250, fortitude valley • w/ @Noah Scott

la journée a été longue. épuisante même, comme ça lui arrive rarement d'en ressentir les effets. la fatigue se diffuse dans son corps comme une chape de plomb, ses paupières papillonnent sous la lumière pourtant douce et diffuse de la lampe de chevet. le sommeil le guette, mais il ne peut pas s'endormir maintenant. installé en tailleur au milieu du lit, penché sur une carte dépliée, son esprit fatigué peine à en saisir les détails pourtant déjà clairement surlignés, ce dépliant étant le sien, annoté d'un tas d'indications et de lignes colorées qu'il n'aurait en temps normal aucun mal à déchiffrer correctement. le mieux serait sûrement de repousser tout ça au lendemain, après avoir grapillé quelques heures de sommeil salvatrices. mais la randonnée du matin dépendant directement de son travail et de sa bonne volonté, ça ne peut pas attendre. l'imprévu lui a été signalé il y a quinze minutes à peine, un arbre tombé dont le large tronc rend la voie impraticable pour des chevaux ; l'itinéraire est donc à retracer pour mener les clients à destination. une tâche compliquée à réaliser quand le chemin ne se trouve pas directement sous ses yeux, et que ses souvenirs de l'endroit lui échappent. mais il parvient à résoudre le dilemme, après de longues minutes à raturer et griffonner dans les pages de son carnet de route. cédant doucement à la fatigue, Santi s'installe sur le côté avec l'intention de contrôler ce nouveau tracé une dernière fois avant de tout ranger. grossière erreur. désormais en position horizontale, son corps décide que c'en est assez pour aujourd'hui, et qu'il est grand temps pour une déconnexion littérale avec le monde réel. à peine une minute plus tard, il ne réalise pas avoir lâché son crayon, ni que sa tête vient toucher le matelas l'instant d'après. il ne réagit pas non plus au poids de sa chienne qui vient s'étendre contre lui, froissant la précieuse carte sous ses pattes jusqu'à trouver la position idéale. le son s'évanouit rapidement derrière celui de son cœur, qu'il peut entendre battre dans le silence absolu de la pièce, et de la respiration apaisée de Koda qui réentame aussitôt sa nuit, confortablement installée contre son maître.

il s'éveille avec un sursaut. un peu désorienté, quelques secondes à se demander pourquoi les murs de la pièce ne lui sont pas familiers avant que ça ne lui revienne. le corps lourd, Santi lève un bras pour tâter la surface du matelas jusqu'à attraper la forme rectangulaire de son portable, grommelant un juron contre la luminosité trop forte de l'écran - trois heures passées, lui indique l'appareil qu'il laisse aussitôt retomber avec un soupir. un brin plus conscient, il réalise qu'il a laissé la lampe allumée, et aussi que son autre bras est coincé sous le poids de sa chienne ; mais il réussit à se contorsionner pour l'éteindre, puis reprend sa position initiale dans l'objectif de replonger dans les méandres confortables du sommeil. ça ne serait pas la première fois qu'il s'écroule de fatigue encore habillé en rentrant du boulot, mais un coup d'œil jeté sur la silhouette de Koda lui fait comprendre que quelque chose cloche. elle a le museau levé, les oreilles pointées en direction de la porte fermée. attentive à quelque chose que lui ne peut pas entendre. son cerveau endormi ayant momentanément oublié que Noah était de sortie avec des collègues ce soir, il en déduit que c'est elle qui l'a réveillé. « tu veux sortir ? » qu'il marmonne au moment même où, quelque part dans la maison, un lourd fracas vient en perturber le calme. Santi se redresse d'un bond, les yeux ronds dans la pénombre. que se passe-t-il ? l'hypothèse de l'intrus est la première qui lui vient en tête, mais quel genre de voleur ferait un boucan pareil en s'introduisant chez quelqu'un ? il peut entendre les chiennes aboyer, dans le couloir. la sienne se faufile à l'extérieur à peine la porte entrouverte pour les rejoindre. difficile d'interpréter ce qui se dit là-bas, mais il est certain de reconnaitre la voix de Noah, qui chuchote quelques mots indistincts - et il se souvient enfin que le pompier s'était absenté. une fête d'anniversaire ou quelque chose du genre, ce qui explique son retour tardif, mais pas le vacarme. focalisé sur la silhouette de son coloc et son équilibre visiblement vacillant, le guide s'avance de quelques pas prudents. « Noah ? » et l'appelle d'une voix douce, comme il le ferait pour capter l'attention d'un cheval récalcitrant. « tu m'as fait peur... » qu'il lance, la mine soucieuse. « est-ce que ça va ? » demande-t-il ensuite, parce qu'il n'a pas besoin d'être médium pour comprendre que l'autre homme a bu. sans doute un peu trop. ses mouvements un peu désaccordés en disent long sur son état, même si c'est la première fois qu'il le voit comme ça. bien loin de se douter que boire de telles quantités est devenu une habitude, depuis quelques temps déjà ; ni de l'ampleur de ce mal-être qui le ronge et le pousse à s'oublier dans les brumes de l'alcool.

