@Santiago Noguera & @Nelly Scott

250, fortitude valley • w/ @Nelly Scott

de son point de vue, tout était parfait. cette colocation leur serait bénéfique à tous les deux. à Noah, qui apparemment, supporte mal la solitude - c'est d'ailleurs de l'imaginer errer seul dans sa grande maison vide qui a fini par le faire craquer. mais à lui aussi, sur un tas de plans différents, et même à Koda. il n'avait pas vraiment pris le temps de réfléchir, sur le moment, aux potentiels inconvénients - il lui aurait été difficile d'en trouver un, pour commencer. et il ignorait beaucoup de choses, à l'époque. il ignorait que son futur coloc avait vraisemblablement pris l'habitude de boire. il ignorait aussi que le liquide avait pour conséquence de réveiller une attirance pour la gente masculine, jusque là jamais évoquée. comment aurait-il pu deviner que les choses déraperaient autant, avec Noah - que ça déraperait tout court ?
la communication avec lui est compliquée depuis. elle l'était déjà avant même qu'il ne réalise que le blond lui avait menti. évidemment qu'il y a cru, Santi. Noah tenait à peine debout, cette nuit-là. ce sont les petits détails accumulés qui l'ont mis sur la bonne voie. le guide est patient, mais pas idiot ; après quelques jours, cette histoire d'amnésie ne tenait plus vraiment la route. naïvement, il a pensé que le moment était venu pour en parler. parce que le pompier ne lui a pas juste fait de multiples avances, ce soir-là - il l'a embrassé. et Santi ne l'a pas repoussé. il tient sa part de responsabilité dans l'incompréhension générale qui a suivi, mais rien ne laissait présager que le sujet serait si délicat à aborder, si épineux. après tout, ce n'est rien de si grave, non ? rien qu'une simple discussion ne peut pas arranger. une opinion que le Scott ne partage visiblement pas. résultat, Noah l'évite maintenant - pire encore, lui demande, le supplie presque d'oublier. et il ne peut pas accepter un tel compromis, Santi, ne peut pas se satisfaire de silence et de faux-semblants. la seule chose qu'il peut lui accorder, c'est du temps. parce qu'il a bien compris que le brusquer ne leur apporterait rien de bon, et qu'il ne veut pas mettre en péril ce qui les lie, peu importe de quoi il s'agit exactement.

c'est donc sur autre chose qu'il tente de se concentrer, en attendant - quoi exactement, il n'en sait rien, mais ruminer ne l'amènera nul part. dans ce contexte où il lui est difficile de contrôler son flot de pensées, ce n'est pas par hasard s'il a jeté son dévolu sur la jardin - le travail manuel l’a toujours aidé à s'apaiser, se recentrer, et puis il s'était porté volontaire pour remettre un peu d'ordre là-dedans, après tout. c'est là qu'il se trouve depuis quelques heures déjà. le soleil décline peu à peu mais il peut encore sentir la chaleur de ses rayons contre sa peau ;  l'été n'est plus très loin, promène sur la ville ses premières brises chaleureuses. agenouillé au milieu des hautes herbes, il se sent déjà mieux, un peu plus calme. ses préoccupations occultées derrière les gazouillis des oiseaux et le bourdonnement occasionnel d'une abeille de passage. malgré son état un peu déplorable, le jardin est plein de vie, c'est bon signe. il pourra en faire quelque chose, quand il l'aura débarrassé de toutes ces herbes sauvages qui l'étouffent.
les chiennes l'ont suivi à l'extérieur, explorant tranquillement la cour et ses recoins ensevelis sous la verdure. concentré sur la tâche, Santi ne les surveille que du coin de l’œil ; il met donc un certain moment à réaliser qu’il est désormais seul au milieu des plantes. « Koda ? Leeloo ? » avec un aboiement pour toute réponse, et reconnaissant le timbre rauque de sa chienne, Santi retire ses gants. Koda, il la connait par cœur. si elle aboie ainsi, c'est pour lui signaler quelque chose ; peut-être que quelqu'un a sonné. hypothèse confirmée dès lors qu'il rejoint les deux gardiennes de la maison, qui trépignent dans l'entrée. jusque là, rien d'anormal. sauf qu'en ouvrant la porte, personne n'attend debout sur le palier - il y a bien quelqu'un, mais ce quelqu'un bascule en arrière et s'avachit lourdement sur le sol, immobile. « euh - » la surprise le laisse sans voix quelques secondes, observant la personne allongée là comme s'il s'agissait d'un extraterrestre. Koda, elle, s'empresse d'aller renifler l'inconnue, curieuse. perplexe, le guide examine rapidement les alentours, mais il n'y a personne d'autre que cette femme, et une moto garée au niveau du portillon. il ne reconnait pas le véhicule. « c'est pas vrai. » un coup d'œil sur son visage lui fait remarquer les coulures noires de son maquillage et des traits qui lui paraissent fatigués. elle tient aussi une petite bouteille isotherme dans la main - rien de vraiment concluant, des détails qui n'apportent rien de concret. qui est-elle, et que faisait-elle là, appuyée contre la porte ? est-elle évanouie ou simplement endormie ?
un instant plus tard, Koda cède sa place à Leeloo, qui se montre plus enthousiaste - et la réaction de la chienne lui insuffle un petit doute quant à l'identité de la mystérieuse évanouie. la mine confuse, Santi se penche à nouveau sur elle, comme si se concentrer un peu plus fort allait lui donner une réponse. Leeloo semble la reconnaitre, peut-être s'agit-il de l'une des sœurs de Noah ? le pompier l'avait prévenu que son aînée comptait passer à l'improviste dans un futur proche, après tout. pour lui faire passer un interrogatoire, ou quelque chose du genre. difficile de l'imaginer mener sa petite investigation à bien dans cet état, si c'est bien d'elle dont il s'agit ; mais discussion désagréable à venir ou non, ce n'est pas une raison valable pour la laisser sur le pallier. à la merci de la dureté du sol, et des coups de langue des chiennes qui se sont visiblement investies d'une mission : la réveiller. une stratégie efficace, puisqu'il la voit s'agiter, ses yeux papillonner. « vous m'entendez ? » agenouillé à une distance raisonnable, il attend patiemment qu'elle reprenne ses esprits. Leeloo semble très heureuse de la voir émerger, le confortant dans l'idée que la blonde n'est définitivement pas une inconnue aux yeux de la chienne ; mais il se pose tout de même beaucoup de questions. et lui aussi attend des réponses désormais.

