@Sasha Winchester, @Vivian Winchester & @Delilah Winchester

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Ses yeux rivés sur la piscine face à elle, la mer en arrière plan, Delilah est heureuse de l'instant présent. Avoir sa sœur et sa cousine chez elle est toujours un plaisir ; cette joie n'en est que décuplée quand de bonnes nouvelles sont à fêter. Si la psychiatre a déjà eu l'occasion d'inviter Vivian à déjeuner pour célébrer ses récentes fiançailles et qu'elle a fait part de toute sa fierté à Sasha pour son intégration dans le groupe Little Anarchy par message, ces deux évènements heureux n'étaient qu'une raison de plus pour se retrouver ce samedi. Les cousines se sont réunies en milieu d'après-midi chez Delilah pour profiter de la piscine et des températures estivales de Brisbane avant de poursuivre la soirée avec un barbecue et des cocktails. Si Delilah a bien évidemment fait un tour dans la piscine, c'est sur le transat qu'elle a poursuivi ses aventures. Une position allongée qui a eu raison d'elle en moins de cinq minutes et qui l'a fait s'assoupir pour un temps qu'elle n'a pas las capacité d'estimer quand ses yeux se rouvrent. Sasha et Vivian discutent, la bonne humeur et la joie d'être ensemble sont toujours de la partie. Si le soleil commence à décliner, il est encore bel et bien présent, ce qui offre tout loisir à Delilah de décréter que c'est l'heure de l'apéritif.

- Combien de photos de moi endormie vous avez prises ? leur demande-t-elle en s'asseyant en tailleur sur le transat.

Elle sait pertinemment qu'autant Sasha que Vivian se seront fait le plaisir d'immortaliser ce moment. Mais ce n'est pas vraiment ce qui l'intéresse, Delilah. S'il y a des personnes à qui elle voue une confiance aveugle, ce sont bien les membres de sa famille. Aussi sait-elle que sa cousine et sa sœur ne feront rien de grave avec ces photos sinon, peut-être, les réunir avec d'autres clichés du même genre dans un diaporama qui sera diffusé à tous ses proches si elle projette de fêter son quarantième anniversaire en grande pompe.

- Qui veut boire quoi ? s'entend-t-elle demander, prêter à aller faire de nouveaux cocktails, en y ajoutant une touche d'alcool cette fois-ci, ou à sortir n'importe quelle boisson qui ravira les deux plus jeunes. Et plus important encore, qui s'occupe du barbecue ?

Parce que si elle a tout acheté pour le repas du soir, Delilah Winchester n'est pas connue pour être une fine cuisinière. Elle passe la plupart de son temps à commander à manger ou à acheter des plats tous faits. La simple perspective d'allumer un barbecue va bien au-delà de ses capacités. Aussi sont-ce toujours ses invités qui se dévouent pour cuire la viande quand Delilah, elle, préfère effectuer ses missions bien plus à sa hauteur : assaisonner la salade, mettre le couvert et servir les verres. Nul doute que cette dynamique sera trouvée ce soir ; la psychiatre est d'ailleurs prête à parier que Vivian sera de corvée barbecue, comme toujours quand elles se retrouvent toutes les trois pour ce genre de soirée.

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L'été c'est la période de l'année où la chaleur est tellement élevée que porter un jean en devient insupportable. Pour cette raison, c'est la saison que redoute le plus Vivian. Elle qui depuis l'enfance s'attelle à cacher chaque parcelle de sa peau, à n'exposer que les parties saines. Question de honte, dans un premier temps ; liée au regard que les autres peuvent poser sur elle. Mais surtout parce que Vivian n'a jamais supporté de se voir. Les trop nombreuses cicatrices qui dessinent sa peau la répugnent toujours, malgré les décennies. Dès qu'elle les regarde ou qu'elle les aperçoit, Vivian a l'impression de revivre les mêmes souffrances. De sentir le feu lui brûler la peau, d'entendre les rires de ses défunts parents.  C'était il y a des années pourtant, mais comment oublier le pire jour de sa vie ? C'est pour cette raison que depuis l'enfance, Vivian évite de mettre des débardeurs ou des crop tops, même les shorts trop courts sont proscrits.

