@Sorcha Adair & @Yaël Saunders

( outfit ) ⋄ « Putain, fait chier, y a pas de place dans ce quartier de merde. Va récupérer notre table avant qu'ils la filent au premier connard qui passe, j'vais m'garer ». Il y a bien longtemps que Yaël ne s'émeut plus du langage grossier de sa sœur. À l'exception du regard réprobateur qu'elle lui adresse l'espace d'une seconde, la procureure garde ses pensées pour elle avant de quitter l'habitacle. Un rapide coup d'œil en direction du glacier lui laisse apercevoir que les clients affluent en ce début de soirée. Alors que ses pas la rapprochent de sa destination, elle ne pense à aucun moment que tout ceci n'est qu'un guet-apens orchestré par Megan.

La porte poussée, Yaël se présente à l'homme qui place les clients et qu'elle identifie - à tort - comme un des salariés de la Gelateria Cremona. Bien élevée et polie, Yaël décline son identité quand il la lui demande, avant de préciser qu'elle dispose d'une réservation à son nom. Le sourire que l'homme lui adresse n'est pas innocent mais la procureure n'y prête guère attention. Elle se laisse au contraire guider jusqu'à la table qui lui est attribuée avant de porter son attention sur tous les parfums de glace inscrits au-dessus du comptoir. Rien ne lui donne envie. L'idée même de venir ici ne la séduisait pas. Et, pourtant, elle s'est laissé embarquer par sa sœur. Pour ne pas la décevoir, sans doute, mais aussi pour qu'elle cesse de s'inquiéter pour elle de la sorte. Ce côté faussement maternel de Megan en deviendrait presque agaçant.

Bien que plongée dans une lecture attentive des parfums de glace proposés, elle remarque que les minutes défilent et s'étonne que sa sœur n'ait toujours pas trouvé d'endroit où garer son véhicule. Un parking sous-terrain se trouve pourtant à moins de cinq minutes à pied de leur destination. Naturellement, elle interrompt sa lecture pour reporter son regard sur la table, quand une silhouette familière - mais pas réellement connue - s'approche d'elle.

Si Yaël lui adresse un sourire furtif qu'elle accompagne d'un « bonjour » de convenance, elle ne s'attend nullement à la scène qui suit. Celle où l'infirmière qui s'est occupée d'elle un peu moins d'un mois plus tôt tire la chaise pour venir s'installer face à elle. Que fait-elle ? Il y a méprise. Yaël attend Megan. Personne d'autre. Telles sont déjà les pensées qui envahissent l'esprit de la procureure alors que, désabusée par cette situation, elle réfléchit à la meilleure façon d'indiquer en douceur à l'infirmière que cette place est prise.

@Yaël Saunders & @Sorcha Adair  

(outfit)
C’était une mauvaise idée. Une TRÈS mauvaise idée. Bon sang, qu’est-ce qui lui a pris ? Parce que ça paraissait drôle sur le coup, après quelques verres dans le nez, de s’inscrire avec Delilah à un événement de St Valentin. Maintenant que le jour est arrivé, ça la fait soudain beaucoup moins rire et elle regrette amèrement de ne pas avoir essayé d’annuler son inscription. Parce qu’elle est pas prête Sorcha, pas prête du tout. Durant tout le trajet, elle a pas arrêté d’imaginer avec quel genre de personne elle a été matchée. Pour tout dire, elle se souvient à peine de ce qu’elle a répondu au questionnaire, si ce n’est qu’elle préférait une femme, et elle espère vraiment que ce souhait là au moins a été respecté. Un homme, ça rappellerait trop Noah, elle a besoin de quelque chose de différent.

Enfin besoin, c’est un bien grand mot. Parce qu’un rendez-vous avec un ou une inconnu·e, elle est pas sûre que ce soit quelque chose qui puisse lui faire du bien. Elle a fait un effort pourtant, s’est fait jolie et y a un moment que ça lui était pas arrivé. Choisir sa tenue, ça a été le plus dur. Quelque chose d’approprié pour l’occasion, mais pas trop habillé non plus puisqu’après tout le lieu ne s’y prête pas vraiment.

Durant le trajet, elle a tout le temps de regretter, mais aussi de se sentir coupable. Parce que de l’autre côté, il y aura quelqu’un qui met peut-être des espoirs dans cette rencontre. Et là, qu’est-ce qu’elle a à offrir Sorcha ? A part son coeur brisée, sa confiance et son estime d’elle-même en mille morceaux ? Elle se rend compte que certaines casseroles, elle va devoir les sortir, notamment si on la questionne sur sa dernière relation, ce qui est en fait plutôt banal lors d’un premier rendez-vous. Elle a mille fois envie de renoncer, mais elle le fait, elle passe la porte et demande à ce qu’on lui indique sa table. Son souffle se suspend alors qu’elle se retourne et… avise Yaël Saunders, qui visiblement l’attend. Sorcha la reconnait immédiatement. Elle se souvient évidemment pas toujours de ses patients, mais cette histoire est relativement récente, et qu’elle soit procureure c’est pas banal, ça l’a marquée. La possibilité de se retrouver face à une patiente, elle y a pensé et c’est vrai que ça peut être un peu gênant. Mais ce qui l’est encore plus, c’est quand ladite patiente est mariée.

