lamington park, queensland • w/ @Esma Källström

tw sang, animal blessé

les dernières heures se sont écoulées comme dans un rêve, dans le flou des minutes qui s'entremêlent et se confondent. sous l'épaisse canopée de cette immense forêt, il est facile de perdre toute notion du temps. le soleil n'est pas vraiment visible à travers le feuillage, mais la température baisse graduellement, à mesure que l'astre descend vers l'horizon, et Santi est quasiment certain que le ciel est en train de se couvrir. sans être complètement catastrophique, il a conscience que sa situation est loin d'être idéale. que les choses peuvent se compliquer très vite, dans un environnement comme celui-là, loin de tout, en solitaire. déjà deux longues heures qu'il attend, lui indiquent les aiguilles de sa montre. tordu à un angle inhabituel, il sait d'avance que son dos va en prendre un coup, sent déjà tout son corps le tirailler douloureusement. pourtant, l'idée de se détendre le temps d'une toute petite seconde de répit ne lui effleure même pas l'esprit. c'est un risque qu'il ne peut pas prendre, pas quand il a la vie d'un être innocent littéralement entre les mains.

ce n'est pas la première fois qu'il porte secours à un animal blessé, perdu quelque part en pleine nature, mais les conditions sont rarement aussi difficiles. l'animal qu'il maintient au sol est non seulement blessé, mais il s'agit aussi d'un wombat, menacé en Australie. menacé par les prédateurs, les humains surtout, le réchauffement climatique et ses multiples conséquences, à commencer par les chaleurs inhabituelles de ce mois d'automne et les feux de forêt. Santi est à peu près certain d'avoir lu quelque part que le pays ne comptait plus que quelques centaines d'individus répartis sur le territoire, une population dont le nombre avait plus tendance à diminuer qu'à croître ces dernières années. savoir que la survie de l'une de ces créatures dépend actuellement de lui est angoissant, et c'est précisément pour cette raison qu'il a prévenu Esma. quelques sms envoyés à la va vite, avec ses coordonnées jointes, en s'efforçant de garder l'herbivore en place en même temps, délicatement, sans aggraver des plaies dont il peine encore à identifier l'étendue et la gravité. il est sûr que l'une des pattes est touchée, mais la plupart de son flanc est maculé de sang. l'animal est calme désormais, probablement épuisé. sa respiration est rapide, paniquée, mais ses petits yeux noirs sont ouverts, scrutent ce qui l'entoure avec attention. brièvement, Santi ferme les yeux. inspire une grande bouffée d'air, le parfum familier des sous-bois, de la terre humide. essaie de faire abstraction de cette odeur métallique entêtante qui flotte dans l'air. sa patience est infinie et sa volonté de fer quand l'objectif est de sauver une créature, mais la possibilité qu'Esma ne réussisse pas à le rejoindre à temps commence à le tracasser. le Lamington Park s'étend sur plusieurs centaines de kilomètres à la ronde. sa végétation est dense, presque impénétrable lorsqu'on s'aventure hors des sentiers, et ses reliefs vertigineux - forcément, la couverture réseau y est particulièrement mauvaise, voire inexistante. il n'est pas vraiment certain que la vétérinaire ait reçu ses dernières indications, n'a plus de nouvelles depuis un long moment déjà, mais se résout à attendre encore, au moins jusqu'à la tombée du soir.

et le temps recommence à se distordre, tandis qu'il lutte contre les premiers frissons de froid qui remontent le long de son échine. atmosphère dont le calme relatif est soudainement perturbé par un ronflement paniqué de l'animal, qui tente de se redresser. le mouvement brusque lui tire un sursaut. il y a de l'agitation aux alentours, bruissements du feuillage et pas lointains. une voix qui appelle son nom, quelque part, à laquelle il répond sans attendre. « Esma, par ici ! » poursuit les interpellations jusqu'à enfin la voir déboucher d'entre la végétation, cheveux en bataille et souffle court. la probabilité qu'ils arrivent à se retrouver était si faible qu'il pourrait la prendre dans ses bras, lui qui n'est pas vraiment connu pour être démonstratif. mais il s'efforce de rester concentré, au moins quelques secondes de plus. leur patient s'agite frénétiquement dans son étreinte et de toute façon, il doute de pouvoir tenir debout sur ses jambes engourdies. tente plutôt un sourire, véritablement soulagé de la voir. « je commençais à croire que j'allais passer la nuit ici, tout seul. » avec un animal dont la vie le quitte lentement, et dépourvu des compétences nécessaires pour l'aider. la perspective ne l'enchantait guère. « je suis désolé de t'avoir fait venir jusqu'ici. je savais pas qui appeler d'autre que toi. » ils n'en sont pas à leur coup d'essai en matière de sauvetage improvisé, mais celui-ci s'avère plus compliqué que tous les autres. peut-être même que le sort du blessé est déjà scellé. Santi espère se tromper. « je l'ai trouvé pas loin, il a essayé de fuir mais il n'arrivait pas à courir. je crois que c'est sa patte, mais... » il n'a pas vraiment besoin d'en dire plus, le tableau est assez clair. ses paumes maculées de sang en disent long, les spasmes de l'animal aussi. Santi expire un souffle tremblant. sa fatigue commence à le rattraper. « il faut que je bouge. dis-moi quand je peux. » il a besoin de s'étirer, de boire aussi, comme en témoigne sa voix un peu râpeuse. ne sera d'aucune utilité pour Esma et son protégé tant que ça ne sera pas fait.

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tw : sang, animal blessé

Tu t’apprêtes à partir. Tu as éteint ton bureau, tu fais trois pas en arrière alors que tu t’apprêtes à partir sans ton téléphone portable. Tu regardes si tu as un message de ton mari, mais évidemment rien. Il doit encore bosser. Tu espères le voir ce soir un peu, parfois vos boulots sont si prenants que tu peines à profiter de lui. Il t’arrive de ressentir du manque. Pourtant, vous êtes censés vivre ensemble. Cela arrive principalement lorsque vous ne faîtes que vous croiser pendant plusieurs jours. C’est frustrant. Alors que tu ranges le mobile dans la poche arrière de ton short, il se met à vibrer. Tu le replaces devant tes yeux pour lire le message délivré. Santiago. Les explications sont assez claires, de même que la position géographique. Tu lances un coup d’œil à ta montre évidemment… tu es censée terminer ton service mais Santiago reste un ami et on parle d’un Wombat, pas juste d’une biche. L’animal est en voie de disparition et pas question que tu contribues à la perte d’un de plus. Tu rallumes ton bureau, tu attrapes ton matériel, tu files dans les vestiaires pour prendre un sac à dos, d’autres matos dont vous risquez d’avoir besoin. Il ne faut pas tellement tarder, parce que la journée touche à sa fin et que la nuit ne va pas tarder de se réveiller. Tu passes voir des collègues, espérant ne pas croiser Auguste… malheureusement, il est là, dans la salle de pause. Tu tentes de l’ignorer. « - Je pars en intervention, j’ai un ami qui a trouvé un wombat blessé au sud, je file. » Auguste se redresse illico de contre l’évier contre lequel il était appuyé avec sa tasse de café. « - Tu veux que je te dépose en hélico ? » Ton estomac se tord à cette idée. « - Hm, non, c’est en pleine forêt, je crains qu’un hélico ne m’arrange pas » Une chance que les wombats vivent en milieu forestier et pas en plein désert. « - Ok, c’est noté » Tu déglutis, un regard vers ta collègue qui ne se doute de rien. Auguste se tient toujours bien lorsqu’il n’est pas seulement avec toi. « - Tu m’avertis quand tu es rentrée Esma ? »Demande ta collègue alors que tu sens bien le regard d'Auguste sur toi. Maudit français. Tu lui fais un signe de tête pour confirmer. « - Pas de soucis, je risque de rentrer tard, tu seras encore là ? » Elle prend une gorgée de café fumant. « - Je suis de garde cette nuit, donc ouaip, ne t’inquiète pas » Elle sourit, elle regarde sa montre. « - D’ailleurs la pause est terminée, allez » Elle se relève pour aller laver sa tasse, tu en profites pour filer avant d’être seule avec le pilote d’hélicoptère.