Cette journée en famille ne sera donc pas une exception. Elle a beau être très heureuse de pouvoir fêter les bonnes nouvelles aux côtés des deux femmes de sa vie, Vivian ne peut s'empêcher de redouter dans le fond. Alors elle a tout prévu : maillot-de-bain une pièce et paréo qu'elle enfile dès sa sortie de l'eau. Qu'importe avec qui elle se trouve, qu'importe s'il s'agit de sa famille, d'inconnus ou encore d'amis ; Vivian ne se montrera jamais dénudée. Jamais. Même avec Justin, son récent fiancé, elle n'expose  toujours pas ses cicatrice, après plus de dix ans de relation.

Emmitouflée dans son paréo, Vivian badigeonne le reste de son corps de crème solaire lorsque Delilah s'endort. La journée est belle, elles ont de la chance. Vivian profite un temps du soleil, avant d'abandonner son transat pour s'asseoir au bord de la piscine. Sasha la suit, elles discutent discrètement des bonnes nouvelles qui enthousiasmes leurs vies respectives. Little Anarchy pour Sasha – ce qui a le don de rende fière Vivian – et les fiançailles avec Justin pour Vivian. Tous les sujets y passent, y sont décrypter dans les moindres détails. L'heure tourne, tandis que la plus âgée dort toujours profondément. Pour faire passer le temps, les deux cousines se mettent même à pousser la chansonnette, avant que finalement une idée vienne germer dans leurs esprits. Photographier Delilah qui dort la bouche grande ouverte. La bave qui coule sur son menton est visible sur la photo, ce qui amuse grandement Vivian et la grande enfant qui demeure en elle. Perchée sur son portable aux côtés de Sasha, toutes deux debout devant le transat de Delilah, Vivian sursaute quand celle-ci émerge. Au même instant une notification apparait sur son téléphone. C'est Justin qui lui demande comme elle va et comment se passe leur journée entre filles.

– On ne ferait jamais ça, Lula ! s'indigne-t-elle avant de jeter le portable sur son transat, sans même avoir pris le temps de répondre à Justin.

Tant pis, il attendra. Geste qui ne lui ressemble pas tellement à Vivian. Elle qui ne vit que pour être aimée et aimer en retour. Mais depuis peu, sa relation avec Justin n'est plus au beau fixe. Leurs récentes fiançailles leur ont permis de se rapprocher un peu à nouveau, faisant chasser leurs craintes respectives. Mais les habitudes ont la vie dure. Et Vivian ne peut s'empêcher de reporter à plus tard la réponse à son fiancé. Bien loin, donc, de l'image qu'ils reflètent auprès de leurs proches mutuels. Eux qui pensent tous que Justin et Vivian sont les plus heureux du monde...

– Tu me fais un Ti' Punch ? demande Vivian qui comprend au passage la mission qui sera la sienne. Cuisiner.

Évidemment. Elle n'allait jamais laisser Delilah derrière les fourneaux, surtout pas le barbecue. Quant à Sasha, Vivian sait pertinemment que si elle lui avait confié le menu du repas, elles auraient probablement manger uniquement des sucreries. Alors autant que ce soit elle qui s'y colle. D'autant qu'à peine arrivée chez sa grande-soeur, Vivian a concocté une marinade pour des brochettes de poulet au saté, en attendant l'arrivée de Sasha.

Vivian sait pertinemment où sont rangées les choses ici. Alors elle ne demande pas à Delilah avant d'aller se servir. Elle sort tout ce qu'il lui faut pour le barbecue, qu'elle place près de la piscine. Sait-on jamais si ça prend feu... Elle pourra au moins se jeter dans l'eau ! D'ailleurs, en parlant de feu... Dès que tout est préparé, Vivian se saisit d'allumettes géantes, prête à allumer le charbon. Mais alors qu'elle entreprend de frotter l'allumette au grattoir, Vivian la lâche dans la foulée, avant que le contact ne se fasse. La panique la gagne, faisant immédiatement s'accélérer son cœur. Sa peur du feu est revenue depuis des mois, mais Vivian n'en a parlé à personne. Alors ça empire, de plus en plus. Son travail devient impossible, par chance elle arrive toujours à esquiver d'affronter sa plus grande frayeur ; convainquant toujours son capitaine pour rester à l'extérieur des bâtiments en feu pour réceptionner les victimes. Allumer une allumette s'avère donc tout aussi complexe qu'aller affronter un incendie ; par peur que ses yeux ne se posent sur cette flamme qui risquerait de la hanter.

