@Elio Montgomery & @Valentina Lorenzi

Valentina n'aime pas ce qui se profile à l'horizon. Un mauvais pressentiment la suit depuis plusieurs semaines et ne cesse de s'intensifier ces derniers jours. Son sommeil est agité et, même au travail, l'architecte est distraite. Mais comment pourrait-il en aller différemment alors qu'elle se sent comme le Capitaine du Titanic après que son paquebot ait heurté l'iceberg ? Elle sait que le pire est à venir, que de nombreux dégâts seront à déplorer et qu'elle est la principale fautive de cette histoire. Elle espère seulement ne pas avoir pris la mauvaise décision pour sa société. N'aurait-il pas été plus sage d'accepter qu'Isana Montgomery soit actionnaire d'Hestia Architecture, plutôt que salariée ? C'est cette question qui vient une nouvelle fois parasiter les pensées de l'italienne, alors que la voix familière d'Elio finit par l'interpeler.

Ce qu'elle en pense ? Il lui faut quelques secondes pour se reconnecter à la réalité et analyser les dernières planches que son architecte d'intérieur lui présente. Le projet qu'ils finalisent sera présenté d'ici quelques semaines au Maire de Brisbane. Les extérieurs ainsi que l'accueil de l'hôtel de ville vont faire peau neuve et le cabinet d'architecture de Valentina est l'heureux attributaire de ce marché. Hestia Architecture n'a donc pas le droit à l'erreur.

- Si tu es sûr que la lumière va bien se diriger vers les desks d'accueil, alors je valide sans réserve. Présente-moi quand même l'alternative à laquelle tu as pensé avec les fauteuils terracotta.

Depuis une dizaine de minutes, les allées et venues sont nombreux en dehors de la salle de réunion vitrée où se trouvent Elio et Valentina. Il n'en faut pas davantage à l'italienne pour jeter un coup d'œil à sa montre et constater que la pause méridienne est déjà là. Les planches sont empilées et rendues à Elio. Avant que celui-ci ne se lève pour quitter son lieu de travail, Valentina se permet toutefois de le retenir.

- Tu es attendu quelque part, ce midi ?

La question est intéressée. Le vendredi est sans nul doute le jour où les employés d'Hestia Architecture sont le moins présents sur la structure. Entre ceux qui posent une journée de congés pour allonger leur week-end, et le petit groupe qui aime se retrouver au restaurant en fin de semaine, les locaux sont souvent déserts sur le temps de midi. Le moment est donc idéal pour mettre en œuvre le plan auquel Valentina réfléchit depuis plusieurs jours.

- J'aurais besoin de ta grande taille pour mettre quelque chose en haut d'une armoire.

Sans fournir plus d'explications, Valentina quitte la salle de réunion pour rejoindre son bureau. Elle revient rapidement dans le couloir où l'attend Elio, avant de le remonter et d'arriver jusqu'à une pièce dont personne ne se sert. Le bureau, étriqué et sombre, fait office de débarras depuis plusieurs années maintenant. Il n'a été que partiellement désengorger dans le courant de la semaine, mais des archives poussiéreuses s'y trouvent toujours. L'endroit ne fait pas rêver mais sera bien suffisant. Les cafards ne vivent-ils pas en colonie, après tout ?

- C'est ici qu'elle sera installée, explique Valentina sans avoir besoin de préciser de qui elle parle, alors qu'elle allume la lumière du bureau. J'ai trouvé ça et je n'ai pas pu m'empêcher de penser à elle.

Elle dévoile ainsi ce qu'elle tient depuis qu'elle est allée dans son bureau : une boule puante encore dans son emballage. L'idée de piéger le bureau est devenue si grande que Valentina n'a pu s'y soustraire. C'est sans doute petit. Pourtant, elle ne doute pas un seul instant qu'Elio se présentera, une fois encore, comme son allié et qu'il la suivra dans cette idée loufoque.

