@Megan Saunders & @Yaël Saunders

( o u t f i t ) ⋄ Sa fourchette caresse une dernière fois les aliments dans son assiette dont la quantité n’a qu’à peine diminuée. Ce serait mentir que de dire que Yaël apprécie ce qu’il se trouve à l’intérieur. Elle ne doute pas que Lisa ait passé beaucoup de temps en cuisine pour ravir les papilles de ses filles, mais il va sans dire que la procureure trouve le repas trop lourd et bien trop riche. Si elle s’est efforcée de demander de petites portions, il ne fait aucun doute que Megan a eu la main trop généreuse au moment du service. Le constat est donc le suivant : Yaël est la seule à ne pas avoir terminé son assiette, quand les trois autres paires d’yeux autour d'elle scrutent ses moindres faits et geste.

- Il faudrait te remplumer un peu, ma grande. Tu es toute maigrichonne, lui fait remarquer William.

Le regard que lance Lisa à son époux est sans appel : elle lui ordonne silencieusement d’arrêter. Yaël s’est énervée trop de fois à ce sujet lorsqu’elle résidait chez eux le mois passé pour que quiconque n'ose prendre le risque de ruiner ce samedi en famille. Il est rare que les parents Saunders se retrouvent seuls avec leurs deux filles. Lisa a envie de profiter de ce moment dans les meilleures conditions qui soient. Elle n’a d’ailleurs eu de cesse de répéter à son mari qu’elle attendait de lui un comportement irréprochable envers Megan. Un comportement irréprochable supposant évidemment aucune confusion de genre, ni aucune remarque déplacée envers leur aînée. À l’exception du deadname de Megan qui a “échappé” à William lors de l’arrivée de cette dernière, le père de famille s’est relativement bien tenu durant le repas. Il faut dire que ses préoccupations semblent plutôt tournées sur la plus jeune de ses filles, comme en atteste sa dernière prise de parole.

- Je ne suis pas "maigrichonne". Les guillemets sont mimés par Yaël qui en profite volontiers pour abandonner ses couverts et se lever pour commencer à débarrasser la table. Je suis parfaitement dans la courbe.

Cette précision n'est pas franchement utile et pas totalement vraie non plus. La procureure ne dupera sans doute personne mais Lisa semble au moins s'allier de son côté en lui prêtant main forte pour regrouper toutes les assiettes. En bon père de famille, William s'affaire à reboucher la bouteille de vin qui n'a pas été terminée, tout en faisant de gros yeux à Megan. Est-ce que Yaël se comporte avec Megan comme elle se comporte avec eux ? C'est une question que l'ancien magistrat aimerait poser à son aînée. Toutefois, leurs liens ne sont pas à ce point forts pour qu'il se le permette. Le regard qu'il lui lance, et qui marque toute sa stupéfaction face à l'attitude de la procureure, est déjà un énorme pas en avant. Presque un comportement qui ne lui ressemble pas envers Megan.

- Je m'en occupe, c'est bon, Maman. Et oui, je ramène le dessert ainsi que le café, indique Yaël en quittant la terrasse extérieure, les bras chargés, pour rejoindre la cuisine.

Elle a besoin de ces quelques minutes de calme pour souffler, Yaël. Elle les voit, les insinuations de ses parents. Elle les comprend, les mots qu'ils n'osent pas dire mais qui planent derrière chacune de leur phrase. Cela lui fait dresser le triste constat que c'est de cette manière que sa sœur vit chacun des moments en famille qu'ils partagent. Comme s'il n'était pas donné aux filles Saunders d'être totalement elles-mêmes lorsque quelque chose ne va pas dans le sens que leurs parents voudraient.

- Je pensais que ta sœur allait mieux, souffle Lisa à Megan après avoir regardé par-dessus son épaule et s'être assurée que Yaël n'était plus dans les parages. Je pense qu'il serait grand temps qu'elle retourne chez elle, auprès de son épouse et de son fils, partage-t-elle son opinion, le regret dans la voix. Je lui ai bien proposé de tous nous retrouver le week-end passé pour célébrer l'anniversaire de Daphne, mais Yaël a estimé que ce n'était pas une bonne idée. Je suis convaincue du contraire ; ça aurait fait du bien à tout le monde.

@Megan Saunders & @Yaël Saunders

( o u t f i t ) ⋄ Partager un repas en famille ferait rêver plus d'une personne sur Terre. C'est censé être un moment tendre, où chacun peut se sentir libre de raconter des épisodes de sa vie. Normalement le rire et la joie doivent être au rendez-vous et dictés à eux seuls cet échange familial. Mais pas chez les Saunders. Pas du point-de-vue de Megan. Quand sa mère l'a appelée pour lui proposer de déjeuner tous ensemble samedi midi, Megan a d'abord répondu à la négative. Elle a inventé la première connerie qui lui est passée par la tête pour justifier son absence. Parce que franchement, voir ses parents et passé du temps avec eux c'est tout sauf un rêve pour elle. Ils représentent en réalité son pire cauchemar... Seulement, face à l'insistance étonnante de Lisa, qui semblait réellement soucieuse et heureuse de sa venue, Megan a fini par répondre à la positive. L'élément déclencheur étant évidemment l'annonce de la venue de Yaël. Ce sera l'occasion pour lui reparler et essayer de retisser un lien, puisque depuis les allusions faites par Megan sur Daphne l'autre jour, Yaël a l'air de faire la gueule – comme souvent ces derniers temps.

À peine passe-t-elle la porte d'entrée de la villa parentale, que Megan regrette déjà sa venue. Entendre son deadname est difficilement supportable pour elle, surtout dans la bouche de son père. Ce n'est pourtant pas compliqué de l'appeler Megan, non ? Ça fait plus de douze ans qu'il doit le faire, à un moment donné il commence sérieusement à faire chier ! Il se fout de sa gueule, c'est tout. Comme toujours, comme tout le temps. C'est un putain de transphobe de merde. Si elle s'écoutait, Megan lui exploserait le nez puis se barrerait sans demander son reste. Mais le regard que Lisa a lancé à son époux a changé la donne, il a même aidé Megan à s'apaiser. Sa mère l'a défendue. Certes sans user de mot, mais wow... C'est une première chez les Saunders ! Incroyable ! L'ainée de la fratrie n'a pas pu s'empêcher de pouffer de rire face à la situation grotesque, avant de s'avancer pour saluer sa frangine. Yaël a toujours l'air de faire la gueule. Ok... Ça va être sympa. Mais Megan retient – très difficilement puisque ça n'a jamais été son fort – une pique cinglante.

