Broken hearts club est un forum city basé sur l'amour où l'action se déroule à Brisbane, en Australie. BHC est un forum simple et sans prise de tête où le but est de se faire plaisir, de se détendre et de faire des rencontres.Chez nous, le respect de tous‧tes et la bienveillance font partie de nos valeurs, car il est important pour nous de faire de ce forum un endroit safe pour tous‧tes. N'hésitez pas un seul instant à contacter harlan myers, dora oliveira et scott reeves, vos admins, si vous avez la moindre question ou le moindre problème.
âge : 28 ans passés à une vitesse folle, à douter parfois d'y avoir réellement assisté.
statut civil : célibataire, convaincue du bien-fondé de sa solitude ; lassée de laisser chaque nouvelle relation la faner, d'observer les objets de ses désirs s'éprendre d'elle et s'en éreinter.
occupation : artiste plasticienne – pour simplifier une œuvre plus éclectique. les performances comme premier amour, du scandale pour l'implanter dans l'impitoyable marché de l'art : elle s'est assagie, depuis, mais sa côte reste au sommet. chaque création se revendique d'un discours féministe engagé, d'une dénonciation. mine d'inspiration malheureusement sans fond.
adresse : un loft vaste et lumineux au 108 sb&we, parfois trop grand, parfois trop étouffant.
intervention pnj : Oui
pronom perso : elle
trigger : tout ce qui touche de près ou de loin à l'inceste ou la pédophilie // les descriptions de viol, agression sexuelle, violence conjugale // la romantisation de relations avec gros écart d'âge.
infos rp : présence : quotidienne, réponses toutes les 2-3 semaines selon l'inspi. style rp : j'écris en elle ; entre 400 et 1500 mots, selon le rp, l'inspi, etc. dialogues : en crimson, français ou anglais.
Le temps n'existe plus. Il n'y a pas de nombres, pas de brouhaha régulier d'horloge ; pas de lune, pas d'aube. La nuit abandonnée au stade d'ébauche, trompée par les lueurs de stroboscopes. On pourrait s'oublier, là, entre les âmes perdues et les bandes-son entraînantes de leurs existences. On pourrait oublier de vivre. Omettre de mourir. Comme une poche d'infini dans la ville vénéneuse ; suffit de danser, de ne jamais s'arrêter. Ce n'est pas cher payé, pour un peu d'immortalité. Ilsa s'y perd, dans ces ténèbres éphémères. Peut-être plus ardemment que ses congénères. Eux s'égarent autre part, entre les murs repoussés d'un crâne soudainement illuminé, une fête cérébrale que verres et hallucinogènes n'ont pas leur pareil pour invoquer ; paradoxalement, bien qu'Ilsa ne soit pas la dernière à explorer les méandres de son intériorité, elle pourchasse le contraire. Les élans de vie des autres, comme pour transvaser leur énergie à son palpitant mortifère. C'est qu'il y a quelque chose qui bat, là-dedans, elle n'en doute plus – mais pas de la bonne manière. Machine défectueuse, montée à l'envers. C'est volontiers qu'elle offre son visage au Met : son identité sacrifiée à l'honneur des ombres tracées au néon, et elle n'est plus qu'un mouvement, une vague ondulation. N'est-ce pas le contrat scellé implicitement, quand la discothèque referme ses mâchoires de lion ? Ou Ilsa est-elle la seule à prier pour qu'un soir, on lui dérobe l'âme ?
Les chorégraphies s'enchaînent, comme pré-écrites. Qu'importe l'individualité que chaque danseur tente d'insuffler à ses hanches, ils sont unis dans un même rythme ; trop lâches pour en diverger. Trop à l'aise, dans l'uniformité de la meute enragée. Planque parfaite pour celle qui détesterait qu'on la remarque, cette foule comme un cœur battant, organe à double tranchant – prêt à se faire rouleau compresseur pour un faux pas, un regard de travers. La recherche de cet équilibre est une danse à part entière. À deux, à mille. Une partition qui ne dépend pas que d'elle. Ilsa a l'exécution impeccable, mais peut rarement en dire autant de ceux qui font de l'obscurité pénétrante une complice de leurs vices. Le condensé de (dés)humanité la fascine, elle qui pourrait sans hésitation peindre ses entrailles mais n'a jamais su représenter avec justesse un élan contraire. Intériorité aussi sacrée qu'étriquée. Sa mémoire ne veut pas graver ce qu'elle voit au Met – ces corps abandonnés de conscience, électrisés par l'instinct, les basses et les autres, cette vie qui déchire les poumons, trop intense pour être saisie. Mais, comme elle n'aime pas les destins tracés d'avance, et encore moins lorsqu'il s'agit du sien, elle s'entête. Elle observe, s'y entremêle jusqu'à en oublier sa propre imposture, et chaque lendemain, l'image semble se préciser. Une boîte noire comme promesse de liberté, il fallait oser.