– Tu me files un coup de main, Sash' ? Tu allumes le feu pendant que je vais chercher la viande ? propose-t-elle à sa cousine en lui offrant un sourire à la Vivian. Radieux ; comme toujours. Alors que dans le fond, elle panique, angoisse. Cuisiner un barbecue n'était finalement pas la meilleure idée. Elle n'en a plus fait depuis longtemps Vivian, puis à la maison, c'est plutôt Justin qui s'y colle. Sauf si tu flippes à l'idée de te brûler, je m'en chargerai ! ou pas...

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Passer du temps en famille est toujours un plaisir, d’autant que ses cousines sont comme ses grandes sœurs. Il fait beau, il fait chaud, l’été est bien entamé et réchauffe les cœurs. Plusieurs bonnes nouvelles sont à célébrer aujourd’hui ; la concrétisation du rêve de Sasha et les fiançailles de Vivian. Autant de bonnes raisons de faire la fête autour de la piscine de Delilah en ce beau samedi après-midi. Comme prévu, la bonne humeur est de mise. La journée se déroule sans encombre et les rires font partie intégrante du moment paisible entre les Winchester. Tandis que la psychiatre s’endort sur un transat, visiblement épuisée de sa séance de natation, Sasha rejoint Vivian au bord de la piscine pour discuter. De tout, de rien. Les sujets ne manquent pas, la jeune vétérinaire sait se montrer pipelette.

Estimant avoir fait le tour des sujets à aborder, les deux cousines décident finalement d’immortaliser l’instant en photographiant la plus âgée qui roupille toujours. Il faut dire que sa pose est digne des plus grandes comédies. Il n’y a rien de mal à garder un petit souvenir – ou un dossier. Evidemment, c’est amusant mais Delilah finit par émerger, mettant ainsi fin à la séance photo improvisée. Dommage. « C’est vraiment pas notre genre. » Surenchérit la plus jeune après la remarque de Vivian. Que la psychiatre voie le bon côté des choses, les clichés ne seront jamais diffusés à qui que ce soit et resteront bien sagement dans le portable des deux autres Winchester. L’idée de s’en servir à mauvais escient n’effleure absolument pas les esprits. « Je veux bien la même chose que Vi’. » Sans trop forcer sur l’alcool pour Sasha parce qu’elle ne le tient pas très bien. Il lui monte vite à la tête après seulement quelques verres.

En ce qui concerne la gestion du barbecue, et donc du feu, Delilah ne peut pas s’en occuper pour une raison évidente ; elle n’est pas douée. Quant à Sasha, sa maladresse n’est plus à prouver et avec tant d’éléments dangereux à sa portée, c’est la catastrophe assurée. Vivian est donc la mieux placée pour cuisiner. Pour autant, la plus jeune ne reste pas les bras ballants à attendre que les choses se passent. Elle donne un coup de main à sa cousine pour tout apporter dehors, près de la piscine. Bien sûr, dans la manœuvre, quelques couverts et autres ustensiles lui échappent des mains mais c’est monnaie courante. Sasha ne serait pas Sasha sans sa maladresse légendaire. Vivian finit par lui demander son aide pour allumer le barbecue – est-ce une réelle bonne idée ? Non. « Ok ! » Mais elle ne manque pas de bonne volonté pour autant. « Nan, ça me fait pas peur, t’inquiète. » Qu’est-ce qu’une petite brûlure par une allumette, après tout ? La jeune Winchester s’approche de sa cousine et récupère la boite cartonnée. Une allumette entre ses doigts, elle la frotte contre le grattoir pour l’allumer. Une fois. Deux fois. C’est un échec. Il lui faut cinq tentatives pour obtenir une flamme. « Ah, enfin ! » Victoire, fière d’elle, elle approche la toute petite brindille enflammée vers le charbon pour tenter d’y mettre le feu. Ne sachant pas vraiment y faire, elle penche un peu trop l’allumette, permettant ainsi à la flamme de remonter vers ses doigts. Evidemment, elle se brûle et la lâche vivement dans une petite grimace. Il fallait s’en douter, jouer avec le feu, ce n’est pas vraiment son fort. « Attends, je vais y arriver. » Est-ce qu’on y croit vraiment ? Non, parce que la seconde tentative est aussi infructueuse. Peut-être que Vivian devrait prendre les choses en main, à sa place. Après tout, c’est elle la reine du barbecue, pas Sasha ni Delilah.

