around brisbane • w/ @Sinead Redfield

au guidon d'une moto, tout s'efface. derrière les sensations, le vrombissement du moteur, le sifflement du vent et les paysages qui défilent. les pensées s'apaisent et se taisent, et la seule chose qu'il reste à faire, c'est se concentrer sur la route qui se déploie parfois en une ligne qui semble infinie, droit devant. un chemin tout tracé qu'il est simple de suivre, qui ne demande aucune réflexion approfondie, rien de plus qu'un minimum de vigilance. il en avait bien besoin, de simplicité, Santiago. parce que le début d'année avait été tout sauf simple. tout s'était enchainé bien trop vite pour lui laisser le temps de souffler, et l'état mental de Noah s'étant naturellement placé en tête de liste de ses priorités, le guide s'était lui-même quelque peu oublié dans le processus. heureusement, ça n'avait donné lieu à aucun accident désastreux comme celui que le pompier avait subi - même si, au final, un drôle de hasard l'avait forcé au repos, lui aussi, mais surtout à un exercice d'introspection dont il se serait bien passé. des semaines après, le constat est sans appel : il a désespérément besoin de se changer les idées, de respirer. avec la fin de la saison estivale, le moment est tout trouvé pour s'accorder une pause. et puisque leurs chevaux méritent eux aussi du repos, c'est sa moto que Santi a enfourché, plusieurs fois déjà, en compagnie de Sinead. c'est aussi elle qui roule avec lui, aujourd'hui, qui les amène il ne sait vraiment où. les kilomètres avalés sans qu'il n'ait à se préoccuper des directions ; c'est plus libérateur qu'il le pensait, et il réalise pleinement à quel point tout ça lui avait manqué.

des heures de route plus tard, il est temps de s'arrêter pour la nuit. le soleil couchant diffuse sur la plaine une douce lumière orangée, les herbes hautes s'agitent sous une légère brise. la fatigue de la journée se fait ressentir mais à deux, le camp est rapidement monté. bientôt, un petit feu crépite tranquillement à proximité. jetant un œil sur les alentours, Santiago lève son appareil, en braque l'objectif sur leurs véhicules garés un peu plus loin, deux masses noires se détachant contre le bleu du ciel qui s'assombrit à vue d'œil. le cliché pris, il entreprend de faire défiler les précédents, une cinquantaine de photos immortalisant les étapes de leur périple. il s'en était donné à cœur joie, le guide, dégainant son fidèle appareil dès lors qu'un élément remarquable se présentait à lui. un vieil appareil, sûrement, comparé aux petits bijoux de technologie qui se vendaient à des prix exorbitants aujourd'hui, mais solide, et qui l'accompagnait depuis quelques années déjà. en témoignaient les diverses marques mordant le plastique, résultats de rencontres impromptues avec le sol et d'autres obstacles. l'objet soigneusement replacé dans sa sacoche, Sinead le rejoint l'instant d'après et s'installe à ses côtés. le guide se décale un peu pour lui laisser la place de s'asseoir sur le carré de tissu déplié à même le sol, puis se saisit de quelques morceaux de guimauve, le sourire léger. « excellente idée. » composant sa petite brochette de sucreries, le guide l'approche des flammes ensuite, plissant les yeux contre leur vive lueur. « évidemment, c'est un classique des feux de camp. » rétorque-t-il, amusé. il s'agit aussi du met favori de la plupart de leurs clients, celui qui revient immanquablement lorsqu'ils les emmènent passer la nuit aux abords du lac, à la belle étoile. tout le monde adore ça, les petits comme les grands. « on ne s'en lasse jamais. » contrairement à Sinead, l'occasion d'en déguster lui avait été donnée lors de sa dernière sortie avec Noah, quelques semaines plus tôt, mais force est de constater que c'est toujours aussi délicieux - et que ça sent délicieusement bon. « avec plaisir. on remet ça quand tu veux. » propose-t-il déjà, à moitié sérieux. ce sera sûrement compliqué pour Sinead, à l'avenir, avec la présence des jumeaux dans sa vie, et l'absence d'Ugo pour l'épauler. mais ça ne coûte rien de le mentionner. « merci à toi de m'avoir aidé à la remettre en état. » qu'il ajoute, désignant vaguement la direction de sa moto, dont les contours commencent doucement à se fondre dans la pénombre. le dilemme, c'est qu'il n'a plus la moindre envie de s'en séparer, maintenant, alors que c'était l'objectif initial. mais ce sera peut-être un mal pour un bien, finalement.