La voilà paumée, perturbée. Elle la salue pourtant, un « bonjour » répondant au sien, un sourire embarrassé, avant de s’asseoir face à elle. Sorcha joint les mains devant elle, franchement gênée par la situation, et le fait que Yaël soit aussi silencieuse lui indique qu’elle doit sans doute pas en mener large non plus. Alors, elle décide de crever l’abcès. « Madame Saunders… » au moment où elle le dit, elle se rend bien compte que c’est trop formel pour les circonstances. « Yaël… je suis désolée, je pensais pas que… je vous juge pas hein, vous devez avoir vos raisons, mais je crois pas que je puisse avoir ce genre de rendez-vous avec quelqu’un qui est marié… »

@Sorcha Adair & @Yaël Saunders

( outfit ) ⋄ Elle n’a pas besoin de réfléchir longuement à la situation pour comprendre ce qu’il se passe, Yaël. Un bref coup d’œil au-dehors lui laisse apercevoir que Megan n’est toujours pas à l’horizon. Elle comprend surtout que sa sœur ne la rejoindra pas ; qu’elle s’est faite bernée, dans cette histoire. Elle se retrouve désormais dans un lieu où elle ne voulait même pas venir, mais doit en plus participer à une activité qui va bien au-delà de ce qu’elle est en mesure d’accepter. La femme qui lui fait face n’est pas plus à l’aise par les circonstances qu’elle : elle sait que Yaël est mariée et la phrase qu’elle prononce lui fait parfaitement comprendre qu’il s’agit d’un rencard. Ce n’est d’ailleurs qu’à ce moment-là que la procureure détaille avec un peu plus d’attention la décoration des lieux. Elle n’avait pas tellement prêté attention aux ballons en forme de cœur suspendus au plafond, ni à la spécialité de jour inscrite sur l’ardoise noire « la glace des amoureux ». La date du jour lui revient seulement en mémoire alors qu’elle ne comprend toujours pas comment l’infirmière en est venue à avoir un rendez-vous avec elle. Megan l’a-t-elle inscrite sur un site de rencontres ? S’est-elle fait passer pour elle sur les réseaux sociaux ? Ce sont les questions qui traversent l’esprit de la procureure alors qu’elle doit désormais trouver comment s’extirper de cette situation. Comment peut-elle se justifier d’avoir un rendez-vous avec une autre femme alors qu’elle est mariée ? Sauf à expliquer les circonstances, Yaël ne voit pas. Et, pourtant, elle n’a pas envie d’accabler sa sœur. Elle n’a pas non plus envie de faire savoir qu’elle a été suffisamment naïve pour se laisser traîner ici ou que sa propre sœur a usurpé son identité en ligne.

- Ce genre de rendez-vous ? se permet-elle de demander.

Elle connaît la réponse à cette question, Yaël, mais c’est bien là tout ce qu’elle est en mesure de demander. D’ailleurs, si elle avait réellement été dans l’optique de rencontrer quelqu’un, elle aurait a minima ôté l’anneau qui orne son annulaire depuis que ce pays lui a donné le droit de se marier avec celle qu’elle aime.

La brune n’a cependant pas le temps de lui répondre. L’homme qui les a accueillis sollicite l’attention de tout un chacun avant de s’exprimer d’une voix audible pour tous.

- Chers participants. Vous venez d’être redirigés vers votre Valentin ou Valentine. Nous espérons sincèrement que vous prendrez conscience de la compatibilité qui est la vôtre. Aucun partenaire n’a été choisi au hasard alors je vous demande une seule chose : partez du principe que la personne qui se trouve en face de vous a beaucoup à vous apporter. Je ne vais pas prendre davantage de votre temps alors je vais m’en arrêter là en vous indiquant seulement que pour commencer cette rencontre, nous demandons à chaque participant de choisir le parfum de glace qui sera dégusté par son ou sa Valentin-e. Faites confiance à votre instinct, vous aurez de bonnes surprises. Amusez-vous bien et puisse l’amour tomber sur vous !

Elle est désabusée par la situation, Yaël, et cela se lit dans son regard. Tant pis pour Megan, tant pis pour sa propre image, elle ne peut pas laisser ce quiproquo s’installer plus longtemps entre elles.

- Je… quelqu’un m’a inscrit et je n’en savais rien. Je suis navrée, Sorcha… regrette-t-elle sincèrement alors qu’elle prend conscience qu’elle prend la place de quelqu’un qui aurait réellement pu partager un bout de chemin avec l’infirmière.

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(outfit)
Elle avait bien pensé que la situation serait inconfortable. Pourtant, y a pas si longtemps, les rencards c’était son truc. Elle savait flirter, charmer, sans aucun problème. Et maintenant elle se retrouve un peu bête, maladroite, à pas trop savoir quoi dire ou quoi faire. Il faut dire que les circonstances l’aident pas, parce qu’elle avait absolument pas imaginé se trouver face à une femme mariée. Si elle était mal à l’aise avant d’entrer chez le glacier, c’était rien à côté de ce qu’elle ressent maintenant alors qu’elle se pose un million de questions, cherchant une explication logique qui n’inclurait pas un adultère. Peut-être sont-elles en couple libre ? Mais ce serait tout de même étrange de passer la St Valentin avec quelqu’un d’autre, non ? Après tout elle en sait rien, c’est pas quelque chose qu’elle a déjà pratiqué. La question de Yaël la laisse plus médusée encore, alors qu’elle lui donne presque l’impression que la procureure ignore où elle se trouve. Mais Sorcha a pas le temps de lui demander des précisions qu’une annonce est faite, qui est loin de mettre l’écossaise à l’aise. D’où elle serait capable de se projeter avec quelqu’un qui est apparemment déjà pris ? Elle se surprend soudain à se demander si c’est pas une mauvaise blague qu’on lui fait, en réalité.