@Elio Montgomery & @Valentina Lorenzi

Même si son métier d’architecte d’intérieur n’est pas sa vocation première, Elio y met du cœur à l’ouvrage. Qui plus est, il n’est pas question de décevoir celle qui demeurera éternellement sa tante à ses yeux. La seule qui existe réellement et qui en vaut la peine. Ce projet, il compte le mener à bien, d’autant qu’il est important pour la ville de Brisbane. C’est pour cette raison qu’il travaille dessus depuis des semaines. Son côté perfectionniste a du bon et lui permet de présenter, aujourd’hui, quelques plans qui lui conviennent et qu’il voit parfaitement pour la mairie. Mais pour ça, encore faut-il que Valentina approuve son travail. Ou du moins, qu’elle évite de se perdre dans ses pensées et qu'elle reste concentrée. Parce qu’elle est peut-être présente physiquement, psychologiquement c’est différent. Sa tante semble ailleurs. Pour quelle raison ?

« Oui, j’en suis sûr. » Après tout, Elio ne laisse jamais rien au hasard. Il est toujours sûr de lui. Les minutes défilent et la discussion va bon train sans que le fils Montgomery ne se préoccupe réellement des allées et venues à proximité. Il n’est pas du genre à se laisser distraire pour si peu. Quand bien même, Elio ne détient aucune emprise sur le temps qui passe et l’heure de la pause déjeuner est arrivée. Il récupère ses planches avant de se lever et d’initier un mouvement vers la sortie. Il se trouve cependant stoppé dans son mouvement par la voix de Valentina dans son dos. « Non, pourquoi ? » Il se retourne dans sa direction, un air interrogateur affiché sur les traits de son visage. Souhaite-t-elle manger en sa compagnie ? Si tel est le cas, pourquoi pas. Néanmoins, ce n’est pas l’objet de sa proposition. Elle n’a visiblement besoin que de sa grande taille. Soit. « Ok, si tu veux. » Sans réfléchir outre mesure, il dépose ses planches sur la table de la salle de réunion avant de la suivre.

Le périple s’arrête finalement devant la porte d’une sorte de cagibi que personne n’utilise. A vrai dire, Elio n’avait même pas connaissance de cet endroit. Ou peut-être n’y a-t-il jamais prêté attention. A peine jette-t-il un œil à l’intérieur qu’une grimace vient déformer les traits de son visage. Son côté maniaque n’apprécie pas la vue de la couche de poussière sur les meubles, ni du bazar qui y règne. « Hum, charmant. » Ne peut-il retenir, quelque peu dégouté. Mais Valentina lui fournit l’explication tant attendue. C’est ici qu’elle sera installée. Elle. Isana. La parasite. Le cafard de cette famille. Les propos de sa tante attirent son attention sur l’objet qu’elle détient entre ses mains ; une boule puante. Immédiatement, un petit rire glisse entre les lèvres du fils Montgomery. « C’est le meilleur parfum qu’elle puisse porter. » Une odeur aussi répugnante qu’elle. « En tout cas, un placard à balai, c’est parfait pour elle. » C’est tout ce qu’elle mérite. Elio s’avance légèrement dans la petite pièce, sans trop s’approcher de la moindre saleté. Hors de question qu’il salisse son beau costume hors de prix. « Je pense qu’on pourrait arranger un peu mieux l’endroit pour elle, pour qu'elle s'y sente à l'aise et à sa place. » Il jette un œil malicieux dans sa direction. « Par exemple, on peut lui fournir la chaise la moins confortable possible. Inutile de faire le ménage, ce serait une perte de temps. Ce serait également fortement dommage que son bureau soit mal fichu et que les tiroirs ne s’ouvrent pas, quitte à y coincer ta boule puante à l’intérieur avant de les bloquer. » Etrangement, quand il s’agit d’Isana, les idées de ce genre pullulent dans son esprit machiavélique. C’est tout ce que cette sorcière mérite après tout.