Mais, ce soir, l'envie n'a pas pris. Elle a senti le temps qui passe, venu la percuter. Celui que l'on perd en s'adonnant à quelque chose aussi vain que de danser. Ça lui a un peu coupé le souffle, d'y penser. D'encore soupeser ce fardeau que de s'être auto-proclamée destinée à quelque chose de plus grand, d'exceptionnel, une destinée qui serait incompatible avec ces futilités plébéiennes. Un sac qu'on ne lui a jamais demandé de porter – sur quoi bâtirait-elle son identité, sans cette croyance hallucinée ? Les volutes qui habillent son ombre sont parées d'une noirceur d'échec, tandis qu'à grand pas, elle laisse à leur terrain de jeu les danseurs écervelés – non sans, une fois de plus, terriblement les envier. Laissez-moi être des vôtres, pourrait-elle les prier ; sauf que ce n'est pas ce mur humain qui lui fait bloc, mais son propre esprit. Il y a pourtant des soirs où Ilsa sait lâcher prise. Un pas en avant, trois en arrière.
Deux files s'opposent, dans le couloir d'entrée. La sienne est rapide, car on n'a pas idée de s'éclipser si tôt – alors que, de l'autre côté, on jouerait presque des coudes pour plus vite passer. Comme à chaque fois qu'il y a la queue pour tâter la piste de danse, elle se fait brièvement voyeuse, curieuse d'observer les bêtes humaines qui s'apprêtent à tout oublier. Elle croit le voir, parmi les animaux – image presque cocasse, parce qu'à ses yeux, il n'a rien à voir avec eux. Parce qu'elle ne peut pas l'anonymiser, ni lui prêter les intentions qu'elle placarde sans vergogne sur les autres. Ilsa s'est arrêtée de marcher, le regard lourd – c'est qu'elle croit en son poids, et, encore, à une certaine forme de lien. Un dernier filin si mince qu'on avait cru l'avoir tranché, au même titre que tout ce qui les unissait, mais qui semble s'être tendu à l'infini, de l'Australie qu'elle n'a pas quittée aux coins les plus reculés où lui s'est aventuré. Quelque chose qui va lui picoter l'arrière de la nuque, jusqu'à ce qu'il n'ait d'autre choix que de se tourner. Un trois-quarts suffirait. Un, deux, trois ; regarde-moi.