Tu attrapes le 4x4 du centre, tu le charges et tu démarres. Tu notes les indications géographiques pour prendre la direction du Lamington Park. C’est une heure et demie de route minimum. Tu roules un peu vite, il faut l’avouer, tu as l’impression d’avoir le temps contre toi. Santiago qui doit patienter. Tu sais que tu ne pourras pas arriver en voiture jusqu’à la position donnée. Alors tu ne traînes pas. Tu gares la voiture au plus près mais il te reste deux kilomètres en pleine forêt à faire. Tu es équipée, un sac avec du matériel sur les épaules. Peut-être que tu aurais dû prévenir Alarik, dans la précipitation, tu ne l’as pas fait. Alors que tu avances, tu tentes de le faire mais le réseau est aux abonnés absents. « - Génial » Tu maugréais. Tu continues ton chemin, battant peut-être même un record. Tu sens bien que la lumière diminue. Tu sais bien que la mission va devenir périlleuse si la nuit s’invite. Alors que tu es quasiment au point de rendez-vous, la voix de Santi retentit pour finir de te guider. Tu ne tardes pas à le voir dans ta ligne de mire. « - Je suis sûre que la nuit aurait pu être agréable » Tu le taquines en réponse à sa phrase. « - J’ai fait au plus vite, désolée pour l’attente » Il est vrai que tu ne pouvais pas faire mieux. « - Pas de soucis, tu as bien fait » Tu ne t’embarrasses pas de ce genre de détails. Tu poses ton sac à terre, tu ne tardes pas à t’accroupir aux côtés de l’animal. Tu te presses de sortir ton stéthoscope pour écouter les battements du cœur de l’animal. Mauvais, évidemment, tu grimaces. Tu sors une seringue assez épaisse « - Attends deux petites minutes, je vais l’endormir un peu pour qu’il ne tente pas de repartir et de se blesser davantage » Tu piques sans état d’âme, c’est pour le bien de l’animal. Tu enfiles une paire de gant en latex et tu commences à caresser tendrement la bête pour tenter de la calmer. Les yeux de l’animal ne tardent pas à révulser, signe que l’anesthésiant fait son effet. Tu sors alors un masque à oxygène avec ballon manuel. Tu le tends à ton partenaire. « - Tu peux bouger, il va sans doute falloir le ventiler, pour être sûr qu’il respire correctement, je ne peux pas m’en assurer et regarder l’étendue de ses blessures. » Tu continues de sortir du matériel. La lumière commence à manquer, les arbres ne laissent pas passer les derniers instants de jour. Tu enfiles sur ton front une lampe pour voir ce que tu es en train de faire. « - Ok, ce n’est pas beau, effectivement » Tu grimaces un peu. « - Regarde, on dirait des morsures, des dingos sans doute, eux ne sont pas en voie de disparition et ici c’est leur principal prédateur, ils se servent de leurs pattes arrière pour se défendre. Le dingo a dû le mordre à ce moment-là. Il a quand même réussi à ne pas se faire avoir… incroyable » Tu commences les premiers soins. « - Comment cela se fait-il que tu traînes dans la forêt tout seul ? » Tu demandes à Santiago. Histoire aussi de parler d’autre chose que l’animal blessé que vous tentez de sauver.

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tw sang, animal blessé

on lui répète souvent qu'il ne devrait pas intervenir à tout bout de champ comme il le fait, que le monde animal doit se réguler et s'équilibrer par ses propres moyens, naturellement. mais dans un monde où l'environnement et la faune sont quotidiennement impactés par la présence humaine, l'argument perd de sa valeur. de toute façon, il est tout bonnement incapable de rester de marbre face à la souffrance animale, Santi. tant pis s'il s'agit d'une proie destinée à nourrir un prédateur peut-être affamé, quand les dégâts ne sont pas irréversibles, il préfère prendre le risque - celui de se tromper, et celui de se mettre en danger. considérant que la majorité des créatures qu'il a réussi à sauver se sont révélées être les victimes de l'activité humaine, le choc contre une voiture lancée à vive allure étant le scénario le plus courant ; il estime que son travail est loin d'être vain. évidemment, dans un parc aussi vaste et reculé que celui du Lamington, où l'accès en voiture s'arrête au parking qui se trouve à plusieurs kilomètres de là, cette probabilité est mince mais le réflexe reste le même. face à des blessures profondes et dont la cause demeure incertaine à ses yeux inexpérimentés, c'est forcément vers Esma qu'il se tourne. même si d'habitude, c'est plutôt lui qui vient à elle, sans lui demander de parcourir autant de chemin à l'issue d'une journée de boulot qui était sans doute déjà longue et éprouvante. les prochains instants, qui s'étireront probablement en heures, ne s'annoncent pas plus reposants. son premier réflexe est donc de s'excuser, une fois qu'elle l'ait rejoint. des excuses rapidement balayées tandis qu'elle vent s'agenouiller dans la mousse pour ausculter son patient, le piquant sans plus attendre pour éviter qu'il ne leur échappe. c'est seulement après sa confirmation qu'il desserre enfin son étreinte. lâchant un soupir de bien-être, il déplie les jambes et hoche la tête. « ok... je suis à toi dans trente secondes. »

il roule sur le côté plus qu'il ne se décale. se retrouve allongé sur le dos, constate que la lumière a considérablement diminué, et qu'un léger vent se lève en prime, venant agiter la cime des arbres au-dessus de leurs têtes. à sa connaissance, aucun orage n'était prévu en fin de journée, mais il sait aussi que la météo peut se montrer capricieuse. ce qui n'arrangerait pas leur cas. il peut voir un peu de gris colorer le ciel à travers le feuillage, mais il est encore trop tôt pour se prononcer. Santi se redresse avec une grimace visible. tout son corps commence déjà à lui faire payer cette longue attente. s'étirant tant bien que mal pour se soulager, il attrape son sac qu'il avait négligemment jeté sur le côté en capturant l'animal. avale quelques gorgées d'eau pour apaiser sa gorge irritée, et ne perd pas plus de temps avant de se réinstaller aux côtés d'Esma. écoutant attentivement son constat, une expression peinée sur le visage, il se crispe instinctivement quand la possible présence de dingos dans les environs est avancée. la probabilité qu'ils passent une partie de la soirée ici, sur le territoire de ces animaux ne le rassure pas tellement. les attaques contre l'homme sont peu communes, mais toutes les conditions sont réunies pour une exception à la règle : l'odeur du sang qui dérive dans l'air, leurs voix qui perturbent le calme habituel de la forêt, et la lumière du jour qui décline à vue d'œil. ils n'ont rien pour se défendre contre une meute, ou même un seul canidé un peu trop curieux. même si les dingos sont d'un naturel assez peureux, ce sont aussi des prédateurs opportunistes qui savent reconnaitre une bonne occasion lorsqu'elle se présente. et contrairement aux chiens, ils aboient rarement. soudainement très soucieux des bruits qui les entourent, il s'efforce de retrouver un minimum de concentration. saisit l'objet que lui tend Esma et se met au travail. ces gestes là sont familiers, lui permettent de garder une oreille attentive sur ce qui se trame dans leur dos. « il a quand même une chance de s'en sortir ? » la mort ne lui est pas étrangère, mais c'est toujours douloureux de voir un animal s'éteindre, en dépit de tous les efforts fournis pour le sauver. concentrée sur son travail, Esma ne semble pas totalement pessimiste pour autant, il s'applique donc à suivre ses instructions. un court silence s'étire, puis la brune lui demande ce qu'il fait là. probablement pour dévier le sujet sur quelque chose de plus léger. « je suis venu faire du repérage. » ce n'est pas la première fois qu'il s'aventure dans ce parc, mais bel et bien la première fois qu'il emprunte ce sentier. il y en a des dizaines qui sillonnent la forêt, chacun à un niveau de difficulté différent. celui-là s'adresse aux intermédiaires, n'est pas si complexe pour les habitués des randonnées mais ce n'est pas le challenge qui l'a attiré là. « il y a des espèces d'oiseaux qui nichent ici que je voudrais essayer d'observer et de photographier, mais j'ai d'abord besoin de savoir où je peux les trouver. c'était l'objectif, et puis je suis tombé sur lui. » conclut-il en désignant le wombat.

