250, fortitude valley • w/ @Noah Scott

il s'éveille sans réellement comprendre ce qui l'a tiré de là - le cliquetis des griffes de Koda contre le parquet, sûrement. ça coïnciderait avec le poids qui vient de quitter le lit. rien d'assez conséquent pour y voir une motivation suffisante pour la suivre dans sa routine matinale, et si sa chienne voulait sortir, elle n'aurait pas hésité à lui coller sa truffe froide dans le cou pour faire passer le message. c'est donc avec un soupir d'aise que Santi passe un bras sous l'oreiller, avec la ferme intention de replonger dans le sommeil, et de profiter encore un peu de cette bulle paisible qui l'enveloppe. sauf que quelque chose ne va pas. il ne se rappelle pas s'être endormi au son de ses petits ronflements familiers, la veille. ce qui lui revient, bien différent, c'est le souvenir diffus d'un bras glissé autour de sa taille, et de la sensation de sécurité que ce point de contact lui avait apporté. à contrecœur, Santi ouvre les yeux. grommelle son mécontentement contre la lumière du jour et se retourne, remarquant la porte entrouverte. il ne reconnait pas la pièce, et sa chienne ne sait pas actionner une poignée. quelques secondes suffisent pour réaliser que cette présence qu'il a machinalement confondue avec celle de Koda, c'était Noah. que ce bloc de chaleur rassurant contre lequel il a dormi, c'était lui. tout lui revient maintenant. la soirée d'hier, la nuit qui a suivi. les sourires tendres et les caresses échangés dans l'intimité de cette chambre plongée dans la pénombre. évidemment qu'il a craqué Santi. évidemment qu'il s'est laissé aller dans les bras du pompier. comment aurait-il pu lui résister ? son attachement pour Noah sera finalement venu à bout de sa raison et tout ce qui le retenait jusque-là, de ces barrières qui déclinaient depuis un moment déjà - mais il ne regrette rien, Santi. et il donnerait n'importe quoi pour reprendre l'autre homme dans ses bras, le serrer contre lui, humer son parfum.

courte rêverie interrompue par la tête de sa chienne qui apparait dans l'encadrement de la porte, constatant son réveil. et si elle parvient à s'y faufiler avec une certaine délicatesse, c'est en prenant un élan considérable qu'elle bondit sur le matelas, sans lui laisser le temps de s'écarter. « oof ! » levant les bras par réflexe, il tente d'amortir le choc, sans grand succès. « Koda, non, recule. descends. » obéissante, la chienne s'exécute. au moins, il est bel et bien réveillé maintenant, c'est l'avantage d'être la piste d'atterrissage d'un animal d'une vingtaine de kilos ; mais le blond lui, a bel et bien disparu, et la maison est silencieuse - trop silencieuse. son absence est suffisamment inquiétante pour le motiver à repousser les couvertures et s'habiller en vitesse, avec une crainte en tête - et si Noah était parti, encore une fois ? sans perdre plus de temps, le guide avance à pas de loup dans le couloir. mieux vaut ne pas émettre le moindre bruit, que le pompier, pour peu qu'il soit encore là, reste persuadé qu'il est encore endormi. et si par miracle Noah ne s'est pas déjà enfui, peut-être que le mettre devant le fait accompli l'empêchera de le faire. quelque part au fond de lui, Santi espère avoir juste assez d'importance à ses yeux pour mériter la discussion qu'il réclame depuis des mois maintenant. tant pis si c'est inconfortable ou un peu embarrassant ; ils ne peuvent plus passer outre. parce que la situation a trop traîné, et parce qu'il ne peut plus faire semblant, Santi. ils ont dépassé ce stade, cet équilibre fragile où les gestes peuvent encore s'excuser par des explications bancales, l'alcool qui désinhibe ou une solitude trop pesante.

un peu en avance sur lui, Koda prend instinctivement la direction de la cuisine. c'est elle qui se présente la première dans la pièce, et Santi lâche un soupir soulagé en posant les yeux sur le pompier ; même si une drôle d'angoisse vient aussitôt lui tordre le ventre. le pressentiment que ce qui va suivre ne sera pas aisé, mêlé à la peur que ce soit l'écart de trop, celui qui mettra un terme définitif à leur amitié, déjà fragilisée depuis quelques semaines. « Noah ? » appel lancé d'un ton hésitant, sans oser s'approcher plus près, pour l'instant. adoptant par réflexe la même vigilance qu'avec un animal apeuré ; c'est traversé par un élan de détermination que son regard cherche celui du blond, une lueur de supplique dans les prunelles. ne pars pas, s'il te plait, parle moi.