Le miracle se fait désirer, ou du moins ne se manifeste-t-il qu'à sens unique, des yeux d'Ilsa au profil immobile d'Haydar. Elle réalise qu'elle n'avait pas vraiment osé le détailler, jusqu'alors, trop consciente du risque de s'y faire attraper. Il n'y avait eu que des regards dépouillés, tout juste suffisants à se faire une idée de ce que le temps avait eu la clémence de laisser intact, et ce qu'il avait davantage entamé. Un jeu de sept différences – dont elle doit être bien loin d'avoir fait le tour – qui ne lui avait laissé aucune chance de s'attarder sur le tracé d'une mâchoire, le creux de la joue ou la courbe du nez. En arrière-plan, maintenant, elle peut observer : retrouvant sa place en retrait, embrassant les traits du modèle jusqu'au dernier. La cadence de la file d'attente est devenue la sienne, c'est avec eux, maintenant, qu'elle respire, eux dont elle copie les pas – avant de retrouver le souffle désespéré des danseurs. La donne a changé : il n'est plus question de partir, puisqu'Haydar semble enfin avoir honoré son rendez-vous. Elle attend quelques secondes, lorsqu'il a enfin dépassé le dernier contrôle, puis se faufile entre les clients, le cherche à la trace, sans manquer de songer que le prédateur a parfois le beau rôle. C'est qu'elle triche un peu, presque remise de sa surprise, alors que chez lui, l'étonnement est prêt à éclore. Elle le trouve, enfin, et la scène semble si familière – empruntée à leur lointain passé, qu'elle avait pourtant mille fois juré enterré – qu'elle hésite presque à parler. Mais, consciente qu'on ne peut pas toujours avoir le dernier mot, elle ne peut s'empêcher de se saisir du premier. « Tu as l'air de quelqu'un qui n'a pas mis les pieds dans ce genre d'endroit depuis une éternité… je me trompe ? » Un silence, le temps de tendre l'oreille vers la musique, que sa voix s'est tant bien que mal efforcée de couvrir. Instinct de trouver le rythme, de se fondre dans la masse, quoique les enjeux n'aient plus rien à voir avec ces autres soirées auxquelles elle s'est habituée. Du moins l'imagine-t-elle, car ils lui échappent. Ils lui ont échappé depuis l'instant où elle l'a, à demi-mot, enjoint de la retrouver. Difficile de s'expliquer pourquoi elle lui a cédé un tel fragment de son intimité – comment, de manière presque sûre, savoir quelques heures par semaine où la croiser. Peut-être par pur mépris du hasard qui a orchestré leurs collisions. Comme pour le mettre au défi de ne pas les remettre dans la même pièce, à l'exception de celle-là. « J'espère que tu n'as rien oublié de tes pas. »
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-- people always told me that I take my love too far, then refused to help me. I was on the edge of something greater than before, but nobody told me.
Haydar Emre
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MEMBRE ☆ midnight love i'm not your consolation prize
statut civil : célibataire — oiseau volage aux tendresses de passage, haydar s’entiche et se lasse, aime pour un temps seulement, vibre au gré des cœurs avec passion. Romantisme péremptoire dont il fait son habitude au cours du temps, écorchant à la volée quelques palpitants – et parfois même le sien en passant.
occupation : pianiste — la musique comme amante véritable, celle qui avait accroché son palpitant dès les premiers battements. Une fidélité presque morbide à laquelle il se voue et pour laquelle il vit, la musique qui l’avait un jour enchainé sans préavis.
adresse : fortitude valley — appartement sous les toits, partagé avec son piano, et Duke, son chat.
intervention pnj : Non
pronom perso : il.
trigger : injection de drogues, romantisation des relations toxiques, age gap 15+, agressions sexuelles.
infos rp : • 800-1600 mots en général, en fonction du type de rp
• dialogues en français uniquement
• troisième personne du singulier
• temps de réponse fluctuant.
Le Met est rempli de cœurs échauffés, de silhouettes qui s'agitent et dansent, qui creusent des trous dans le sommeil. Devant l'établissement, à l'heure de pointe d'après-minuit, l'esprit est à la fête ; aux portes de l'établissement se tient Sabri, demi-géant au visage de pierre, éternel Cerbère des portes d'un paradis cramé. Malgré ses airs bourrus, Haydar sait qu'il fonctionne à la gentillesse : à peu près tout le monde est le bienvenu et si quelqu'un l'emmerde, il prend sa voix de Zeus à en faire friser les morts et dégage ceux qui gênent. Ici ce n'est pas comme ailleurs, c'est autre chose qui tient les silhouettes qui se faufilent, qui viennent enfiler la nuit à gosiers ouverts ; une sorte de prière commune, de chant silencieux qu'ils salent de leurs vieilles larmes de solitude, séchées le temps d'un espoir. Les gens sont tellement joyeux