lamington park, queensland • w/ @Santiago Noguera

tw : sang, animal blessé
Évidemment que tu accours. Évidemment que tu vas retrouver ton ami pour un sauvetage improvisé. Ce que tu oublies de faire en revanche c’est de prévenir ton époux. Ton portable est pourtant dans la poche de ta tenue mais dans l’urgence et perturbée par les propos encore quelque peu déplacés de ton collègue Auguste. Tu es partie rapidement en roulant sans nul doute un peu trop vite pour tenter d’arriver pas trop tard. Santiago doit t’attendre et cela depuis des heures, tu ne sais même pas s’il patientera. Tu fais au plus vite après tout. Tu dois terminer à pied, forcément. Les chemins escarpés du Lamington Park ne laissent pas passer le bolide tout terrain que tu as emprunté à la clinique. Tu as peur la grosse artillerie, tu ne sais pas vraiment si vous pourrez transporter l’animal mais idéalement, il faudrait que la bête puisse se remettre au calme avant d’être relâchée. C’est à cela que tu sers, c’est pour cela que tu es vétérinaire et la clinique du Queensland est un peu un sanctuaire pour tout type d’animaux blessés. Tu ne tardes pas à retrouver Santiago avec les informations GPS qu’il t’a donné. Heureusement que l’on peut compter sur les données satellites. Ce n’est pas toujours fiables la 4G et compagnie. Tu en as fait longtemps les frais lorsque tu t’es retrouvée bloquée au milieu de la jungle sans pouvoir donner de nouvelles à ta famille. La résultat a été tel qu’on t’a cru morte. Génial n’est-ce pas ? Tu étais très attendue pour ton retour… enfin non, parce que tous tes proches te pensaient morte, ton mari y compris. Cela fait mal, lorsqu’on comprend que les gens peuvent nous oublier avec tant d’aisance. Ton mari n’a pas mis une année à coucher avec une autre femme. Enfin bon… ce n’est sans doute pas le moment de ressasser. Mais il est vrai que là, perdue au milieu de la forêt australienne, tu ne peux pas t’empêcher de faire des similitudes avec ce qui t’es déjà arrivé.

Tu t’excuses d’avoir été potentiellement longue. C’est sans doute toujours trop long, surtout lorsque l’on doit tenir une telle position pour maintenant un animal qui pèse quand même son poids. Tu ne peux pas t’empêcher d’esquisser un sourire lorsque Santiago roule sur le côté pour se reprendre durant quelques secondes. Tu as endormi la bête et elle ne risque pas de repartir en courant et d’abîmer encore plus la blessure que tu commences à peine à découvrir. La journée touche à sa fin et si la soleil laisse encore pénétrer ses rayons à travers les feuillages, ce n’est tout de même pas très clair. Tu enfiles sur ton front une lampe frontale pour avoir une meilleure vue de l’ampleur des dégâts. Tu tends un masque à oxygène avec ballon manuel à Santiago pour qu’il puisse alimenter en air l’animal. « - Oui, je pense, il faut juste que j’arrive à stabiliser la blessure, immobiliser sa patte et surtout qu’on parvienne à le porter à ma voiture ? » Tu prends un air innocent mais tu as parfaitement conscience que c’est une mission complexe. « - Je sais que cela paraît complexe mais on devrait pouvoir y arriver » Tu souris. Tu es comme cela, toujours pleine d’espoir, il faut non ? Tu as vu des choses complexes et si tu devais ne garder qu’elles, ta vie serait bien grise. Tu écoutes alors les propos de Santiago sur sa présence ici. Tu continues de préparer les instruments pour une patte cassée. Tu n’as évidemment pas d’atèle. Tu chercheras plus tard quelque chose pouvant maintenir la blessure. Pour l’heure, il faut remettre l’os ans son orbite et recoudre la plaie. « - Et tu en as trouvé ? » Comme tu parles et tu agis en même temps, il y a un laps de temps avant que tu ne précises : « - Les espèces rares d’oiseaux ? » Quoi d’autre ? « - Ce n’est pas terrible comme soirée, tu es au courant que ta chemise est fichue ? » Tu le taquines. « - En tout cas, ton message tombait bien… enfin, j’allais terminer mon service mais c’est … au travail c’est particulier, donc prendre l’air, même pour une urgence de ce type c’est rafraichissant. » Tu inspires, expires et avant que tu n’aies le temps de rajouter quelque chose… un grondement dans le ciel se fait entendre. Tu lèves les yeux vers la cime des arbres qui ne laissent pas voire grand-chose. « - Oh ne me dis pas que c’est un orage qui va nous tomber dessus ? »

lamington park, queensland • w/ @Esma Källström

tw sang, animal blessé

il ne réalise que maintenant, Santi, à quel point l'intervention risque de se compliquer rapidement. il n'avait pas imaginé que l'animal puisse avoir la jambe fracturée, et ne peut pas s'empêcher de glisser une main légère juste au sommet de son crâne, comme pour l'apaiser dans son sommeil. après l'avoir équipé pour l'aider à respirer et s'être correctement installé, il observe la brune déballer tout son matériel, ce qui lui donne une idée plus précise de l'étendue et la gravité de ses blessures. son cœur se serre quand il comprend avoir vu juste. il s'agit bel et bien d'une patte cassée, ce qui explique la quantité impressionnante de sang perdue. forcément, la première question qui lui traverse l'esprit concerne le bien-être de leur patient, qui n'a fait que faiblir sous ses yeux à mesure que le temps s'écoulait. il se demande sincèrement si ce dernier a réellement une chance de s'en tirer, et la question est posée sans détours. après tout, l'un comme l'autre a l'habitude de ces situations d'urgence où l'issue est souvent incertaine. le premier verdict d'Esma est plutôt positif pourtant, et il hoche la tête, satisfait. même si l'opération s'avère tout de même assez compliquée, et qu'ils n'en sont encore qu'au début, le moment où presque tout se joue. « on a déjà transporté pire non ? ça devrait aller. » qu'il confirme lui aussi. ce n'est pas tout à fait vrai, mais il faut bien se motiver, rester optimiste. penser aux pires scénarios ne leur sera d'aucune utilité - bien que techniquement, la manœuvre risque d'être complexe, entre le poids de l'animal et la nature du terrain, assez accidenté, un peu dangereux quand on ne regarde pas vraiment où on va. un problème sur lequel ils s'attarderont plus tard, quand viendra le moment de bouger.

la discussion s'oriente alors sur la raison de sa présence ici. venir dans l'objectif de dénicher ces oiseaux ne l'a évidemment pas empêché de faire d'autres clichés en chemin, et de griffonner un croquis de la forêt qu'il peaufinera plus tard. en réalité, il arpente les sentiers du parc depuis le début d'après-midi, la fatigue commence donc à bien se ressentir. « quelques uns. » la liste est un peu longue, ç'aurait été impossible de tous les trouver en l'espace d'une demi journée, wombat blessé ou non. « j'ai pu voir un podarge gris, et des cacatoès noirs avant d'être interrompu. » évidemment, les volatiles les plus rares n'ont pas daigné pointer le bout de leur bec. même si, à bien y réfléchir, c'est l'inverse qui s'est sans doute produit, et ce sont probablement eux qui l'ont observé depuis les hauteurs. l'image est amusante, au fond, et il se contente d'un haussement d'épaules indifférent quand Esma lui fait remarquer l'état de sa chemise. il voit bien qu'elle le taquine, et lui n'a jamais porté de grande valeur à ce qu'il porte. « tu veux dire l'intégralité de mes fringues ? » qu'il rétorque avec un sourire. ce n'est pas la première fois qu'il doit se débarrasser de ses vêtements pour la même raison, à quelques détails près. maintenant qu'il y pense, il espère que jamais personne n'a eu la mauvaise idée de fouiller les poubelles du ranch, puisque c'est systématiquement là-bas qu'il passe se changer avant de regagner l'appart. « tu savais que le sang pars mieux à l'eau froide ? » commente Santi d'un air absent, en constatant l'étendue des dégâts. ses vêtements sont dans un sale état, c'est vrai, et ses avant-bras n'ont pas été épargnés non plus d'ailleurs, mais ça ne pourra jamais être pire que cette nuit où il avait aidé l'une des juments du ranch à donner naissance. un carnage, dans tous les sens du terme ; sauf pour la maman et son poulain, qui s'étaient sortis indemnes d'un accouchement qui s'annonçait catastrophique.