Mais les choses prennent un autre tournant quand soudain Yaël lui explique la situation. Voilà qui est encore autre chose, mais au moins c’est plus clair maintenant. Dire que l’infirmière craignait tant de faire perdre son temps à quelqu’un qui aurait vraiment espéré beaucoup de cette rencontre, voilà qu’elle se retrouve dans cette situation. Elle a presque envie de laisser échapper un rire sarcastique. C’est ridicule. Elle est pas croyante, mais si jamais y a une quelconque entité qui gère sa vie amoureuse, on doit bien se moquer d’elle à l’heure qu’il est. Elle passe brièvement une main sur son front, puis devant ses lèvres et son menton alors qu’elle réalise ce qui est en train de se passer.

« C’est parfait… » qu’elle laisse échapper d’un ton aussi désabusé que son sourire, avant de lever de nouveau ses yeux bleus vers Yaël. « C’est pas vous, vous y êtes pour rien, je savais que j’aurais pas dû m’inscrire à ce truc. » Une part d’elle est évidemment soulagée d’échapper à un truc auquel elle n’était pas prête. Mais il faut bien admettre que tout ça a quelque chose d’humiliant en fait et après s’être préparée, avoir angoissé comme ça, elle se sent vraiment stupide. Elle baisse les yeux et place ses mains jointe sur la table devant elle, sans trop savoir quoi dire d’autre. C’est quoi la marche à suivre dans ce genre de situation ? Sans doute vont-elles quitter cet endroit et rentrer chacune chez elle. Les organisateurs vont tout de même pas les séquestrer ici et les forcer à manger leur glace si ?

Quelqu’un vient placer deux menus devant elles. Sorcha y jette à peine un oeil, mais c’est suffisant pour constater l’étendue du choix qui s’offre à elles. Enfin, de toute façon, ça a plus tellement d’importance maintenant.

C’est son intention première, suggérer qu’elles ne perdent pas leur temps et mettent fin à tout ça. En d’autres circonstances elle aurait peut-être proposé qu’elles mangent tout de même leur glace, histoire de pas s’être déplacées pour rien. Mais Yaël est mariée, et l’écossaise a pas la moindre envie de causer un quelconque problème dans un couple. Et c’est là qu’une autre interrogation s’impose à elle. « Mais attendez, pourquoi on vous a inscrite puisque vous êtes mariée ? » Ca n’a aucun sens. Un proche qui aurait voulu faire une blague (de mauvais goût) peut-être ?

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( outfit ) ⋄ La situation dans laquelle se trouve Yaël lui déplaît et il est évident que Megan en entendra parler. Comment a-t-elle pu s’arroger le droit de l’inscrire à une activité sans son accord ? À un rencard de Saint-Valentin, qui plus est ! La procureure est toute aussi désabusée que son interlocutrice par la situation en plus d’être sincèrement désolée pour elle. Elle voit bien, au ton désabusé qu’elle emploie, que Sorcha espérait mieux de se rendez-vous. Comment l’en blâmer ? Rares sont les personnes qui ont dû être attirées à leur insu ici. Il a malheureusement fallu que cette malchance frappe l’infirmière et Yaël regrette réellement de lui gâcher ce moment.

- Je suis sincèrement désolée… s’excuse-t-elle une nouvelle fois.

Elle est navrée, elle est désolée, mais qu’est-ce que ça peut bien changer ? Les faits sont là et les faits sont clairs : Yaël prend une place qui aurait pu être occupée par quelqu’un qui s’intéressait réellement au but de cette rencontre, qui aurait tout fait pour la rendre agréable, qui aurait offert des perspectives ou, à tout le moins, qui aurait permis à Sorcha de se laisser aller à quelques rêves au cours de la prochaine heure. Au lieu de cela, l’infirmière voit sa fin de journée être avortée plus tôt que prévue à cause d’une ancienne patiente. Double peine. Aucun étonnement, donc, à entendre qu’elle regrette le fait même de s’être inscrite à ce date.

Megan est-elle encore dans les environs ou a-t-elle quitté le quartier ? C’est la pensée qui frappe Yaël quand elle évalue la possibilité de partir. Rester lui semble mal venu. Une partie d’elle espère qu’une autre participante n’aura pas trouvé de match et qu’elle pourra prendre sa place. La remplacer au pied levé, en quelque sorte. Parce que ce qu’elle ignore encore, Yaël, c’est que ces duos ont été faits sur mesure. Que Sorcha ne lui a pas été attribuée par hasard et que leur comptabilité a été étudiée à la suite d’un test que sa sœur a rempli en ses lieu et place.

Occupée à penser à la façon de s’en aller et de rentrer chez elle, Yaël est surprise par la rapidité du serveur qui dépose deux cartes devant elles. Ses yeux parcourent malgré eux les parfums de glace qu’elle a déjà étudiés auparavant, alors qu’elle continue de réfléchir à la meilleure façon de quitter cet endroit. Elle a déjà commis un impair avec Sorcha ; aussi préférerait-elle éviter d’en commettre un deuxième. Toutefois, avant qu’elle n’ait trouvé la formulation idéale pour s’extirper de cette situation, une question résonne.

Pourquoi a-t-elle été inscrite à un date Saint-Valentin si elle est mariée ? Instinctivement, les lèvres de la procureure se pincent. Son regard s’enfuie au-dehors alors qu’elle aimerait plus que jamais voir la silhouette de Megan passer. Elle demanderait à sa sœur de répondre à cette question : pourquoi l’a-t-elle inscrite à cette idiotie alors que Daphne fait partie de sa vie ? À penser si fort, c’est comme si la voix de Megan venait jusqu’à ses oreilles. Malgré l’air triste qui s’est installé sur son visage, Yaël reporte son attention sur l’infirmière.