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le réveil a été un peu brutal, et c'est un Santi confus, vaguement inquiet aussi, que se présente devant son nouveau coloc. coloc qui a visiblement passé une très bonne soirée et qui semble aussi ravi de le voir, à en juger ce sourire enthousiaste qu'il lui lance. en pleine forme, malgré l'heure tardive. son parfait opposé. « je suis là. » qu'il confirme d'un ton presque interrogatif. il a encore un peu de mal à émerger, mais une certitude demeure : Noah est bel et bien rentré alcoolisé, et pas qu'un peu. le voyant avancer dans sa direction sur des appuis quelque peu précaires, Santi tend le bras par réflexe, la paume ouverte comme pour l'inviter à le rejoindre. il réceptionne le poids du pompier avec une certaine difficulté, pas préparé à ce qu'il s'appuie contre lui de cette façon, surpris aussi par ce rapprochement soudain qui n'est pas dans ses habitudes ; mais il laisse Noah l'étreindre et le tirer dans une accolade. il n'a pas vraiment le choix, de toute façon - mais se recule un peu, quand même. la grande taille du pompier ne lui a jamais été aussi apparente que ce soir, et leur proximité l'oblige à lever le menton pour croiser son regard. il se sentirait mal à l'aise avec n'importe qui d'autre pour l'avoir attrapé ainsi ; la sensation n'a rien de réellement oppressant pourtant, malgré ce bras qui continue de l'enserrer. « tes clés ? » répète Santi, dont le cerveau croule sous ce flot d'informations incohérentes et cette histoire de hantise, d'objets animés et affamés qui se seraient ligués contre Noah. et cette main qui vient se déposer contre son torse n'arrange rien. il est bel et bien coincé, dans l'étreinte d'abord, puis leurs regards qui s'accrochent un court instant. même dans la pénombre, il peut voir les prunelles du blond bondir ailleurs, toujours focalisées sur son visage, juste un peu plus bas. et il n'est pas idiot, le guide, sait bien ce que ça peut impliquer. logiquement, il attribue ça à l'alcool qui poursuit sans aucun doute sa petite course dans son organisme. Noah fait apparemment partie de ces gens que la boisson tend à rendre plus bavards, et surtout plus tactiles. il faudra faire avec. à son tour, il saisit le poignet de l'autre homme, les doigts légers - partagé entre l'instinct de la garder auprès de lui, et celui de gentiment le repousser avant que de nouvelles limites physiques ne soient franchies. « dis pas n'importe quoi, on est pas bloqués. » si Noah a pu entrer, cela signifie forcément qu'il avait ses clés sur lui. à moins qu'il soit parti sans verrouiller la porte derrière lui. « tu les as sûrement fait tomber. » où, et quand ? il espère qu'elles ne gisent pas sur un trottoir, quelque part sur le chemin du retour. ce sera impossible de les retrouver. une réflexion qui l'amène à se demander comment son coloc est rentré, mais ce dernier enchaine déjà, véritable pipelette qui revient aussitôt sur le sujet de potentiels fantômes résidant sous son toit. « rien du tout. ça n'existe pas les fantômes, de toute façon. » l'esprit rationnel en toutes circonstances, évidemment qu'il ne peut pas décemment croire en ces choses-là. les entités, les poltergeist, autres spectres et compagnie, ça n'a sa place que dans les films et les œuvres de fiction. et il est certain que les couloirs de la maison du Scott n'en abritent aucun. d'ailleurs, ce dernier a encore une fois changé de sujet, lui indique qu'il a encore soif. il arque un sourcil dubitatif, Santi. continuer de boire pour prendre des forces ? l'équation ne lui parait pas bonne. « pourquoi, tu veux partir à la chasse aux fantômes ? » lui faire des reproches ne servira à rien dans cet état où une drôle d'euphorie semble avoir pris le pas sur tout le reste, y compris la modération ; sinon à possiblement le braquer et rendre les choses plus compliquées. alors il entre dans son jeu, au moins le temps de trouver une meilleure approche, bien que ça ne l'empêche pas d'étouffer discrètement un bâillement. et le sommeil le rattrapant malgré tout, de songer à ce que ça ferait, de s'endormir contre lui. pensée vagabonde aussitôt balayée avec une petite grimace qui, dans le contexte de leur échange, n'a absolument pas sa place sur les traits de son visage. dans sa position, sans doute serait-il plus raisonnable de s'interdire d'autres réflexions du genre. et de plutôt se concentrer sur Noah, en prenant soin d'ignorer ces scénarios ; même si ça risque de lui coûter sa nuit.

