@Sorcha Adair & @Yaël Saunders  

Mardi 3 septembre 2024. Elle a beau sourire devant ses enfants et ses parents qui lui font le plaisir d’être à ses côtés pour son anniversaire, le regard de Yaël n’en a pas moins perdu de son éclat. Elle ne peut s’empêcher de regretter le couvert manquant et de songer que cela fait désormais deux ans que sa vie a basculé. Il y a précisément vingt-quatre mois, elle apprenait l’infidélité de son épouse et se parait de ses premières armes pour faire face à cette situation. Seulement, malgré toute sa bonne volonté, ses efforts répétés et ses souffrances tues, son couple ne s’en est pas relevé. Sa relation avec Daphne a atteint un point de non-retour et elle sait désormais qu’elles ne formeront plus jamais ce couple modèle et envié qu’elles étaient. Évidemment, cela impacte l’humeur de Yaël, même si elle finit par inviter sa bonne humeur au moment de souffler ses bougies.

(outfit) ⋆ Samedi 7 septembre 2024. Ton nouveau projet de vie, c'est de me faire attraper une cirrhose avant mes quarante-cinq ans ? demande-t-elle à Megan qui lui met un nouveau cocktail entre les mains. Sa sœur a insisté pour qu'elle la rejoigne au So What ce soir afin qu'elles fêtent ensemble son anniversaire, elle qui n'a pas pu se libérer mardi pour se joindre au repas qui se déroulait chez Yaël. Elle n'a pas eu à cœur de refuser, la procureure. D'autant, elle doit bien l'avouer, que ces sorties qui se veulent de plus en plus fréquentes avec son aînée lui font un bien fou. Megan a cette capacité d'aider n'importe qui à se changer les idées et parvient à faire valser les soucis plus loin, au moins le temps de quelques heures. Il s'agit d'un luxe auquel Yaël a pris goût alors qu'il lui est toujours extrêmement difficile d'accepter le sort dévolu à son mariage. Arrête tes conneries, on n’a qu’une vie. D’ailleurs, tu devrais l’inviter ce soir, lui rétorque l'intéressée. Il n'en faut pas davantage pour que l'incompréhension se niche sur le visage de Yaël et que ses sourcils se froncent. De quoi parle-t-elle ? De qui parle-t-elle ? Des précisions s'imposent et ne tardent pas à arriver. La meuf avec qui tu parles souvent. Celle que t'as aidée avec ses cartons. Invite-la, passe la soirée avec elle, et tu verras bien ! Tu vas peut-être prendre ton pied ce soir ! Yaël n'en croit pas ses oreilles. Elle reste inerte alors que ses yeux s'agrandissent. Il n'en faut pas davantage à Megan pour s'emparer du téléphone de la procureure abandonné sur le bar et faire ce qu'elle a trop tendance à faire : mettre son nez dans des affaires qui ne la regardent pas. Qu'est-ce que tu fais ? demande Yaël en se penchant précipitamment par-dessus le comptoir pour essayer de récupérer son smartphone et éviter toute récidive de Megan. Je te préviens, tu n'as pas intérêt d'écrire à qui que ce soit ! la met en garde la brune, alors qu'elle s'échappe à vive allure de son tabouret haut pour rejoindre sa sœur. Toutefois, lorsque Yaël atteint l'autre côté du bar, c'est face au sourire victorieux de Megan qu'elle se retrouve. Elle sait alors qu'il est trop tard. Un soupir las passe ses lèvres alors qu'elle récupère son téléphone et découvre le message que Megan a envoyé pour elle à Sorcha : Dispo ce soir ? J’ai envie de te voir… Si tu peux, passes au So What [adresse]. Les yeux de Yaël s'écarquillent une nouvelle fois et ses joues s'empourprent. Mais ça va pas la tête ? Tu n'peux pas t'occuper de tes affaires juste une fois dans ta vie ?! s'emporte-t-elle d'une façon qui lui est très inhabituelle. Il faut croire que non : Yaël a beau tourner le dos à sa sœur, Megan lit sans gêne la réponse qui arrive en zieutant par-dessus son épaule. Ouuuuuh toi tu vas t’envoyer en l’air d’ici la fin de la soirée ! jubile-t-elle, fière de son coup et assurément insensible aux émotions de sa petite sœur. Il va sans dire que cette situation n’amuse pas Yaël. Megan n’en a que faire ; à en entendre ses derniers mots, il semblerait même qu’elle s’en félicite. Yaël a un plan cul grâce à moi, crie-t-elle haut et fort à sa barmaid avant de partir faire un tour en salle.

Quelques secondes s’écoulent durant lesquelles Yaël reste coi. Elle déteste toute sorte d’irruption dans son intimité. Une fois encore, Megan est allée trop loin. L’envie de quitter l’établissement est grand. En réalité, seule l’arrivée prochaine de Sorcha retient Yaël en ces lieux. Ce serait particulièrement mal venu de lui dire que sa sœur lui a encore joué un tour et que ce message ne venait pas d’elle. Lui proposer de se retrouver à un autre endroit serait aussi de mauvais goût. Prise dans cette situation qui n’a pas de bonne solution, la procureure préfère s’isoler sur une table non loin de la porte d’entrée, d’où elle pourra voir les allées et venues sans avoir à croiser le regard fier de Megan.

Une vingtaine de minutes s'écoulent au cours desquelles la procureure n'entrecoupe sa lecture des dernières actualités juridiques que lorsqu'elle entend la porte s'ouvrir. Alors que l'air frais vient une nouvelle fois chatouiller ses jambes, elle s'apprête à reprendre aussi rapidement sa lecture qu'elle ne l'a arrêtée. Toutefois, cette fois-ci, c'est bien celle qu'elle attend qui se présente. Il ne faut pas longtemps à la procureure pour abandonner son téléphone portable dans son sac - on ne la reprendra plus à le laisser trainer - et se lever. Ses mains passent machinalement sur sa jupe pour la lisser, alors qu'elle fait quelques pas en direction de Sorcha.

- Bonsoir, la salue-t-elle en lui octroyant une brève accolade avant de désigner la table qu'elle occupe pour l'inviter à la rejoindre. Je n'étais pas sûre que tu viendrais.

L'aveu est sorti de lui-même de la bouche de Yaël mais il est désormais trop tard pour l'effacer autrement que par ce sourire discret qui vient étirer doucement ses lèvres.