Le repas se passe finalement sans encombre. Tout du moins, les parents Saunders ont finalement retrouvé leurs petites habitudes. Megan n'existe plus. Ce n'est pas pour rien que le paternel ferme enfin sa gueule et qu'il arrête enfin avec ses remarques à la con : Megan est invisible. C'est comme si elle n'était pas là. Elle sert juste à servir le repas – en profite pour surdoser l'assiette de sa frangine – et à finir les plats. Sinon, c'est comme si elle n'était pas là. Seule Yaël semble exister aux yeux des Saunders. Comme c'est étonnant... Pfff. Putain de cons ceux-là. Megan gobe ses assiettes sans l'ouvrir, à quoi bon de toute façon ? Personne ne l'interroge, personne ne lui demande comment elle va, elle. Si la réponse aurait été plus positive que ces derniers mois, ça la blesse quand même Megan. Parce que ça a toujours été ainsi. Même quand elle a été au fond du trou avec le retour en ville de Mairead, puis ses engueulades avec Sahar, ses parents n'ont jamais cherché à la questionner. Pourtant elle avait une gueule à faire pâlir un mort, avec ces cernes à rallonge et son teint grisonnant. Mais soit. Quand Megan va mal ; ce n'est pas grave. En revanche, quand Yaël va mal, il faut réunir toute la famille pour en discuter. C'est presque désolant. Ça la fout en rogne Megan, ça lui prouve que même après toutes ces années, ses parents en ont toujours autant rien à foutre de sa gueule. Est-ce qu'ils savent au moins que Mairead est de retour à Brisbane depuis 2022 ? Même pas sûr. Ils en ont rien à foutre.

L'échange entre William et Yaël ne passe pas inaperçu. Megan n'en loupe pas une miette. Car si elle en veut à ses parents de continuer à favoriser sa petite-soeur, elle est inquiète elle aussi. Comme son paternel, Megan à noter la perte de poids de sa frangine. En réalité, ça fait depuis son hospitalisation qu'elle l'a remarquée. Quand elle a dû la porter pour la ramener à son lit. Elle a réalisé ce jour-là que son narcissisme – et donc le fait qu'elle ne pense qu'à elle – l'a empêché de réaliser certaines choses plus tôt. La prise de conscience a été tardive, trop même. Elle n'a pas pu sauver sa sœur, pas pu l'empêcher de s'effondrer. Et maintenant, Megan flippe à l'idée que Yaël développe des troubles alimentaires à cause de ce qui semble être une dépression. Putain de Daphne. Elle l'a vraiment bousillée...

– La rebouche pas, j'en reveux, ordonne-t-elle à William qui ne l'écoute pas.

Il boit les paroles de Yaël et fait même des gros yeux à Megan en entendant sa réponse. Ok. Elle va donc se démerder par elle-même. Megan se saisit de la bouteille que tient encore William, alors que lui semble attendre une remarque de sa part. Ah ça y'est, il fait enfin attention à elle ! Mais s'il croit que Megan va se mêler de cet échange, c'est fichu d'avance. Elle n'a pas envie de braquer Yaël, surtout en prenant le parti de leurs parents. Parce que dans le fond, ça la fait chier Megan. Ça l'emmerde de voir que son père empêche à Yaël de faire ce qu'elle veut. À croire que ses filles n'ont pas le droit de vivre librement, qu'elles doivent respecter certains principes, certaines consignes.

La blonde déguste une nouvelle gorgée de vin lorsque Yaël disparait à l'horizon. Lisa s'adresse – enfin – à elle, lui demandant – forcément – son point-de-vue sur la situation de Yaël. Elle pensait que Yaël allait mieux ? Cette première remarque pousse Megan à froncer les sourcils alors qu'elle se demande si sa mère est aveugle. Yaël, mieux ?! C'est un putain de dragon ambulant prêt à tout détruire sur son passage, mais ouais, évidemment qu'elle va mieux... N'importe quoi !

Bien décidée à ne pas réagir et à ne pas s'en mêler, Megan reporte son attention sur son verre dont elle se délecte encore de quelques gorgées.

– Tu n'as pas bientôt fini de picoler ? Ta mère te parle.

William recadre son enfant d'un ton glacial, ce qui lui vaut un regard désapprobateur de Lisa.  S'il s'en mêle, elle n'obtiendra pas de réponse de sa fille ainée avant le retour de Yaël. Elle reprend donc rapidement la parole, en faisant comme si William ne venait pas d'engueuler Megan juste avant. Mais Lisa aurait mieux fait de s'abstenir. Ils auraient tous dû attendre Yaël dans le calme et basta. Mais non. Comme d'habitude les parents Saunders ne savent pas rester à leur place. Il faut toujours qu'ils se mêlent des affaires de leurs filles, et surtout qu'ils fassent de la merde !

Les paroles de Lisa font réagir Megan. La blonde pose brutalement son verre sur la table tandis que sa mère lui confie que Yaël devrait retourner chez son épouse. Est-elle en train de sous-entendre que Yaël devrait fermer sa gueule et passer sa vie aux côtés d'une femme qui ira baiser ailleurs ?! C'est donc ça, les conseils judicieux de maman Saunders ?! Et bah putain ! Mais la goutte de trop, celle qui pousse Megan a enfin parlé, c'est lorsque Lisa admet avoir proposé à Yaël de fêter tous ensemble l'anniversaire de l'infidèle. C'est les paroles de trop. Celles qui chassent les principes tenus par Megan durant tout le repas, ceux qui l'empêchent de se retenir plus longtemps. Megan entend le refus de sa cadette, elle est fière d'elle. C'est bien. C'est un bon début. Ce qui l'enrage en revanche, c'est de savoir que ses parents sont aussi cons !

– Putain mais t'es sérieuse là ?! Mais t'as quoi dans la tête ?!
– Logan ne commences pas à parler comme ça à ta mère ! Sinon tu vas m'entendre !
– Vas-y ta gueule papa ! Je m'appelle MEGAN putain. T'as pas compris encore ?! s'enflamme l'ainée en se relevant brutalement de sa chaise. Elle ne supporte réellement plus ses parents.
– Olala tout le monde se calme ! Megan ne parle pas comme ça à ton pè... essaye de la recadrer Lisa avant de se faire interrompre par sa fille ainée.
– Mais putain vous voyez pas qu'elle souffre votre chouchoute ?! Qu'elle est au fond du trou ?! Et vous vous l'emmerdez à vous mêler de ce qui ne vous regarde pas ! Daphne c'est une salope ! Arrêtez de pousser Yaël vers elle putain ! Si vous essayez encore de la recaser avec elle je vous jure que je vous le fe... continue-t-elle de s'énerver comme jamais contre ses parents, lorsque dans le dos de sa mère, la silhouette de Yaël apparait. Et voilà. C'est loupé pour Lisa qui espérait organiser un repas de famille sans encombre.

Megan qui s'était mise debout pour hurler, s'interrompe immédiatement. Elle relève son regard sur sa petite sœur, qu'elle veut juste protéger, et lui lance un regard désolé. Elle a craqué. Elle n'a pas réussi à tenir. Mais ils ont tout fait pour lui tirer les vers du nez aussi !

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( o u t f i t ) ⋄ L’organisation va de pair avec Yaël. C’est comme si cette qualité était inscrite au plus profond d’elle-même, dans son ADN. Même pour remplir un lave-vaisselle, la procureure agit méthodiquement. En un temps record l’ensemble de la vaisselle sale est débarrassé, la cuisine rangée et les tasses pour le café sorties. Les boissons sont faites par deux ; pendant que la cafetière automatique broie les grains puis infuse le café fraichement moulu, Yaël en profite pour sortir la tarte tatin du four. L’aspect caramélisé des pommes suffit à lui donner un haut le cœur alors qu’elle s’empresse d’aller lancer les deux cafés suivants puis de tout regrouper sur un grand plateau circulaire. Ce n’est qu’une fois l’ensemble de ses missions achevées qu’elle prend conscience que son sens de l’organisation n’est pas pour la servir. Pas aujourd’hui, pas alors qu’elle avait justement trouvé la façon parfaite de s’extraire de table et d’avoir quelques minutes de répit. Est-elle réellement prête à retourner là-bas ? Un soupir las passe les lèvres de la brune qui grignote quelques secondes supplémentaires en ajoutant le sucrier sur son plateau.