la parenthèse fermée, les prochains mots d'Esma l'interpellent. d'aussi loin qu'il se souvienne, la brune s'est toujours épanouie dans son travail, ils se ressemblent en ce point. plus qu'un boulot, c'est une passion qui les anime. « il se passe quelque chose là-bas ? » évidemment qu'il souhaite en savoir plus, Santi. peu importe de quoi il s'agit, elle semble troublée rien que d'y penser, ce qui est un peu préoccupant. mais l'échange est aussitôt interrompu par le grognement du tonnerre. par réflexe, Santi lève lui aussi le regard en direction du ciel, qui s'assombrit à vue d'œil. « on dirait que si... » il lâche un soupir. « j'ai de quoi le couvrir, si besoin. » il doute que la pluie puisse vraiment les atteindre, sous cet épais manteau de verdure qui les surplombe - à moins qu'elle soit torrentielle, ce qui n'est pas impossible en cas d'orage. même si, dans ce cas, c'est surtout de la foudre dont il faudra se méfier. il n'est pas recommandé de s'abriter sous un arbre, alors plusieurs dizaines collés les uns aux autres... peut-être qu'ils ne seront pas la proie d'un groupe de dingos ce soir, finalement. « ça fait des jours que je surveille la météo, ils ne prévoyaient pas d'orage... » grommelle Santi, agacé. il n'a pas pu se tromper, ce matin encore, les prévisions ne signalaient pas la moindre formation nuageuse en approche. mère nature a visiblement décidé de leur compliquer la tâche, et il espère sincèrement qu'ils n'auront pas besoin de lutter contre une tempête par-dessus tout le reste.

lamington park, queensland • w/ @Santiago Noguera

tw : sang, animal blessé

Ces derniers temps, il est vrai que tu ne vas plus aussi sereinement à ton travail. Tu n’es pas sûre de t’y sentir bien. C’est compliqué pour toi de savoir où est ta place. Depuis la dernière altercation entre ton époux et ton collègue tu n’es pas sûre de savoir comment les autres voient la situation. Tu n’es pas sûre que cela ait joué en ta faveur. Tu as cette vague impression que les autres ne voient pas ce qu’Auguste, ledit collègue, est au fond. Il semble avoir fait une espèce de fixette sur toi, un amoureux transi ? Tu t’en serais volontiers passée, tu n’es pas dans la clinique depuis longtemps, tu te refuses de faire des histoires, tu te refuses de faire une scandale. Et tu as déjà un mari que tu aimes, pourquoi cet homme voudrait-il d’une femme, telle que toi, déjà éprise ? Tu ne percutes pas que c’est sans doute ce qui attire le jeune homme. Ton inaccessibilité. Le défi n’en est que plus gros, plus grand Alors quoi, son but est-il de briser tout ce que tu as réussi à rebâtir avec Alarik ? Tu ressasses sur le trajet, il te laisse le temps de le faire. Tu culpabilises alors que tu n’as pourtant rien fait. Tu tentes de ne pas affoler Alarik, tu prétends que tout va bien, parce que quoi sinon ? Qu’est-ce qui se passerait ? Tu ne veux pas d’une véritable altercation entre les deux. Tu es un peu près sûre qu’Alarik en sortirait vainqueur, ne serait-ce que parce qu’il mesure bien quinze centimètres de plus que le collègue qui tente et retente sa chance. Auguste te met mal à l’aise, il n’y a pas à dire, tu lui as dit mille fois non et son insistance devient jour après jour une forme de harcèlement. Tu es littéralement dans le déni et pourtant ? Pourquoi tes collègues l’aiment-ils autant ? Pire, certaines de tes collègues t’ont raconté qu’elles aimeraient être à ta place, parce que le petit manège n’est pas passé inaperçu aux yeux des autres qui ne semblent pas voir que tu ne vis pas cela comme quelque chose de positif.

La mission envoyée par Santiago au dernier moment est une aubaine dans un sens. Tu quittes la clinique et tu n’auras pas à dire à Alarik combien Auguste a joué avec tes nerfs. Et tu te rends loin de celui qui cause autant de tourment dans ton esprit. Tu retrouves Santi assez facilement, compte tenu du fait qu’il est au milieu de nulle part. Cela aurait pu être plus fastidieux. Le bilan est vite posé. Il faut ramener la bête à ton véhicule qui se trouve à presque deux kilomètres. Tu ne pouvais pas l’emmener jusque-là. Le périple semble des plus complexes, on ne peut pas dire que les wombats soient des animaux légers. Ils sont massifs et trapus et les prises risquent d’être complexes sans aggraver les blessures de l’animal, il va falloir ruser pour le transporter et tu n’es pas sûre d’avoir une idée brillante. Les propos en réponse de ton partenaire te font sourire. « - Oui, il est vrai, l’intégralité ! L’eau froide ? Je pense qu’il te faudra surtout un bon détachant si tu espères pouvoir l’enfiler à nouveau sans marque de sang, mais après, cela peut conférer un look très sympa pour halloween ? » Tu ris. « - Tu vois, le genre randonneur attaqué par un truc louche dans les bois, il y en a toujours un dans les films d’horreur » Donc c’est clairement dans le thème. Mais trêves de plaisanterie. Tu t’attèles à ton travail, tu stabilises au mieux la blessure et l’état de l’animal pour le préparer au transport.

Santiago semble noter dans la phrase que tu prononces que quelque chose ne te convient pas au travail. Tu lâches un léger rire, un truc un peu nerveux, parce que rien n’est drôle et même que cela fait augmenter ton rythme cardiaque de penser à ce qui se passe et surtout, tu n’es pas sûre de parvenir à mettre un mot dessus, des mots même. Tu n’en as parlé à personne pour l’heure, tu n’y arrives pas, la crainte que les faits relatés arrivent aux oreilles d’Alarik et que l’incident diplomatique ne se produise. « - Non, rien, c’est juste que cela été tendu après les incendies. » Tu brodes. Ce n’est pas vraiment faux mais ce n’est pas le fond du problème. Et comme on pourrait dire, tu es sauvée par le gong…du tonnerre. Pour arranger les choses, évidemment. « - On devrait avoir un peu de temps avant que l’averse ne traversent les feuilles… » Parce qu’au bruit qui surgit, on peut clairement comprendre que la pluie tombe fort sur les feuillages de la forêt. « - Mon cher, tu devrais savoir qu’un orage est plutôt difficilement prévisible » Et il fallait que cela tombe sur vous. Tu ne peux pas t’empêcher de pester intérieurement. « - Cela va compliquer la tâche, il va falloir qu’on le couvre oui, pour éviter que le bandage de fortune ne soit détrempé » Et qu’il se salisse de trop, il faudrait éviter à tout pris qu’il choppe en plus une infection. « - Tu n’as pas une bâche de protection ? Qu’est-ce que sur lequel on peut le mettre et qui permettrait de le tirer ? On va sans doute en chier mais je ne vois pas comment le soulever sans lui faire mal » Tu tentes de réfléchir rapidement, les premières gouttes commencent à tomber, doucement certes mais bientôt la forêt sera trempée.