@Sorcha Adair & @Yaël Saunders  

(outfit) ⋆ Elle a rien prévu de particulier ce soir, si ce n’est passer ces heures là tranquille chez elle, probablement devant une série avec un repas qu’elle va pas tarder à commander auprès du restaurant chinois au coin de sa rue. Plus d’un an après sa séparation, puis tous ces mois d’errance, et elle a l’impression d’enfin arriver à apprécier ces moments de solitude, plus encore dans cet appartement qu’elle a aménagé.
Elle sent un goût de renouveau depuis son retour de vacances, depuis qu’elle a mentalement commencé à prendre certaines décisions concernant son avenir. C’est encore nouveau tout ça, elle est pas trop sûre d’où elle va, mais ça commence à se dessiner doucement. En fait, plus le temps passe, plus c’est précis dans sa tête. Pour la première fois depuis longtemps, elle a un but, quelque chose qu’elle veut vraiment. Elle est pas idiote, elle se doute que le chemin sera pas un long fleuve tranquille. Elle va en baver, c’est certain et peut-être même qu’à certains moments, elle regrettera. Peut-être que ça échouera, aussi, mais ça elle préfère encore éviter d’y penser pour l’instant. Le parcours en lui même va être bien assez dur comme ça.

Le message de Yaël intervient de manière plutôt inattendue. Ça la surprend quand elle le lit, y a un truc un peu différent de d’habitude dans sa manière d’écrire. Et puis, Sorcha se souvient pas que ce soit déjà arrivé qu’elle l’invite quelque part de manière aussi soudaine. D’habitude, elles prennent le temps de s’organiser un peu à l’avance, parce qu’elles savent l’une comme l’autre qu’elles ont des emplois du temps compliqués et que c’est pas toujours évident de s’accorder. La brune hausse les sourcils, un peu amusée tout de même, imaginant que la procureure a peut-être un coup dans le nez, ce qui expliquerait la teneur du texto. Elle hésite pas longtemps avant de lui répondre: après tout pourquoi pas ? Ca lui fera du bien de sortir, et ça fait une éternité qu’elle a pas mis les pieds au So What, ou dans un autre bar de ce genre. Elle est trop jeune pour passer toutes ses soirées chez elle devant la télé.

Elle prend un moment pour choisir sa tenue, tout en essayant de pas trop trainer non plus. Elle enfile rapidement un pantalon et un haut noirs qui lui semblent plutôt appropriés pour l’occasion, prend un peu de temps pour se maquiller avant de filer vers sa voiture. Le bar ne se situe pas tout près de chez elle et il lui faut un certain temps pour y arriver, plus encore pour trouver une place où se garer, mais heureusement elle a pas l’impression que le retard soit trop important. Elle a pas spécialement envie de se faire attendre.

Elle entre dans le bar et balaie les lieux du regard jusqu’à repérer la procureure, assise à une table. Cette dernière l’a vue aussi apparement, puisqu’elle se lève et la rejoint pour la saluer. Sorcha sourit, répondant spontanément à son accolade. « Bonsoir. » Elle s’assied sur le siège qui lui est désigné. « Evidemment que je suis venue. Tu en doutais ? » Elle emploi un ton taquin mais il y a quelque chose dans la manière de parler de la procureure qui l’interpelle un peu, une forme d’incertitude.

« Mais tu es là seule ? » qu’elle enchaine en jetant un regard aux alentours. Elle a bien l’impression que personne ne gravite autour d’elles, prêt à les rejoindre. En recevant le message, l’écossaise avait immédiatement pensé que Yaël était là accompagnée, au moins d’un ou deux amis. Elle a étrangement du mal à l’imaginer trainant seule dans ce genre d’endroit volontairement. Elle a pas l’air saoule non plus, comme Sorcha avait pu le supposer en lisant son texto. C’est un peu étrange c’est vrai, mais en fait l’infirmière y prête pas plus attention que ça. Elle est contente d’être sortie, elle aime déjà l’ambiance et plus encore pouvoir passer du temps avec quelqu’un qu’elle apprécie.

Elle retire machinalement sa veste et la place sur le dossier de son siège. « Tu viens souvent ici ? Je crois que ça fait une éternité que j’y avais pas mis les pieds ! »

@Sorcha Adair & @Yaël Saunders  

Alors qu’elle se glisse sur la banquette pour reprendre la place qu’elle occupait jusque-là, Yaël ne peut faire autrement que de se questionner sur le sens à donner à ses propos. Qu’est-ce que ça signifie « je n’étais pas sûre que tu viendrais » ? Quel est l’écho de cette phrase dans les pensées de Sorcha ? Si elle devait analyser la situation de l’extérieur, elle parlerait du doute qui se mêle à des attentes précises. La vérité n’est pas si éloignée que cela ; dès l’instant où Megan a suggéré à la sœur qu’elle devrait voir cette fille, l’envie de passer un moment en compagnie de Sorcha s’est fait ressentir chez Yaël. Sans doute est-ce en partie pour cela que la procureure ne s’est pas tellement débattue lorsque sa sœur s’est emparée de son téléphone pour mettre son nez dans des affaires qui ne la regardent pas. La réponse positive que Yaël a reçue a conforté cette dernière dans l’idée que cette envie de passer une soirée ensemble était partagée. Toutefois, le doute s’est invité près d’elle à ce même moment, pour ne partir qu’en voyant Sorcha rejoindre finalement le So What. Alors, si Yaël devait répondre en toute honnêteté, elle dirait que oui, elle en doutait. Elle se contente cependant de hausser brièvement les épaules pour ne pas avoir à mettre de mots sur ses ressentis, alors que déjà l’attention de Sorcha est focalisée sur autre chose : la situation de Yaël.

Les lèvres de la procureure se pincent un instant, alors qu’elle ne peut faire autrement que de se demander ce pour quoi elle passe, d’un point de vue extérieur. D’elle-même, elle n’aurait jamais osé inviter Sorcha de manière aussi imprévisible. Le fait qu’elle ne soit pas en compagnie d’autres personnes au bar rend la démarche d’autant plus suspecte. Pourtant, la procureure ne peut pas avouer que sa sœur est une nouvelle fois derrière cette manigance. Ce serait s’exposer au risque de blesser Sorcha et c’est bien la dernière chose qu’elle souhaite, d’autant qu’elle est véritablement heureuse à la perspective de partager cette soirée avec elle.

- Plus ou moins, répond-elle alors que le regard de l’infirmière se promène aux alentours.