Il faudrait te remplumer ; tu es toute maigrichonne ; tu as maigri toi, non ? ; faire attention ? faire attention à quoi ? tu n’en as certainement pas besoin ; vos analyses de sang révèlent d’importantes carences, est-il fréquent que vous sautiez des repas ? ; À quand remonte le dernier vrai déjeuner que vous avez pris en semaine ? Toutes ces questions, posées aussi bien par le corps médical que par ses proches, résonnent dans son esprit. Elles se transforment même rapidement en un bourdonnement désagréable et Yaël est forcée d’appuyer le bas de son dos sur le plan de travail pour porter sa main à son front. Un simple déjeuner chez ses parents a suffi à lui générer la fatigue d’une semaine entière de travail acharné. Pourtant, ils sont loin de s’être montrés aussi désagréables envers elle qu’ils ne peuvent l’être envers Megan. Mais il y a toujours ces non-dits, ces insinuations à peine masquées qu’ils échappent – malgré eux ou non. Son histoire avec Daphne tourne en boucle dans les discussions de ses parents ; Yaël le sait. Sa mère a même la maladresse de lui parler de l’officier de police à chaque fois qu’elles se voient et à chaque fois qu’elles s’appellent. Est-elle à ce point obligée de se mêler du mariage de sa fille ?

Elle aurait peut-être dû dire toute la vérité, Yaël. Révéler à ses parents que cette séparation – « ce break » – avec Daphne n’est pas uniquement lié au fait qu’elles ne se retrouvaient plus, ces derniers temps, dans ce qu’elles étaient, dans ce qu’elles formaient. Il aurait peut-être été intelligent d’aborder la tromperie de son épouse pour qu’au moins ses parents la laissent tranquille à ce sujet et qu’ils cessent de n’avoir à la bouche que le prénom de leur adorée belle-fille. Seulement, si Yaël avait révélé toute la vérité, les choses seraient-elles plus aisées ? Elle ne souffrirait pas moins. Au contraire ; son honneur bafoué éclabousserait jusqu’aux visages de ses parents. Pire, elle prendrait le risque de ternir l’image de sa femme auprès de Lisa et William et c’est bien là le dernier de ses souhaits. Parce qu’elle ne veut aucun mal à Daphne et qu’elle lui cause déjà bien trop de souffrances à se tenir ainsi éloignée d’elle. C’est assez pour toute une décennie ; c’est assez pour une vie entière. D’ailleurs, si les médecins de Yaël n’avaient pas à ce point tiré la sonnette d’alarme, si son corps lui-même ne lui avait pas ordonné d’arrêter, elle continuerait certainement d’avancer comme elle l’a fait ces derniers mois. La tête dans le sable, des œillères au coin des yeux, avec pour seule espérance celle que le temps arrangera tout, qu’il lui redonnera pleine confiance en Daphne.

Perdue, elle l’est toujours, Yaël. Elle aime son épouse plus que quiconque ; elle l’aimera toujours. Le manque est toujours présent, il ne s’estompe pas. Mais est-ce une raison pour précipiter les choses ? La procureure aime à croire que le temps et la patience seront leurs meilleurs alliés. Qu’eux seuls leur permettront de réellement se retrouver si c’est bien ce qui doit advenir de leur couple.

Sentant les larmes non loin d'elle, la quarantenaire inspire profondément avant d’aller se saisir du plateau. Son interlude a assez duré, il est grand temps qu’elle cesse de faire l’enfant et qu’elle retourne à sa vraie vie. Plateau fermement tenu entre ses deux mains, la brune retourne à l’extérieur. Elle n’a pas encore atteint la terrasse qu’elle entend la voix de sa sœur être portée fort. Il n’y a qu’une raison pour que Megan rappelle son prénom et le crie de la sorte ; leur père a encore fait des siennes. William a encore appelé sa fille aînée de son deadname. Le fait-il exprès ? N’a-t-il pas conscience du mal qu’il lui fait ? Pourquoi se doit-il de tout régenter ? La colère qui s’immisce au creux du ventre de Yaël est palpable ; elle songe même à accélérer le pas pour s’interposer, mais les envolées de Megan se poursuivent. La simple prononciation du mot « chouchoute » la fait s’arrêter net dans sa marche, alors même qu’elle a désormais la table en visuel et qu’elle est suffisamment proche de sa famille pour tout suivre de la conversation qui suit.

Fond du trou. Emmerder. Ne vous regarde pas. Daphne est une salope. Daphne est une salope. Daphne est une salope. Ce sont ces derniers mots qui se marquent au fer rouge dans l’esprit de Yaël. Ils se répètent en boucle. Ils la rendent incapable d’avancer, de bouger, de réagir. Même ses signes ne clignent plus. C'est comme si on avait mis arrêt sur image et il est de toute manière trop tard pour faire quoi que ce soit : Megan vient de la voir et son interruption brutale dans ce qu'elle racontait a attiré l’attention des deux autres. Ce sont désormais trois paires d’yeux qui se braquent sur la procureure, toujours inerte. Lisa est la première à réagir, se levant à son tour pour venir débarrasser sa fille de son plateau et le ramener à table, alors qu’il semble intelligent aux parents Saunders de poursuivre cette discussion.

- Insulter les gens, c’est tout ce que tu sais faire, lâche sèchement William. Éclaire-nous, fais briller ton intelligence, fisto- fille, se reprend-t-il, uniquement parce que Yaël fait désormais partie du paysage. Qu’a-t-elle fait de si odieux pour que tu parles ainsi de ta belle-sœur ?
- Elle a fait du mal à Yaël ? s’enquiert Lisa en faisant fi de la présence de sa fille, toujours immobile derrière son dos.
- C’est vrai, à un moment, il va falloir cesser les cachoteries. Il va falloir cesser d'agir comme des enfants.

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( o u t f i t ) ⋄ Des fois Megan a l'impression d'être née parmi cette famille uniquement pour retirer les balais coincés dans leur cul. Personne dans cette fichue famille n'est capable de confier ses ressentis. En même temps, elles ont été éduquées ainsi les Saunders. On leur a appris à ne jamais parler quand ça ne va pas, à sourire quand ça fait mal, et à rire quand elles voudraient pleurer. Elles ont été robotisées dès leur enfance ; leurs parents ont essayé de leur retirer une certaine part d'humanité. Mais Megan elle ne s'est pas laissée totalement faire. Si elle se confie très rarement sur son état de santé mental – et donc un mal être – elle n'hésite jamais à hurler sa colère. Parce que quand elle est enragée, Megan gueule. Elle parle sans réfléchir, balance horreurs et injures sans prendre le temps de formuler une phrase respectable. C'est le vilain petit canard de la famille Saunders ; la seule qui agit de la sorte. Car les trois autres, eux, ils ferment constamment leur gueule. Même en colère, ils l'ouvrent que rarement ; pas comme Megan peut le faire, en tout cas.