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Il est évident que Delilah ne croit pas un mot des moyens de défense utilisés par sa sœur et sa cousine. Elle connaît suffisamment ces deux spécimens pour savoir qu’elles ont eu plaisir à la photographier pendant qu’elle dormait. Peut-être même ont-elles poussé le vice en modifiant les clichés directement depuis leur application mobile pour les rendre drôles, gênants ou même coquins. Si ce n’est pas encore chose faite, Delilah imagine que c’est uniquement parce que le temps leur a manqué. Sans doute est-ce pour le mieux qu’elle se soit enfin réveillée, quoi qu’elle ne craigne à aucun instant que ces images soient utilisées à mauvais escient. Elle voue à sa famille une confiance aveugle et, au fond d’elle, elle est même heureuse d’avoir pu leur offrir ce divertissement. Être utile aux autres est sans nul doute ce qui définit le mieux la psychiatre.

Celle-ci ne tarde pas à se montrer utile d’une manière différente, en demandant aux deux plus jeunes ce qu’elles souhaitent boire. Les missions des unes et des autres sont rapidement dispatchées et, bientôt, Delilah disparaît à l’intérieur de sa maison afin d’aller y préparer les cocktails.

Trois verres de type « old fashioned » sont sortis sur le plan de travail dont les immenses fenêtres donnent sur le jardin. Delilah ne tarde pas à regrouper l’ensemble des ingrédients nécessaires à la confection du cocktail, alors qu’elle jette des coups d’œil fréquents à ce qu’il se passe au dehors. Elle termine juste de presser le citron vert dans les verres lorsqu’elle voit les filles pousser le barbecue vers la piscine. Elle ajoute au jus de son citron le sirop de canne liquide lorsqu’un rire s’échappe d’elle ; Sasha vient de faire tomber au sol les ustensiles du barbecue. Si elle suit avec un peu moins de concentration les autres aventures des filles dehors, le temps d’ajouter le rhum et de positionner une rondelle de citron sur le bord du verre, c’est pour revenir plus vite auprès d’elles.  

Les trois verres de Ti-Punch sont déposés sur un plateau circulaire sur lequel Delilah ajoute une coupelle de cacahuètes, avant de porter le tout dehors. Elle assiste, depuis la table, à l’échec cuisant de Sasha qui essaie d’allumer le feu. Elle a beau être loin, la cause de cet échec lui saute aux yeux, et elle ne tarde pas à se manifester.

- Tu n’y arriveras jamais si tu essayes d’embraser directement le charbon. Essaie plutôt d’allumer les brindilles en-dessous.

Sur ses conseils avisés, Delilah se saisit des deux verres des filles pour les déposer à côté du barbecue, là où la viande à cuire sera disposée dès que le charbon aura pris et que l’appareil sera prêt à être utilisé. Elle voit bien les regards de sa sœur et de sa cousine qui pèsent sur elle, comme pour lui dire que, si elle sait aussi bien s’y prendre qu’elle ne le laisse entendre, elle n’a qu’à s’ateler à cette tâche.

- Non, non, non, je vous vois venir, anticipe-t-elle en riant. Le feu, ce n’est pas mon élément à moi. Je laisse volontiers la tâche à Wiwi.

Et quoi de mieux que de s’éloigner pour être sûre de ne pas être prise à parti ? Delilah retourne à la table pour se saisir de son verre et des cacahuètes qu’elle ramène auprès du barbecue.

- Let’s go Viv’ ! Nos estomacs comptent sur toi, l’encourage-t-elle alors qu’elle a conscience que si personne ne parvient à allumer ce fichu barbecue, leur repas du soir sera tout de suite bien moins attrayant.

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Il lui a fallu des années à Vivian, pour ne plus redouter les flammes. Elle a fait d'elles un véritable combat et a même opté pour ne plus jamais les laisser détruire des familles. Ça lui aura pris du temps, un travail psychologique de longue haleine avant de ne plus redouter ne serait-ce que l'étincelle d'un briquet. Et elle a fini par y arriver. Tant et si bien qu'il lui a semblé évident que son combat contre les flammes ne devrait pas s'arrêter-là. Alors elle a poussé le bouchon plus loin, Vivian, en s'engageant dans au sein des Pompiers de Brisbane. Voilà des décennies qu'elle a trouvé une véritable passion à travers son métier, devenant alors comme ces individus qui lui ont sauvé la vie, des années plus tôt. Elle a même tellement bien réussi son coup qu'elle n'aurait jamais pensé replonger un jour. Une fois exterminé, Vivian a toujours pensé qu'une phobie ne pouvait pas réapparaître. Pas la sienne. Pourtant, depuis l'accident de Marlon, sa peur du feu a violemment ressurgit. Il ne passe pas une seule intervention durant laquelle Vivian n'est pas panique. Pour l'instant, aucun de ses collègues n'a encore réalisé les craintes de Vivian, mais ça ne serait tarder. La Winchester demande constamment à son capitaine de rester à la sortie des immeubles en feu, prête à réceptionner les blessés pour effectuer les premiers soins. Voilà un an qu'elle fonctionne ainsi, et pour l'instant tout se passe à merveille. Jusqu'au jour où ça se sera. Elle le redoute d'avance Vivian ; car ça annoncera probablement la fin de sa carrière. Ou en tout cas, une longue pause indéterminée. Alors elle ne doit rien dire ; à personne. Pas même à sa famille, qui par inquiétude, risquerait de prévenir les autres membres de la station 12.