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ce n'est pas comme ça qu'il imaginait sa soirée, Santi. non, il avait prévu de travailler dans le jardin jusqu'au coucher du soleil, puis de cuisiner quelques produits frais achetés plus tôt dans la journée ; petit plaisir personnel auquel il ne s'est plus adonné depuis son emménagement, puisque Noah semble s'être auto désigné comme le cuisinier en chef de leur coloc. ça ne le dérange pas, évidemment, mais quand il le peut, il apprécie mettre la main à la pâte lui aussi, littéralement. cependant, le destin en a décidé autrement, ce soir, et la découverte de cette personne avachie contre la porte vient bousculer ses plans, dans tous les sens du terme. la surprise est telle, en voyant ce corps basculer dans sa direction, qu'il n'a même pas le réflexe de le rattraper pour amortir la chute. l'inconnue s'affale contre le sol avec un bruit mat - heureusement, elle n'est pas tombée de haut. en l'absence d'idée lumineuse pour la sortir de ce profond coma, il se résout à attendre qu'elle s'éveille, laissant les chiennes, Leeloo surtout, faire le travail. en cas de problème, Santi préfère s'incriminer le moins possible, et reste prudemment à l'écart. après quelques instants de silence, la blonde émerge enfin. et puis se met à hurler. ils sont trois à sursauter sous l'assaut de ce cri perçant, dont un qui se félicite de s'être tenu éloigné en la voyant se débattre comme une forcenée. Leeloo ne tarde pas à l'approcher de nouveau, peu embêtée par ces deux bras qui s'agitent vivement dans l'air ; mais Koda semble avoir compris qu'elle n'était pas la bienvenue. ce manège dure quelques longues secondes, durant lesquelles Santi ne prononce pas un mot. par surprise ou par dépit, ou un mélange des deux. peut-être serait-il plus judicieux de manifester sa présence sans attendre mais il ne sait pas vraiment quoi dire, le guide. si la blonde a réagi avec autant d'agressivité à la simple présence des chiennes à ses côtés, il n'ose pas imaginer le résultat si elle entend une voix inconnue s'élever dans son dos. il garde le silence donc, ne se remet debout que lorsqu'elle même entreprend de se redresser, avec difficulté, des gestes lourds et un équilibre de toute évidence approximatif. mais peut-être est-ce le sommeil qui l'engourdit encore ; le doute est permis.