Alors quand elle s'énerve contre ses parents – qui se mêle encore des affaires des autres – Megan ne relève qu'à peine le regard outré de sa mère. Ouais forcément, les injures Lisa ça n'a jamais été son truc. Elle n'est que douceur et tendresse ; derrière cette froideur qui ne la quitte jamais. Insupportable celle-là. Quant à l'autre. Oh lui. Megan ne sait même pas si elle ressent aujourd'hui des sentiments positifs à son égard. Son paternel n'a jamais été le plus sympathique avec elle. Il ne l'a jamais soutenue, jamais épaulée, jamais écoutée. C'est son père, certes. Il le restera même toute sa vie. Mais ça ne va pas plus loin. Megan se contente des formalités. Déjeuner de temps en temps, et fêter les anniversaires ensemble, c'est ok. C'est tout. Alors elle n'hésite pas à lui demander de fermer sa gueule. Parce qu'elle ne le supporte plus. Ni lui, ni cette transphobie qui le guide au quotidien.

L'arrivée de Yaël ne calme pas Megan pour autant. L'ainée est gênée des mots qu'elle a pu prononcer, mais ne les regrette pas pour autant. Leurs parents doivent arrêter de la faire chier. Ils ne font qu'enfoncer le couteau dans la plaie. Tout ça doit cesser une fois pour toute. Surtout maintenant que Lisa a admis avoir voulu fêter l'anniversaire de Daphne tous ensemble. Merde à la fin ! Le regard perdu de Yaël perturbe Megan. L'ainée l'observe sans broncher, tandis que Lisa accourt à sa rescousse afin de récupérer le plateau qu'elle tient dans ses mains. Putain et si Yaël voulait l'envoyer valser hein ?! Même ça elle en est privée maintenant ! C'est con, mais Megan ça le fout encore plus en rogne. Après coup, elle remettra la faute sur les hormones qu'elle prend quotidiennement, ça fout le bordel dans ses émotions. C'est même tellement le souk qu'elle n'arrive pas à retenir un rire jaune s'échapper d'entre ses lèvres.

– C'est ma spécialité, mama... papa, répond-elle en se foutant de la gueule de son transphobe de père, lorsqu'il sous-entend que son ainé ne sait que insulter les gens.

Alors c'est ce qu'il pense d'elle ? Après toutes ces années ? Aïe. Megan ne montre rien – elle est robotisée pour rappel–, mais ça la touche en plein cœur. La remarque de son père est douloureuse, autant que le fiston qu'il a encore failli prononcé. Megan sait que s'il s'est repris, c'est uniquement grâce à la présence de Yaël, pour ne pas avoir à se fâcher avec celle qu'il aime tant. Mais en revanche, lui faire du mal à elle, ça il n'en a strictement rien à branler. Le con.

C'est finalement à cet instant que le regret la gagne. Yaël est toujours figée debout, tandis que les regards des parents Saunders sont tous tournés vers Megan. Wow, ils captent que Yaël est juste là ? Visiblement pas. Visiblement, la blesser elle aussi ça leur passe bien au-dessus. Mais qui lui a foutu des parents pareils ?! Megan a dû mal à comprendre comment ils peuvent être aussi... Aussi intrusif, aussi irrespectueux.

Son regard se pose sur sa petite sœur toujours immobile – presque inerte – alors que son père s'adresse une fois de plus à elle. Son poing la démange, Megan. Elle n'a encore jamais levé la main sur son paternel, mais un jour elle craquera, elle le sait. Et ce jour risque fortement d'être aujourd'hui, si la situation perdure. L'ainée fait craquer ses doigts pour essayer de se canaliser. La violence ; ça c'est son truc. Ses parents le savent mieux que n'importe qui. Surtout quand elle était adolescente, et qu'ils ont dû aller la chercher en taule plus d'une fois. Seulement, frapper un de ses parents n'est pas le but de sa vie. Elle ne veut pas en arriver là. La violence envers des objets ; ouais. Mais envers des humains, c'est déjà plus rare. Il en faut vraiment pour que Megan en arrive aux mains, même si son casier judiciaire parle pour elle.

Après s'être pincée l'arête du nez pour essayer de se donner une certaine contenance, Megan lâche un soupir très long. Son regard se pose sur sa mère, puis sur son père. Elle les observe à tour de rôle, lit à travers leurs regards. Ils ont soif de ragots ; soif d'en apprendre plus sur le mal être de leur fille. Elle le comprend Megan. Elle aussi, si elle avait été à leur place, elle aurait aimé connaître la vérité. Mais pas comme ça. Pas de cette façon.

– Vous réalisez que depuis le début du repas, ce sont les premières questions que vous me posez ? Putain vous êtes vraiment des enfoirés. Vous passez par moi pour en savoir plus sur la vie PRIVÉE de ma petite soeur ! Mais wow. Elle est derrière vous ! Interrogez-la elle. C'est pas à moi de vous raconter cette partie de sa vie. Démerdez-vous, s'agace-t-elle avant de vider son verre de vin d'une traite puis de contourner la table.
– Et donc, Yaël ? Qu'est-ce que tu nous caches comme ça ? Qu'est-ce que Daphne a fait ? demande William d'un ton curieux, se fichant royalement des réflexions faites par son ainée.
– Oui ma chérie, parle-nous. On est là...

Megan vient se placer à la hauteur de Yaël toujours immobile, puis vient lentement glisser sa main dans son dos pour la ramener sur Terre. Le geste est tendre, doux. Elle veut que sa frangine réalise qu'elle est de son côté. Qu'elle le sera toujours. Pour l'éternité.

– Ne leur répond pas, si tu n'en as pas envie. Tu es libre Yaël, lui souffle l'ainée en maintenant sa prise dans son dos.

@Megan Saunders & @Yaël Saunders

( o u t f i t ) ⋄ Elle se l’est déjà dit, Yaël, qu’elle agissait comme une enfant. Pas plus tard qu’il y a quelques minutes dans la cuisine, elle se faisait justement cette réflexion. Depuis quand a-t-elle autant perdu en maturité ? Pourquoi n’est-elle pas capable d’agir comme une personne adulte, de ravaler sa fierté une bonne fois pour toute et d’accepter son mariage tel qu’il est à défaut de l’avoir tel qu’il devrait être ? Les tromperies sont monnaie courante dans les histoires de couple ; elles sont mises en avant à la télévision, dans les livres et même dans le monde de l’art. L’infidélité est représentée sous toutes ses formes. Est-ce que cela doit la rendre plus acceptable ? Moins abjecte ? Est-il normal de la banaliser ?

Yaël se souvient encore d’une discussion qu’elle a eue avec sa mère il y a quelques années, à propos de l’une de ses amies de bridge. Le mari d’Annie a été infidèle toute sa vie ; Annie le savait, croisait même la maîtresse de son époux chaque dimanche à la messe, mais n’a jamais rien dit. Lorsque son mari est décédé, il était persuadé d’avoir emporté avec lui ce lourd secret. À l’époque, Yaël s’est questionnée sur le sens de tout cela. Elle a interrogé la loyauté de cet homme ainsi que son absence de remords. Aujourd’hui, il arrive à la procureure de penser à l’amie de sa mère. Aurait-elle été plus heureuse si elle était partie plus tôt ? Elle semble à tout le moins libérée d’un poids depuis qu’elle n’a plus à gérer les infidélités de son défunt époux.