Cette dernière ne verra personne les rejoindre dans les prochaines minutes. Seule Megan pourrait s’inviter à leur table, mais Yaël doute que ce soit dans ses plans. Elle a bien compris les intentions de sa sœur qui ne laissent place à aucune interrogation et il est ainsi peu probable qu’elle prenne le risque de s’immiscer vers ce qu’elle voit probablement comme un « pas en avant ». Et, si par malheur Megan s’invite auprès d’elle, rien de bon n’en ressortira. Son franc-parler s’illustrera ; Megan n’aura aucun doute à évoquer une intimité qui n’est pas la leur et la fin de soirée charmante qu’elles pourraient passer une fois leurs vêtements ôtés.

- En réalité, je suis ici avec ma sœur, finit-elle par préciser alors que son regard parcourt la pièce pour finalement s’arrêter sur la grande blonde qui rejoint le bar. Megan. C’est elle qui tient l’établissement, explique-t-elle en désignant d’un signe de tête son aînée, alors que son geste est intercepté par un serveur qui déjà s’élance à leur rencontre. Elle voulait marquer le coup, boire un verre pour mon anniversaire, alors je l’ai rejointe. Mais il est vrai qu’elle est bien occupée...

Son constat s’arrête ici alors que le serveur les salue pour prendre leurs commandes. Yaël porte à nouveau son choix sur le cocktail de la soirée, non sans lâcher un commentaire à ce sujet.

- Ce sera déjà mon troisième, n’hésite pas à me rattraper ! avoue-t-elle à sa nouvelle acolyte. Tu peux y aller les yeux fermés, les cocktails sont toujours délicieux.

Quelques secondes s’écoulent avant que la commande finale ne soit passée et que le salarié s’éloigne.

- Tu es déjà venue ici, donc ? s’enquiert-elle en reportant son attention sur la brune, un fin sourire restant présent sur ses lèvres.

@Sorcha Adair & @Yaël Saunders  

(outfit) ⋆ A peine assise, face à Yaël, Sorcha réalise qu’elle est contente d’être sortie de chez elle. C’est une des choses qu’elle a envie de faire, s’ouvrir plus au monde, apprendre de nouvelles choses, s’amuser et pas passer sa vie au travail. Après des mois, et même plus à s’enfoncer dans un puits sans fond, elle se sent enfin revivre et a pleinement envie de profiter de son célibat et de tout ce que cette liberté a à lui offrir. C’est la première fois depuis longtemps qu’elle a l’impression d’avoir du temps uniquement pour elle et la possibilité de réfléchir à son avenir sans devoir prendre en compte les désirs de quelqu’un d’autre. Elle avait pas réalisé à quel point ça peut être libérateur de n’avoir que soi comme première priorité. Elle se demande si c’est pareil pour Yaël. Depuis qu’elles se connaissent, Sorcha a pas tellement osé lui reposer des questions à propos de là où elles en sont, avec sa femme (ou son ex femme ?). Elle a habituellement pas peur d’aborder les sujets compliqués, mais depuis sa propre rupture avec Noah, elle est plus prudente pour ce genre de choses. Elle devine certains trucs, mais préfère laisser la procureure se confier si elle a besoin.

La réponse de cette dernière est plutôt évasive et l’infirmière se demande un instant si d’autres vont les rejoindre mais Yaël tarde pas à se montrer plus précise en mentionnant que sa soeur tient l’établissement. La brune jette un regard en direction du bar et aperçoit une grande blonde qu’elle avait déjà repérée en entrant. C’est alors que sa mémoire se réactive et qu’elle parvient à se souvenir. « Je me disais bien que je l’avais déjà vue quelque part. Elle était venue te voir à l’hôpital, c’est bien ça ? » Elle voit tellement de patients chaque jour et leurs proches qu’elle aurait eu bien du mal à s’en souvenir autrement, mais ça lui revient maintenant. Il faut dire que tout ce qu’il s’est passé après a fait que cet épisode l’a plutôt marquée. Mais la procureure a donné une autre information de taille et ça tombe pas dans l’oreille d’une sourde. « Attends c’est ton anniversaire ? Tu aurais dû me le dire, j’aurais prévu quelque chose ! » Comme un cadeau, ou un gâteau. Bon, peut-être qu’elle est un peu mal placée Sorcha, elle non plus avait pas fait grand cas de son propre anniversaire fin juin qui avait été relativement passé sous silence.

Sur les conseils de Yaël, elle se tourne vers le serveur et commande un bloody mary avant de se tourner de nouveau vers son acolyte de la soirée. « Oui, mais ça fait un moment. Ca m’avait manqué, j’adore cet endroit. Mais ne change pas de sujet, j’arrive pas à croire que c’est ton anniversaire ! » Elle se demande un instant pourquoi c’est elle que la procureure a invitée. Elle doit sans doute avoir des amis de longue date, plus proches d’elle que l’écossaise. Elle est flattée, et c’est vrai, un peu intriguée aussi.

« D’abord, joyeux anniversaire ! Ensuite, est-ce qu’il y a quelque chose de particulier que tu aimerais faire ? » Elle se sent tout à fait prête à jouer les bonnes fées pour exaucer les voeux d’anniversaire de Yaël. On lui apporte son cocktail dont elle sirote une gorgée à l’équilibre parfait. « C’est délicieux, j’en avais bien besoin ! » Elle se rappelle plus la dernière fois qu’elle est sortie comme ça, entre le déménagement et le travail. Faut vraiment qu’elle fasse ça plus souvent.

@Sorcha Adair & @Yaël Saunders  

(outfit) ⋄ L’étonnement passe brièvement dans les yeux de Yaël. L’infirmière se souvient-elle du visage de tous les patients qu’elle soigne en plus de ceux des familles qui viennent les voir ? La question est plus que permise maintenant que Sorcha remet Megan comme l’une des personnes venues la voir lors de son hospitalisation. Plus que prendre son travail à cœur, Sorcha démontre qu’elle fait preuve d’une implication de tous les instants et, en un sens, Yaël trouve cela aussi touchant que l’attitude – et la prévenance – qu’elle avait eu à son égard lorsqu’elle s’était retrouvée coincée aux urgences par une chaude journée d’été.

- C’est bien ça, confirme-t-elle en faisant suivre ses mots d’un geste de la tête. Je suis impressionnée que tu t’en souviennes.