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apparemment persuadé que des résidents invisibles ont pris possession des couloirs de sa maison, Noah n'en démords pas. cherche même à faire une comparaison avec des phénomènes connus, sans grand succès. sa phrase reste en suspens, faute de bon exemple à fournir pour appuyer sa théorie. comme le vent ? se retient-il de dire. mieux vaut laisser le sujet tomber à plat, ne pas le relancer. ça ne les mènerait nul part, de toute façon, et Santi ne se voit pas débattre du paranormal avec un Noah complètement ivre, surtout à trois heures du matin. même si techniquement, suivant les croyances populaires, l'horaire est parfait. l'heure du diable ou quelque chose comme ça. ses connaissances en la matière sont plus que limitées. raison pour laquelle il hausse un sourcil presque incrédule quand le pompier suggère d'utiliser du sel. de l'eau bénite, pourquoi pas, mais du sel ? pour quoi auraient-ils besoin de ça, pour en jeter des poignées sur un ectoplasme non palpable et transparent ? il n'avait sincèrement jamais entendu parler de ça, avant ce soir. en attendant, Noah a l'air déterminé pour se lancer, sans le relâcher pour autant. confie plutôt la mission d'aller chercher l'objet à l'une de ses chiennes. Maya est attentive mais ne fait pas l'effort de se lever pour autant. ça n'empêche pas son maître de continuer de croire en sa bonne volonté, et de lui assurer qu'elle va aller le chercher, le fameux sel. « j'en suis certain. » répond-il d'un air absent, absolument pas convaincu. Koda de son côté, a disparu de son champ de vision. elle est probablement retournée se coucher, et Santi l'envie un peu.

focalisé sur leur petit public de deux animaux, moins risqué que de regarder Noah droit dans les yeux, il comprend trop tard ce qu'il a l'intention de faire, n'a pas le temps de l'en dissuader. le spot se trouvant juste au-dessus de leurs têtes, la lumière est forte, agressive pour ses yeux qui s'étaient plutôt bien habitués à la pénombre. avec un sursaut, Santi lâche le poignet du blond et lève instinctivement le bras. contrairement à Noah, qui a enfoui son visage contre son épaule, il s'accommode assez vite. et tapote le haut du dos de ce dernier pour lui demander silencieusement de se redresser, et desserrer par la même occasion la prise autour de sa nuque, juste assez solide pour être inconfortable. ça fonctionne, mais Noah ne va pas bien loin. s'arrête à mi-chemin et reste là, penché sur lui. trop proche, bien trop proche. et le cœur du guide s'emballe. il devrait s'éloigner, créer un peu de distance entre eux, sans perdre plus de temps. mais il est comme pétrifié sous le regard puis les douces attentions de Noah, qu'il ressent avec une clarté déconcertante. la main qui remonte légèrement le long de son cou jusqu'à plonger dans ses mèches brunes manque de lui tirer quelques frissons, réprimés tant bien que mal. envolée, la maladresse qui semblait l'alourdir tout entier un instant plus tôt ; son geste est emprunt d'une vraie douceur. le ramène quelques années en arrière, et il doit fermer les yeux un bref instant pour lutter contre ces souvenirs qui remontent. pas maintenant, pas quand il se trouve littéralement dans ses bras. mieux vaut ne rien laisser paraitre, même si c'est plus facile à dire qu'à faire. cela faisait des années qu'on ne l'avait pas touché, ni même observé avec une telle tendresse, et c'est tout simplement trop d'un coup. trop vite, trop près, trop tout. trop de questions qui se bousculent dans sa tête. le pompier semble s'être pris de passion pour ses cheveux, soit. ça ne veut rien dire, c'est probablement l'alcool qui parle, qui le rend si entreprenant et attentionné. rien de plus, rien d'autre. mais Santi, lui, peut sentir ses défenses vaciller. il a besoin de réfléchir. et pour y arriver, il a besoin d'air, et d'espace. il a donc besoin de se détacher de Noah, pour un tas d'autres bonnes raisons, au fond ; son coloc n'est pas dans son état normal, après tout. en profiter serait égoïste, et dangereux.