Voilà où se dirigent à présent les pensées de Yaël alors qu’elle assiste, impuissante, à une scène où elle est supposée incarner le personnage central. Si sa mère est venue la débarrasser du plateau qu’elle portait, cela ne l’a aucunement aidé à se mettre en mouvement. Elle aurait pu rejoindre la table ou rebrousser chemin en faisant tout tomber sur son passage. Il lui aurait été permis, pour une fois, de péter les plombs, d’entrer dans une colère noire, d’envoyer valser le monde. Elle aimerait même le faire, Yaël. Mais ses membres entiers se sont immobilisés et ne semblent plus vouloir coopérer. Elle n’arrive même pas à réagir à la nouvelle remarque transphobe qui a passé les lèvres du père de famille. Pourtant, intérieurement, c’est une éruption de lave qui est en train de se préparer. Pour l’heure, seules ses paupières se remettent doucement en action alors que Lisa et William continuent de prendre Megan à parti pour qu’elle leur explique ce qu’il se trame réellement chez les Hawkins-Saunders.  

Évidemment, la manière dont les choses se déroulent ne plaît pas à l’aînée de la fratrie. Megan ne manque pas de souligner l’indifférence évidente de leurs parents à son égard, mentionnant expressément que les seules questions qu’ils lui posent sont en lien avec Yaël. Leur chouchoute. Celle qui a épousé une salope et qui est toute maigrichonne. Elle ne parvient toujours pas à revenir à elle, Yaël. C’est comme s’il lui était plus simple de délaisser son enveloppe corporelle pour errer vers d’autres lieux. Là où tout le monde se ficherait bien de ce qui se trouve dans son assiette et de ce qu’il se passe dans son lit.

Si la réaction de Megan part probablement d’une bonne intention envers sa sœur puisqu’elle indique à leurs parents qu’elle ne jouera pas les intermédiaires, Yaël ne parvient pas à voir les choses sous cet angle. Elle a plutôt l’impression de se retrouvée une nouvelle fois livrée à elle-même, en proie aux prédateurs. Ce sont à nouveaux trois paires d’yeux qui se braquent sur elle alors que Megan la rejoint et passe une main dans son dos pour la ramener parmi eux.

Bonne idée ? Mauvaise idée ? Si rien ne se passe, en extérieur, durant quelques longues secondes, c’est un tout autre dessein qui s’illustre à l’intérieur. Yaël se met soudainement à bouillir de colère. Elle déteste cette façon qu’ont ses parents de s’intéresser à ce qui ne les regarde pas. Elle déteste la manière dont Megan a une nouvelle fois parlé de celle qu’elle aime. Elle déteste que son mariage batte de l’aile. Elle déteste que Daphne ne soit pas à ses côtés. Elle déteste l’idée que ses parents puissent être au courant de cette infidélité. Elle déteste le fait que son père n’accepte toujours pas qui est Megan. Elle déteste passer pour la chouchoute. Elle déteste les mots qu’Elijah lui a dits et qu’elle ne parvient pas à oublier. Elle déteste les bonnes intentions de Lisa qui la font plus souffrir que de raison. Et elle déteste cette foutue tarte tatin.

- Je ne suis pas une enfant.

Son ton est dur. Pour tout dire, sa voix se rapproche de cette voix sérieuse qu’elle emprunte en audience pour questionner les mis en cause ou requérir les peines qu’elle souhaite voir appliquer. Elle n’appelle aucune réponse, n’incite aucune prise de parole, impose le respect et le silence. Le regard qu’elle abat sur chacun des membres de sa famille, à tour de rôle – Megan comprise – est du même acabit.

- Oui, j’ai perdu du poids, papa, commence-t-elle par là en regardant William, avant de poursuivre sur sa mère. Je ne suis sans doute pas la mère que tu aurais aimé que je sois mais je fais de mon mieux. Et jamais je n’accepterais que la personne que j’aime parle à mon enfant comme papa le fait avec Megan.

Elle attaque désormais son père et ne craint pas de l’affronter du regard.

- Tu reproches à Megan d’insulter les gens mais as-tu seulement conscience que c’est ce que tu fais constamment avec elle ? Qu’il est moins douloureux de s’entendre dire « ferme ta gueule » que d’être dégenrée, rejetée par son propre père ?
- Yaël… tente de s’interposer Lisa.
- Et toi, Megan, prend-elle désormais à partie sa sœur. Quelle satisfaction retires-tu à dénigrer Daphne de la sorte ? Ma femme. La mère de mes enfants. Ta belle-sœur ; ton amie, même. Parce que tu sembles oublier que Daphne est ton amie. Tout comme vous semblez tous oublier je ne peux pas constamment être la fille, la sœur, l’épouse et la mère parfaite que vous souhaitez que je sois. Je suis fatiguée, achève-t-elle sans pour autant être montée dans les tours ni avoir laissé ses émotions la submerger.

@Megan Saunders & @Yaël Saunders

( o u t f i t ) ⋄ En prenant le parti de Yaël, Megan pense qu'elle sera protégée à son tour, que Yaël comprendra que le problème ce n'est pas elle ; mais eux. Leurs parents ont toujours été particuliers. Ils leur ont enseigné l'importance de taire ses sentiments, leur ont appris à se montrer noble même dans les situations les plus injustes. Rien ne doit jamais abattre un Saunders, rien ne doit réussir à l'atteindre en plein cœur. Ils n'ont d'ailleurs jamais été très présents pour Megan au départ de Mairead – et à la mort de son fils – là où étrangement, ils l'ont été pour Yaël suite à sa séparation douloureuse avec Rosa. Malgré tout, ils ont continué à leur inculquer leur façon d'être. Si Megan a combattu les volontés de ses parents et a essayé de se forger elle-même une propre carapace – qui ressemble malheureusement trop à celles de ses parents – ce n'est pas tellement le cas de Yaël. Sa cadette s'est complètement laissée bouffer par leurs parents. Gamine, elle a dévoré et bu chacune de leurs paroles, aussi merdiques soient-elles. Yaël a toujours cru ce qu'ils lui contaient. Alors elle est devenue comme eux ; à se rendre malade physiquement parce qu'elle est incapable d'exprimer la moindre émotion. Ils l'ont formaté à être comme eux ; ont fait d'elle un putain de robot. Là où Megan pense, elle, avoir réussi à ne pas être ainsi. Pourtant, elle ne vaut pas mieux dans le fond. Certes elle a une grande gueule et n'hésite jamais à recadrer ses parents – surtout son père – quand ils dépassent les bornes. Mais comme Yaël, Megan exprime rarement ses angoisses et les périodes où sa thymie est en baisse. Parce qu'elle y arrive ainsi. Elle croyait que Yaël aussi. Megan était même persuadée que sa sœur avait remonté la barque, que ça allait aller pour elle. Mais l'ainée s'est trompée en beauté. Sa sœur coule là où elle la pensait flotter. Elle se noie, là où Megan l'imaginait agripper à une bouée de sauvetage. Leurs parents aussi le voient, mais ils en font trop. Ils vont trop loin. En exprimant ainsi leur inquiétude vis-à-vis de leur seule fille, ils empirent la situation. Alors forcément, Megan monte au créneau. Elle n'hésite pas à se poster aux côtés de sa cadette pour la soutenir. Pour lui montrer qu'elle est là pour elle, et qu'elle la soutient. Qu'elle n'est pas obligée de laisser leurs parents continuer de la contrôler et de la manipuler de la seule. Elle est libre. Car désormais, Megan s'assurera que ni William, ni Lisa, continueront d'obtenir tout ce qu'ils désirent d'elle. Yaël n'est pas leur robot. C'est un être humain. Une femme qui ne demande qu'à vivre, qu'à respirer, qu'à être libre. Et voilà qu'elle le fait enfin. Yaël prend la parole et décide de recadrer une bonne fois pour toute leurs parents.