Vivian en est retournée au stade où l'utilisation d'allumettes est difficile pour elle. Lorsqu'elle n'a pas le choix, elle le fait. Mais cette minuscule flamme arrive à déclencher chez elle des sueurs froides, des crises d'angoisse. Elle est malade, Vi', elle le sait mais là encore, ce serait trop dangereux d'en parler. Elle ne peut pas être sur la touche ; pas alors que la station 12 est son jardin secret, sa seconde famille. Ne plus les voir presque quotidiennement serait insupportable pour elle. C'est donc le silence pour lequel opte Vivian, alors que sa sœur et sa cousine lui confient la mission barbecue. D'ordinaire habituée à être celle qui s'en occupe pendant que les deux autres observent, Vivian redoute d'avance cette tâche. Elle croit pouvoir s'en départir en renvoyant la patate chaude à Sasha, filant à grandes enjambées dans la villa pour y récupérer la viande. En chemin, elle tire la langue à sa frangine affairée à faire les cocktails – elle n'avance pas bien vite d'ailleurs – puis retourne vers Sasha le plus lentement possible.

La déception la gagne lorsqu'elle arrive à hauteur de la piscine et qu'elle remarque la difficulté qu'a sa cousine à ne serait-ce qu'allumer une allumette. Ouais bon... Elles sont vraiment mal barrées. Vivian lui offre un sourire encourageant, bien que surpris, lorsqu'une flamme apparaît au bout du batônnet. Elle garde néanmoins ses distances, jusqu'à ce que Sasha arrive à se brûler avec l'allumette. Vivian soupire et accourt jusqu'à elle, en déposant les plats de viande à côté du barbecue.

– Ça va ? Va te mettre de l'eau froide sur la main, lui ordonne Vivian avant de se faire recaler. Soi-disant que Sasha va arriver. Mouais. Vivian n'y croit pas tellement.

La pompier recule de quelques pas lorsque sa cousine réessaye, préférant se tenir à distance des bêtises éventuelles de Sasha ; et du feu à venir. Au même instant, Lula arrive dans leur dos en leur donnant une bonne leçon. En même temps, elle n'a pas tort. Sasha s'y prend mal. Mais encore faudrait-il qu'elle arrive à allumer une seconde allumette... Puisque Delilah semble savoir si bien faire, Vivian lui lance un regard encourageant. À elle l'honneur ! Un gloussement lui échappe quand Delilah s'oppose immédiatement à allumer le barbecue, en s'adressant à elles deux. Après avoir jeté un coup d'œil à Sasha, Vivian comprend ne pas avoir été la seule à lancer un appel à l'aide à Delilah. Son sourire s'efface lorsqu'à nouveau, la mission lui revient. Delilah le lui rappelle, elles comptent toutes les deux sur elle. Comme toujours...

Un soupir s'échappe d'entre ses lèvres tandis qu'elle sent ses mains commencer à trembler. Mais elle ne peut pas exprimer ses craintes Vi', ce serait trop risqué. Elle attrape donc le paquet d'allumettes que Sasha lui tend, puis l'observe durant de longues secondes. Ce n'est pas normal Vivian. Ce n'est pas normal d'avoir peur d'une fichue allumette ! essaye-t-elle de s'encourager. Et pour ça, rien de mieux que d'attraper son Ti-Punch pour s'en délecter d'une première gorgée, avant de venir le poser sur la table.

– Si tu ne veux pas mettre le feu à ta maison, ne pose pas ça sur le rebord du barbeuc, Lula ! se fâche Vivian, dont l'inquiétude commence à jouer des tours à ses émotions.