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dans le silence pesant de cette maison qui lui parait terriblement vide, ses pensées s'affolent. évidemment qu'il craint que Noah soit déjà parti, c'est ce qu'il a fait la dernière fois - et ils n'avaient pas passé la nuit ensemble, littéralement. ils s'étaient retrouvés dans le même lit, mais ce n'était pas allé plus loin. quelle sera sa réaction, maintenant qu'ils ont franchi cette limite ? la seule chose dont il soit certain, c'est que les prochains jours seront difficiles. perturbé, il marche dans les pas de sa chienne presque par dépit, parce qu'elle semble savoir où aller. déjà à moitié persuadé qu'il est trop tard, la voir avancer avec un certain enthousiasme le rassure un peu, mais ce n'est pas avant d'avoir posé les yeux sur Noah qu'il relâche un soupir soulagé. et qu'il appelle son nom, timidement. le pompier lui tourne obstinément le dos, mais son sursaut est bien visible. sans trop savoir quoi faire ou que dire, Santi marmonne une excuse que Noah ne semble pas entendre. quelque chose ne va pas. le guide n'a pas besoin de détailler les traits de son visage pour le comprendre, l'anxiété aisément décelée dans la tension de ses épaules, de son corps tout entier. et la moindre once de soulagement restante s'évapore lorsque le blond se retourne, mis face à ce visage fermé, et la drôle d'impression que la distance entre eux n'en finit plus de se creuser. la sensation n'a jamais été aussi tenace qu'à cet instant précis, alors qu'il peine à trouver les bons mots pour s'exprimer. le schéma est familier, cependant, le ramène à cette fameuse nuit d'octobre qui a tout commencé. seulement, les rôles se sont inversés, et cette fois, Santi ne compte pas faire la moindre concession ; tant pis si c'est un peu cruel. il n'empêche que sa volonté est mise à rude épreuve, rien qu'en voyant la mine déconfite de Noah, qui lui propose du café d'une petite voix tremblante. le silence est peut-être rompu, mais la tension est toujours omniprésente. pris au dépourvu, Santi secoue négativement la tête. « je veux pas... » te perdre. je ne veux pas que tout s'arrête là. je ne veux pas que tu t'en ailles. mais tout ça, il ne peut pas lui dire. le moment n'est pas le bon, mieux vaut réserver ce genre de confession pour plus tard, quand les choses se seront arrangées - si elles s'arrangent, lui susurre une voix intérieure qu'il se hâte de faire taire.

« ne fais pas ça. s'il te plait. » parce que si Noah s'en va, ce sera terminé pour de bon, irréparable ; mais leur lien lui est trop important pour le laisser se dissoudre sans un mot, dans le silence et l'amertume. et c'est un peu terrifiant, de réaliser que le pompier a autant d'emprise sur lui. que, privé de sa présence, il serait véritablement perdu. s'il ne s'agissait pas de lui, il regretterait de s'être autant attaché, Santi. avec n'importe qui d'autre, il aurait sans doute laissé la personne se détacher et s'éloigner sans se retourner. mais Noah est spécial. il l'a toujours été, depuis ce premier contact à l'hôpital, avant même que tout ça ne commence. parce qu'il l'a sauvé, pas une, mais deux fois ce jour là. alors écrasé par le poids de la culpabilité, du deuil et de l'effroi ; sa simple présence à ses côtés l'avait plus aidé que n'importe quoi d'autre. parce qu'il n'était plus seul. le guide n'est pas sûr que le Scott en ait réellement conscience, de tout ce qu'il lui a apporté, au-delà de quelques mots encourageants et de la promesse d'un avenir meilleur - mais il a le sentiment tenace que c'est à son tour de lui venir en aide. de le soutenir, lui rappeler qu'il n'est pas seul, lui non plus. mais pour ça, il doit comprendre. ce qui ne va pas, ce qui le tourmente, et d'où vient cette peur qu'il voit briller dans les prunelles de Noah. « on peut pas continuer comme ça, No. on va droit dans le mur. » du temps, c'est ce qu'il lui a donné, quelques mois plus tôt, en croyant que c'était ce dont le pompier avait besoin. qu'il reviendrait vers lui un peu plus tard, à son rythme. mais le temps n'a jamais été leur allié. ils ne peuvent plus reculer maintenant, chacun semble l'avoir compris. et si le guide appréhende la suite, Noah lui, parait pétrifié, terrifié même. son visage a perdu toutes ses couleurs, son corps est parcouru de frémissements. Santi doit lutter pour ne pas s'avancer et tendre une main dans sa direction. « ça va ? tu trembles... » qu'il demande plutôt, même si la question est idiote et qu'il en a parfaitement conscience ; il sait aussi que l'approcher n'est pas permis, pour l'instant.