pris de court par la situation et les aveux du blond, il fait mine de ne pas comprendre le dernier mot qu'il a prononcé, fait le choix de mal l'interpréter exprès. en espérant naïvement que ça lui ouvre une porte de sortie. quelque chose pour l'aider à se défaire de son emprise qui, à ce stade, va bien au-delà du physique. doucement, il pose le plat de sa paume contre le torse du plus grand, applique une légère pression contre lui, pour le maintenir à distance. « je sais, je ressemble à rien avec les cheveux mouillés. » la stratégie est parfaitement bancale, il le sait. l'attitude de Noah ne laisse pas tellement de place aux doutes. l'alcool délie les langues, c'est un fait universel. et le puzzle commence à s'assembler tandis qu'il se remémore le comportement vaguement étrange de son compagnon de route après l'épisode pluvieux de leur petite randonnée. il pensait être le seul, ce n'était manifestement pas le cas. malgré tout, le moment n'est clairement pas bien choisi pour s'attarder là dessus, d'un côté comme de l'autre ; et sans doute est-ce aussi une mauvaise idée d'attendre que Noah se décide à le laisser partir, alors qu'il perd le contrôle d'à peu près tout, la situation et ses propres pensées, mais il ne peut pas se résoudre à le repousser. « tu peux me lâcher ? » qu'il finit par demander, presque timidement, en désespoir de cause. forçant son esprit à se recentrer sur une toute autre facette du problème, la journée de travail qui l'attend demain, dès l'aube ; plus simple à appréhender que tout le reste.

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tw mention d'alcoolisme

comme prévu, la stratégie ne fonctionne pas, mais s'attendait-il vraiment à un résultat convaincant ? non. Santi est déjà en train de faire la paix avec le fait qu'il ne pourra pas gagner contre un Noah dans cet état, et qu'il ne pourra sans doute pas retrouver le sommeil avant un moment - la suite des événements ne fait que le confirmer. le pompier lui laisse peu de temps pour vraiment réaliser ce qu'il se trame. c'est par pur réflexe qu'il tente de l'arrêter dans son mouvement, avant qu'il ne soit trop tard ; mais Noah continue inexorablement de se rapprocher. est-ce qu'il va vraiment... ? mais non. le blond finit par saisir le message, lui demande s'il est sûr - question à laquelle il ne peut que hocher la tête pour toute réponse, articulant tant bien que mal un mhmh assez peu convaincant - le lâche et s'éloigne enfin. il semble déçu. tu ne sais pas c'que tu loupes, chaton. sauf que Noah se trompe. il sait très bien ce qu'il rate, Santi. il sait très bien ce qu'il veut, ce qu'il espère, depuis longtemps maintenant. encore plus depuis qu'ils n'ont cessé de se rapprocher, ces derniers temps. et il sait aussi qu'il ne peut pas l'obtenir comme ça, en abusant de sa confiance. Santi expire un profond soupir, un peu tremblant, et l'observe avancer dans le séjour, un nouvel objectif en tête. celui de continuer à boire, qui revient encore une fois, et lui tire une grimace inquiète. définitivement pas une bonne idée. un objectif qu'il va devoir l'empêcher d'atteindre, sans réellement savoir comment, pour l'instant. perturbé par les mots employés par Noah, ce surnom, ces gestes, à se demander s'il est réellement sincère, si tout ça n'est pas seulement qu'une vaste blague orchestrée par un abus flagrant d'alcool. il secoue la tête, fait taire ces pensées parasites et qui n'ont pas lieu d'être. Noah ne peut pas le désirer pour de vrai, c'est impossible. c'est forcément autre chose.