L'angoisse la guette, la gagne même alors qu'elle observe à tour de rôle Sasha et Delilah. Après avoir pris une profonde inspiration, Vivian comprend qu'elle n'a pas d'autre choix. Elle doit y aller. Elle doit le faire. D'un geste vif, elle arrive à allumer l'allumette du premier coup – que Sasha en prenne note ! – puis la tend en direction du papier journal qu'elle a mis au fond du barbecue. Lorsque la minuscule flamme – qu'elle n'ose pas regarder d'ailleurs – entre en contact avec le journal, une énorme apparait. Il n'en faut pas plus pour faire hurler la Winchester et la faire bondir. À tel point qu'elle balance le paquet d'allumettes dans le visage de Sasha, et qu'elle tombe finalement à la renverse, directement sur les fesses. Des gouttes de sueur perlent sur ses tempes, tandis que des larmes d'angoisses viennent noyer ses iris. Quelle andouille d'avoir paniqué de la sorte ! Mais au moins, le barbecue est lancé...

– Aie, grommelle-t-elle, mécontente d'avoir paniqué pour si peu. Lorsqu'elle relève son regard sur Sasha et Delilah, elle remarque leurs regards ébahis. Zut ! J'ai vu ...Une... Une araignée ! ment-elle honteusement à sa famille, alors qu'elle reste clouée au sol.

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Sasha Winchester est la maladresse incarnée. Quiconque la connait un minimum sait à quel point ce trait de caractère est légendaire et la caractérise depuis sa plus tendre enfance. Ce n’est jamais fait exprès, bien sûr. Rien n’est jamais calculé. Ce n’est pas de sa faute si elle détient deux mains gauches, si elle trébuche à la moindre occasion, si ses vêtements se coincent dans les portes d’un ascenseur, si son talon reste coincé dans une bouche d’égout, si le fait de tenir un objet fragile entre ses doigts devient dangereux pour ledit objet. Faire tomber ce qui se trouve à proximité n’a rien d’exceptionnel pour la bassiste, c’est monnaie courante. On ne confie jamais des tâches pouvant facilement tourner à la catastrophe à Sasha Winchester. Alors lui laisser allumer un barbecue ? En utilisant des allumettes et donc, du feu ? C’est l’échec assuré. D’autant qu’elle n’y connait strictement rien. Comment est-elle censée embraser du charbon ? Qui plus est, ce n’est pas elle qui côtoie les flammes dans l’exercice de ses fonctions. Pourquoi Vivian ne s’en occupe-t-elle pas ? N’est-elle pas la mieux placée pour ça ? Même si son métier la pousse à éteindre les incendies, et non à les allumer. Comme prévu, sa maladresse frappe et Sasha manque à plusieurs reprises de se brûler le doigt. « T’inquiète, c’est rien. » Malgré l’inquiétude de Vivian, il n’est pas nécessaire d’aller passer sa peau sous l’eau froide. La brûlure n’a été que très brève. Pas de quoi appeler les pompiers, sans mauvais jeu de mots.

Trop concentrée sur sa tâche infructueuse, Sasha n’entend pas vraiment les pas dans son dos. « Ah ? » Incrédule, elle se redresse en entendant la voix de Delilah qui vient tout juste de les rejoindre avec les boissons. Effectivement, tenter d’enflammer les brindilles semble plus logique. Pourtant, la jeune musicienne ne s’exécute pas. Elle n’est pas douée pour ça, elle n’y arrivera pas. A quoi bon continuer de perdre du temps alors que la spécialiste des barbecues se trouve à côté d’elles ? « C’est vrai que ça ira plus vite avec toi, Vivi. » Pourquoi ont-elles laissé Sasha tenter d’ailleurs ? Ça n’a pas de sens. « C’est pas vraiment mon domaine non plus. » Sourire aux lèvres, la bassiste tend la boite d’allumettes à sa cousine, sous les encouragements de Delilah, qui semble être du même avis. Les mains libérées, Sasha recule légèrement pour observer Vivian à l’œuvre, leur sauveuse qui leur évitera de mourir de faim ce soir. Les secondes défilent, les minutes s’égrènent avant que la prédisposée à l’allumage du barbecue ne se lance dans sa tâche. Souhaite-t-elle faire durer le suspense ? Pourquoi se met-elle à râler après sa sœur pour si peu ? Sasha ne se pose pas trop de questions et attend sagement de voir sa cousine à l’œuvre. Elle parvient à enflammer l’allumette du premier coup – la basiste en prend de la graine – et bientôt, une flamme plus grosse émerge du fond du réservoir et Vivian se met à pousser un cri. Par réflexe, Sasha sursaute à son tour, peinant au passage à retenir un cri de surprise, en même temps qu’elle reçoit la boite d’allumettes en plein visage. La musicienne recule de quelques pas sans comprendre l’origine de cette peur soudaine qu’elle perçoit chez Vivian. Elle ne remarque pas le visage paniqué de sa cousine, tout ce qu’elle entend ; c’est un mot qui lui procure quelques frissons. « Une araignée ?? » Sasha s’éloigne davantage, hors de question de rester près d’un monstre à huit pattes. « Elle est où ? » Au fond, elle espère que cette créature de l’enfer a péri dans les flammes. Dans ce pays, les araignées sont bien trop grosses pour paraitre inoffensives. « Elle était grosse comment ? » Lance-t-elle, continuant de reculer malgré elle.