avec une patience pour le moment toujours intacte, Santi l'observe se débrouiller - l'image lui évoquant un poulain se dressant sur ses pattes pour la première fois - et se tient prêt à la réceptionner, n'ayant nullement l'intention de la laisser s'ouvrir le crâne sur le palier. appuyée contre l'encadrement de porte, elle met un instant avant de se retourner. pivote avec des mouvements toujours aussi lents, et commence à prononcer quelques mots, un début de phrase laissé en suspens dès l'instant où leurs yeux se croisent. ceux de la blonde s'écarquillent, elle inspire visiblement un peu d'air - et se remet à hurler, entrainant les chiennes dans une tentative de fuite aussitôt avortée par sa propre chute. il savait plus ou moins à quoi s'attendre, Santi, mais le son lui tire une grimace, malgré tout - pas parce qu'il craint que le voisinage accoure à leurs fenêtres pour épier la scène, mais parce que dans l'espace restreint d'un couloir, l'écho strident de son cri est insupportable. il l'est aussi pour les chiennes, apparemment, qui se dégagent de son emprise pour le rejoindre. Koda la première, qui n'a pas appréciée d'être traînée de force vers la sortie sous les braillements d'une parfaite inconnue. c'est avec de forts aboiements, les oreilles couchées sur le crâne et les crocs découverts qu'elle s'acharne une poignée de secondes sur la blonde, comme pour la disputer. intérieurement, le guide la remercie, puisque l'inconnue baisse d'un ton - sans gagner une once de cohérence pour autant. craignant que sa chienne monte d'un cran dans son agressivité, Santi glisse ses doigts sous son collier pour la tirer gentiment vers lui. « calme, Koda. viens là. » avec un couinement presque indigné, elle cesse d'aboyer. Leeloo vient elle aussi se poster à ses côtés, un semblant de calme revient.

un peu en retrait, Santi braque un regard noir sur la femme qui continue de le supplier. il pourrait la prendre en pitié, si elle n'avait pas fait l'erreur de coincer sa chienne sous le bras comme elle l'a fait. la tentation de céder à sa colère, de la réprimander comme une enfant l'effleure - mais il est clair que cette femme, qui qu'elle soit, n'est pas dans son état normal. par-delà la panique, il y a autre chose. les mots qui s'entremêlent, l'équilibre vacillant ; tout ça lui est familier. il remarque les cernes sombres qui marquent son visage, le poussant à se radoucir juste assez pour ne pas compliquer une situation déjà bien assez confuse. « je ne vais rien voler. j'habite ici. » rétorque-t-il calmement, bien que l'intonation de sa voix soit glaciale, un peu mordante. si patience et tolérance font partie de ses qualités, il n'a pas apprécié se faire hurler dessus de la sorte ; et c'est d'un air peu impressionné qu'il encaisse les jérémiades et les accusations, pas le moins du monde embarrassé par ces dernières. « gardez votre portefeuille, et moi je garde mon chien. » qu'il ajoute, désignant la dénommée. Koda s'est calmée, mais demeure attentive, le corps tendu comme un arc et les yeux braqués sur la blonde. du genre rancunière, le moindre faux pas de plus ne sera pas toléré. Santi lui, profite de ce bref instant de répit pour réfléchir à une stratégie. dans ce flot de paroles débitées un peu plus tôt, il a retenu un nom : celui de Noah, ce qui signifie que l'inconnue le connait. il s'agit soit d'une amie, soit de l'une des sœurs Scott - en éliminant directement Nina de la liste. il n'a pas encore rencontré toute la fratrie, mais la teinte de sa chevelure fait fortement pencher la balance dans ce sens. ce qui n'explique pas ce qu'elle fait là, dans cet état, et pourquoi. ne devrait-elle pas savoir que son frère est de garde, ce soir ? « je suis le coloc de Noah, Santiago. » explique-t-il, au cas où l'un de ces deux noms lui évoque quelque chose - en espérant aussi que sa réaction sera moins dramatique que les précédentes. et qu'elle dispose des facultés nécessaires pour se souvenir de quoi que ce soit d'utile pour résoudre le malentendu. « enchanté, j'imagine... » qu'il lâche d'un air las, l'expression toujours un peu furieuse, bien loin de sa neutralité habituelle. « et vous êtes ? » enchaine-t-il aussitôt, estimant avoir le droit de savoir qui vient de lui agresser gratuitement les tympans.