profitant que son attention soit fixée ailleurs et qu'il ait l'air assez stable pour se débrouiller seul quelques secondes, le guide s'avance dans le couloir, enjambe les objets étalés par terre et ouvre la porte - déverrouillée, évidemment. balaye les alentours du regard, l'attention bientôt happée par un faible éclat à ses pieds. ce sont les fameuses clés, qui gisent au sol, sur le seuil. un problème de réglé, mais il en a d'autres, et de taille, qui l'attendent à l'intérieur, et qu'il n'est pas sûr d'avoir la force d'affronter. le trousseau dans la paume, Santi l'enserre avec un peu plus de force que nécessaire jusqu'à sentir les petites dents de métal s'enfoncer dans sa peau. l'option de la fuite est presque tentante, tant les événements sont soudains et déroutants - mais il ne peut pas faire ça à Noah. et puis, il habite ici maintenant. où irait-il, au beau milieu de la nuit ? au moins, ce bref instant lui aura permis de s'accorder une courte pause, et aussi de réaliser que la voiture du pompier est introuvable dans la rue. ça le rassure. Noah a visiblement l'esprit encore assez clair pour s'être rappelé qu'il ne faut pas prendre le volant dans cet état. le brun regagne donc le séjour, y retrouve son coloc, affairé à fouiller un meuble dans lequel trônent de nombreuses bouteilles. une image qui le met particulièrement mal à l'aise. une poignée de secondes pendant lesquelles il se remémore sa mère et cette impressionnante réserve de boissons qu'elle gardait jalousement sous clé, comme si elle craignait qu'on lui vole ce précieux trésor. ces bouteilles, elles étaient comme la prunelle de ses yeux, en l'absence de cet homme qui l'avait abandonnée à son sort, et en dépit de cet enfant qui se voyait mis de côté un peu plus chaque jour. il était souvent tiré du sommeil pour un son lourd provenant du salon, dans la nuit. il n'était pas rare qu'il la retrouve par terre, sa mère. restait caché derrière le mur en attendant de voir si elle allait réussir à se relever seule, et venait placer un coussin sous son crâne parfois, parce qu'il ne pouvait rien faire d'autre pour l'aider, la soulager un peu. elle partait souvent au travail les yeux rougis et le teint blême, le lendemain. le souvenir n'est pas plaisant, et l'angoisse lui tord les entrailles. il espère que Noah ne soit pas déjà tombé dans cette spirale infernale, que ce n'est pas ce mal qui ronge son ami depuis le début d'année. et s'approche à pas feutrés, un regard noir jeté sur le placard ouvert et son contenu. « Noah. » prénom qu'il énonce d'un ton un peu moins doux, un peu plus ferme. une fois de plus, il vient attraper l'avant-bras du pompier, espérant que le contact soit suffisant pour dévier son attention. tant pis s'il se focalise encore sur lui. il peut jouer le jeu, pour le bien de Noah. « tu devrais aller t'allonger, pas continuer de boire. »

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évidemment que Noah ne comprend pas sa demande - ou ne comprend que ce qui l'arrange, plutôt. il s'y attendait un peu, Santi, mais tout ça n'en reste pas moins déstabilisant. Noah s'interroge, a-t-il changé d'avis ? absolument pas, et ce n'était pas du tout ce qu'il voulait suggérer par s'allonger, mais le cerveau de son coloc semble avoir développé son propre libre-arbitre, ce soir, et ne pas vouloir en démordre. pour toute réponse, le guide se contente de soutenir son regard, silencieusement, espérant que ce dernier y lise ce qui le motivera à s'exécuter sans qu'il n'ait besoin de confirmer quoi que ce soit - ni de lui donner plus d'idées que nécessaires, à en juger ce sourire équivoque qui fleurit sur son visage. mais ça fonctionne, contre toute attente et sans qu'il n'ait eu besoin de prononcer un mot, après un court instant de flottement. Santi attrape la bouteille que le pompier lui cale dans les bras d'un geste un peu maladroit, l'inspecte avec une expression proche du dégoût. si ça ne tenait qu'à lui, il l'aurait plutôt jetée par la fenêtre, mais casser les affaires de son coloc ne fait pas partie de ses plans, même si ça lui ferait sans doute beaucoup de bien ; il se contente donc de la reboucher et de la déposer sur la table. « non merci. » souffle-t-il discrètement, relevant les yeux sur Noah qui a entre temps décidé de se débarrasser de son t-shirt. pour quelle raison ? mystère - ou plutôt, mieux vaut ne pas y penser. il a beau s'empêtrer dans ses propres phrases et des expressions qui ne sortent pas dans le bon sens, ses intentions sont suffisamment claires. Santi se fige au milieu du salon, tiraillé entre la consternation et un drôle d'amusement qui remonte malgré tout ; réaction nerveuse face à la situation, ce Noah trop entreprenant qu'il ne reconnait pas, l'inefficacité de ses tentatives pour le ramener à la raison, et la fatigue, omniprésente.