Impressionnée et peut-être même un peu troublée. Que les deux cocktails qui parcourent son corps en soient la cause ou non, Yaël se surprend à croire qu’elle est une exception. Que l’infirmière ne se souvient pas réellement de tous les patients et leurs proches qu’elle croise, mais uniquement de ceux qui captivent suffisamment son attention pour la marquer encore plusieurs mois après. Le temps de quelques instants, ce sentiment d’unicité l’enveloppe et elle le laisse volontiers la porter. Elle n’accepte de sortir de cette bulle dans laquelle elle s’engouffre sans réfléchir que lorsque l’un des salariés de Megan vient prendre leur commande, remettant à plus tard la réponse requise sur son anniversaire. Quand bien même Sorcha l’aurait su, Yaël n’aurait rien attendue de sa part. Elle n’est pas tellement matérialiste, la procureure, et préfère sans aucun doute une soirée en bonne compagnie avec des personnes sincères qu’un cadeau entouré d’un magnifique ruban qui n’est là que pour cacher des bavures et des mensonges.

- C’était mardi, en réalité, finit-elle par répondre au sujet de son anniversaire, alors que leur commande est passée.

Un léger sourire étire ses lèvres en apprenant que le So What est un établissement plébiscité par sa nouvelle amie. Seulement, Sorcha ne semble pas vouloir s'appesantir sur ce "détail" et préfère plutôt rebondir sur l'anniversaire de la quarantenaire, lui demandant déjà ce qu'elle aimerait faire pour l'occasion. Dans le même temps, Megan se rapproche de leur table pour leur servir leurs boissons, alors que Yaël réfléchit à la question. Mais alors qu'elle s'apprête à répondre, juste après que Sorcha ait complimenté le cocktail, Yaël se fait devancer. Ou, plutôt, elle se retrouve au cœur d'une scène de théâtre de très mauvais goût.

Sans aucun filtre, ni savoir-être, Megan s’immisce dans cette discussion et répond à la place de sa sœur. La grossièreté dont elle fait preuve est aussi dérangeante que la suite des propos qu’elle tient. Il n’en faut d’ailleurs pas davantage pour que le visage de la procureure devienne blême alors que son regard se durcit. Sa sœur vient-elle réellement de dire à Sorcha qu’elle voulait « baiser » avec elle et de la défier de parvenir à lui offrir un orgasme ? Les yeux de Yaël ne papillonnent qu’un temps, alors que déjà sa mâchoire se serre.

- De qui est-ce que tu te…

Mais alors que Yaël commence à répondre à sa sœur, prête à lui signifier de rester à sa place et que son comportement est pour le moins inacceptable, Megan reste fidèle à elle-même en les saluant et en s’éloignant du capharnaüm qu’elle vient de créer. La suivre ne servirait à rien ; Yaël ne ferait que s’exposer au risque que tout le bar entendent des propos du même acabit sortir de la bouche de sa sœur et la concernant. Un soupir passe donc ses lèvres, alors que c’est la gêne qui s’illustre dans son regard lorsqu’elle le relève sur l’infirmière.

- Je suis navrée… s’exprime-t-elle en glissant ses mains de chaque côté de son verre. Ma sœur n’a aucun filtre et je crois que rien ne lui ferait plus plaisir que de savoir que je passe enfin à autre chose, explique-t-elle en faisait bien évidemment référence à son mariage mis à l’arrêt depuis le début de l’année. Je ne pensais pas qu'elle... Je n'ai strictement rien à voir avec cette intervention préfère-t-elle préciser alors qu'elle a du mal à trouver ses mots. Je suis sincèrement désolée et terriblement mal à l’aise, finit-elle par admettre alors que ses joues s'empourprent en repensant aux mots de sa sœur.

@Sorcha Adair & @Yaël Saunders  

(outfit) ⋆ Elle sourit Sorcha, même si elle craint de ne pas pouvoir accepter l’admiration de Yaël pour le coup. « C’est gentil, mais il ne faut pas, je suis loin de me rappeler de tous les patients. Toi c’est différent, on s’est revues après, alors forcément ça m’a plus marquée. » Pas que en fait, elle sait pas pourquoi, la procureure s’était à ce moment là imprimée dans sa mémoire plus que d’autres. Peut-être à cause de son métier, de ce qu’elle lui a confié au sujet de son mariage, du fait qu’elle connaissait Ugo et Nelly… forcément, ça fait beaucoup de choses, la plupart des patients qu’elle croise, elle a aucun lien de ce genre avec.

Elle se demande si Yaël a prévu autre chose pour son anniversaire, si elle a quand même fêté ça mardi ou si cette soirée représente l’étendue des festivités. Elle acquiesce, note la date mentalement, mais ose pas tellement poser de questions. Parce que cette femme a une épouse, une vie de famille qui n’est peut-être pas au beau-fixe, et elle ne sait que trop bien que ce genre de célébration, ça peut être compliqué quand tout ne va pas bien. Ca rappelle juste la solitude, en fait. Elle préfère se concentrer sur ce qu’elle pourrait faire pour la procureure, ça lui semble moins risqué. Enfin, ça lui semblait, parce qu’une intervention vient la détromper. Elle reconnait évidement la soeur de Yaël, venue lui apporter sa commande. La brune a même pas le temps de la remercier, encore moins de la complimenter sur son bar parce que la propriétaire des lieux répond directement à sa question, et d’une manière plutôt surprenante. Une chance que Sorcha ait pas été en train de boire à ce moment précis, elle se serait probablement étouffée. En fait elle sait pas ce qui la choque le plus: le contenu des propos ou le franc-parler de cette femme. Elle écarquille les yeux, complètement sonnée et incapable de répondre. Le temps qu’elle retrouve l’usage de la parole, la soeur de Yaël a déjà tourné les talons.

Y a pas qu’elle apparemment qui soit sous le choc, la procureure semble être dans ses petits souliers. La surprise passée, l’écossaise laisse échapper un petit rire nerveux. Alors ça, c’est bien la première fois que ça lui arrive. Mais surtout elle s’empresse de rassurer Yaël, visiblement affreusement confuse. « T’inquiète pas, c’est pas grave. Elle mâche pas ses mots ta soeur. » C’est même le moins qu’on puisse dire. Et soudain, un souvenir lui revient en mémoire. « Dis, c’est pas elle qui t’avait inscrite à la St Valentin par hasard ? » Après tout la procureure avait bien parlé d’une personne de son entourage, et étant donné l’intervention de sa soeur, Sorcha peut vraisemblablement supposer que c’est elle.

