère prendre son temps. Elle préfère prendre une douche, se tartiner de baume pour le corps, appliquer sa routine skincare. Elle préfère imaginer des tenues, choisir différentes options, trouver les accessoires qui accompagneront les fringues. Elle préfère s’occuper de ses cheveux pendant dix minutes s’il faut, accorder même plus de temps à son maquillage. Non, vraiment, il n’y a rien d’amusant dans le fait de se préparer en moins de trente minutes. Il n’y a qu’en cas d’urgence qu’elle accepte de jouer le jeu. Et c’était le cas, lorsqu’il a fallu troquer la robe pour quelque chose de plus pratique. Désormais elle est avec Keith, casque sur la tête, loin du glamour du casino qu’ils s’apprêtent à rejoindre en moto. Habituée à ce moyen de locomotion, le grand blond n’a pas besoin de lui en dire plus pour qu’elle s’exécute. Alors qu’il démarre, elle noue ses bras autour de la taille du trentenaire, casque collé contre son dos autant pour limiter le bruit du vent que pour le simple plaisir d’être proche de lui.

Ce n’est que lorsqu’ils ralentissent qu’elle se redresse, bras qui se détachent du joueur et mains qui se posent derrière elle jusqu’à ce que ce tout soit suffisamment safe pour qu’elle descende du véhicule. Les deux pieds sur terre, elle entreprend d’enlever le casque, secouant la tête pour remettre ses cheveux en place et leur donner une allure un peu moins coup de vent.

– Je suis toujours là, sourit-elle avant qu’elle ne penche la tête en avant puis derrière elle pour évaluer l’état de sa tenue, et toujours aussi blanche qu’une brebis !

Littéralement parlant, car métaphoriquement, on ne peut pas en dire autant. Mais peu importe, là n’est pas la question. Sa tenue est toujours propre et c’est le plus important. Arriver au casino avec des traces sur le pantalon n’aurait pas été d’un bon effet. D’autant plus qu’elle aurait été un peu dégoûtée. Parce qu’il a coûté cher, cet ensemble, comme la plupart des vêtements qui garnissent sa garde-robe. Emery a toujours aimé les jolies choses. Si les bijoux restent son pêché mignon, force est d’admettre qu’elle ne répond plus de rien quand ses yeux se posent sur une robe qui lui plaît malgré les trois chiffres qu’affichent parfois les étiquettes.

– Je suis prête. Allons récolter quelques dollars, James Bond, s’amuse-t-elle alors qu’elle s’accroche au bras de son compagnon et qu’elle le suit à l’intérieur du casino.

Ce n’est pas la première fois qu’ils choisissent de venir dans cet établissement. Ce n’est pas le préféré d’Emery mais il n’en reste pas moins bon. Elle sait qu’ils s’amuseront, ici. Elle sait aussi que le champagne est bon. Quand vient le moment de payer l’entrée, la brune règle pour deux. Elle n’y réfléchit même pas. Elle n’a pourtant pas un salaire mirobolant, mais elle a de l’argent de côté, économise depuis qu’elle vit en colocation, et bénéficie encore de l’aide de ses parents quand les temps se font plus difficiles, bien que cela ne soit pas arrivé depuis un moment. Toujours est-il que les entrées sont réglées et qu’ils sont libres d’abandonner leurs affaires au vestiaire, Emery ne gardant avec elle que la pochette contenant téléphone et autres effets personnels.

– Par quoi souhaites-tu commencer ?, demande-t-elle le regard qui s'aventure autour d'eux avant de venir se poser sur Keith en costume, charmante vision qui éveille en elle quelques envies de jouer bien plus rapidement que l'idée de jouer au poker.

@Keith O'Connor
Emery aurait sans doute mis un peu plus de réflexion dans le choix de sa tenue si elle n'avait pas dû en choisir une de rechange en dix minutes chrono. La possibilité de venir souillé le blanc immaculé dans son pantalon à cause de la route ou même du pot d'échappement de la moto n'a pas effleuré une seule fois son esprit. Nul besoin de dire qu'elle aussi se sent chanceuse lorsqu'elle constate que sa tenue n'a rien et qu'elle est restée aussi blanche qu'au départ. Si cela n'avait pas été le cas, elle aurait insisté pour qu'ils retournent sur leurs pas ou pas qu'ils prennent le temps d'aller lui acheter une autre tenue dans la boutique du casino ou dans un autre magasin à proximité. Hors de question de déambuler dans un casino habillée comme une paysanne. Surtout pas avec Keith en costume à ses côtés.

- Tu devrais te sentir chanceux de m'avoir tout court, fait-elle remarquer. Moi je me sens plutôt chanceuse quand je te vois dans ce costume, minaude-t-elle ensuite, la main frôlant la veste de costard de Keith tandis qu'ils attendent leur tour pour récupérer des jetons.