« j'ai compris. » qu'il confirme avec l'ombre d'un sourire désabusé. et ne peut retenir un petit sursaut quand Noah élève soudainement la voix pour rappeler sa chienne - la fidèle Maya, dernière résistante encore debout alors que les deux autres ont manifestement décidé que tout ça ne les concernait plus. laissant tomber le vêtement au sol, le pompier demande à l'animal d'aller le ranger, puis lui assure qu'il compte leur apprendre comment faire. décidemment, ses chiennes auront du travail les prochains jours ; mais encore faut-il que leur propriétaire se souvienne de quoi que ce soit le lendemain. sur ce, Noah tourne les talons pour enfin s'installer sur le canapé, trop grand pour y tenir en entier, mais tant pis, l'essentiel c'est qu'il soit couché - même si Santi doute qu'il restera à l'horizontale bien longtemps. prudemment, il s'approche, tâchant d'ignorer ce surnom qui revient encore une fois, et s'agenouille juste hors de portée de ses bras tendus. de là où il se trouve, Noah ne peut même pas l'effleurer, mais il demeure attentif, prêt à s'évader au moindre mouvement suspect. Maya le rejoint en couinant et il glisse une main dans son pelage pour l'apaiser. la chienne peut sans doute sentir que quelque chose ne tourne pas rond ce soir. il se demande si ce scénario lui est familier ; et imaginer Noah rentrer seul dans une maison vide dans cet état l'attriste un peu. « on tiendra pas à deux là dessus No. » qu'il lance sans trop savoir pourquoi, courte phrase qu'il regrette immédiatement d'avoir prononcée l'instant d'après. voilà qui devrait alimenter l'imagination déjà bien trop fertile de Noah. « hum, je voulais pas - laisse tomber, oublie. » qu'il finit par soupirer, un bras toujours pressé autour du flanc de Maya, qui ne le quitte plus. sa présence est réconfortante, quand sa propre chienne l'a cruellement abandonné à son sort ; mais l'avoir à ses côtés lui donne une idée. repérant un plaid sur le dossier, le guide en attrape un coin et d'un mouvement rapide, le déplie sur la silhouette du pompier. « Maya, rends moi service et tiens lui compagnie deux minutes. » il suffit de tapoter le rebord du canapé pour qu'elle saisisse le message et bondisse souplement dessus, la queue battante et la truffe aussitôt plongée dans les replis de la couverture, à la recherche de son maître caché dessous. « couchés, tous les deux. je reviens. » obéissante, la chienne ne se fait pas prier et s'allonge de tout son long contre les coussins. si Maya joue bien son rôle, ça devrait lui laisser assez de temps pour remplir un verre d'eau, dans l'objectif que Noah l'avale - la suite, il n'aura pas d'autre choix que de l'improviser. à moins que le Scott n'ait miraculeusement succombé au sommeil, entre temps, mais mieux vaut ne pas compter là-dessus.