- Le syndrome du cœur brisé. Voilà le diagnostic que les médecins ont fini par poser, avoue-t-elle en venant croiser ses mains sur la table. Daphne et moi sommes…

Elle n’arrive pas à le dire Yaël. Le silence s’étire durant quelques secondes et il lui faut prendre une inspiration pour terminer sa phrase. Afin d'avouer cette vérité pour la première fois à haute voix.

- Nous sommes séparées. Je conçois que ce n’est pas ce que vous attendiez, que vous espériez mieux. Est-ce que vous pensez que les organisateurs pourraient vous orienter vers quelqu’un d’autre ? ose-t-elle tout de même demander. J’espère que vous n’avez pas posé votre journée pour… ça.

Ça : cette situation. Ça : Yaël Lamentable Saunders. Parce que c’est bien ainsi qu’elle se sent, Yaël : lamentable.

@Yaël Saunders & @Sorcha Adair  

(outfit)
Elle sait vraiment pas quoi penser de cette situation Sorcha. Ca a rien à voir avec ce qu’elle avait imaginé, ça c’est certain et en même temps elle avait rien imaginé qui soit particulièrement positif. Croyait-elle vraiment qu’elle allait soudainement rencontre une personne, peut-être la personne qui lui ferait oublier Noah, tout le reste ? Elle était persuadée que non, mais si elle est totalement honnête, elle doit bien admettre qu’une minuscule part d’elle l’espérait, au moins un peu. Ce qui est franchement idiot, on est pas dans une comédie romantique et commencer même un embryon de relation dès maintenant amènerait sans doute un désastre. De toute façon la question ne se pose pas, ne se pose plus. L’écossaise est jamais allée tâter le terrain du côté des femmes (ou hommes) mariées et c’est pas aujourd’hui que ça va commencer.

Elle le voit bien, que Yaël est réellement désolée, et mal à l’aise par-dessus le marché. Et Sorcha, elle regrette rapidement d’avoir posé une question visiblement trop personnelle quand elle voit la tristesse qui marque soudain les traits de cette femme. La procureure a même pas besoin d’ouvrir la bouche que la petite brune pressent déjà ce qui va suivre, impression rapidement confirmée. Elle le savait, pour le diagnostic, mais pas à quel point ce dernier était approprié et c’est à son tour d’éprouver une sincère compassion. « Je suis vraiment désolée… J’aurais pas dû demander, ça ne me regarde pas après tout. » Ça lui semble insuffisant, mais que dire d’autre ? Qu’elle espère que tout s’arrangera ? C’est absurde, elles ne se connaissent pas du tout et de toute façon Sorcha a pas la plus petite idée de la situation. D’ailleurs, elle réalise ne pas avoir eu de vraie réponse à sa question. Qu’on ait inscrit Yaël à son insu, ça lui semble presque cruel étant donné les circonstances.

« C’est gentil de votre part, mais je ne pense pas que ça marche comme ça. On a dû remplir un questionnaire. J’imagine que quelqu’un l’a fait pour vous, du coup. De ce que j’ai compris, ils ont établi des compatibilités sur-mesure à partir des réponses. » Après elle ignore jusqu’à quel point tout ça est fiable, tout comme elle a du mal à se rappeler de ses réponses. Elle juge cependant inutile de raconter qu’elle était saoule au moment où elle a choisi de participer.

« Mais c’est pas grave, vraiment. » ajoute-t-elle précipitamment, ne voulant pas mettre Yaël encore plus mal à l’aise qu’elle doit déjà l’être et s’efforce d’adopter un ton plus léger. « Pour tout vous avouer, c’est peut-être un mal pour un bien. Ma dernière relation a été compliquée et je ne crois pas être prête à recommencer à sortir avec quelqu’un, même pour un date de Saint Valentin. » Elle devrait arrêter de parler autant surtout. Elle ose pas ajouter qu’en effet, elle avait posé sa journée. C’est vraiment pas la peine de la culpabiliser davantage. « Au moins vous m’évitez de décevoir quelqu’un qui aurait peut-être beaucoup attendu de cette rencontre. » Est-ce qu’elle le pense vraiment ou essaie-t-elle de s’en persuader ? Peu importe au fond.

Elle jette un coup d’oeil circulaire à la salle, où les couples répartis semblent tous en pleine conversation et commencent à commander leurs glaces, du moins elle en a l’impression. Elle se tourne de nouveau vers Yaël et en fait, Sorcha se sent toute aussi désolée pour elle. Elle a du mal à savoir si la procureure souhaite partir ou pas, mais au cas où décide de lui offrir une porte de sortie, avec un sourire qui se veut rassurant. « Vous pouvez y aller si vous voulez, vous devez avoir beaucoup mieux à faire que rester ici. »

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( outfit ) ⋄ Évoquer sa séparation à voix haute s’avère être une véritable épreuve pour Yaël. Pour tout dire, c’est même la première fois qu’elle prononce de vive voix ces mots et qu’elle les met à la suite les uns des autres. Daphne et moi sommes séparées. Cette phrase irrite ses oreilles, résonne comme une insulte. Ce n’est pas digne de leur amour, de tout ce qu’elles ont traversé en dix-sept années de vie commune. Ce n’est pas digne d’elles. Pourtant, c’est la vérité. Une vérité que la procureure a du mal à accepter et dont elle ne parle pas. Ses propres parents ne l'ont su que parce que Yaël leur a dit qu’elle cherchait une location pour les prochaines semaines, pour se reposer encore un peu avant de rentrer au domicile conjugal. Elle a prétexté qu’il lui fallait se retrouver dans un autre endroit que la maison de son enfance, dans un endroit qui n’implique pas qu’elle vive à nouveau sous le même toit que son père et sa mère. Toutefois, ils n’en ont pas parlé davantage, les Saunders. Lisa s’est contentée de dire à sa fille qu’il fallait qu’elle fasse ce qui était le mieux pour elle et William l’a enlacée comme il le fait toujours quand il cherche à la réconforter. En dehors de cette discussion et de Megan qui a déduit d’elle-même que Daphne et sa sœur faisaient un break, Yaël n’a parlé de sa situation à personne avant Sorcha.

