What game do you play

Ally & Elio

Le pinceau glisse sur la toile avec facilité. Le mouvement est fluide, animé par une parfaite maitrise. L’image qu’Elio a en tête est nette et précise. Il n’est pas difficile de l’extérioriser, de lui donner vie. La peinture est son meilleur exutoire, son moyen d’expression le plus précieux. Plus rien ne compte lorsqu’il peint. Le monde extérieur n’existe plus. Niko n’est plus là pour lui taper sur les nerfs. Il ne ressent plus la pression familiale qui pèse sur ses épaules. Lorsque le fils Montgomery détient un pinceau entre ses doigts, c’est un sentiment de liberté unique qui l’envahit. La peinture l’a sauvé, quand il était au plus mal, peu après son accident qui aurait pu lui être fatal. Il l’a été, mais pas pour lui. Depuis, cette activité occupe une place importante dans sa vie. Il n’existe pas une journée sans qu’il ne peigne ou dessine brièvement quelque chose dans son carnet. Même s’il ne s’agit que de brèves esquisses.

Debout dans son atelier, dans l’une des nombreuses pièces de son immense villa, Elio ne réfléchit pas. Il ne pense pas. Il agit de manière automatique et laisse son pinceau courir sur sa toile pour retranscrire l’image qui focalise son esprit en cet instant. Le tableau est sombre, une lune se reflète sur une grande étendue d’eau. Sa combinaison blanche d’origine ne l’est plus réellement tant des traces de peinture sont venues s’étaler dessus au fur et à mesure du temps. Tout comme elles sont présentes également sur ses doigts. Aussi maniaque qu’il puisse être, ce sont bien les seules tâches qu’il tolère. Il se doit de laisser son art s’exprimer, qu’importe s’il est salissant.

Quinze heures trente. La musique comble le silence de son atelier et couvre le bruit du pinceau sur la toile. Elle n’est pas très forte, à peine s’agit-il d’un fond sonore. Elio est dans sa bulle, satisfait d’être seul chez lui sans que personne ne vienne le déranger dans sa créativité. Du moins, jusqu’à ce que la sonnette de sa porte d’entrée ne retentisse. Qui ose venir le perturber ? Retenant difficilement un soupir, il laisse couler. Qui que ce soit, ce n’est pas le moment pour une visite. Pourtant, le trentenaire est bel et bien obligé de revoir l’ordre de ses priorités face à l’insistance de son visiteur inopiné. Soupirant un instant, il s’écarte de son tableau inachevé et pose pinceau et palette sur une table à proximité. C’est en roulant des yeux et en trainant les pieds qu’il quitte son atelier, traverse plusieurs couloirs pour enfin rejoindre la porte d’entrée. Elio n’est pas bien apprêté pour recevoir qui que ce soit. Sa combinaison et ses mains sont tâchées de peinture, sans doute en a-t-il une petite trace sur la joue également et ses cheveux sont attachés pour éviter qu’ils ne viennent empiéter sur sa vision. Mais qu’importe. Lorsqu’il ouvre la porte, prêt à envoyer balader le moindre démarcheur ou voisin impromptu, sa volonté de faire fuir la personne s’évanouit. Ally. S’il y a bien des personnes dans ce monde qu’il ne chasserait jamais, ce sont bien les Hurley. La surprise s’affiche brièvement sur son visage avant qu’un petit sourire ne vienne la remplacer. « Bonjour, Mademoiselle Hurley. » Le ton est faussement pompeux alors que c’est l’amusement qui prédomine en réalité. « Que me vaut l’honneur de cette visite ? » A ces mots, il ouvre davantage la porte pour l’inviter à entrer. « Tu aurais dû me prévenir de ta venue, histoire que je m’arrange un peu mieux que ça. » Lance-t-il en désignant brièvement sa tenue qui n’est absolument pas digne de recevoir qui que ce soit.