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qu'est-ce qu'il lui a pris de dire une chose pareille - le penser, passe encore, mais à voix haute ? est-ce le manque de sommeil qui le fait dérailler à ce point ? la remarque ne joue pas en sa faveur, en témoigne le sourire de Noah, qui n'a évidemment pas manqué de saisir l'allusion. et d'expliciter ce qu'il a en tête, espérant sûrement le convaincre. mais ce n'est pas le moment de s'imaginer à califourchon sur son coloc ; et c'est donc à Maya qu'il confie le rôle de diversion, avec la promesse qu'il sera bientôt de retour, nourrissant l'espoir naïf que Noah saura patienter une poignée de secondes. le guide ne tarde pas à s'éclipser aussitôt après avoir fait monter la chienne sur le canapé ; dos à Noah, il lève les yeux au ciel, mais garde le silence et ne se retourne pas. ne pas lui répondre est probablement la meilleure stratégie qu'il puisse adopter. c'est définitivement perdu d'avance, Santi l'a bien compris maintenant, que peu importe ce qu'il fera, ce qu'il dira, même avec le plus grand tact possible, Noah l'interprétera autrement, systématiquement. c'est peine perdue, et sans doute qu'il n'en voudra même pas de ce verre d'eau, comme un gosse capricieux qui refuserait de coopérer ; mais la tâche, même simplissime, lui offre un instant de répit bienvenu. c'était sans compter sur l'entêtement de Noah, qu'il rencontre sur le chemin inverse. pour un homme alcoolisé, le blond a su se déplacer avec une discrétion déconcertante, et la collision lui arrache une exclamation surprise. « pardon ! » les yeux ronds, il s'empresse de reculer, comme si ce bref contact l'avait brûlé. « quoi ? » encore sous l'effet du choc, comprendre ce que Noah raconte lui demande une demi-seconde de concentration. l’illusion serait parfaite si t’étais mouillé aussi. oh, c'est donc à ça qu'il fait référence, encore une fois. décidemment, l'image semble avoir laissé sa marque dans l'esprit du blond. il a du mal à saisir pourquoi, Santi. en quoi sa tignasse mouillée pourrait le rendre plus... attrayant ? attirant ? même le mot lui échappe ; mais malgré tout, malgré l'absurdité de la situation, cet espèce de compliment pourrait presque lui arracher un timide sourire. presque.

machinalement, sans quitter son coloc des yeux, il dépose le verre sur la première surface plate qui se présente, tâtonnant dans la pénombre. et réalise, pour la seconde fois de la nuit, à quel point le pompier est grand. et par déduction, qu'il est bel et bien coincé. en temps normal, il ne se serait pas gêné pour repousser l'obstacle et se frayer un chemin, sa plus petite taille l'aurait sans doute aidé à s'échapper ; mais Noah occupe tout l'espace, et le contact physique, quel qu'il soit, même le plus léger, est à proscrire. comme une sorte d'instinct qui lui déconseille d'avancer dans sa direction, avec la sensation que le blond n'attend que ça, de l'attraper au passage. son premier réflexe est donc de reculer, de s'éloigner. creuser la distance entre eux, toujours. « je vais pas mouiller mes cheveux exprès, non. » soupire-t-il d'un air vaguement résigné. sa volonté s'amoindrit dangereusement à mesure que le temps passe et que les sous-entendus pleuvent. « tu n'auras qu'à attendre la prochaine pluie. » qu'il ne peut s'empêcher d'ajouter, sans trop savoir pourquoi, une fois encore, il se risque à entrer dans son jeu. drôle d'attraction qui le pousse à tester les limites, alors qu'il devrait s'appliquer à faire l'exact opposé - le dissuader, plutôt que lui faire miroiter quoi que ce soit. « j'insinue rien du tout. » se défend-il sans doute un peu trop vite, et avec plus de mordant que nécessaire. rien à voir avec la légèreté apparente et l'innocence fausse de sa remarque précédente. qui espère-t-il duper, franchement ? lui-même ne croit pas en ce qu'il avance. secouant la tête comme pour nier physiquement, il vient s'appuyer contre l'évier avec un soupir, le regard fuyant, les yeux posés partout sauf sur le torse toujours découvert du pompier. le bourdonnement soudain du frigo lui arrache un léger sursaut. il est à fleur de peau, il est épuisé, et il est à court d'idées pour se tirer de ce mauvais pas. enfin, ce n'est pas tout à fait vrai. il y a bien une façon d'amener Noah là où il le souhaite - c'est-à-dire dans un lit. il espérait ne pas en arriver là, Santi, mais que lui reste-t-il d'autre à faire ? il ne peut pas gagner cette bataille, c'est évident. ce qu'il peut tenter de faire, en revanche, c'est le piéger ; à ses risques et périls, et en espérant que la stratégie ne se retourne pas contre lui. « Noah, si j'accepte de te suivre » - commence-t-il avec prudence, détachant soigneusement chaque mot, chaque syllabe - « est-ce que tu peux me promettre d'arrêter d'être aussi... » ses mains s'agitent dans l'air et le désignent, comme pour le suggérer tout entier. « aussi dissipé ? » maintenant, ne lui reste plus qu'à prier tous les dieux pour que ce pari risqué remplisse son objectif - sans débordements, si possible. plus facile à dire qu'à faire.