d'être réunis qu'ils en oublient la merde suintante de leur vie, les wagons qu'ils peinent à rattraper, les trains qu'ils manquent chaque jour et les gares où ils crèvent à petit feu. Ils portent leurs chandelles sur les paupières et les brûlent par les deux bouts, se les échangent à grands rires ; personne ne se juge pour ça, pas plus que pour le fait de se trémousser honteusement sur les rythmes sucrés de la dernière décennie. Et dans la faune des corps qui se déhanchent, il n'existe ni idole, ni symbole. Le présent se coince entre quatre murs pour en exclure à la fois le passé et le futur, et c'est cette liberté qu'ils cherchent tous, qu'ils mordent et déchirent à en insulter la lune. Ici, il n'y a pas d'erreur possible, puisque les peaux se privent de mots. Haydar, il n'y a qu'en ces lieux-là qu'il s'autorise à ployer sous les yeux des autres, à laisser les iris tatouer des frissons sur son dos. Il a toujours aimé le regard particulier des inconnus, des masques recrachés par les foules serrées : ils suintent d'un désir qui lui fait du bien, un désir qui se glisse contre le sien et qui se disloque dans les couleurs des stroboscopes. Ça doit être exactement ce qu'il cherche dans ces boîtes serrées, ces lieux noirs où l'exigu devient souhaitable et compresse le cœur comme une étreinte. Car ça fait partie du jeu de la nuit ; prêter un peu de son corps à la foule qui piétine pour faire sauter la trappe où ils veulent tous tomber, s'écraser pour s'aimer en laissant la morale aux portes. Des corps qui s'amusent à ignorer la musique qu'ils connaissent tous, celle qui débride les cœurs et les précipitent vers la liberté dès que le soir enveloppe la ville. Le jeu est là, partout sous le rouge et le bleu et le vert qui les mange tour à tour, dans les yeux des inconnus, des fantômes et sous la fine peau qui les habille. Il les aime, ces lieux noirs. Exactement comme il aime les clubs de jazz miteux, les caves confidentielles planquées sous la ligne de flottaison de la ville, comme il aime les recoins où tous les autres, où les marginaux se terrent pour exister, respirer, se libérer. Il n'y a pas de différence ; pas même la qualité de la musique (il n'est pas si puriste).
Elle l'y avait invité comme ça, parole lancée comme un carton calligraphié, un appel au naufrage – un faire-part de mirage. À bien y réfléchir, ça n'en était même pas une, d'invitation ; ou pas vraiment. Plutôt une indication déguisée, je serai là-bas, si jamais. Si jamais quoi ? C'était ça, qu'il n'avait pas réussi à comprendre, puisque la phrase ne trouvait aucune complétude correcte. Car si chacune de leurs réunions récentes s'était concrétisée sur le fil du hasard (ou presque), il n'imaginait certainement pas qu'Ilsa eût souhaité abroger celui-ci pour provoquer la rencontre sans lui. Qu'elle ait désiré le voir. Quelque chose ne sonnait pas juste. À tel point qu'il avait décidé de laisser la convocation de côté, estimant sagement qu'il n'était pas souhaitable d'y déchiffrer l'ombre d'un espoir, ou de quoi que ce soit d'autre qui ait pu nourrir l'attachement sordide qu'il ressentait pour elle. Ou plus précisément, pour ce qu'ils avaient été. Car à défaut de prétendre évoluer dans sa propre vie intime à cœur délié de tout passé (il reconnaissait désormais assez volontiers avoir oublié quelques morceaux de ce qu'il était dans leurs draps froids), il observait le lien distendu qui s'étirait entre eux sous une lunette assez pessimiste – ou comme il le disait, réaliste. En d'autres termes, il avait été grignoté au fil de leurs rencontres récentes par l'idée que ces dernières ne pourraient rien leur apporter de bon – si ce n'est, éventuellement, le point de conclusion à certains débats laissés douloureusement ouverts. Mais pour ce qui était d'imaginer reconstruire des bases stables à une modeste relation, il préférait se refuser l'accès à cette utopie, infirmant celle-ci à l'instant même où elle cherchait à se frayer un chemin dans son esprit.
Et puis un soir, il avait cédé. Pas à elle, plutôt à lui même. Cédé à la curiosité de ce qui serait, à la nostalgie de ce qui avait été, à l'envie de ce qui est. Dans la nuit, il avait voulu conjuguer chacune des temporalités qu'ils avaient mélangées, voulu fermer les yeux pour ne pas voir les désastres qu'une telle trêve produirait. Voulu fermer les yeux sur le reste pour en laisser éclore sous les paupières les ombres promises, les couleurs racontées, et voir enfin se dessiner les contours de ce qu'elle était. Peut-être ne pouvait-il l'observer qu'à soleils éteints, lorsque la ville se couchait et recrachait alors les cœurs en caricatures ; la réthorique était si belle qu'il avait voulu le croire. Peut-être pour une dernière fois, l'apercevoir.