What game do you play

Ally & Elio

C’est toujours un plaisir d’accueillir Ally chez lui. La jeune femme est pétillante, sa bonne humeur est communicative et ses réflexions ne manquent jamais de spontanéité et d’audace. C’est ce qui lui plait tant, chez elle. La jeune Hurley détient cette faculté d’énoncer tout ce qui lui passe par la tête sans jamais se retenir. Un trait de caractère qui lui rappelle Maeva, d’ailleurs, elle non plus ne mâchait pas ses mots. Il en faut, du caractère, pour évoluer dans le monde d’Elio sans y laisser des plumes. Ally fait partie de ce cercle de personnes, plutôt restreint, avec qui l’artiste peintre apprécie passer son temps. Loin de cet univers qui l’a vu grandir, où tout est calculé dans les moindres détails pour le bien de l’image, c’est rafraichissant et hautement appréciable de pouvoir enfin laisser le naturel agir, et laisser tomber cette pression constante qui pèse sur ses épaules d’héritier aisé.

Même si Elio n’apprécie pas particulièrement d’être dérangé en pleine séance artistique, la venue de son amie est plutôt la bienvenue. Passer du temps avec elle est toujours divertissant. D’autant qu’une nouvelle sorte de jeu s’est immiscé entre eux au fil du temps. Le genre plutôt plaisant. Parce que c’est bien connu, flirter avec l’interdit a quelque chose de vivifiant. Matthew n’apprécierait sans doute pas leur façon de se comporter l’un avec l’autre dans son dos, mais ce qu’il ignore ne peut pas lui faire du tort. Lui aussi cache beaucoup de choses, après tout. C’est avec un sourire qu’il accueille son amie et qu’il s’écarte du passage pour la laisser entrer. « J’ai toujours besoin de ta super compagnie, tu es le soleil qui illumine ma vie. » L’exagération est à peine voilée mais elle sort naturellement. Ce qui, en soi, n’est pas totalement faux. La fratrie Hurley est réellement devenue nécessaire à son existence. Elio n’imagine pas son monde sans qu’ils ne gravitent tous les deux autour de lui.

Le sac qu’elle lâche par terre ne lui échappe pas mais il n’a pas le temps de s’en préoccuper davantage que les mots d’Ally attirent immédiatement son attention. Le complimenter, c’est toujours la meilleure approche. Son ego aime être flatté. Un sourire fleurit sur ses lèvres et il ne bouge pas quand elle s’approche pour glisser l’un de ses doigts sur sa joue. Ally est si proche de lui qu’il peut sentir la chaleur émaner de son corps pour venir effleurer le sien. « C’est mon nouveau style. Je suis sûr qu’il va faire sensation. » Surtout auprès de ses parents, de sa chère mère notamment, dont il imagine déjà la mine renfrognée et le regard dédaigneux. Le point positif, c’est qu’il en a oublié le sac qui traine par terre. « Je suis ravi de constater que tu te préoccupes de ma si jolie peau. » Pour reprendre ses propos. Dans le même temps, Elio lève sa main pour venir effleurer celle d’Ally, près de son visage. « Mais ce sont les risques du métier. » Aucun peintre ne parvient à exercer son art sans laisser quelques tâches de peinture ici et là. C’est la façon dont a la passion de se manifester, de son point de vue.

Quoi qu’il en soit, Elio ne peut stopper son élan créatif une fois qu’il est initié. « Je dois terminer ma toile, viens. » D’un signe de la tête, il l’invite à le suivre alors qu’il attrape sa main dans la sienne et tourne les talons pour parcourir les divers couloirs de sa villa et atteindre son atelier où l’odeur de peinture est omniprésente. Des tableaux achevés sont disséminés un peu partout dans la pièce, tout comme des toiles vierges, ainsi que des tonnes de pinceaux de tailles différentes. Sans oublier des tubes de peintures et autres produits utiles à son art. L’architecte lâche la main de son amie et avance près du chevalet pour récupérer sa palette et son pinceau, avant de se tourner vers son invitée. « Si tu as soif, ou si tu veux manger quelque chose, tu sais où se trouve la cuisine. Tu fais comme chez toi. » Comme d’habitude.