lamington park, queensland • w/ @Esma Källström

tw animal blessé

le ciel se couvre, les premières gouttes se mettent à tomber. pour l'instant, leur écho est plutôt agréable à écouter, presque chantant, comme si toute la forêt murmurait autour d'eux ; mais la pluie perdra de son charme dès lors qu'elle les atteindra. encore à l'abri pour quelques minutes de plus s'ils ont de la chance, le duo s'active pour stabiliser l'état de leur patient, tant bien que mal, avec les maigres moyens du bord. ce qui ne les empêche pas de papoter un peu en attendant que tout soit prêt, autant pour se divertir que pour garder l'humeur au beau fixe. forcément, l'état déplorable de ses vêtements est abordé par la vétérinaire, qui fait le lien avec halloween et ces films d'horreur un peu clichés qui se déroulent dans les bois, où grouillent un tas de monstres assoiffés de sang, et de randonneurs qui manquent souvent de jugeote. « le gars qui se fait tuer dans la scène d'introduction ? je vais garder l'idée de côté - mais pas les vêtements. » il n'y plus grand-chose à sauver, au fond. « détachant ou pas, ils sont foutus de toute façon, mais c'est pas grave. » avec l'orage qui se forme rapidement juste au-dessus de leurs têtes, il est grand temps de se pencher sur le sujet délicat du transport de l'animal, qui pèse un certain poids en plus d'être grièvement blessé. malgré le tonnerre qui vient de couper court à la discussion, la remarque d'Esma n'est pas oubliée. Santi la range dans un coin de son esprit - il a le pressentiment qu'ils auront tout le temps d'en discuter à nouveau au cours de la soirée. de préférence bien au sec et au chaud, dans l'habitacle d'une voiture. même si, considérant la vitesse anormale à laquelle la météo se dégrade, il commence à douter d'avoir droit à ce confort. l'occasion de pester une nouvelle fois contre les prévisions qui n'ont, selon lui, pas bien fait leur job. « je sais, mais celui-là sort quand même de nul part. » rétorque-t-il avec un léger sourire quand même. pas vraiment abattu par les circonstances qui se liguent contre eux et la survie de l'animal. il n'est pas encore prêt de s'avouer vaincu, et attire son sac jusqu'à lui pour en fouiller le contenu. « laisse-moi regarder... » en réalité, il n'a rien là-dedans qui pourrait leur être vraiment utile. mais avec un peu d'ingéniosité, peut-être qu'ils arriveront à trouver une solution. « j'ai ça pour le couvrir », fait Santi en lui tendant un imperméable enroulé. « pour le porter... non, j'ai rien. rien d'assez solide en tout cas. à moins que ces trucs puissent faire l'affaire ? » qu'il songe à voix haute en déposant deux couvertures de survie emballées dans l'herbe. dans le cas où ils n'arrivent pas à sortir de la forêt avant le déluge, ce serait dommage de les abîmer, mais il n'a rien de mieux à proposer. « ça peut le faire si on arrive à regagner le sentier. » ce sera sans doute la partie la plus aisée de tout le processus, avec une boussole et leur deux cerveaux combinés. traîner l'animal jusqu'à leurs voitures, en revanche, est une tâche qu'il appréhende avec moins d'enthousiasme.

il est en train de consulter l'arrière du paquet dans l'espoir de peut-être trouver une réponse à sa propre question quand l'atmosphère semble changer autour d'eux. un court instant de calme plat aussitôt brisé par la foudre qui vient s'abattre quelque part à proximité. comme une intuition, Santi peut presque sentir l'air crépiter une seconde avant l'impact. le ciel s'illumine un court instant d'une lumière aveuglante tandis qu'un son semblable à plusieurs coups de feu retentit tout autour d'eux. par réflexe, le guide lâche tout ce qu'il tient pour se couvrir les oreilles - trop tard, et le son assourdissant le laisse un peu désorienté par ce qu'il vient de se passer. une sensation fébrile remonte le long de son échine, l'adrénaline se glisse dans ses veines mais il se force à maintenir l'immobilité la plus totale, les bras levés et les paupières closes. replié sur lui-même comme si cela pouvait vraiment le protéger, un vent de panique le saisit quand il réalise qu'il n'entend plus rien, à part ce sifflement continu qui résonne à l'intérieur de son crâne. l'équilibre vacillant et le souffle court, il cherche machinalement un appui contre le sol, quelque chose de solide à quoi se raccrocher. une poignée de secondes qui lui paraissent interminables et lui font croire au pire, un court instant ; mais il recouvre bientôt son ouïe, qui lui revient petit à petit. ce sont les battements affolés de son cœur qu'il perçoit en premier, et il porte une main tremblante à ce dernier, qui bat fort contre sa cage thoracique. il peut entendre la pluie ensuite, le grondement sourd du tonnerre, et lance un coup d'œil angoissé sur les alentours, à sa droite, tandis qu'une légère odeur de brûlé s'élève dans l'air. la plupart de ses sens à nouveau sous contrôle, il s'accorde un instant de plus pour reprendre ses esprits, respirer calmement ; puis retrouver sa voix, qui lui a aussi momentanément échappé. « c'est vraiment tombé pas loin... ça va ? » demande-t-il en se retournant vers la brune, qui semble aussi chamboulée que lui. la plupart des sons lui parviennent encore un peu étouffés, et pour couronner le tout, la pluie s'est intensifiée, s'abat contre le feuillage avec plus de vigueur. ils sont au cœur de l'orage. « on peut pas rester ici. » qu'il signale avec une certaine urgence dans la voix. pas du genre à perdre son sang-froid, le tonnerre continue de gronder et la situation ne lui donne pas la moindre envie de traîner dans le coin plus longtemps que nécessaire. il faut bouger, et vite. trouver un endroit où se réfugier, au moins le temps de passer en revue leur dernières options - qui à ce stade, ne sont plus très nombreuses. fouillant dans sa mémoire, il retrace mentalement le chemin suivi pour en arriver là. « j'ai vu des rochers qui pourraient nous servir d'abri en passant. tu crois qu'on pourrait le traîner jusque là-bas ? c'est pas très loin. » ce sera toujours mieux que de patienter sagement ici en attendant le prochain impact. et puis, contrairement aux idées reçues, il n'est pas si rare que la foudre frappe deux fois la même cible, apparemment. une théorie qu'il n'a certainement pas envie de vérifier.

lamington park, queensland • w/ @Santiago Noguera

tw : sang, animal blessé

On appelle cela la passion. La passion. C’est totalement fou de partir sur l’appel d’un ami à plus d’une heure et demie de route pour retrouver ledit ami au milieu de nulle part dans la forêt du parc national de Lamington. Tu ne prends pas la peine, ou le temps du moins de prévenir Alarik. Tu pensais le faire à ton arrivée mais il s’avère que le réseau n’est pas des masses coopératif. Santiago est patient d’attendre tout ce temps que tu parviennes à le trouver. Tu fais évidemment au plus vite mais le temps ne doit pas passer vite au milieu de nulle-part, sans tellement de réseau pour patienter. On ne sait pas réellement par quel miracle mais tu parviens à trouver Santi et l’animal blessé. Il est couvert du sang de la bête. Ses vêtements sont littéralement fichus. L’examen préalable du wombat se fait. Tu poses les bases des soins mais il est clair que tu ne peux pas faire grand-chose au milieu des bois. Il faut absolument que vous puissiez le ramener vers la voiture. Tu pourras alors le ramener à la clinique pour qu’il puisse bénéficier des meilleurs soins. Il va sans doute falloir user de la ruse et de la force pour parvenir à cela. Vous décidez de le traîner, le porter serait trop compliqué et sans doute trop douloureux pour l’animal. Cela empirerait ses blessures. Déjà que la situation n’est pas simple mais là… il faut avouer que la suite des événements n’arrangent rien. Un orage. Le tonnerre résonne. Santiago semble étonné, il faut avouer que toi aussi, tu n’as pas souvenir que ce soit annoncé, mais après tout, vous vivez sur la côte. Le temps est largement changeant. « - Les aléas d’une vie sur les bords de la mer, j’imagine » Tu tentes de plaisanter. « - On va peut-être passer entre les gouttes » Tu espères en lançant un regard quelque peu inquiet vers le ciel. Il ne manquerait plus qu’un violent orage retentisse au-dessus de vos têtes. Les gouttes d’eau se font entendre sur la cime des arbres et doucement elles parviennent jusqu’à vous. Génial. Vous allez pas du tout passer entre les gouttes. Impossible. Il faut couvrir l’animal. Cela serait plus prudent.