- Non, non, il n’y a pas de mal. C’est la moindre des choses que je vous explique.

Certes, ce n’est pas une partie de plaisir. Mais Yaël lui doit au moins cela, alors qu’elle vient de ruiner son date de la Saint-Valentin. C’est d’ailleurs à cette occasion que la procureure apprend que les duos n’ont pas été formés au hasard mais après étude d’un test de personnalité supposé établir des comptabilités. Sorcha et elle seraient donc compatibles ? Elle aimerait s’en amuser, Yaël, mais cette idée lui semble encore un peu grotesque à l’heure actuelle. Aussi se contente-t-elle d’acquiescer poliment d’un signe de tête.

- Je vois.

Que pourrait-elle dire de plus ? Il est évident qu’en ce qui concerne, le test est biaisé. Il y a aucune chance pour que Megan ait su répondre correctement à des questions la concernant. Elles ne sont pas tellement proches, les deux sœurs, et n’ont certainement pas la même vision de l’amour. En plus de tomber sur une femme mariée, Sorcha tombe sans nul doute sur une personne qui n’a pas la moindre compatibilité avec elle. Alors, même si elle répète que ce n’est pas grave et que c’est peut-être mieux ainsi, Yaël continue de se sentir gênée et coupable. Plus encore quand elle apprend que l’infirmière a essuyé une déception amoureuse lors de sa dernière histoire. Elle était a priori prête à refaire des rencontres malgré cet épisode et voilà que Yaël vient ruiner ses plans.

- Je suis désolée pour votre dernière relation, réagit la procureure. J’espère que vous aurez toujours envie de faire de nouvelles rencontres, malgré cette situation. Malgré… moi.

Une légère grimace passe sur son visage, alors qu’elle imite son interlocutrice en jetant un coup d’œil à la salle. Partout ailleurs, les sourires fleurissent sur les visages. Des éclats de voix et de rire envahissent le glacier. L’ambiance est bien différente du côté de Yaël et Sorcha et c’est pourquoi la procureure considère l’option de s’en aller dès que l’infirmière lui offre cette opportunité.

Alors qu’elle s’apprête à se lever pour s’en aller, non sans excuser une fois de plus, Yaël est toutefois interrompue par l’arrivée de l’organisateur. Sans doute les a-t-il à l’œil depuis le début pour intervenir précisément à ce moment.

- Mesdames, je vous écoute pour les commandes. Pour rappel, vous devez choisir le parfum de glace que vous pensez que votre partenaire choisirait pour elle-même.

Le regard de l’homme s’arrête dans celui de Yaël qui, prise au dépourvu, réfléchit quelques secondes avant de répondre.

- Pêche de vigne, répond-t-elle instinctivement.

Elle ne sait pas pourquoi elle a répondu. Elle sait encore moins pourquoi elle a jeté son dévolu sur ce parfum, sinon parce qu'il lui inspire une certaine douceur. Douceur qu'elle a décelée chez Sorcha quand elle a pris soin d'elle lors de son passage aux urgences de l'hôpital.

- Pêche de vigne, très bien. Et vous ? demande-t-il désormais à Sorcha.

@Yaël Saunders & @Sorcha Adair  

(outfit)
Elle n’avait pas vraiment d’attentes en se présentant ici, plutôt des inquiétudes, mais là, ça dépasse de très loin tout ce qu’elle aurait pu imaginer. Pour la énième fois, elle regrette d’avoir rempli ce questionnaire et de l’avoir rendu, de pas avoir cherché à annuler sa participation. La situation n’a rien d’idéal, pour elle mais peut-être encore plus pour Yaël. Si un de ces proches lui avait fait un coup pareil juste après sa rupture avec Noah, elle se serait effondrée et il est probable que la personne en question en aurait entendu parler. Alors, elle comprend, même si elle se doute que leurs situations ne sont pas les mêmes. D’ailleurs, elle se demande d’un coup si la procureure connait sa situation. Elle se souvient seulement maintenant qu’elle et Ugo se connaissent. Est-ce qu’il lui a raconté ? Si c’était elle qui avait assisté à un mariage où le fiancé plante sa future épouse devant l’autel, elle aurait sûrement pas gardé cette histoire pour elle. En tout cas, si elle est au courant, elle dit rien et Sorcha en est reconnaissante. C’est peut-être pas plus mal que ce rencard n’en soit pas vraiment un, parce qu’elle réalise qu’à un moment ou un autre, elle aurait dû raconter ce qu’il s’est passé. C’est une valise qu’elle se trainera peut-être pour le restant de sa vie sentimentale.