Les mots prononcés par Yaël ne laissent pas indifférente sa sœur. Megan est réellement touchée par ce qu'elle entend. Yaël ne laisserait jamais  la personne qu'elle aime parler ainsi à son enfant. Elle s'en serait doutée, Megan. Elle a toujours pensé que Yaël était une meilleure mère que Lisa le fut pour elles – pour Megan en tout cas. Ce n'est pas la première fois que Yaël prend sa défense depuis son coming-out trans ; mais aujourd'hui restera un jour gravé dans les annales. Les mots prononcés par Yaël sont moins retenus que ceux usés jusqu'à ce jour. Elle se libère. Megan le sent.

Un sourire fier fait s'étirer les lèvres de Megan quand Yaël reprend la parole pour s'adresser à leur père. Bien fait pour toi, Will. À trop vouloir la chouchouter, la coucouner, voilà que tu t'en brûles les ailes. La pensée gagne l'esprit de Megan et doit même se propager jusqu'aux pensées de William puisqu'il la regarde bizarrement. Méchamment, même. Le père de famille semble mécontent, mais surtout surpris. Choqué, même, de se faire remettre à sa place par sa fille. Il faut une première à tout. Il était temps que Yaël ouvre enfin sa gueule ! Ça lui apprendra à dégenrer sa fille ainée. Megan s'apprête d'ailleurs à en rajouter une couche, lorsque Yaël reprend la parole. Elle continue son speech. Mais cette fois-ci, ce n'est plus à leurs parents qu'elle s'adresse, mais à elle ; à Megan.

Le regard de la Saunders se décompose. Ses bras retombent le long de son corps. C'est inattendu. Megan observe Yaël l'engueuler, et sent au même instant le regard pesant de son père sur elle. Vengeance, doit-il penser. Yaël ne cri pas. En réalité, elle ne montre aucune émotion. C'est d'autant plus déstabilisant. La fausse blonde déglutit tandis que Yaël lui rappelle les faits. Daphne est son amie. La meilleure, en réalité. Daphne a été une des personnes les plus importantes dans sa vie. Comme Yaël, elle l'a soutenue lors de son coming-out trans et n'a loupé aucune étape de sa transition. Elle est venue à son chevet lors de ses chirurgies, et l'a épaulé lors du retour en ville de Mairead. Daphne est l'une des rares personnes à qui Megan confie toutes ses émotions, toutes ses pensées. Tout du moins, c'était le cas avant que les choses ne changent. Car voilà bien longtemps que la Saunders ne lui a plus rien confié. La rouquine ne doit même pas connaitre l'existence de Sahar ; là où étrangement, Yaël en sait déjà beaucoup.

Ce rappel perturbe Megan. Elle n'a pas tellement l'habitude de traiter ses amies de salope. Mais cette situation est particulière. Daphne a blessé la seule personne intouchable. La seule dont Megan ne laisserait jamais quiconque lui faire du mal ; sa frangine.

– Tout ça ne répond pas à nos interrogations, souffle William en essayant d'apaiser sa fille.
– Will ! Stop... le sermonne Lisa avant de s'avancer jusqu'à ses deux filles. Elle ne pose aucun regard sur Megan. Ses mains se glissent dans celles de Yaël tandis qu'elle lui murmure : tu es parfaite mon cœur. Une bonne fille, une super maman, une merveilleuse épou... la complimente-t-elle tandis que Megan lâche un rire involontaire.
– J'en ai ras le bol d'entendre ces conneries. Yaël a des putains d'imperfections ! Faudrait que vous les captiez un jour ou l'autre ! s'enflamme l'ainée de la fratrie, là où Yaël a réussi à rester calme. Megan pose son regard sur sa petite sœur, à qui elle lâche ensuite en essayant de se calmer : t'as raison. Je n'aurais pas dû dire que Daphne est une salope. Le penser, ok. Le dire à voix haute, non. J'avais oublié qu'on doit constamment fermer notre gueule dans cette famille. Et OUI tu as ENCORE raison aussi quand tu dis que Daphne était mon amie. Mais toi tu es ma sœur et je t'aime trop pour continuer de te voir souffrir en silence.

Les deux mots sont soufflés.
Ceux que les sœurs Saunders ne se sont jamais réellement prononcés. Megan s'y prend peut-être mal, mais ils venaient de loin. De très loin.
Elle l'aime sa petite sœur ; bien qu'elle ne lui ait jamais réellement fait savoir.

@Megan Saunders & @Yaël Saunders

( o u t f i t ) ⋄ Je suis fatiguée. A-t-elle seulement prononcé ces mots une seule fois dans sa vie avant aujourd’hui, Yaël ? Elle ne le croit pas. Pas même lorsqu’elle était étudiante et que les examens la tenaient éveillée toute la nuit. Pas plus lorsqu’elle a commencé sa vie professionnelle en rejoignant un grand cabinet d’avocats où les attentes étaient nombreuses et requéraient une disponibilité de tous les instants. Même quand Elijah lui a volé des nuits entières de sommeil avec toutes ses bêtises d’adolescent ou quand Jude s’est fait désirer avant de venir au monde, Yaël n’a jamais dit qu’elle était fatiguée. Il n’est pas dans son tempérament de se laisser abattre, ni même de s’apitoyer sur son propre sort. « Je suis le maître de mon destin, je suis le capitaine de mon âme » ; les mots de William Ernest Henley l’ont toujours guidée. Peut-être parce que ce poème était – et est toujours – affiché dans le couloir de la maison de ses parents, mais aussi et surtout parce que les Saunders en ont toujours fait une philosophie de vie. À tout le moins une philosophie qu’ils ont toujours conseillée à leur fille cadette de suivre. Pas sûr qu’il en soit ainsi avec leur fille aîné, et certainement pas de la part de William qui ne devient pas, avec l’âge, plus tolérant et plus conciliant envers Megan. C’est cette différence de traitement entre les deux sœurs Saunders que Yaël pointe aujourd’hui du doigt, alors que rien ne laissait présager que ce déjeuner deviendrait le théâtre d’un conflit familial. À tour de rôle, la procureure pointe les grossièretés de chacun : le comportement plus que répréhensible de William envers sa fille, les silences étouffants et mal venus de Lisa, la violence et la profonde méchanceté de Megan. S’il semble que Yaël part en roue libre à cet instant, elle ne prononce pas ces mots pour blesser ceux qu’elle aime de plus profond de son cœur. Ses intentions ne sont pas mauvaises mais il lui semble vital de dire à haute voix ce que chacun s’efforce à étouffer depuis trop d’années déjà et, surtout, de conclure sur son propre cas. Elle a besoin d’avouer cette fatigue qu’elle ressent alors que chacun des membres de sa famille a toujours fait peser sur elle des attentes plus grande qu’un être humain normalement constitué est capable d’assumer. Elle a tenu, Yaël. Elle a tenu quarante-deux ans et elle tiendra encore puisqu’il n’est pas dans son caractère de ne pas prendre sa vie en main et de ne pas se battre pour obtenir ce qu’elle souhaite réellement. Mais, aujourd’hui, elle a besoin de parler. Elle a besoin d’exprimer ce qu’elle ressent ; besoin d’évoquer cette pression que tout le monde lui met, tout le temps – peut-être involontairement.

