- à la dérive -
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o u t f i t · Il déambule dans les rues, la tête baissée, yeux rivés sur le bitume et les mains fourrées dans les poches de sa veste en jean. Il erre sans véritable but, guitare sur son dos après une prestation dans un bar à proximité du quartier de New Farm. Il n’a aucune envie de rentrer chez lui, aucune envie de retrouver cette solitude qu’il n’avait pas ressenti depuis longtemps. De temps à autre il jette un œil à son téléphone portable, espérant y voir un nom précis affiché sur l’écran. Hazel. Aucune nouvelle depuis la veille, depuis cette soirée qui a tourné à la catastrophe. Les paroles de la femme tournent toujours en boucle dans sa tête et il se refait sans cesse le déroulé de leur conversation. Il a bien du mal à démêler les nœuds dans lesquels tous les deux se sont empêtrés ; peut-être est-ce mieux ainsi, finalement. N’est-il pas toujours le premier à couper court à ses relations, de toute façon ? Il n’est pas fait pour entretenir ce genre de lien ; toujours la même rengaine avec les sentiments. C’est grâce à eux qu’on fait les plus belles chansons mais quand il s’agit de les vivre, c’est un véritable supplice. Leon est mieux comme ça, seul et indépendant. Il n’a pas besoin d’elle, il n’a besoin de personne. Elle lui en demande trop, elle voit en lui quelque chose qu’il n’est pas.

Oui, c’est mieux comme ça.

Un long soupire passe la barrière de ses lèvres et il continue sa marche à pied. Il a besoin de s’aérer les idées, de se vider la tête. Sur le trottoir, il croise un certain nombre de personnes : essentiellement des femmes et des hommes qui profitent de l'agitation de la ville pour occuper leur samedi soir. Ils sont tous en robe de soirée, en chemise, sur leur 31, sourire radieux aux lèvres, enthousiasme dans leur voix. Il aimerait faire partie de ces gens, ne se soucier de rien d’autres que de profiter de sa soirée ; boire un verre ou deux pour se détendre et oublier ce qui chagrine son palpitant. Non, il ne doit pas céder. Le grand brun accélère sa cadence tandis qu’il passe devant plusieurs devantures de bar. L’ambiance y semble festive ; certaines personnes suivent un match de rugby sur de grands écrans tandis que d’autres sont sorties des établissements pour fumer. La tentation est grande de s’y arrêter, mais il choisit de regarder droit devant lui, de marcher plus vite. C’est comme ça qu’il finit par bousculer un autre homme ; à moins que ça ne soit plutôt lui qui le bouscule. Il s’apprête à s’excuser mais son homologue se cramponne à lui, semblant avoir un léger souci d’équilibre. Leurs regards finissent par se croiser et les yeux du guitariste s’écarquillent légèrement, reconnaissant instantanément son interlocuteur. “Hey, Noah !” Cela faisait un petit moment que leur route ne s’était pas croisée ; la dernière fois, ils étaient en présence de la Watson. Et voilà qu’il se remet à penser à elle ; vraiment, tout ça doit cesser.

Le musicien remarque tout de suite que le grand blond n’a pas l’air dans son état normal ; pas besoin d’être détective pour comprendre qu’il est totalement ivre. Son large rictus, ses yeux brillants ou la façon dont il se tient à lui pour rester debout, tous les signes sont là. Ce dernier se sent chanceux d’être tombé “dans les bras de son idole de jeunesse” comme il le dit et finit par lâcher la veste de l’ancienne rockstar pour se redresser. Il s’accroche tout de même à son bras droit et l’intéressé le regarde faire, ne pouvant s’empêcher de sourire à son tour. La situation est un peu ironique à ses yeux, sachant que lors de leur première rencontre, les rôles étaient inversés ; Leon était ivre et Noah lui portait secours.

Le pompier est en tout cas beaucoup plus avenant -voire même entreprenant-, lorsqu’il a un coup dans le nez. Le voilà qui demande un autographe au musicien, souhaitant que ce dernier le marque de sa signature directement sur sa peau, comme un tatouage. Un petit rire s’extirpe des lèvres du grand brun, amusé par les paroles de l’autre homme, même s’il sait que ce dernier n’aurait très probablement jamais tenu des propos pareils en temps normal. “Ok, d’accord, mon vieux, on verra ça quand t’auras un peu repris tes esprits, hein ?” Leon ne prend pas pour autant la situation à la légère ; Noah est-il tout seul ? Il le lui confirme l’instant suivant en avouant chercher quelqu’un avec qui boire un autre verre. Pourquoi s’est-il mis dans cet état ? Est-ce encore à cause de ces histoires avec sa fiancée ? Le guitariste sait d’expérience qu’on ne boit jamais seul sans une bonne raison. “T’es sûr que c’est une bonne idée ? T’as l’air d'avoir déjà bien assez bu pour ce soir, non ?” Essaye-t-il alors de le raisonner. Étrangement, il sent que ses tentatives risquent d’être vaines. Le pompier lui demande ensuite s’il veut bien rester avec lui. Et ce serait tellement simple de juste céder à l’offre de son homologue, entrer dans le bar juste derrière eux et se descendre quelques shots. Mais non, ça ne serait pas raisonnable ; ça serait détruire presque une année de sobriété. Le guitariste doit se montrer fort, pour eux deux. “J’vais rester avec toi, ouais, mais qu’est-ce que tu dirais plutôt d’un grand verre d’eau, hein ?”