L’infirmière se demande si c’est vrai d’un coup, ce que cette femme a pu dire. Que Yaël l’ait invité uniquement pour tirer son coup, elle en doute fortement, ça lui ressemble vraiment pas. Mais est-ce qu’elle serait quand même intéressée ? La brune a toujours refusé d’y penser jusque là, parce que lors de leur rencard en février dernier elle avait parlé de sa femme, de leurs difficultés et semblait vraiment pas prête à chercher ailleurs, même pour s’amuser. L’écossaise a respecté ça et c’est bien pour cette raison qu’elle s’est pas posée plus de questions. Mais elle peut pas dire que ça lui aurait pas traversé l’esprit, ce serait complètement faux. Yaël est une très belle femme, évidemment, autant à l’extérieur qu’à l’intérieur et si le timing n’avait pas été aussi mauvais, peut-être que…

Elle hésite à aborder le sujet, en temps normal elle en aurait probablement fait une plaisanterie sur le sujet. Seulement, le terrain lui semble minée, et Yaël a l’air franchement gênée, alors Sorcha préfère éviter de l’embarrasser encore plus. Bizarrement, aborder un sujet plus sérieux lui semble moins risqué, peut-être parce que l’endroit où elles sont leur permet de boire et faire passer les confessions, qui sait. « Les choses ne vont pas mieux avec ta femme ? » Son expression ne peut que refléter l’empathie qu’elle éprouve. Pour être passée par là, elle ne sait que trop bien à quel point c’est difficile. Et encore, elle et Noah n’ont pas eu d’enfants… même s’ils ont bien failli. « T’es pas obligée de répondre si t’as pas envie, c’est ton anniversaire après tout, on peut parler de choses plus joyeuses. »

@Sorcha Adair & @Yaël Saunders  

(outfit) ⋄ Un monde entier sépare Yaël de sa sœur. Elles sont des opposées sur un nombre incalculable de sujet et, en premier lieu, celui des relations intimes. Là où Megan n’a aucune difficulté à parler de ses aventures - voire même de donner son avis sur celles des autres ! - Yaël préfère que tout ce qui touche à son intimité reste son jardin secret. Son plus grand fils et sa sœur pensent que cela fait d’elle quelqu’un de prude ; elle, en revanche, croit qu’il ne s’agit que d’une forme de respect envers elle-même et ceux qui ont pu partager ses draps. Elle ne comprend pas ce qui motive certaines personnes à se vanter de leurs conquêtes auprès d’autres qui ne sont aucunement concernées par cela. Elle intègre encore moins comment il est possible de s’immiscer dans les affaires des autres comme Megan vient de le faire. Naturellement, c’est le malaise le plus complet qui s’empare de Yaël face à l’intervention de la barmaid. Une gêne qui a bien dû mal à se dissiper, malgré ses excuses et la compréhension dont Sorcha fait preuve.

- C’est le moins que nous puissions dire…

Elle n’aurait pas fait preuve d’autant de retenue s’il lui avait été demandé de qualifier le comportement de Megan. Yaël n’aurait pas uniquement souligné qu’elle ne mâche pas ses mots mais l’aurait sans doute accablé de tout de temps dépasser les limites et de flirter avec tout ce qui n’est pas communément admis. Cela a longtemps été un sujet de discorde entre elles et donne, aujourd’hui encore, naissance à certaines frictions. Nul doute qu’elles reparleront de cet épisode dans les jours à venir et que la procureure prendra le temps d’expliquer à son aînée l’impolitesse de son intervention. Cette fois-ci, Megan est allée plus loin que d’ordinaire ; elle ne s’est pas contentée d’agir dans le dos de sa sœur comme elle l’a fait en l’inscrivant à la soirée de Saint Valentin ou en lui piquant son téléphone pour écrire des messages en ses lieu et place. Elle s’est octroyée des pouvoirs bien plus grands que ceux qu’elle n’aura jamais en répondant sur les souhaits fantasques qu’auraient Yaël. Mais tout ceci ne ressort que de la simple imagination de la barmaid et voilà désormais qu’il revient à la procureure de se dépêtrer de cette situation. Les liens sont rapidement faits du côté de Sorcha qui, déjà, identifie ce membre de la famille de Yaël comme celui susceptible de l’avoir inscrite à la Saint Valentin.

- En plein dans le mille. Rien ne l’arrête, admet-elle.

En comprenant le phénomène Megan, cela semble peut-être moins étrange de savoir que Yaël ne s’est pas retrouvée au magasin de glaces de son plein gré. L’aînée des Saunders est imprévisible et rien, strictement rien, ne l’arrête lorsqu’elle a une idée en tête. C’est d’ailleurs pour cela que la procureure se doit désormais de redoubler de vigilance. Cette intervention ne sera sans doute pas la seule de la blonde au cours de la soirée ; il ne tient donc qu’à Yaël de prévenir la prochaine et de s’interposer avant que du mal ne soit réellement fait. Elle ne souhaiterait pas que les interventions mal venues de sa sœur gâche les moments qu’elle partage avec l’infirmière et qui, elle doit le reconnaître, lui font réellement du bien. D’ordinaire, à tout le moins, les deux femmes partagent leurs expériences, parlent de leur passion ou de ce qu’elles aimeraient essayer, tout en se découvrant des valeurs communes. Le plus souvent les sujets fâcheux sont occultés. Pas comme ce soir, alors que Sorcha semble enfin oser aborder l’un des sujets les plus délicats pour Yaël : son mariage.

Si l’infirmière précise, presque dans la foulée, que son interlocutrice n’est pas obligée de lui répondre, cette dernière ne voit pas les choses sous cet angle. Elle a suffisamment confiance en Sorcha pour se sentir à même d’évoquer ce sujet, bien qu’il soit toujours douloureux. Elle s’octroie alors quelques secondes, hausse les épaules puis boit une gorgée de son cocktail, avant de reposer à plat ses mains sur la table. Son regard parcourt un instant son annulaire gauche libre de toute bague, avant qu’elle ne reporte son attention sur la brune face à elle.

- Non, les choses ne vont pas mieux. Et je ne pense pas qu’elles iront en s’arrangeant. Je crois que notre mariage est définitivement terminé.

A-t-elle seulement dit ces mots à haute voix par le passé ? Certainement pas sans pleurer comme elle le fait tout de suite. Pourtant, les larmes sont loin. Sans savoir si cette force soudaine lui provient de l’alcool, des soirées nombreuses passées avec Megan à discuter et à oublier leur problème, ou simplement au temps qui passe et qui répare les blessures, Yaël constate qu’elle est capable d’en discuter avec Sorcha.