Si Lisa semble la plus encline à chasser les chagrins de sa fille en la complimentant, là où William cherche encore à comprendre ce qui lui échappe dans toute cette situation – et surtout dans le mariage de Yaël –, la procureure est forcée de reconnaître que ses mots sont sans incidence. Sa mère, aussi gentille et prévenante soit-elle, ne l’entend pas. Son père, lui, ne l’écoute même pas. Pourtant, l’idée de se blottir dans les bras de Lisa est plus que tentante. Ils ont toujours été le bouclier protecteur de Yaël ; ceux lui permettant de se ressourcer et de puiser l’énergie nécessaire pour continuer à donner toujours à sa vie l’apparence de la perfection. Seulement, Yaël n’a pas le temps de se laisser aller à cette solution de facilité, qui reviendrait à balayer en une fraction de seconde ce qu’elle cherche à exprimer, que déjà le rire de Megan se fait entendre. Il n’en faut pas davantage pour que le corps de Yaël se fige et qu’elle porte un regard perdu sur sa sœur. Il n'y a rien de drôle dans cette situation et la seule explication de ce rire est son côté moqueur. Megan s’apprête à se moquer d’elle comme elle l’a toujours fait. Yaël se prépare déjà à entendre sa sœur tourner au ridicule les mots qu’elle a eu, tout en concluant sur la plus grosse supercherie qu’est la vie : l’amour. L’appréhension que l’infidélité de Daphne soit révélée dans ces circonstances, par l’impulsivité de Megan et son incapacité totale à réfléchir avant de parler, gagner Yaël. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’elle reste totalement interdite quand sa sœur prend la parole, ne manquant pas de souligner ses putains d’imperfections. Des mots qui étonnent la brune mais qui lui laissent présager à quelle sauce elle va être mangée ; qui la font se préparer au fait qu’il va désormais être question de parler de ses propres torts.

Toutefois, les choses ne se passent pas ainsi. Pas totalement. Megan ne cloue pas Yaël au pilori. Elle revient sur Daphne, crie sa haine envers ce silence que leurs parents leur imposent depuis qu’elles sont petites, avant de conclure de la manière la plus étonnante qu’il soit. Je t’aime trop pour continuer de te voir souffrir en silence. Il n’en faut pas davantage pour qu’une larme – silencieuse – roule le long de sa joue, alors que sa gorge est totalement nouée. Si nouée que William profite du silence qui s’installe pour s’exprimer, alors que Lisa attire sa fille cadette dans ses bras face à sa détresse désormais évidente.

- Yaël, si tu souffres, il faut nous en parler. Nous sommes là pour toi et le serons toujours.
- Tu ne peux pas toujours faire face à tout toute seule, poursuit Lisa en caressant la chevelure brune de sa fille.
- Je ne suis pas seule.

Les mots de Yaël sont soufflés mais c’est bien un regard à Megan qu’elle adresse à ce moment, alors qu’elle finit par se détacher des bras de sa mère.

- Je… Megan, tu peux venir avec moi ?

Sans plus se montrer insistance, Yaël fait un signe à ses parents de ne pas la retenir alors qu’elle s’éloigne en direction de la cuisine. Si le doute s’installe lors des quelques premiers mètres qu’elle parcourt, le bruit des pas de Megan dans son dos le chasse bien vite. La procureure n’attend pas d’avoir rejoint la cuisine mais seulement d’être à l’intérieur de la maison pour se retourner face à sa sœur et l’attirer sans préavis dans ses bras.

- Merci, murmure-t-elle à son oreille. D’être présente et de veiller sur moi. L’hésitation s’installe un instant ; la difficulté est là, bien présente. Il lui faut fermer ses yeux un court instant et serrer sa sœur un peu plus fort contre elle pour puiser le courage nécessaire. Je t’aime aussi et je crois qu’il est grand temps que je veille un peu plus sur toi, moi aussi.

Doucement, Yaël défait son étreinte pour regarder sa sœur et lui accorder un maigre sourire. Elle sait que, dans toute cette histoire, elle doit beaucoup à Megan qui ne l’a jamais lâchée depuis son passage aux urgences en janvier dernier.

@Megan Saunders & @Yaël Saunders

( o u t f i t ) ⋄ Ça fait des années que Megan Saunders enchaine les conneries. Trop narcissique pour voir qu'en chemin, ce sont ses proches qui se retrouvent à ramasser les pots cassés. Megan, elle, elle ne pense qu'à elle, ne voit pas plus loin que le bout de son nez. Tout du moins, ça a duré des années avant qu'elle réalise ne pas avoir tenu le rôle de l'ainée de la fratrie. En ne pensant qu'à elle, Megan en a oublié cette petite sœur pourtant parfaite aux yeux du monde. Yaël qui, jusqu'à quelques semaines, ne lui a jamais demandé la moindre aide, le moindre coup de main. Même lors de sa rupture avec Rosa, Megan s'est contentée de la réconforter et de lui changer les idées sans en faire plus. Elle n'est jamais allée plus loin ; n'a en réalité, jamais osé. Une attitude qui s'est retrouvée très vite impactée par l'infidélité de Daphne, puis le passage aux urgences de Yaël. Depuis que ces événements se sont enchainés, Megan a pris conscience des choses. Elle a réalisé devoir protéger Yaël en veillant sur elle. Un devoir qu'elle a déjà pratiqué par le passé, mais sans se prendre la tête. Sans que Yaël ne puisse remarquer quoique ce soit.