Elle s’excuse Yaël, une fois encore et ça lui fait un peu de peine à Sorcha, parce que non seulement cette femme se retrouve dans une situation impossible, mais en plus alors que son mariage va mal. Evidemment, l’écossaise lui demande pas les détails, ça la regarde pas, et puis elles se connaissent à peine. Elle éprouve tout de même l’irrépressible besoin de la rassurer. Déformation professionnelle, sans doute. « Soyez pas désolée, vous y êtes pour rien. Je crois pas que je sois prête de toute façon, et j’ai du mal à imaginer que je le serai un jour. Pour tout vous dire, je me suis inscrite avec une amie, après quelques verres de trop. Sur le coup, je sais pas, on trouvait ça drôle je crois… c’était pas une bonne idée. » Elle tente un sourire, une légère grimace amusée tout en balayant l’air d’un geste de la main. « Alors vous inquiétez pas pour ça. »

Elle juge qu’il est pour le mieux de s’arrêter là. Elles sont toutes les deux mal à l’aise, c’est atrocement évident, tout comme il est encore plus évident que ce date ne mènerait à rien de toute façon. En un sens, c’est presque rassurant, parce que là, rien que l’idée de replonger dans tout ça, ça lui flanque une trouille atroce à Sorcha. La manière dont s’est terminée sa dernière relation a été suffisamment traumatisante pour l’avoir vaccinée pour un moment.

Mais alors que la procureure s’apprête visiblement à quitter les lieux, voilà qu’on vient chercher leur commande. L’écossaise s’attendait à bien sûr voir Yaël expliciter son départ, alors quand cette dernière annonce un parfum de glace, c’est Sorcha qui se trouve prise au dépourvu, la surprise perçant son regard.

« Et vous ? » Elle sursaute presque et se tourne vers le serveur, réalisant qu’elle est silencieuse depuis quelques secondes déjà et qu’on attend d’elle une réponse. « Oh euh… » Elle attrape rapidement le menu afin d’y trouver une quelconque inspiration et parcourt rapidement les parfums, totalement indécise avant d’avoir une brusque inspiration. « Je vais commander ça. » Tout en la cachant à Yaël, elle montre sa sélection du doigt où figure une photo représentant une coupe de glace aux multiples couleurs et saupoudrée de pastilles en sucre toutes aussi colorées. Probablement un choix habituellement réservé aux enfants.

Elle a eu cette impression à l’hôpital, mais aussi un peu ici, que Yaël a tendance à porter beaucoup sur ses épaules. Alors sur le coup, commander quelque chose de régressif, ça lui a paru une bonne idée, c’est le typiquement le genre de choses qu’elle trouve drôles et qu’elle aurait fait avec l’un de ses proches. Ce que n’est pas cette femme, se souvient-elle. Elle se sent donc beaucoup moins certaine de son choix quand le serveur revient avec une rapidité surprenante, muni de leurs commandes et les dépose devant elles. Sorcha adresse à la procureure un sourire un peu embarrassé. « Désolée, c’était sans doute une idée stupide, je peux vous commander autre chose si vous préférez. » Elle plaque une main sur sa bouche pour contenir le rire nerveux qui n’est pas très loin, puis avale une gorgée d’eau avant de reprendre.

« Vous savez… vous n’êtes pas obligée de rester, je comprends tout à fait que ça ne soit pas une expérience agréable. » Parce qu’elle a bien l’impression que Yaël reste surtout par politesse. La petite brune attrape sa cuillère et déguste une bouchée de sa glace qui est bien loin de la décevoir. « C’est délicieux, vous avez bien choisi. » Contrairement à elle, probablement.

@Sorcha Adair & @Yaël Saunders

( outfit ) ⋄ Tout ce que vit Yaël lui semble appartenir à une autre réalité. Elle ne parle pas uniquement de ce rendez-vous sur mesure auquel Megan l’a inscrite sans l’en avertir ; elle pense, de manière générale, à ce qu’est sa vie depuis plusieurs semaines. Tout est décousu, rien n’a de sens. C’est comme si elle essuyait un chagrin d’amour alors que, dans l’absolu, ni Daphne, ni elle, n’a vraiment souhaité ce qui leur arrive. Ce « break » s’est imposé par la force des choses, en raison de l’état de santé préoccupant de Yaël et de la nécessité qu’elle prenne du recul sur tout ce qui peut lui causer des tracas dans sa vie telle qu’elle est actuellement. Si la procureure est loin d’être convaincue par les conseils qu’elle reçoit de son psychiatre, elle doit à tout le moins admettre que s’accorder un peu plus de temps pour elle, loin des multiples obligations qui sont d’ordinaire les siennes, ne lui fait pas de mal.

D’ailleurs, si ce rendez-vous n’était pas teinté d’une connotation romantique en ligne de fond, Yaël aurait sans doute apprécié passer un peu de temps avec Sorcha. La compagnie de cette femme est loin d’être désagréable et elle n’oublie pas qu’elle a été une véritable alliée lors de son passage aux urgences. Yaël pourrait même lui dire les paroles sages qu’elle sait si bien sortir, dans les mots adaptés et aux moments qu’il faut. Malheureusement, le simple fait qu’elles se retrouvent à un rancard qui a été organisé pour elles rompt cette dynamique. La procureure se retrouve comme enchaînée, à la fois triste de priver l’infirmière d’une potentielle belle rencontre et en colère de s’être fait avoir de la sorte par sa propre sœur. Alors, dès que la brune lui offre l’opportunité de s’en aller, Yaël ne se montre pas bien hésitante. Elle s’apprête à attraper toutes ses affaires et à déguerpir – regrettant seulement de n’avoir apporté aucun soutien à la brune mais de l’avoir, au contraire, probablement fragilisée dans sa démarche de rencontrer quelqu’un – quand l’organisateur se met à jouer les serveurs et à recueillir leur commande.

Étonnamment, Yaël se prête au jeu. C’est presque avec instinct qu’elle choisit un parfum de glace pour son interlocutrice. Sans doute songe-t-elle qu’elle pourra réellement s’en aller une fois que l’organisateur aura le dos tourné. Seulement, en constatant que Sorcha entre également dans son jeu, allant même jusqu’à jouer les mystérieuses, cette idée s’échappe peu à peu de son esprit. C’est désormais la curiosité qui fait rester Yaël sur sa chaise, alors que leurs glaces leur sont très rapidement apportées.