Santiago fouille dans son sac pour trouver de quoi protéger le wombat. Pour l’heure, il dort toujours, ce qui vous facilite la tâche. Seulement l’anesthésiant ne fera pas effet une éternité. Il faut songer à avancer le plus possible. Ton ami sort alors un k-way en boule. Tu ne sais pas si c’est une bonne idée… enfin, sur le principe, si ! N’en aura-t-il pas besoin s’il continue à pleuvoir ? « - Tu es sûr ? Tu ne vas terminer trempé ? » Tu fouines dans ton sac. « - On devrait le couvrir avec les couvertures de survie, le temps qu’elles résistent en tout cas » Tu cherches si tu as une bâche de protection. Tu n’as pas pensé à vérifier en prenant le sac de secours. Elles sont pliées en général en petit et servent justement à protéger en cas d’urgence. Elle pourrait résister pour tirer l’animal. Et tu mets la main dessus, tu la brandis victorieuse. La pluie ne cesse pas, c’est d’ailleurs tout l’inverse. « - Ok, j’ai ça ! » Tu ouvres sans tarder. « - Il faudrait qu’on le fasse glisser dessus et je pense qu’en prenant un coin chacun, on devrait pouvoir le tirer »

La mission est plus simple que prévue et alors que vous vous apprêtez à protéger la bête, le calme avant la tempête. L’expression semble toute trouvée. La foudre s’abat à côté de vous… quelques mètres, le bruit du craquement de la foudre reste dans tes oreilles un moment au point de les faire siller. Ton réflexe a été de protéger la bête et ton visage. Santiago s’enquit de ton état. « - Oui, ça va, ne t’inquiète pas et toi ? » Il faut vraiment lancer le départ de ce périple. Seulement vu la pluie qui redouble et l’orage au-dessus de vos têtes… compliqué. Vous ne tardez pas à être trempés. Tu es bien contente que le wombat dorme, cela vous facilite un peu la tâche. « - A combien de mètres ? On est déjà trempé ou presque, mais c’est peut-être plus prudent d’attendre que l’orage se décale un peu, j’ai l’impression qu’il est vraiment au-dessus de nos têtes » Tu lèves encore les yeux d’ailleurs, vers le ciel. « - Cela nous permettra de voir si la bâche peut tenir pour tenir la bête » Tu attrapes un coin à l’avant après avoir remis ton sac à dos sur les épaules. La température s’est drastiquement rafraîchie. «  - Je te suis, c’est vers où ? » Tu ne peux t’en remettre qu’à lui pour ce coup-là. « - Je crois qu’on se rappellera de cette soirée » Tu ris, bien que tu commences quand même à ressentir une certaine pression avec l’orage qui ne semble pas faiblir… tout l’inverse. « - Si on survit, tu m'oublies la prochaine fois » Tu plaisantes évidemment, parce que bien sûr que si Santi a besoin pour sauver un animal, tu n’hésiteras pas pour lui apporter ton aide.

lamington park, queensland • w/ @Esma Källström

tw animal blessé

s'il avait su d'avance à quel point les choses allaient s'envenimer, peut-être aurait-il réfléchi à deux fois avant de faire appel à son amie. mais, en même temps, pourrait-elle lui pardonner d'avoir laissé un animal blessé, et dont l'espèce est menacée, à son sort ? probablement pas. Santi sait bien qu'ils partagent les mêmes valeurs, quand leur survie est en jeu. ce qui ne l'empêche pas de contempler la situation avec une appréhension grandissante. il ne fait pas bon vivre au cœur de ces forêts, la nuit et à la merci d'une météo capricieuse. ce qui est sûr, c'est qu'il va bouder le coin un moment avant d'y remettre les pieds. « j'en doute. » qu'il rétorque aussitôt, ouvertement pessimiste, mais ils faut parfois se résigner à voir la vérité en face. surtout quand celle-ci prend la forme d'épais nuages qui s'amoncellent dans un ciel qu'il peut voir virer au noir en temps réel. les premières gouttes ne tardent d'ailleurs pas à les atteindre, tandis que les arbres et leurs multiples branches commencent à s'agiter sous le vent. encerclés par la tempête et perdus dans la pénombre des bois ; le décor est digne d'un film d'horreur. « couvert ou pas, je vais finir trempé. » c'est désormais sûr et certain. pour autant, la brune n'a pas tort, il vaut mieux garder le vêtement de côté, au cas où la situation ne dégénère vraiment, ça leur sera sûrement utile. il la laisse donc fouiller dans son propre sac et en sortir de quoi transporter l'animal - une bâche, qui sera sans doute plus résistante. faire glisser le blessé dessus sans aggraver ses plaies n'est pas une mince affaire, mais ils y parviennent tant bien que mal, avec un peu de patience et beaucoup de délicatesse. c'est à ce moment précis que la foudre frappe, brusquement. le temps s'arrête, l'espace de quelques secondes qui semblent pourtant durer une éternité. c'est le cœur battant à tout rompre que Santi découvre ses oreilles. il s'enquiert aussitôt du bien-être de sa compagne d'infortune ; mais mis à part une bonne frayeur, tout le monde semble aller bien. « un peu sonné, mais je vais survivre. » fait-il en secouant la tête, grimaçant. la forte pluie a bel et bien traversé le couvert du feuillage maintenant ; et la foudre tombée bien trop près de leur position a aussi sonné l'heure du départ. le guide est certain d'avoir repéré un renfoncement rocheux qui pourrait leur servir d'abri de fortune, au moins le temps que l'orage s'éloigne, mais encore faut-il y arriver, et plus important encore, le retrouver. « aucune idée, je sais juste que c'est assez proche pour qu'on ait une chance d'y arriver en un morceau. »

jetant un œil sur les alentours, il tente de se remémorer par où il est arrivé. plus facile à dire qu'à faire alors que tous les troncs, tous les buissons se ressemblent. il se rappelle être sorti du sentier pour rattraper l'animal, mais il est certain de ne pas s'être éloigné tant que ça. l'essentiel est de partir dans la bonne direction, et de ne pas s'enfoncer plus profondément dans la végétation. se repérer, c'est quelque chose qu'il est capable de faire, même dans une situation comme celle-ci ; il l'a fait des dizaines de fois dans le passé, quand il explorait les grottes de la région, où presque tout reposait sur l'instinct et le sang-froid - les réflexes sont encore là, enfouis en lui, il doit juste prendre un peu de temps pour se concentrer, réfléchir, sans se hâter. « donne moi une seconde... » demande-t-il, sortant sa boussole et une carte de sa poche. ça ne sert à rien de loucher sur les environs en espérant y déceler une trace de son passage. se réalignant avec le nord, il s'accorde un instant de profonde réflexion, puis finit par retrouver un semblant de repères. « c'est bon, viens. » une paume fermement agrippée à un coin de la bâche, il désigne approximativement la direction à prendre et se met à marcher. prudemment, comme si le sol allait se dérober sous ses pieds. il sait qu'Esma veille sur leur cargaison ; son job à lui est d'ouvrir la marche et de les mener à bon port. leur progression est lente, compliquée par la dense végétation qu'il faut écarter sur leur chemin ; mais ils rejoignent le sentier, après quelques minutes de marche. « oui ! » s'écrie Santi, soulagé. il ne pourra pas se reprocher de les avoir perdus au fin fond de la jungle, et de les condamner à l'un des pires scénarios possibles. à ce stade, le temps est leur plus précieux atout. « par ici. » au-dessus de leurs têtes, l'orage continue de gronder et la pluie de tomber, froide et battante. la forêt a pris des allures presque menaçantes, tant le ciel s'est assombri, et le sentier ne va pas tarder à se métamorphoser en chemin de boue. pourtant, Esma fait le choix s'amuser de leur situation, même s'il peut déceler un soupçon d'anxiété dans sa voix. « c'est ce qu'on peut qualifier d'aventure mémorable. » admet Santi, jetant un rapide coup d'œil par-dessus son épaule, la laissant entrevoir un sourire. « et si on survit, je ne compte pas remettre ça de sitôt, t'en fais pas. » non, il se contentera de pister et d'observer la faune à proximité du ranch au cours des prochains mois. des paysages qu'il connait par cœur, mais la routine a parfois du bon. « on y est. » avertit le guide en reconnaissant enfin une forme familière dans la roche qui borde le sentier, à leur gauche. ça ne les protégera pas du froid, mais ils y seront abrités de la pluie - même s'ils sont déjà complètement trempés. « qu'est-ce que tu en penses, ça risque pas de nous tomber dessus ? » qu'il s'interroge en inspectant les hauteurs. à première vue, ce petit bout de falaise à l'air solide. il a sans doute traversé bien pire, au fil du temps, mais les marques laissées par l'érosion ne se voient pas forcément, dans la pierre. ce n'est pas le moment de se faire assommer par un caillou, par-dessus tout le reste.

lamington park, queensland • w/ @Santiago Noguera

tw : sang, animal blessé

C’est un enfer. Littéralement. L’enfer s’ouvre au-dessus de leur tête. Improbable que le temps change à ce point, la nature est une force que personne ne maîtrise. Esma le sait, seulement là, c’est un véritable déluge qui s’abat sur eux. La forêt est plongée dans la pénombre, cela va vite devenir compliqué de se repérer. Ce n’est pas sa spécialité à la vétérinaire, bien qu’elle possède en général un bon sens de l’orientation. Il est grand temps de trouver un abri. C’est compliqué et surtout cela devient dangereux. On n’est pas sur un petit orage de passage. Les trombes d’eau, des éclairs et le tonnerre. Esma peine à se repérer, à se concentrer, pourtant, ce n’est pas le moment de flancher. Pas question de laisser cette pauvre bête trop souffrir ou même mourir. Vous n’avez pas fait tout cela pour rien. Impossible qu’elle se résigne maintenant. Esma n’est-elle pas une force de la nature ? Son passé parle pour elle mais parfois on ne peut pas maîtriser tous les éléments, surtout lorsque l’on travaille avec la nature.