Chose faite, Emery suit son ami jusqu'aux tables de poker. Si elle a appris les règles au fil de ses visites et pris goût à cette valse de faux-semblants, elle n'est néanmoins pas une bonne joueuse. Son niveau est trop faible pour qu'elle se risque à s'installer parmi les participants. En revanche, la brune est plus douée pour cerner les gens. Elle prend davantage de plaisir à observer les concurrents lorsque Keith prend place autour d'une table, tout comme elle adore se tenir à ses côtés. C'est souvent l'occasion de le voir à l'œuvre dans cette grande partie de bluff - et parfois l'occasion aussi de le déconcentrer un peu. Pour l'heure, les deux adultes attendent leur tour. Calée contre Keith, Emery se prend à un tout autre jeu lorsqu'il l'interroge. Selon elle, qui a la meilleure main ? Prenant cela pour un petit défi, la jeune femme prend le temps d'observer les joueurs un à un. La première est sereine, mais un tic nerveux la trahit. Elle n'a aucune raison de cafouiller autant à sa mèche de cheveux, d'autant plus que personne ne la regarde. On ne peut donc pas y voir de marque de séduction. L'autre femme est stoïque, peut-être trop. Le seul homme de la table aussi a un tic. Mais il n'est pas de même nature.

- Je pense que c'est lui, répond-elle à voix basse. Les cheveux, chez une femme, c'est nerveux. Elle n'a pas la meilleure main, mais ce n'est peut-être pas catastrophique non plus. L'autre femme est trop figée, comme si elle avait peur de se trahir et qu'elle avait décidé de suivre à la lettre le précepte qui dit qu'il faut rester impassible autour d'une table de poker. Et je sais ce que tu vas dire, lui aussi il a un tic. Mais c'est plus un tic qui semble montrer qu'il se retient de quelque chose. Comme s'il était excité mais qu'il peinait à ne pas le montrer.

La main posée sur le bras qui entoure sa taille, Emery penche la tête en arrière pour observer Keith, plus grand qu'elle.

- Alors capitaine, j'ai raison ?

@Keith O'Connor
Keith a l'expérience qu'Emery n'a pas. Il connait les cartes, connait les stratégies, connait les profils des joueurs. Elle, elle n'a que son instinct pour la guider. C'est sans doute pour cette raison qu'ils sont si bons, quand ils s'allient pour le plaisir du jeu. Chacun connaît sa place et ses compétences, tout en parvenant à trouver une certaine complémentarité entre eux. Ainsi la brune se montre-t-elle confiante quand elle expose sa théorie à son partenaire. S'il semble approuver ce qu'elle démontre, seul le jeu est en mesure de révéler si oui ou non, elle a vu juste. Et l'univers semble justement être avec elle, ce soir. L'homme remporte la manche, déclenchant un bref sourire satisfait sur le visage d'Emery. La brune retrouve toutefois son sérieux, lorsque Keith se détache pour s'avancer vers la table. Place aux choses sérieuses.

- Que la chance soit avec nous, murmure-t-elle avant de s'approcher, elle aussi.

Elle a pris goût à ces moments, Emery. Elle aime l'adrénaline qui monte au fil des jeux, quand les mains sont victorieuses et que les mises sont relancées. On ne peut jamais savoir comment les choses se termineront. Seront-ils gagnants, ou perdront-ils tout ? S'en remettre au destin n'est guère une habitude de la jeune femme, qui choisit plutôt de croire qu'elle s'en remet à Keith et à son amour pour le jeu. C'est à lui de les faire gagner, de trouver la bonne stratégie. Elle, elle se contente de l'aiguiller. Elle observe, fait un peu de charme aux concurrents, en fait à son ami aussi lorsqu'elle se veut d'humeur taquine. Keith est le cerveau ; Emery est ses yeux.

Pour mieux observer les autres joueurs, la jeune femme s'est éloignée de son ami. Un simple tour de table lui permet de se rapprocher d'un serveur et de requérir une flûte de champagne. De cette nouvelle place, elle a tout le loisir de voir les tics des joueurs évoluer. A cela, rien d'étonnant. Keith est en train de tout rafler. Et si l'instinct d'Emery ne perd rien de ses capacités, il remportera cette manche également. C'est ce qu'elle cherche à lui dire, lorsqu'elle croise son regard et qu'elle hoche subtilement la tête. La sensation de gagner est grisante, presque autant que la flûte qu'elle tient désormais dans la main. Elle s'apprête à la siroter, cliché de la bourgeoise qui savoure son champagne au milieu des jeux d'argent. Mais quelque chose attire son attention. Elle remarque les quelques regards qui se posent sur la table. Elle pourrait prendre cela pour de la curiosité, Emery. Mais elle n'est pas certaine que c'est ce qu'elle lit dans l'attitude de ces gens-là. Elle est soudainement prise d'un doute. Aussi tentante soit la victoire, peut-être qu'il est temps de faire une pause. L'air de rien, elle contourne de nouveau la table, dans le sens inverse. Elle n'a rien perdu de son attitude, rien perdu de son charme. En la regardant, impossible de deviner ce qu'elle a derrière la tête. C'est tout l'avantage d'avoir appris à faire semblant pour toujours garder la face et contrôler son monde. Plantée derrière son ami, Emery se penche vers lui pour lui tendre sa flûte.

- Je crois qu'on te regarde, en profite-t-elle pour lui souffler avant de se redresser, choisissant tout de même de rester derrière lui.