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il est bien loin de se douter de la dure réalité nourrissant les tourments du pompier, Santi. bien loin de se douter que son propre père se trouve à l'épicentre de ces derniers. certes, il en sait peu sur le paternel Scott, Noah ne s'étant jamais montré bien bavard à son sujet, et s'il a noté son absence de la vie de son fils, ce n'est pas une raison suffisante pour le désigner coupable de ce qui le trouble. pour l'instant. Santi ignore encore beaucoup de choses à propos des Scott, mais des pères de famille indifférents, il en existe manifestement des milliers sur Terre ; lui-même a fait les frais de leur tendance à prendre la fuite dès lors qu'on les met face à leurs responsabilités, particulièrement lorsque celles-ci se présentent sous la forme d'un nouveau-né. dans l'histoire, sa mère ne joue pas un rôle plus admirable, mais dans ce schéma familial bancal, Santi a au moins pu tirer son épingle du jeu en évoluant selon ses propres règles, valeurs et ambitions. ce qui n'est pas le cas de Noah, ni celui de Nelly, apparemment ; et ça ne l'étonnerait pas que les autres enfants Scott aient tous subi une forme de pression à laquelle il est heureux d'avoir échappé.

pour le moment, c'est l'incompréhension qui règne en maître sur une situation qui semble encore sans issue. la clé, c'est la communication, c'est donc ce que Santi tente de faire ; rétablir le dialogue, ce qui leur manque cruellement depuis des semaines. le bref cessez le feu du réveillon n'a pas su dissiper les tensions et ce malaise qui persiste entre eux. le moment semble tout trouvé pour enfin s'en défaire, et peut-être débuter cette nouvelle année sur des bases que le guide espère meilleures. dans le calme qui suit brièvement ses derniers mots, leurs yeux se croisent, et en une fraction de seconde, tout change. le visage de Noah se fend d'une grimace peinée, il titube, recule jusqu'à toucher le frigo, contre lequel il se laisse glisser. sa panique est évidente, déchirante ; les chiennes s'agitent, et Santi se décolle aussitôt de l'encadrement de porte. la façade se brise juste sous ses yeux, et ce doit être son propre cœur qu'il sent éclater en mille morceaux, à son tour. les larmes roulent contre les joues du pompier, dont le corps entier est secoué de sanglots. Santi l'a vu dans bien des états, au fil des années, ces derniers mois surtout, mais il ne l'a jamais vu pleurer. l'image est douloureuse et il éprouve un pincement de culpabilité à l'idée d'avoir peut-être poussé trop loin. d'une démarche hésitante, le guide s'approche doucement, repoussant les chiennes au passage d'une commande murmurée et d'un geste léger. inquiètes, elles demeurent attroupées dans un coin de la pièce, et Maya ne s'éloigne que de quelques pas, attentive aux états d'âme de son maître. silencieusement, il s'agenouille à une distance encore prudente. voir Noah s'effondrer ainsi lui tire un élan protecteur contre lequel il lutte tant bien que mal, réprimant le besoin de venir le toucher, le réconforter, par n'importe quel moyen. l'esprit s'active tandis qu'il cherche à faire sens de ses mots, de ces bribes d'informations entrecoupées de hoquets. l'hypothèse dépeinte par le blond lui tord le ventre d'angoisse et de colère - mais de qui parle-t-il ? la réponse, bien qu'elle soit seulement suggérée, arrive bien assez vite et Santi expire un soupir tremblant. c'est pire que ce qu'il aurait pu imaginer. « ton père. » souffle-t-il simplement dans le silence pesant qui suit les déclarations de Noah. deux mots prononcés sans la moindre interrogation ; il a beau ne pas disposer de toutes les pièces du puzzle, ce dernier n'est plus si compliqué à assembler maintenant. « c'est lui qui t'a... inculqué ça ? que c'était mal. » qu'il demande, choisissant soigneusement ses mots. il n'ose pas imaginer la possible violence de ceux employés par son paternel, ce n'est pas le moment d'en rajouter en s'exprimant maladroitement. « je suis désolé, Noah. » ajoute-t-il ensuite, sans trop savoir de quoi il s'excuse, en réalité. peut-être d'être celui qui a manifestement remué ce qui s'apparente à de vieux traumatismes, en cherchant à obtenir des réponses. ou tout simplement que Noah ait subi les torts et l'intolérance d'un parent dont le rôle ne devrait jamais être de s'ériger en tortionnaire. quoi qu'il en soit, Santi n'a pas l'intention de le laisser tomber ; mais le sol est dur et froid sous ses genoux, et sa position inconfortable. recroquevillé contre la porte du frigo, son coloc ne doit pas être plus à l'aise que lui. « viens t'asseoir ? » l'incite le guide d'une voix douce, une main tendue dans sa direction.