La différence est flagrante. Là où Yaël a choisi pour Sorcha un sorbet d’été, celle-ci lui a commandé la glace sur laquelle son fils aurait probablement jeté son dévolu. Une coupe qui, à vue d’œil, comporte au moins trois boules de glace colorées et saupoudrées de sucres multicolores. L’étonnement de Yaël est réel, mais c’est bien un rire – sincère – qui passe ses lèvres lorsque l’organisateur la dépose devant elle.

- Ce n’est pas stupide, ce n’est juste pas ce que j’aurais commandé de moi-même, confie-t-elle dans un sourire.

Mais voilà que Sorcha poursuit une nouvelle fois en proposant à Yaël de s’en aller. Souhaite-t-elle réellement cela ? Est-ce une façon de se montrer une nouvelle fois courtoise ? Yaël ne sait qu’en penser, d’autant plus que la brune souligne le fait qu’elle a bien choisi sa glace. La procureure s'octroie un instant, durant lequel elle fait trainer sa cuillère dans sa glace, avant de relever le regard vers l’infirmière.

- Maintenant que nous sommes toutes les deux ici, nous pouvons peut-être simplement profiter du moment ? propose-t-elle en finissant par s’accorder une bouchée de la glace dont elle est bien incapable de déterminer le parfum tant celui-ci paraît chimique. Et puis, je suis curieuse… Pourquoi vous ai-je inspiré cette glace ?

Elle ne croit pas renvoyer l’image d’une femme enfantine, Yaël. Peut-être est-ce seulement parce qu’il est facilement perceptible qu’elle a besoin d’un quotidien plus léger, plus coloré et plus sucré. Peut-être comme Sorcha, finalement, qui n’a pas non plus l’air d’être totalement dans son assiette, très probablement en raison de sa précédente histoire d’amour. Car si Yaël n’en dit rien, elle est au fait de ce qui est arrivé à l’infirmière. Ugo lui en a parlé. Elle est au courant que son fiancé ne l’a jamais rejoint devant l’autel et que cette histoire s’est terminée de la pire manière qui soit. En réalité, Yaël a replacé cette femme dès son passage aux urgences, d’abord en entendant son prénom, ensuite en recevant d’elle l’information qu’elle était passée par une période difficile.

@Yaël Saunders & @Sorcha Adair  

(outfit)
La situation prête au malaise, c’est certain, et de tous les scénarios catastrophes auxquels elle aurait pu penser, celui-là est franchement un de ceux qui pourrait arriver en tête. La brune se sent désolée pour Yaël, un peu catastrophée aussi qu’une personne de son entourage ait pu penser que l’inscrire à un truc pareil serait une bonne idée. Et puis, elle se dit que c’est peut-être un signe: c’est la première fois en plus d’un an qu’elle fait un pas pour rencontrer quelqu’un, même si de base c’était pour rire. Alors ce rendez-vous plus que raté, c’est forcément un indice que c’est pas du tout le moment, qu’elle est absolument pas prête. Peut-être qu’elle le sera jamais. Parfois, elle en a l’impression. Elle aurait sans doute trop peur qu’une chose pareille se reproduise, d’être de nouveau abandonnée par la personne qu’elle aime. Elle a eu bien de la chance de s’en sortir une première fois.

Alors elle est pas sûre de savoir quoi faire. Yaël a pas besoin de décrire en détail ce qui lui arrive pour que l’infirmière imagine la difficulté de ce qu’elle doit traverser. Il y a un parallèle entre leurs situations qui pourrait presque être comique, si ce n’était pas si tragique. Alors la retenir, Sorcha n’y pense même pas. Elle se sent déjà bien assez désolée que son ancienne patiente se retrouve dans ce genre de traquenard. Et elle, qu’est-ce qu’elle doit faire ? Sans doute rentrer aussi, elle va sûrement pas rester toute seule à cette table au milieu d’un tas de couples qui profitent du moment.

Et puis les choses prennent un autre tournant alors que finalement chacune joue le jeu, commande une glace à l’autre et l’infirmière est plutôt soulagée que son choix à elle déclenche le rire de son interlocutrice plutôt que sa désapprobation. Elle sait pas si elle a fait mouche, mais au moins ça fait redescendre un peu la gêne qui régnait entre elles. Elle sourit à sa réponse Sorcha, tout en attaquant son propre sorbet. « Peut-être que c’est le principe, se laisser surprendre. » Elle hausse les épaules, tout en réalisant que c’est peut-être quelque chose que justement elle fait plus assez. Les imprévus, elle estime en avoir eu suffisamment pour les prochaines décennie et pourtant… ça fait quand même du bien quelque part, de pas essayer de tout contrôler. Faut dire que c’est pas naturel pour elle, qui a toujours été plutôt spontanée.

La porte de sortie pourtant se referme et la brune arbore un sourire, agréablement surprise par ce revirement. Quand elle y pense, l’idée de passer ce moment avec Yaël en sachant toute notion sentimentale écartée lui plait plutôt bien. « D’accord, pourquoi pas. » Pourquoi pas, en effet ? Le lieu est agréable, elle n’a franchement rien de mieux à faire et elle garde un bon souvenir de cette femme, bien qu’évidemment ce soit biaisé, étant données les conditions dans lesquelles elles se sont rencontrées.