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Santi et la bêtise humaine, c'est une longue histoire. voilà des années qu'il la côtoie quotidiennement, dont une demi décennie au service des Bradshaw - il aime penser que ce n'est pas demain la veille qu'on pourra le surprendre, tant il en a vu et entendu au cours de ses deux carrières combinées. les adultes sont parfois moins responsables que les enfants, et les gens moins disciplinés que leurs chevaux. la vérité, c'est que les comportements stupides ne déclenchent une réaction vraiment véhémente que lorsque leur méchanceté touche à un animal qui n'a rien demandé, ou que la clientèle en vient à se mettre en danger - et indirectement, à mettre son propre job en péril. mais les chevaux n'étant pas doués de parole, c'est souvent lui que l'on vient blâmer en cas de problème. il fait avec Santi, et tente d'éduquer les plus réceptifs quand c'est possible. la majorité l'écoutent, en tirent des leçons et puis passent à autre chose ; la minorité se braque et ne veut rien entendre. parce que leur est ego est piqué, parce qu'ils n'ont pas envie d'être là, parce qu'ils se sont levés du mauvais pied, parce qu'ils sont stressés sans vouloir se l'avouer. même repris avec tact et bienveillance, rien n'y fait. si cette catégorie précise de clientèle est heureusement rarissime, c'est visiblement le genre de schéma qui se dessine avec cette femme - le tact et la bienveillance en moins de son côté, Santi doit bien l'avouer - qui se présente comme étant la fameuse Nelly, la sœur aînée dont Noah ne lui a pas spécialement vanté les mérites ou la gentillesse. son commentaire grommelé d'un air mauvais ne lui échappe pas, mais il laisse couler. des invectives bêtes et méchantes du genre, il en a entendues des tas, au fil du temps - et ça a commencé tôt, dès le lycée. avec le temps, il en est arrivé à la conclusion que lorsqu'on s'attaque gratuitement à quelqu'un, c'est souvent parce qu'on a quelque chose à se reprocher. il est plus facile de rejeter la faute sur les autres que de se remettre en question, après tout. encore plus lorsque l'on est pas dans son état normal.

le processus est visiblement fastidieux, mais elle parvient à se redresser après de longues secondes d'efforts. Santi appréhende son équilibre précaire avec un soupçon d'inquiétude et d'irritation mêlés. décidemment, d'abord Noah, ensuite son aînée, quel sera le prochain Scott à franchir le seuil de cette maison complètement ivre ? l'avantage, c'est que Nelly n'est pas aussi tactile que son frère avec quelques grammes dans le sang. ce qui ressort, en revanche, c'est sa mauvaise foi ; et la remarque, lâchée d'un ton particulièrement hautain, lui arrache un rire surpris, un brin désabusé. comme quoi, il n'avait pas encore tout vu, et force est de constater que Nelly Scott n'a pas l'air commode - en plus d'être vraisemblablement née avant la honte. qu'importe, elle ne sera pas la dernière à tenter d'enfouir des actions ou des propos discutables à son encontre sous une couche de déni, bien qu'elle se hisse assez vite au sommet du podium de ses interactions sociables les plus désagréables. mais si son job lui a appris une chose importante, c'est qu'il vaut mieux ne pas entrer dans le jeu de ces personnes là. « d'accord. » rétorque Santi, levant les mains et reculant d'un pas, l'ombre d'un sourire ironique au coin des lèvres. l'expression s'évanouit aussitôt qu'elle se remet à hurler, cependant, remplacée par une nouvelle grimace. ne sait-elle pas communiquer autrement qu'en haussant la voix aussi fort ? ne devrait-elle pas être au courant que son frère est absent ? et enfin, détraqué ? intérieurement, Santi se demande s'il dispose de l'énergie nécessaire pour supporter ce genre d'individu. si Nelly est réellement ce qu'elle prétend être, à savoir la sœur de Noah, peut-être devrait-il lui laisser la maison et les clés, et partir prendre l'air et le soleil avec les chiennes. l'option est plus tentante que celle de jouer un rôle dans cet étrange conflit qui se profile. « hum. » fait-il dans un premier temps, perplexe, les mains toujours levées qui retombent machinalement le long du corps. la truffe humide de Koda vient frôler sa paume, sa chienne n'ayant pas quitté son poste à ses côtés. distraitement, Santi vient flatter le sommet de son crâne et la fait s'asseoir. « Noah est de garde, ce soir. » répond-t-il dans le silence qui suit, d'un ton parfaitement neutre cette fois. la seule émotion étant l'incompréhension se lisant sur son visage.

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TW : Alcoolisme.