Avec l'année qui vient de s'écouler et les montagnes russes gravies par la famille Hawkins-Saunders, Megan voit les choses différemment. Elle bombe le torse à tout ceux qui se mettent en travers du chemin de Yaël, et n'hésite pas à agresser un agent de police – Daphne qui plus est – devant son commissariat. Elle fonce Megan et est bien décidée à ne plus fermer sa gueule – bien qu'elle ne l'ait jamais réellement fermé. Lorsque ce n'est pas à Yaël qu'on se prend, mais à elle, Megan ne se gêne pas de surenchérir. Elle ne laisse plus son père lui faire affront, ni se moquer de son genre. Elle attaque, mord, prête à tout pour ne pas se laisser faire. Comme aujourd'hui. Megan ne supporte pas d'entendre William parler d'elle ainsi et de faire ces sous-entendus transphobes sur son identité de genre. Mais ce n'est rien à côté de ce que ses parents font subir à Yaël, rien à côté de ce qu'elle lit dans le regard de sa cadette. Yaël a besoin d'elle. Elle doit être protégée. Alors Megan bombe le torse, prête à démolir tout ceux qui causeront des torts à sa frangine. Ses parents compris. Le regard foudroyant qu'elle leur lance parle pour elle. Megan ne les supporte plus ; et n'arrive plus à accepter leur niaiserie vis-à-vis de leur fille cadette, alors qu'avec elle, ils sont souvent odieux.

Bien décidée à protéger Yaël mais surtout à lui faire comprendre qu'elle n'est pas son ennemie, Megan se défend. Elle prend la parole, s'excuse, avant de finir par souffler des mots qu'elle n'avait encore jamais prononcés à voix haute. Ceux-là même qui semblent interdits dans cette famille ; tout du moins envers elle. Car tous, oui, tous, ont l'air de s'aimer à en crever, sauf elle. Megan a l'impression d'être le vilain petit canard, celui qui fait honte et qu'on essaye quotidiennement de cacher dans un coin. Celui qui est clairement tombé dans la mauvaise famille, et qui n'a rien à faire là. C'est ce qu'elle ressent quotidiennement avec les Saunders, et plus précisément ses parents. Ils ne la regardent pas et ne l'aiment pas comme ils le font avec Yaël. Mais qu'importe. À cet instant, Megan oublie toute sa rancœur, toute sa souffrance. Elle n'a de yeux que pour sa cadette et la souffrance qui émane de chacun de ses pores. Alors Megan le fait, elle tend une main encore jamais lancée. Je t'aime trop. Des mots qu'elle ne regrette pas, même en prenant conscience de les avoir prononcé quelques secondes après. Ils sont la vérité, rien que la vérité. Megan aime Yaël ; malgré toutes leurs disputes, leurs prises de bec, leurs engueulades, leurs hauts et leurs bas. Megan aime sa petite sœur et donnerait sa vie pour elle. Pour son bonheur. Elle a déjà commencé à le faire en tirant un trait sur sa meilleure amie, au profit de sa frangine.

La larme qui roule sur la joue de Yaël, Megan la perçoit. Ce sont ses mots qui la foutent dans un tel état ? L'ainée s'en veut. Yaël doit détester ça. Doit être répugnée à l'idée que son ainée l'aime. Parce que chez les Saunders, Megan est celle qui n'a rien à faire là. Elle est celle dont ils ne veulent pas entendre ces mots. Un soupir s'échappe d'entre ses lèvres tandis qu'elle observe sa mère prendre Yaël dans ses bras. Putain. Voilà qu'elle la défend après que sa fille ainée lui ait gueulé dessus. Comme si Yaël ne savait pas se défendre seule ! Elle fait chier, elle aussi. En revanche, les mots prononcés par William sont pour la première fois partagés de Megan. Elle est d'accord avec lui. Elle hoche d'ailleurs la tête pour le montrer. Si elle souffre ; elle peut leur en parler, à Megan en tout cas. Elle a beau être immature et pas toujours de bon conseil, Megan est celle à qui les gens aiment se confier. Surtout depuis qu'elle passe ses journées derrière un comptoir. Serait-ce un avenir de psychothérapeute qui se dessine-là ?

Elle n'est pas seule.
L'affirmation de Yaël surprend Megan, qui reporte son attention sur elle – et non plus sur son étreinte avec Lisa. Ses sourcils se froncent avant qu'un sourire tinté d'émotion prenne possession de ses lèvres. Est-ce d'elle dont Yaël fait référence ? Putain ça la ferait presque chialer ! Foutues hormones à la con ! Megan croise ses bras sur sa poitrine. Elle ne se braque pas, mais se protège de potentielles émotions qu'elle pourrait ressentir. Pour attester des mots de Yaël, la fausse blonde hoche à nouveau la tête avant que sa frangine reprenne la parole. Elle veut qu'elle la suive. Oh merde ça sent le piège à la con. Yaël va l'engueuler de lui avoir balancé l'aimer, alors qu'elle agit constamment dans son dos et qu'elle la braque quotidiennement. Ça reviendrait à mentir de dire que Megan n'a pas peur. L'ainée déglutit alors qu'elle échange un regard surpris avec sa mère laissée pour compte de son étreinte désormais rompue. Mais soit. Megan accepte de suivre Yaël sans mot dire.

Ce n'est qu'une fois à l'intérieur et la porte refermée derrière elle que Yaël se jette dans ses bras. Sa lancée vers elle surprend Megan qui ne recule pas, qui bloque son corps lorsque celui de la brune se blottit contre elle. Ainsi, elle leur évite de tanguer mais surtout de s'affaler. Pas le temps pour la surprise, Megan enroule ses bras autour du petit corps de sa sœur, qu'elle serre de toutes ses forces contre elle. Une poigne qu'elle amplifie lorsque Yaël la remercie, tandis qu'un sourire discret prend à nouveau possession de ses lèvres. Son nez se niche dans la chevelure de Yaël alors que Megan fixe l'horizon de la pièce. Un point invisible face à elle.

– C'est normal, murmure-t-elle en continuant d'étreinte sa petite sœur.

C'est finalement ce moment-là que Yaël choisit pour lui répondre positivement – et non pas pour la remettre à sa place comme Megan le craignait. Elle l'aime aussi. Les mots soufflés font s'accélérer son corps alors que ses paupières se joignent. Megan n'ose plus regarder devant elle. Nul par ailleurs, d'ailleurs. Parce que putain, elle ne pensait pas entendre ça un jour ! Jamais, même. Une larme, puis deux, s'échappent de ses yeux. Elle s'en fout, elle ne les essuie pas. Megan Saunders pleure rarement – seulement devant la télévision – mais là, Yaël vient de la toucher en plein cœur. Ça l'émeut tellement qu'elle perd tout de sa splendeur, incapable de rester stoïque comme elle le faisait jusqu'à maintenant pour leur éviter de flancher. Lorsque Yaël se recule pour lui sourire, Megan renifle.

– Tu veilleras sur moi quand tu iras mieux, explique-t-elle d'un ton sérieux, à la limite de la menaçant. En attendant, Yaya c'est à moi de veiller sur toi. Je ne l'ai jamais fait. Jamais correctement. Je suis tellement désolée putain. Tu méritais pas une sœur comme moi, mais ça va changer. Crois-moi. Je ne laisserai plus personne te faire du mal.

La timbre de voix de Megan est sûr de lui. Elle veut être comprise par Yaël. Rares sont les fois où elle se dénigre – Megan s'aime trop pour reconnaître ses torts – mais là, en l'occurrence, elle admet sans difficulté ses torts. Elle n'a pas su protéger Yaël comme elle le devait. Et ça, elle ne le laissera plus jamais se reproduire.

– En fait... J'ai menti à papa et maman... Tu es parfaite telle que tu es, souffle l'ainée en posant sa main sur la joue de sa frangine, avant de déposer un baiser sur son front.