- Cela fait désormais deux ans que nous marchons sur des œufs et que notre mécanique n’est plus celle d’avant. Je ne suis pas du genre à abandonner facilement mais je crois qu’au bout d’un moment il faut accepter le fait que tout ne peut pas toujours être réparé et s'autoriser à aller de l'avant, explique-t-elle en parvenant à garder son calme.

@Sorcha Adair & @Yaël Saunders  

(outfit) ⋆ Rarement elle a fait face à autant de franc-parler et les mots de la soeur de Yaël ne seront pas oubliés de sitôt, c’est certain. Sorcha sait pas vraiment si elle est gênée ou amusée. Sans doute un mélange des deux alors qu’elle est prise d’un petit rire nerveux qu’elle tente tant bien que mal d’étouffer. « Excuse-moi. » Que cette qui les a interrompues soit responsable de leur rendez-vous de St Valentin ne l’étonne plus vraiment. A la place de la procureure, elle aurait été furieuse qu’on se mêle ainsi de sa vie sentimentale. C’est atrocement intrusif et pourtant sur ce coup-là, l’écossaise se dit qu’elle devrait peut-être la remercier. Après tout, ça lui a permis de faire la rencontre de Yaël, non ? « Je suis sûre qu’elle s’entendrait à merveille avec ma soeur. » Ailis a aussi cette tendance à ne pas mâcher ses mots, quitte à embarrasser les gens autour d’elle. Mais elle est aussi clairement moins équilibrée, l’aînée des Saunders semble au moins avoir des racines quelque part, une activité stable à laquelle elle se consacre et elle n’est pas partie à des milliers de kilomètres de sa seule famille… enfin.

Elle se souvient pas si elle a déjà évoqué sa famille devant Yaël. Sans doute que non. Ca la dérange pas tellement d’en parler, d’ordinaire elle le fait quand on lui pose des questions sur ses parents, mais elles ont jusque là surtout parlé de choses légères, de leur quotidien. Peut-être parce que la manière dont elles se sont rencontrées était si particulière… Elle sait pas ce qui la pousse à cette fois-ci aborder un sujet plus sensible mais avec une pareille intervention, elle a pas envie d’ignorer ça plus longtemps, surtout qu’elle se doute que trop bien à quel point ça doit être douloureux. Elle l’écoute, et ce qu’elle pressentait suite aux paroles de la soeur de la procureure est confirmé. Son mariage semble être terminé et Sorcha ne voit rien qu’elle pourrait dire qui arrangerait la situation. Elle avait détesté tout les « Tu es sûre ? Il y a peut-être encore de l’espoir ! » ou encore l’histoire des poissons dans l’océan. Rien de tout ça n’aidait. C’était une situation merdique, dont elle voyait pas comment se sortir à l’époque, comment s’en remettre.

« Je suis si désolée. » Elle voudrait dire qu’elle sait à quel point c’est dur, mais elle sait pas en fait. Les deux femmes étaient visiblement mariées depuis bien longtemps, avec des enfants. Ce doit être pire encore que ce qu’elle a vécu, du moins elle imagine. A la place, elle avance sa main pour la poser sur celle de Yaël, en un geste qu’elle espère réconfortant. « Parfois c’est impossible de revenir en arrière. Et ce n’est pas souhaitable non plus. » Au début, elle croyait que ce serait possible avec Noah, elle espérait même qu’il changerait d’avis, qu’ils pourraient réparer, recoller les morceaux et reprendre le cours de leur histoire. Maintenant, elle sait que ça aurait été une très mauvaise idée. Après ce qu’il a fait, il n’y avait plus de retour possible et encore aujourd’hui, même si elle a mis tout ça derrière elle et qu’elle se sent capable de le revoir de manière apaisée, elle est pas certaine qu’elle pourra totalement lui pardonner un jour.

Mais là, c’est Yaël et Yaël seule qui l’intéresse. Elle se souvient encore à quel point elle était dévastée quand c’est arrivé, alors que tout son monde s’était écroulé. C’est là qu’elle réalise qu’elle veut pas juste d’une relation superficielle avec cette femme où on ne parle que de sujets légers et distrayants. « Comment tu te sens ? » Parce que demander si ça va, ce serait idiot, absurde. Evidemment que ça ne doit pas aller. Elle a l’air forte pourtant, parlant déjà d’aller de l’avant. Peut-être qu’elle y croit déjà, peut-être pas encore, mais rien que le dire ça peut déjà faire une différence. C’est vrai, la brune peut pas lire dans les pensées ou les émotions de la procureure, mais elle a en tout cas l’air bien plus solide que Sorcha avait pu l’être. Elle aurait été bien incapable après la rupture de sortir prendre un verre, encore moins d’évoquer Noah sans s’effondrer complètement.

« Ca va peut-être paraitre bête ce que je vais dire… mais ça finit par aller mieux. Il faut du temps, parfois beaucoup mais… ça ira mieux. » Elle sait pas si elle fait bien de dire ça, parce qu’à une certaine époque elle y croyait pas du tout. Elle voyait pas comment elle pourrait sortir de ce tunnel, et puis elle a fini par en voir le bout, tôt ou tard. La douleur était devenue moins pénible à supporter et elle avait commencer à entrapercevoir un avenir sans Noah.

@Sorcha Adair & @Yaël Saunders  

(outfit) ⋄ Une histoire d’amour de dix-sept ans ne s’oublie pas en un battement de cils. Moins encore lorsque cette histoire s’est accompagnée des plus grands bonheurs d’une vie : un mariage et une famille. Si Yaël essaie de prendre de la distance face à la situation, pour ne pas laisser son cœur se faire grignoter par la douleur, elle ne peut pas encore prétendre être guérie. En réalité, elle ne sait pas si elle le sera un jour. La perspective que ses sentiments pour Daphne finissent par disparaître totalement lui semble grossière et demeure tellement douloureuse qu’elle préfère ne pas y penser. Peut-être retourne-t-elle dans ses travers à masquer une partie de ce qu’elle ressent, mais la procureure est ainsi faite et, pour tout dire, il n’y a que de cette façon qu’elle est parvenue à trouver une mécanique à peu près huilée. Il y a tout de même lieu de remarquer que la quarantenaire a évolué sur le sujet : là où il lui était impossible d’évoquer à haute voix l’échec de son mariage, elle parvient désormais à faire preuve de rationalité et arrive à en parler succinctement. Sans pouvoir se livrer à une introspection plus poussée, au risque de faire resurgir ce qu’elle ressent et de mettre à mal des mois de travail, Yaël parvient à tout le moins à adopter un discours positif. Accepter que tout ne peut pas toujours être réparé et s’autoriser à aller de l’avant. N’est-ce pas précisément ce qu’elle fait ce soir, en compagnie de Sorcha ? Si leurs rencontres étaient auparavant amicales et dénuées de toute ambiguïté, il lui semble que l’intervention de Megan vient de changer la donne. Malgré l'effet de surprise et la gêne qui s'est momentanément instaurée, aucune d'entre elles n'a réfuté l'idée. Il n'y a pas eu d'objection formelle ou de rejet instinctif. Non, c'est même plutôt l'effet inverse qui se produit. Pour la première fois depuis des mois, elles s'autorisent à aborder des sujets plus personnels, plus profonds, comme si elles décidaient enfin d'offrir une nouvelle perspective au lien qui les unit.