- à la dérive -
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tw : alcoolisme.

o u t f i t · Noah ne semble même pas se rendre compte de l’état d’ébriété dans lequel il est. Mais ça n’est pas son interlocuteur qui va le juger, bien au contraire. Alcoolique depuis plus d’années qu’il ne pourra en compter sur les doigts de sa main, sa vie s’est autrefois résumée à ramper à genoux, le ventre rempli d’alcool, traînant sur le sol ; cerveau tantôt flou, tantôt enivré et surtout défaillant ; cheveux collés par les sueurs froides de la nuit et de son propre vomi de la veille. Aujourd’hui tout va mieux -sur le papier du moins, puisqu’il est sobre depuis plus d’un an, compensant notamment avec de la nourriture, beaucoup de nourriture ; souvent affamé, manger pour remplacer le sucre obtenu auparavant dans tous ces cocktails. Il dort mieux désormais, comme une personne normale. Mais le rétablissement complet peut prendre des années, voire toute la vie ; et les risques de rechutes ne sont pas minimes et il le sait parfaitement. L’homme est déjà passé par toutes ces phases plusieurs fois, après tout.

Il n’y a rien de drôle et d’excitant dans sa condition. Tout comme l’alcool n’a rien de drôle et d’excitant. En fait, c’est plutôt déprimant, ennuyeux. Et il ne faut pas s’attendre à des récompenses ni à des applaudissements pour ne pas s’être laissé tenter par un verre. Parce que c’est juste comme ça que les gens normaux sont tout le temps. Leon ne souhaiterait cela à personne, pas même à son pire ennemi ; pas même à Palmer. Encore moins à Noah. Alors ça n’est pas un regard de jugement qui traverse l’aura de ses yeux, mais plutôt une lueur d’inquiétude. Il ne veut pas que le grand blond finisse comme l’ancien lui, débauché, perdu, transpirant et sentant l’éthanol dès le petit matin.

Alors il le prend sous son aile, au moins pour ce soir. Il se porte garant de ne pas le laisser s’enfoncer un peu plus dans toute cette noirceur, peu importe la raison qui l’a poussé dans ce trou sans fond à la toute base. De bonne compagnie et ce malgré sa mauvaise humeur passagère, le timbre de sa voix est léger. Il sait que réprimander une personne saoule sur sa consommation est bien souvent contre productif, alors autant entrer dans son jeu. Et ça n'est pas bien difficile en même temps, de se laisser aller à une conversation, Leon apprécie Noah depuis leur première rencontre et le porte en haute estime. Le pompier insiste pour avoir un autographe de son idole à même la peau, proposant même de laisser la marque de sa signature sur son cou et un petit rire file entre les lèvres de l'intéressé. Le pire étant probablement que ça n'est pas la pire demande qu’on lui ait faite ; celle-ci est encore soft et plutôt amusante. “Ecoute, si tu tiens toujours le même discours dans quelques heures, j’te ferais ça, ça te va ?” Propose Leon, espérant que d’ici là, le Scott ait au moins un peu décuvé.

Noah confie ensuite au guitariste avoir déjà deux tatouages, lui montrant de manière très enthousiasmée le premier à l’intérieur de son poignet -l’autre homme passant ses doigts dessus pour abaisser doucement sa main, puis avouant qu’il ne peut pas révéler le second pour l’instant. Mais peut-être plus tard, s’il est sage, apparemment. Le grand brun cligne des yeux tandis que son homologue tapote le bout de son nez, ne pouvant s’empêcher d’interpréter cette déclaration comme un sous-entendu ; un nouveau sourire s'immisçant sur son visage. C’est toujours agréable et flatteur de se sentir convoité, surtout à son âge, même si l’alcool y est sûrement pour beaucoup. Il y a peut-être une part de vérité, se laisse-t-il à penser. Il observe un instant supplémentaire la peau pigmentée de son interlocuteur, avant de libérer son bras. “Très joli. Tu aimes les éléphants alors. Un petit faible pour les trompes, peut-être ?” Le taquine-t-il à son tour, le rictus à ses lippes se déformant vers quelque chose de plus narquois.

Puis Leon propose au pompier de ralentir sur la boisson, mais le Scott n’a pas l’air de l’entendre de cette oreille. Il dit avoir encore soif et craint de finir tout déshydraté. Le musicien lui avance donc l’idée de plutôt boire un grand verre d’eau, ce à quoi Noah répond qu’il n’est pas une plante, qu’il n’est même pas vert d’ailleurs. L’autre homme souffle du nez à cette remarque, croisant les bras contre son torse. “Ouais, pour l’instant.” S’il continue à boire, c’est pourtant bien dans un état végétatif et avec le teint verdâtre qu'il se réveillera le lendemain.  Mais le musicien n’en dit rien à voix haute, écoutant plutôt son semblable lui proposer d’aller au bar ou de s’enfiler des bouteilles chez lui, ou chez le musicien. “J’ai pas d'alcool chez moi, non.” Répond simplement l’intéressé en haussant les épaules, ne rebondissant pas sur le fait que la suggestion de Noah est une très mauvaise idée dans son ensemble. Mais celle de l’éloigner de ce foutu bar n’est cependant pas à jeter. “J’suis à pied mais on peut appeler un Uber et je te ramène chez toi ?” Énonce-t-il ensuite d’une voix chaleureuse, réhaussant l’étui à guitare sur son épaule, prêt à dégainer son portable en fonction de la réponse de l’australien.