Il faut avouer que pendant un instant, alors que la foudre ne s’abat pas loin, le monde s’arrête. Les oreilles de la vétérinaire sillent. Tout va bien, le temps à son corps de se remettre dans l’action, de ne pas resté figée. Ils ne peuvent décemment pas rester ici, il leur faut un abri. A cet instant, elle laisse le guide effectuer son travail et elle s’en remet entièrement à son ami. « - Je te suis où tu veux tant que l’on peut s’abriter » Un léger rire mais il est vrai que la situation semble quelque peu tendue. Ils marchent péniblement, avancent comme ils le peuvent. Son regard tente de repérer les lieux mais ce n’est pas évident avec toute cette pluie. Santiago semble savoir ce qu’il fait. Elle lui fait confiance, espérant d’ailleurs ne pas le regretter. Parce que cette expédition à la hâte ne leur réussit pas tellement. Alarik va s’inquiéter, elle le sait. Les circonstances font en plus compliquées… elle aurait sans doute mieux fait de lui laisser un message pour l’avertir. Maintenant il est trop tard, le réseau n’est pas terrible et le moment mal choisit pour passer un coup de fils.

Santiago semble tenir une piste pour un abri. Sans rien dire elle le suit péniblement avec l’animal endormi. Cette pauvre bête vit aussi l’enfer. Cela lui crève le cœur mais s’ils arrivent à la sauver, alors au moins ils n’auront pas fait tout cela pour rien. Et enfin l’abri se dessine. « - Je te promets de ne jamais oublier qu’on a failli y rester » Elle est pourtant quelque peu nerveuse, l’orage ne cesse pas et elle ne sait pas combien de temps cela va mettre pour que les choses se calment. Une nuit dehors par un tel temps ? L’idée ne l’enchante pas, elle l’a déjà fait en Afrique mais il faut avouer que les conditions météos n’étaient pas aussi terribles. C’est d’ailleurs fou comme tout paraît plus calme quand des litres d’eau ne tombent sur de frêles épaules. Une fois à l’abri, la vétérinaire reprend un peu son souffle. Elle inspecte avec Santi les lieux. Un coup d’œil vers l’animal, endormi encore, pour combien de temps ? Sa paume mouillée caresse la falaise qui semble relativement solide. « - Je pense que l’on ne craint rien par ici » Elle remet ses boucles détrempées en place, elle a l’impression d’avoir pris une douche toute habillée. Elle finit par poser ses fesses sur le sol quelque peu caillouteux. « - Bon sang, j’espère sincèrement que l’orage passera vite, sinon on y est pour la nuit » Elle s’enquit de l’état de l’animal, sort un stéthoscope pour écouter le rythme cardiaque. « - Il tient le coup, je ne sais pas vraiment comment, parce que j’ai l’impression que cela relève du miracle » Elle soupire longuement pour évacuer la tension de ses derniers instants sous l’orage. « - Je crois que je ne serais pas à l’heure pour le dîner » Elle lance en souriant, le tout en calant sa tête contre la paroi, elle sent la fatigue de la journée se faire sentir, même si son esprit reste alerte. Elle sort son portable, évidemment le réseau est absent. « - Tu me crois, si tu te dis qu’en plus il n’y a pas de réseau » Elle rit nerveusement. Cette soirée n’aurait pas pu être pire en terme de conditions de sauvetage.

lamington park, queensland • w/ @Esma Källström

tw animal blessé

les éléments se sont ligués contre eux. entre la pluie, l'orage, le froid et la densité de la végétation, avancer n'est pas facile. les branches viennent lui écorcher la peau comme de longs bras griffus et la terre glisse sous ses pieds, mais en bon éclaireur, Santi persévère. avec la nuit qui tombe rapidement et cette tempête qui a déjà tout assombri aux alentours, le temps leur est compté. plus vite ils trouveront un abri, mieux ce sera. il fait donc le choix de ne pas ralentir la cadence, même si leurs souffles sont déjà courts, même si se presser, c'est risquer de trébucher et de se blesser. chacun est profondément concentré, leur progression se fait dans un silence quasi total, outre les éclats de tonnerre et le son du déluge. et si les trombes d'eau qui s'abattent sur la forêt ne faiblissent pas, le guide remarque, avec un certain soulagement, que les coups de tonnerre s'espacent graduellement les uns des autres. impossible de distinguer quoi que ce soit, à travers l'épaisse canopée des arbres, et de calculer la distance qui les sépare de l'orage, mais peut-être que ce dernier va bientôt suffisamment s'éloigner pour les laisser regagner le départ du sentier, et leurs voitures respectives. ce serait la meilleure issue possible - mais aussi la moins probable. comme le soulignait Esma, la météo se montre souvent capricieuse près des côtes, ce ne serait pas étonnant que l'orage se prolonge toute la nuit, jusqu'à l'aube. d'où l'intérêt de rejoindre un abri. heureusement, le bout de falaise repéré plus tôt se dessine enfin dans la pénombre. dans son dos, la brune ne se prive pas de lui rappeler une fois de plus qu'elle n'oubliera pas leur petite mésaventure de sitôt. traversé par un regain d'énergie à la perspective de bientôt pouvoir se reposer au sec, Santi attrape un coin de la bâche pour l'aider à traîner l'animal sur les derniers mètres les séparant de leur destination. et lui renvoie une expression joueuse, malgré les circonstances, à travers les mèches trempées qui collent à son front. « tant mieux, tu pourras me dissuader de recommencer si ça me reprend. » parce que l'appel de l'aventure est souvent plus fort que la raison, et ces mauvaises expériences sont si rares que leur souvenir a tôt fait de s'oublier.

enfin abrités sous cet imposant morceau de roche qui s'avance par-dessus leurs têtes, une rapide inspection de la paroi s'impose, au cas où - mais de toute façon, ils n'ont nul part ailleurs où aller. la distance qui leur reste à parcourir n'a pas tant diminué, l'orage continue de gronder et la pluie de tomber. levant les yeux vers le ciel, le guide s'applique à écouter un instant. « j'ai l'impression qu'il s'éloigne... » mais il n'est sûr de rien. le son se répercute étrangement entre les arbres, et la fatigue le tiraille. il n'a pas l'intention de bouger avant de s'être assez reposé. s'agenouillant avec Esma auprès du blessé, il la laisse patiemment procéder à un petit examen, s'assurer que tout va bien - aussi bien que possible dans ces conditions, du moins.  « il nous reste combien de temps avant qu'il se réveille ? » l'interroge Santi en glissant à son tour sa main contre la fourrure mouillée, jusqu'à sentir les battements de son cœur sous ses doigts. Esma a raison, l'animal s'accroche, miraculeusement, mais pour combien de temps encore ? leurs ressources sont limitées, ils n'ont pas les moyens de lutter contre une bête sauvage et affolée - sans doute que le stress la condamnerait pour de bon, et ils auraient fait tout ça pour rien, si ce n'est prolonger sa souffrance. du coin de l'œil, il voit la vétérinaire se caler contre la paroi. lâche un petit rire à sa remarque, et pense à sa chienne, qu'il a exceptionnellement laissée à l'appartement. ce n'est pas le manque de vivres qui l'inquiète, plutôt la possibilité qu'elle cède à l'ennui et que les meubles en pâtissent. « j'aurais eu du mal à te croire si tu m'avais dit qu'il y en avait. » la couverture réseau est très mauvaise dans la zone, c'est un fait bien connu. mais le point positif, c'est que ses collègues l'attendent au ranch le lendemain, tôt dans la matinée, et qu'ils savent aussi où il se trouve, plus ou moins. s'il ne se présente pas, ils feront les démarches nécessaires, et on viendra les chercher. même si Santi espère ne pas en arriver là, et continue de s'accrocher à la certitude, un peu naïve peut-être, qu'ils sont encore capables de s'en sortir tous seuls. « tu as prévenu quelqu'un que tu venais là ? » venant s'installer à ses côtés, il préfère ne pas s'adosser contre la roche froide, le sol l'étant déjà bien assez. fouille dans son sac et en sort les couvertures de survie, dont un paquet qu'il tend à la brune. « tiens. débarrasse toi de ce qui est trempé et enroule toi là dedans. » les températures vont continuer de dégringoler avec la tombée de la nuit, il faut impérativement se réchauffer un peu pour être prêts à l'affronter, et reprendre des forces. « il me reste de l'eau et j'ai des trucs à grignoter, si tu veux. » poursuit le guide, visiblement résigné au scénario de passer la nuit ici.