250, fortitude valley • w/ @Noah Scott

tout ce qu'il veut, c'est dormir. la journée a été longue, et la nuit bien trop courte ; ses pensées s'embrouillent et de fortes courbatures le tiraillent, comme si son corps tout entier protestait contre le manque de sommeil. la réalité, c'est qu'il ne s'est pas reposé pour de vrai depuis un peu plus de vingt-quatre heures maintenant, et que les effets se font fortement ressentir. malheureusement pour lui, le repos ne figure visiblement pas dans les objectifs du Scott. non, les siens sont sans aucun doute bien différents de ceux de son coloc épuisé, qui enchaine les bourdes et les mauvaises décisions. sans compter sa détermination qui vacille sérieusement ; à moins qu'elle ne l'ait déjà quitté, ce qui expliquerait ce compromis désastreux qu'il vient de proposer. et maintenant, il faut en assumer les conséquences, quelles qu'elles soient. le dilemme étant qu'il est hors de question de lui céder dans son état ; peu importe ce qui s'est dit ce soir, ce que l'alcool a révélé. c'est une question de confiance, de limites à respecter. et puis, Santi n'a jamais vu le pompier se montrer aussi entreprenant avec qui que ce soit, c'est bien la preuve que quelque chose cloche. « tu te moques de moi ? » rétorque-t-il d'un air qui se veut outré, même s'il ne l'est pas vraiment. ce qui ne l'empêche pas de soupirer sa fausse déception, autant pour évacuer la pression que pour paraitre un minimum crédible. « tu mériterais que je change d'avis. » qu'il renchérit en s'approchant prudemment. Noah lui assure qu'il ne va rien tenter, mais c'est plus fort que lui, il se méfie quand même, et doit physiquement se forcer à ne pas accélérer le pas en passant. heureusement, le pompier tient parole, ne vient même pas l'effleurer, les deux mains toujours levées. voilà la preuve que son coloc est bel et bien capable de se tenir - s'il estime que la récompense en vaut la peine, apparemment. et quelle récompense il lui a promis, le guide. il n'en revient pas de lui avoir proposé ça, comment va-t-il faire pour se rattraper ? il voit bien que les prunelles du blond pétillent d'impatience, son sourire en coin ne lui échappe pas non plus. sa promesse de rester sage prendra probablement fin dès qu'ils auront passé le seuil de l'une des chambres. c'était donc, mais sans grande surprise, une très mauvaise idée.

tant pis, il est trop tard pour reculer. c'est ce qu'il se répète en avançant dans le couloir, pour se donner du courage ; et si ses premières enjambées sont plutôt déterminées, le sentiment vacille à mesure qu'ils approchent des chambres. un vent de panique se saisit de lui, et le constat tombe : il ne peut pas faire ça. il ne peut pas se glisser dans le même lit que Noah. serait-il seulement capable de lui refuser le moindre rapprochement, même le plus léger ? le cœur affolé, Santi s'arrête brusquement au beau milieu du couloir, à quelques pas de leur destination. « attends ! » sa voix résonne un peu fort entre les murs. sans doute visiblement anxieux, il s'efforce de relaxer les traits de son visage avant de pivoter. « j'ai euh, oublié un truc. dans le salon. » vraiment, existe-t-il pire excuse que celle-ci ? tâchant de paraitre convainquant, le guide amorce un mouvement dans sa direction, dans l'objectif de le contourner. évidemment, Noah ne se décale pas, probablement pas assez ivre ou trop borné pour se laisser berner. retour à la case départ, et dans l'exacte même situation qu'auparavant. « vas-y, je te rejoins. » l'encourage Santi avec le maximum d'aplomb qu'il est capable de rassembler. tant pis s'il envoie des signaux complètement contradictoires depuis tout à l'heure, il ne peut pas se résoudre à le suivre ; c'est tout simplement trop pour une seule et même soirée.