Entre quelques gorgées de son cocktail, Yaël fait preuve de la force de caractère qui est la sienne pour exposer l'état de son mariage. Ses explications ne laissent plus aucun doute quant à la fin de celui-ci et les réactions de Sorcha ont l'effet d'un baume réparateur. Elle n'en fait pas trop, ni pas assez. Elle trouve le savant équilibre qui empêche Yaël de sombrer dans la tristesse qui la guette toujours de loin et n'appelle aucune colère qui surviendrait de ces phrases toutes faites qu'un cœur en peine n'a pas envie d'entendre. En réalité, l'intervention de Sorcha est douce, réconfortante. À l'image d'une glace à la pêche de vigne, en somme.

- Je sais que tu as raison et que le temps est toujours un allié précieux, répond-elle en baissant les yeux sur la main de Sorcha qui vient de venir à la rencontre de la sienne.

Le temps a cette faculté de rendre des blessures moins profondes, moins douloureuses. Yaël le sait pour avoir déjà eu le cœur brisé par le passé, mais aussi en raison des étapes moins réjouissantes de sa vie où seul le temps lui a permis de panser certaines plaies. Elle a conscience que le temps a été son meilleur ami dans sa relation avec Elijah, son fils aîné, initialement beau-fils avec lequel elle entretenait une relation tumultueuse avant que le temps ne les fasse s'apprivoiser puis qu'elle ne l'adopte. Elle sait que le temps l'aidera cette fois encore. L'entendre a cependant quelque chose d'apaisant et c'est ce qui motive Yaël à tourner légèrement sa main pour se saisir totalement de celle de Sorcha et la serrer dans la sienne.

Comment se sent-elle ? C'est la question que l'infirmière lui a posée et à laquelle Yaël n'a qu'une seule réponse : normale. En effet, une sensation de normalité se saisit d'elle en l'instant présent, même face au contact physique qu'elles viennent d'instaurer. Il lui semble également normal de parler de sa relation avec Daphne à Sorcha, tout comme il lui semble normal que la soirée ait pris ce tournant. Alors qu'elle relève son regard vers celui de la femme qui lui fait face, Yaël finit par répondre à son interrogation.

- Je crois que ça me fait du bien de t'en avoir parlé. De t'avoir à mes côtés, de manière générale, admet-elle. Par contre, je n'ai pas envie de passer ma soirée avec toi à parler de Daphne. J'ai aussi envie que tu passes un bon moment.

L'hésitation de Yaël est palpable, mais elle ne dure qu'un instant. Les quelques verres qu'elle a d'avance l'aident sans aucun doute à se laisser dicter par ses envies.

- Est-ce que tu veux danser ? finit-elle par lui proposer, soudainement plus assurée et sans la quitter du regard.

@Sorcha Adair & @Yaël Saunders  

(outfit) ⋆ Elle aimerait avoir mieux à dire, Sorcha. En fait, elle a l’impression que d’elles deux, c’est vraiment Yaël la plus forte. A ce stade, l’écossaise était incapable de sortir de chez elle à part pour travailler, se morfondait complètement, et ne serait certainement pas sortie boire un verre quelque part. Quant à évoquer Noah sans fondre en larme, autant ne pas y penser. Il lui avait fallu des mois et des mois pour admettre ce que la procureure vient de formuler devant elle: qu’il y a des choses qu’on peut pas réparer. Et la brune l’admire pour ça, vraiment beaucoup, surtout qu’on est à une échelle différente: elle sait pas combien de temps a duré leur mariage, mais elle sait que c’était de longues années d’union. Il y a des enfants dans toute cette histoire. Peut-être d’ailleurs que c’est ça qui force à pas s’effondrer, elle peut pas savoir. Un jour, elle saura, elle espère. Elle acquiesce d’un signe de tête, sirote son cocktail au même rythme de Yaël, parce que malheureusement elle a pas de conseil miracle à donner sur la question. A part que le temps aide et c’est tout. La thérapie l’a aidée aussi, mais elle se voit mal le lui suggérer, elle sent que c’est pas le moment et que c’est pas sa place. Chacune suit son chemin sur la question et y a pas de remède universelle pour ce genre de blessure. Elle est quand même contente que la procureure lui en ait parlé, elle a l’impression qu’une porte s’est ouverte entre elles et elle se rend compte que c’est apaisant en fait.

Instinctivement, elle resserre elle aussi la pression de ses doigts autour de la main de Yaël et soudain elle a l’impression qu’elles partagent vraiment quelque chose. Ca fait du bien, ça fait se sentir moins seule. Et il lui semble que pour la femme en face d’elle, c’est un peu pareil, d’ailleurs cette dernière le lui confirme par ses mots et un doux sourire s’esquisse sur les lèvres de Sorcha. Elle veut lui répondre qu’elle a besoin de rien de particulier pour passer un bon moment. Que Yaël peut bien s’épancher si elle le veut, pleurer, ça la dérange pas. C’est son anniversaire après tout, son jour, elle peut bien agir comme bon lui semble.

Puis, elle comprend que les choses prennent une autre tournure. Sorcha, elle a toujours aimé flirter. Puis elle a rencontré Noah, ne voyait plus que lui. Puis son mariage a été avorté, et elle ne voyait plus personne. Maintenant, les choses ont changé, elle se retrouve, a envie de légèreté. Il est évident que la surprenante intervention de la soeur de Yaël a verbalisé quelque chose et mis entre elles un autre enjeu. Mais clairement, jamais il lui serait venu à l’idée de flirter avec une femme en train de vivre une séparation difficile. Sauf que là, c’est bien Yaël qui initie les choses, une invitation à laquelle l’écossaise ne se fait guère prier pour répondre. Après tout, c’est son anniversaire, alors ses désirs sont des ordres.