HS : Pardon, j'avais pas vu que vous attendiez depuis si longtemps

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L’idée de faire un barbecue était bonne. À tout le moins l’était-elle sur le papier. Pour cette piètre cuisinière, trouver un repas sans aucune préparation à faire relève du génie : en l’occurrence, Delilah n’a eu qu’à acheter de la viande prête à l’emploi chez le boucher, déjà coupée ou déjà cuisinée dans une marinade qu’elle n’a pas eu à faire elle-même. La seule inconnue du tableau était celle de cuire correctement la viande, mais elle ne doutait pas un seul instant que sa sœur et sa cousine relèveraient avec brio le défi. C’était sans compter sur la difficulté qui s’illustre bien avant cette étape de la cuisson : celle d’allumer le barbecue. Elle pensait que faire s’embraser le charbon serait un jeu d’enfant, surtout en comptant Vivian dans son équipe. Pourtant, force est de constater qu’il n’en est rien. Non seulement Sasha s’est retrouvée à cette tâche et a essuyé un échec, mais, en plus, Vivian semble réticente à l’idée de contribuer à cette tâche beaucoup moins fastidieuse pour elle que pour ses proches. Pourquoi ? Delilah n’a pas encore le temps de réfléchir à cette question que déjà elle se fait reprendre par Vivian et ses réflexes de pompier, hébetée à l’idée que sa sœur ait pu mettre de l’alcool aussi près du feu.

- Parce que ça risque réellement quelque chose ?

Elle aurait bien des choses à apprendre sur ce sujet, Delilah. Une formation sur les risques incendie ne lui feraient aucun mal. Toujours est-il qu’en grande adepte du mieux vaut prévenir que guérir Delilah se saisit des verres qu’elle a préalablement déposés sur le rebord du barbecue pour les éloigner jusqu’à la table. Ainsi occupée dans sa tâche, elle n’assite pas à la scène qui se déroule dans son dos. La seule chose qu’elle saisit, ce sont ces cris qui la poussent elle-même à crier et à partir à grandes enjambées, comme si un danger certain venait de se présenter. Les filles Winchester se laissent aller au fameux phénomène du « tout le monde cri si une personne crie » et ce n’est qu’à l’issue de quelques secondes, alors que le calme est revenu et qu’aucun danger n’est apparent, que la vie reprend son cours. Delilah s’est retournée et son regard ébahi s’est directement posé sur sa sœur, fesses au sol et larmes aux coins des yeux.

La coupable ? Une araignée. Si la plus jeune court dans ce subterfuge, il en va parfaitement différemment du côté de la psychiatre. Quand elles partageaient leur chambre chez les Winchester, Vivian était toujours celle qui recueillait les insectes pour les mettre dehors, n’hésitant pas à les attraper à pleine main, même s’agissant des araignées. À l’inverse, Delilah était celle qui hurlait à plein poumon lorsque les bestioles la surprenaient. Encore récemment, des scènes de ce type ont pu s’illustrer entre les deux sœurs et c’est toujours Vivian qui a hérité de la cape de l’héroïne. C’est donc un regard suspicieux que la plus âgée fait peser sur le pompier, alors que leur cousine continuer de reculer pour fuir l’arachnide. Bientôt, le dos de Sasha heurte le dos de Delilah et cette dernière se doit de passer ses mains de part et d’autre de ses épaules pour lui éviter toute chute.

- Ça va aller Sash’, si elle est tombée dans les flammes, nous n’avons plus à nous en faire. Si elle s’est sauvée dans l’herbe non plus, à vrai dire, essaie-t-elle de rassurer la plus jeune en frottant ses bras. On ne va pas laisser une araignée nous gâcher notre moment !