« C’est une intuition que j’ai eue à l’hôpital, et même aujourd’hui, que vous aviez besoin de vous amuser un peu. De prendre moins de charge sur vos épaules, peut-être. » Peut-être qu’elle se trompe, mais elle est presque sûre que non parce que des profils comme celui de Yaël, elle en a croisé des tas au cours de sa carrière. « C’est pas un jugement, je suis comme vous en fait. J’ai tendance à vouloir m’occuper un peu trop de tout et de tout le monde. » s’empressa-t-elle de la rassurer, avant d’arborer un sourire mi-amusé, mi-désolé. « J’espère juste que ce n’est pas immangeable. »

Elle baisse les yeux sur sa propre coupe, développant à son tour une certaine curiosité quand à la commande qu’avait faite la procureure. « Et pour moi ? Pourquoi ce choix ? » Parce que pêche de vigne, c’est moins commun que chocolat, vanille ou fraise et alors même qu’elle ne la connait pas, Sorcha doute que Yaël ait sélectionné ce parfum par hasard.

@Sorcha Adair & @Yaël Saunders

( outfit ) ⋄ L’espace d’un instant, Yaël analyse les paroles de son interlocutrice. Se laisser surprendre est probablement le principe de cet évènement. Certes. Mais ce principe doit-il s’appliquer à elles alors qu’il ne se passe à leur table certainement pas la même chose qu’aux tables voisines ? Yaël ne s’est pas rendue à ce rendez-vous d’elle-même ; elle ne s’y est même pas inscrite. La volonté de rencontrer une nouvelle personne est bien loin d’elle et le fait même de se laisser surprendre ne la conquiert guère. Si la procureure aime les surprises lorsque celles-ci sont organisées par ses proches en qui elle a une totale confiance, il en va différemment lorsqu’elle n’a aucune emprise sur la situation et que des personnes qu’elle ne connaît pas décident pour elle. Elle prend toutefois le parti d’occulter l’essence initiale de ce rendez-vous pour lui donner une nouvelle impulsion, validée sans réserve par Sorcha. Ainsi décident-elles de simplement profiter de leur glace et du moment présent puisqu’elles ont toutes deux fait le déplacement jusqu’ici et que leur commande leur a été servie.

La conversation se poursuit ainsi sur le choix des glaces que chacune a fait pour l’autre. D’une oreille attentive – le propre de Yaël, en somme – la procureure écoute son interlocutrice lui expliquer la raison de cette commande. L’infirmière fait preuve d’une clairvoyance totale. Son intuition est plus que confirmée puisqu’il est évident que la femme qui lui fait face prend trop de charge sur ses épaules. Il en a toujours été ainsi. Depuis son enfance, Yaël doit composer avec les attentes des gens qui l’entourent pour ne jamais les décevoir, pour être à la hauteur. Être une fille parfaite, une sœur parfaite, une mère parfaite, une épouse parfaite, une professionnelle parfaite ; rien ne doit jamais dépasser, tout doit être aussi lisse que possible, même si cela implique des concessions énormes, des mots retenus et des comportements réprimés. En réalité, tout fonctionnait plutôt bien jusqu’à maintenant ; Yaël avait trouvé son équilibre. Puis, le dérèglement est arrivé. Une simple tige dans l’engrenage qui a fait se gripper l’ensemble du système et qui l’a conduite à sa vie telle qu’elle est aujourd’hui : brouillon.

Alors, il n’est pas faux de dire qu’elle devrait prendre moins de charge sur ses épaules. Ses professionnels de santé lui répètent qu’il est temps qu’elle pense à elle. Sa sœur aussi, le lui dit. Si Yaël commence à l’entendre, l’appliquer est une autre affaire. Dans le même temps qu’elle se saisit d’une bouchée de sa glace au goût non-identifié, elle continue de réfléchir aux propos de celle qui lui fait face.

- Voilà un de nos points communs, j’imagine. Ce n’est pas évident de changer des habitudes qui nous suivent depuis quarante ans, souligne-t-elle en avalisant ainsi totalement les paroles de la brune, acquiesçant au fait qu’elle s’occupe trop de tout et de tout le monde.

Son regard se perd un instant sur cette glace qui ne la ravie pas. La moue qu’elle affiche juste après sa bouchée parle pour elle, alors que Sorcha l’interroge justement sur le goût.  

- Disons que j’ai déjà mangé des glaces meilleures, répond-elle de toute sa diplomatie.

Elle sait qu’elle n’en mangera pas beaucoup, Yaël. Non seulement parce que l’appétit n’est pas là, mais aussi et surtout parce que ce goût chimique mélangé au sucre n’est pas pour la ravir, loin de là. Elle songe, à tout le moins, au fait que cette commande l’aura surprise et faite rire. Depuis quand n’était-ce pas arrivé ? Sa réflexion est interrompue par la nouvelle question de son interlocutrice, qui fait naître un léger rictus gêné au coin des lèvres de la procureure.

- La couleur, le goût… La pêche de vigne m’inspire une certaine douceur, comme vous à l’hôpital ou même aujourd'hui, avoue-t-elle tout en étant sur la retenue tant le fait d’exprimer ce qu’elle ressent ou pense n’est pas un exercice aisé pour elle. Ce n’est pas un parfum que nous trouvons partout, il a une certaine unicité, explique-t-elle alors que ses lèvres se pincent légèrement entre elles. Et oui, je vous autorise à me prendre pour une folle dès maintenant, poursuit-elle pour changer l’impulsion donnée à cette discussion.

Parce qu’elle a l’impression que ses mots pourraient s’apparenter à une forme délicate de drague, Yaël. Il ne lui en faut en tout cas pas davantage pour que sa gêne soit un peu plus présente et qu’elle préfère regarder partout plutôt que son interlocutrice dans les yeux.