Le sourire de Sorcha s’élargit tandis que son regard reflète une lueur amusée, un peu joueuse. « J'adorerais. » Elle non plus ne la quitte pas du regard, tout comme elle ne quitte pas sa main. Elle se lève, laissant son verre déjà à moitié entamé et entraine la procureure avec elle sur la piste de danse. Bizarrement ça lui semble comme naturel. Yaël est une très belle femme, et c’est évident qu’elle y a déjà pensé même si elle a jamais envisagé la chose clairement, parce que ça semblait tout simplement pas être là où elles se dirigeaient. Mais il y a eu les particularités de leur rencontre, puis les mots de Megan qui ont, on peut le dire, ravivé quelques étincelles déjà présentes sans avoir dit leur nom.

Mais tout ça, c’est une danse, un moment. Elle réfléchit pas à la suite, se prend pas la tête avec des détails. Ce qu’elle veut c’est ce moment de légèreté, à la fois pour elle et Yaël. Danser au rythme de la musique, sans la lâcher du regard, profiter de l’excitation provoquée par l’instant présent, la surprise et la nouveauté.

Elle peut pas s’empêcher un instant de penser, amusée, à la soeur aînée de la procureure qui ne doit pas louper une miette du spectacle depuis le bar, sans doute en se réjouissant d’avoir réussi son coup. Mais la pensée ne dure qu’un instant, parce que c’est sur Yaël que son esprit est fixé. Joueuse, elle la fait tourner avant de la rapprocher d’elle, tout en se mouvant au rythme de la musique. « Tu passes un bon anniversaire quand même ? »

@Sorcha Adair & @Yaël Saunders  

(outfit) ⋄ Lâcher prise, être moins dans le contrôle, se laisser porter. Ce sont autant de conseils que Yaël reçoit de la part des médecins qui la suivent depuis qu’elle a déclaré un problème de santé, en début d’année, mettant en lumière le fait qu’elle tire dangereusement sur la corde sans jamais s’écouter. Il n’est pas facile de mettre en application les conseils reçus, moins encore quand certaines habitudes sont tellement ancrées chez une personne qu’elles en façonnent sa personnalité. Pourtant, à force de travail, Yaël parvient petit à petit à les appliquer et cette soirée en est l’exemple parfait. Quelques semaines plus tôt, elle n’aurait jamais osé regarder l’infirmière dans les yeux, pas plus qu’elle ne l’aurait invitée à danser, après l’intervention non-équivoque de Megan. Néanmoins, ce soir, les choses sont différentes. Sans doute parce qu’il s’agit de Sorcha et de sa gentillesse, mais également parce que Yaël est en phase avec l’idée d’aller de l’avant. C’est donc avec une volonté féroce qu’elle abandonne les souvenirs tristes et la perspective de s’enfermer dans son malheur pour projeter, pour la première fois depuis extrêmement longtemps, la perspective que quelque chose d’autre s’offre à elle. Quelque chose de nouveau. Quelque chose de bien. Et ce sont bien les sourires de Sorcha qui la portent vers ce renouveau alors qu'elle se laisse embarquer sur la piste de danse, le cœur battant.

Depuis combien de temps ne s'est-elle pas sentie aussi libre ? Son corps tout entier se laisse emporter par la musique, chaque note résonnant comme une promesse d'atteindre ce nouveau départ auquel elle aspire. La danse devient son refuge et ce moment privilégie qu'elle partage avec Sorcha efface peu à peu ses douleurs. En sa compagnie, Yaël se libère alors qu'un sourire éclatant illumine son visage. À chaque fois que ses yeux s'arrêtent dans ceux de la brune, Yaël réalise à quel point il est bon de se laisser entraîner dans le tourbillon de joie et de liberté que Sorcha lui offre. Sans savoir s'il s'agit de la magie qui opère, il est certain qu'une chose se passe au plus profond de son cœur : elle accepte l'idée qu'elle puisse être à la fois forte et vulnérable, mais prend surtout conscience que la vie continue de vibrer en elle. Yaël est enfin prête à accueillir de nouvelles aventures.

Durant plusieurs minutes, seul l’instant présent compte. Les regards de Sorcha et Yaël ne se quittent à aucun moment, sauf lorsque la première prend l’initiative de faire tourner la seconde. Toujours heureuse du moment qu’elle vit, il faut plusieurs secondes à Yaël pour comprendre que l’infirmière en a profité pour se rapprocher d’elle, sans jamais s’arrêter de danser. Il lui faut encore un temps supplémentaire pour assembler ses idées et répondre succinctement à la question qui lui est posée.

- Oui, c'est parfait, murmure-t-elle alors que l'une de ses mains vient trouver place sur la hanche de la brune.

Ses pensées sont déjà loin. Une révélation frappe Yaël : Sorcha est belle et Sorcha lui fait du bien. Est-ce par hasard que leurs noms ont été associés lors de la soirée de la Saint-Valentin ? Le fil conducteur des pensées de Yaël se déroule bien trop vite pour qu’elle ne puisse s’interdire de l’orienter vers ce terrain-là. Les regards que Sorcha lui lancent, ce contact physique qu’elles recherchent, cette proximité qui est désormais la leur, sont autant de signaux que Yaël croit reconnaitre comme une fenêtre de possibilités. Pourtant, elle n'a plus fait cela depuis des années ; elle se sent rouillée, Yaël, et n'est même pas sûre de croire qu'elle est encore capable de séduire quelqu'un.

Elle doit arrêter de réfléchir. Se focaliser à nouveau sur l'instant présent. Se laisser porter. S'écouter. Yaël s'imprègne donc des signaux qu'elle croit percevoir et se rapproche encore davantage de la brune, jusqu'à rompre toute distance avec elle. Une fois encore, la normalité semble s'inviter entre elles, alors que leurs regards restent accrochés et évoquent sur une même volonté. Mélange d'excitation et de nervosité, le cœur de Yaël bat à tout rompre alors qu'elle sent le souffle chaud de Sorcha contre son visage. Dans ce moment suspendu, le monde autour d'elles s'efface et, dans ce qu'elle perçoit comme une invitation muette, les lèvres de Yaël viennent avec délicatesse rencontrer celles de Sorcha.