Optimiste jusque dans la voix, Delilah quitte sa cousine qu’elle espère rassurer pour aller aider Vivian à se relever. Deux mains sont tendues face à elle et, alors que sa sœur s’en empare pour se relever, le regard qu’elles échangent est sans appel. Elles auront une discussion à ce sujet, que ça plaise à la plus jeune ou pas. Mais ce n’est ni l’heure, ni le lieu. Delilah doit trouver un moyen de changer les esprits de tout le monde. Elle sait qu’il existe un sujet qui sera en capacité de focaliser les idées de sa sœur et sa cousine sur toute autre chose. Elle le lance à contre-cœur mais pour le bien de cet après-midi entre filles.

- J'ai vu Noomi hier. Enfin, je l'ai croisée, plutôt, avoue-t-elle alors que cette annonce est certainement bien plus effrayante que la supposée araignée que Vivian aurait vue.

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Sa phobie a revu le jour sans que Vivian n'en parle à qui que ce soit. L'admettre serait se replonger dans un long combat qu'elle pensait avoir gagné. Vivian a d'ailleurs longtemps pensé qu'elle n'aurait plus jamais à se battre contre cette peur. Mais tout ça, c'était avant d'avoir failli perdre Marlon dans les flammes, au milieu d'une intervention. Ça lui a rappelé les horreurs qu'elle-même a vécues, lui faisant craindre de perdre encore un être cher. Depuis, sa phobie des flammes a rejailli et Vivian se doit d'y faire face au quotidien, dans son travail. Il ne manquait plus que ce soit la saison des barbecues pour qu'elle y soit aussi confrontée à la maison. Surtout avec Sasha la maladroite et Delilah la piètre cuisinière ; c'était forcément à elle de s'y coller. Et voilà que la plus jeune se brûle et la plus âgée manque de créer une explosion pire qu'un simple feu de barbecue. Peut-être qu'elle en fait trop, Vivian. En ordonnant à Sasha d'aller se passer la main sous l'eau – d'autant qu'elle s'y oppose – et qu'elle fâche Delilah pour sa bêtise irréfléchie. La réponse que Delilah lui offre est à peine écoutée, puisque maintenant elle fait son possible pour se concentrer et allumer ce barbecue. Mais elle a peur VIvian, vraiment peur. Tellement que lorsque les flammes prennent, elle hurle. Un second hurlement dans son oreille vient faire vibrer ses tympans. Sasha. Et maintenant qu'elle a effrayé sa cousine, elle cherche une excuse idiote à cette frayeur soudaine. Une araignée. Comme si, elle, elle avait peur de la petite bête. Alors certes, en Australie les araignées peuvent être effrayantes et dangereuses ; mais Vivian ne les a jamais craint. Pas en ayant passé la moitié de son enfance au milieu de la campagne de Oakwood. Et vu le regard que lui lance sa sœur, cela montre que Delilah n'y croit pas un piètre mot.

– Lula a raison, essaye-t-elle d'être rassurante à son tour, alors que Delilah l'aide à se relever. De toute façon, elle n'était pas si grosse, complète-t-elle en se frottant les mains pour chasser la poussière suite à sa chute.

Elle a besoin de trouver un réconfort pour calmer les battements accélérés de son cœur. Alors elle se saisit du cocktail préparé par sa frangine pour s'en délecter de plusieurs gorgées. Pas le temps de trinquer, elle a besoin de se remettre de ses émotions, Vivian. Et vu les regards qu'on lui lance, son attitude demeure surprenante. Qu'importe. De toute façon, le sujet est clos – pour l'instant puisqu'il va bien falloir qu'elle mette ses mains au-dessus des braises. C'est vers une autre thématique que se tourne leur discussion, tandis que Vivian reste le plus loin possible du barbecue et des flammes qui en jaillissent. Elle sait qu'elle va devoir aller calmer le jeu, mais pour l'heure, elle se contente d'écouter sa frangine.

– J'espère que tu l'as ignorée ? claque-t-elle entre ses dents, toujours aussi rancunière du mal qui a été causé à sa sœur. Non mais sérieux, il manquait plus que ça... Revoir cette folle... Tu en penses quoi toi, Sash' ?

Ses lèvres se trempent à nouveau dans son verre alors que son regard se pose vers sa cousine. La conversation est bienvenue et l'aide à apaiser son cœur. Elle en oublie presque le barbecue et la mission qui était initialement sienne.