Ilsa, elle l'a approché à l'heure de la messe noire. Devant le comptoir poisseux du bar écrasé par les néons, point de chute des papillons assoiffés qui en font leur jouvence. Elle l'a approché à ce moment-là, Ilsa sous les cantiques des lyres clignotantes, d'un rouge si pur contre sa peau qu'il lui en a rappelé tant d'autres, des vieilles couleurs, des carmins extraits de leur passé. Ça lui a rappelé les ères tendres de leurs vingt ans, lorsque parfois ils sortaient danser ensemble, se cogner à ces foules dont ils se moquaient éperdument parce que le monde c'était eux, rien qu'eux, et que c'était bien trop beau de sentir tous ces êtres qui existaient autour sans arriver à prendre rien que le début d'un gramme d'importance. Ça lui a rappelé lorsqu'elle existait sous les lumières et qu'elle lui souriait, Ilsa si vivante quand elle se mettait à danser, à se crever la tête contre les parois de la nuit pour en pétrir la liberté. Il ne l'aimait jamais autant que dans ces moments-là, c'était ce qu'il se disait en sachant que c'était des conneries (puisqu'il avait ce genre de pensée à chaque fois qu'il la regardait) ; mais il y avait un fond de vérité dans cet élan du cœur, cette bouffée d'euphorie qu'il ressentait à l'aimer ainsi, cousue de nuit et d'astres éteints, gavée d'un affranchissement total auquel il tissait le sien. Ce soir, Ilsa est rouge. D'un rouge du passé mêlé aux autres rouges du présent, habillée des peaux fines dont les fantômes s'enroulent au soir. Il a le sang qui pulse dans les tempes et les basses au bord des lèvres, la musique qui se perfuse dans ses veines à chaque nouvelle pulsation et ça lui donne envie de danser, de laisser son corps s'échouer au milieu des autres pour le reste de toutes les éternités. Mais d'abord, il veut la regarder. Ilsa de rouge : il a la couleur qui lui mord les cils et le cœur. Ilsa de cinabre, et de mortelles clameurs.
— Ça dépend ce que t'entends par éternité, Trouve t-il à répondre, récupérant d'un geste la bière commandée plus tôt sur le comptoir. « Je danse encore, mais jamais le samedi soir.
Il a marqué un temps de pause, prenant conscience d'à quel point la parole se faisait traitresse, ainsi ensevelie par les décibels. Sans doute valait-il mieux se taire ; et sans doute était-ce aussi la chose la plus saine qui puisse leur arriver. Les yeux seuls se mettent alors à converser, lorsqu'ils s'échouent sur le visage qui lui fait face, tendis que les lèvres s'abreuvent de la liqueur tiédasse. Il n'a pas envie de parler, de comprendre une fois de plus que leurs langages sont périmés, déchus, désaxés. Que les mots sont sans dessus-dessous et leurs grammaires inverses, que les syllabes n'ont plus d'autre vocation que de tâtonner sans toucher. Se taire, donc. Peut-être laisser les couleurs parler, son rouge tutoyer le sien pour mieux en comprendre la nuance, la chair, le vide qu'il y a laissé. Quant aux pas dont elle parle, il n'en a perdu aucun. C'est une chose qu'il pourrait lui affirmer, mais ça ne sert à rien. Le visage se secoue vaguement de gauche à droite en une négation rapide, et il porte une nouvelle fois le goulot de verre à ses lèvres avant de s'animer.
— Viens.
Elle ne l'a peut-être pas entendu, ou seulement vu ses lèvres bouger. Peu importe, le corps parle de lui même lorsqu'il la contourne pour rejoindre l'océan compact de silhouettes mouvantes. Ce sont des vagues de chair, des afflux et des reflux de peau, de cheveux et de rires, de respirations tendues vers le ciel pour en cueillir les derniers astres, en crever le plafond ; ce sont des paupières closes et des bras qui s'élancent, des écumes de souffles venues des gorges les plus pures et Haydar s'y fond, s'y plonge, en espérant qu'elle le suive, en espérant réapprendre à l'y connaitre, en espérant le naufrage.