lamington park, queensland • w/ @Santiago Noguera

tw : sang, animal blessé

Un petit sourire. C’est vrai que c’est loin d’être l’idée du siècle. La passion a parlé et Esma ne s’est pas sentie de refuser, y a-t-elle pensé ? Non, il faut bien avouer que l’idée même de laisser un ami dans le besoin ne lui est pas venu à l’idée. Surtout quand il y a un animal à sauver dans l’équation. Elle se demande quand même comment il aurait fait si elle n’avait pas rappliqué dans ce plan plus que foireux ? Il n’aurait pas pu sauver la bête et elle s’en serait voulu. L’orage est loin d’être tendre d’ailleurs, le genre imprévu et surprenant. Les aléas, c’est vrai, lorsque l’on habite sur le littoral. Le trajet jusqu’à un abri c’est un calvaire, littéralement. Pas seulement parce que les deux partenaires sont trempés jusqu’aux os. Mais aussi parce que la boue se joint à eux… et qu’il faut tirer un animal qui pèse son poids sans lui faire trop mal. Les anesthésiants semblent faire leur effet, les wombat est calme et dort pour le moment, inconscient, Esma est bien ravie qu’il ne puisse pas se rendre compte de son état et de tout le stress qui l’entoure.

L’abri trouvé n’est pas terrible mais il a le mérite de les protéger des trombes d’eau qui s’abattent sur eux. Tout est mouillé chez Esma, toutes ses vêtements, toutes ses affaires, c’est comme avoir plongé dans une piscine avec tout ce qu’elle portait. Santiago est sans doute dans le même état. Il lui fait quelques secondes, minutes peut-être, pour reprendre un peu son souffle, heureusement que la vétérinaire est sportive et qu’elle a un train de vie plutôt sain… enfin, lorsqu’elle ne mange pas de bonbons ou de sucreries en tout genre. Hormis cela, Esma pratique du sport tous les jours pour tenir une bonne condition physique, dans son métier, c’est important. Son regard suit celui de son ami vers le ciel. « - J’espère sincèrement que tu as raison » Parce que si le temps était affreusement moite juste avant qu’il n’éclate, l’orage a fait redescendre la température et l’air de fait frais, un coup à tomber malade cette histoire. Espérant que là aussi tout se passe bien. Il est clair qu’elle rêve d’un bain chaud là tout de suite maintenant. Qui à être mouillée, elle aurait sans doute préféré que ce soit chaud, pas frais… Froid même. Esma s’attarde sur l’animal, Santiago semble s’inquiéter du temps qu’il leur reste avant que le wombat ne s’agite. Elle calcule rapidement avant de lui donner la réponse. Sans doute trop peu de temps mais il lui reste encore une dose, mais à voir si cela est judicieux. « - Une heure je dirais, pas beaucoup plus, j’ai encore de quoi le faire dormir mais je voudrais éviter de lui remettre une dose, sauf si cela est nécessaire. » Elle jette un coup d’œil à son portable, pas de réseau. Un petit rire nerveux. « - Un petit miracle ne serait pas de trop, si tu veux mon avis » Elle soupire, frissonne un peu, parce qu’être trempée de la sorte, avec la fatigue n’aide pas son corps à garder une température convenable. Il lui demande si elle à penser à prévenir quelqu’un. Oui, un collègue mais elle n’est pas sûre de pouvoir compter sur lui, en a-t-elle envie d’ailleurs ? Et dans la précipitation, elle n’a pas envoyé de message à Alarik… et maintenant elle culpabilise. Elle sait qu’il va paniquer. L’écho d’une situation trop bien connue. Elle frotte son visage, compresse un instant ses paupières pour faire diminuer la pression qui s’installe derrière ses yeux. « - Non, évidemment que non, cela aurait été trop facile… je me suis pressée… bon sang Alarik va paniquer…, peut-être qu’il donnera l’alerte si je ne rentre pas… et surtout si je ne réponds pas. » Elle l’espère plus que tout. Bon sang, elle n’a pas été très maline sur ce coup-là. Esma encore une fois, tu as agi dans la précipitation, dans l’impulsion, n’est-ce pas l’un des fléaux de son caractère volcanique ? Elle le regarde fouiller dans ses affaires avant qu’il ne lui tende une couverture de survie. Elle rit, cette fois c’est un vrai rire. « - Santiago, tu crois qu’il y a un centimètre carré de mes fringues qui n’est pas trempé ? » Elle devrait se foutre à poile pour sécher, ce qu’elle n’a pas l’intention de faire pour le moment. Elle s’enroule quand même dans la couverture espérant garder un peu de sa chaleur naturelle. Cela pourrait faire un effet chauffage ? Elle ferme un peu les yeux pour tenter de calmer la montée de stress qui ne freine pas. « - Je veux bien un peu d’eau, si tu as. J’ai une fusée de détresse, mais tu crois qu’elle va prendre avec toute cette pluie ? Il faudrait sans doute que l’on sache qu’on est là… » Elle regarde encore son portable. Insiste sur l’envoie de sms. Un à Alarik, un à sa clinique. Elle y va presque en boucle… « - Oh… attends, je crois qu’un message est passé… ! On a peut-être un peu d’espoir dans cette fin de journée merdique ! »

lamington park, queensland • w/ @Esma Källström

tw sang, animal blessé

de nuit et sous l'orage, cette forêt n'est pas la plus accueillante qui soit. à une époque lointaine, Santi aurait préféré se réfugier sous terre que de rester sous le déluge et à portée de la foudre. ici cependant, ils n'ont pas le choix - il faut avancer. heureusement, le duo est du genre persévérant ; en règle générale, quand le bien-être d'un animal est en jeu, l'un comme l'autre n'a jamais pour habitude de baisser les bras avant d'avoir épuisé toutes leurs options, et leurs expériences personnelles leur ont chacun forgé une détermination qu'il est difficile d'enrayer. ce qui n'empêche pas de reconnaitre la complexité de leur situation, à commencer par le sommeil artificiel de leur patient qui ne durera pas aussi longtemps que Santi l'espérait. « une heure ? » ils ne seront sûrement pas partis dans une heure. et même s'ils pliaient bagage avant que le temps ne se soit écoulé, ils ne parviendront pas à remonter le sentier avant que le wombat ne s'éveille, commence à se débattre et se blesse davantage. « c'est trop court... » soupire le guide, qui s'active aussitôt à chercher un début de solution. une seconde piqûre ? ce serait risqué, surtout dans son état déjà affaibli. « on peut toujours tenter une petite prière. » rétorque-t-il sans grand sérieux. entre deux grands pragmatiques comme eux, l'appel à une divinité supérieure ne les mènera nul part. seuls leur vivacité d'esprit et le travail d'équipe pourront les sortir de là - mais pour le moment, l'heure est au repos, autant que possible dans ce contexte délicat et cet abri de fortune. en plus de leur patient, il ne faut pas oublier de veiller à leur propre sécurité, raison pour laquelle le guide confie l'une des couvertures à la brune. la suggestion de se dévêtir est rapidement balayée ; Santi hausse les épaules. « non, je sais. » il est dans un état similaire, après tout. trempé jusqu'aux os, sa peau commence à le picoter sous l'effet du froid. « je voulais te passer ça, pour te couvrir, » poursuit-il en lui montrant l'imperméable évoqué un peu plus tôt. « mais c'est comme tu veux. » la voir se couvrir le rassure quand même. ce sera peut-être suffisant pour conserver un minimum de chaleur et d'énergie, en attendant que la tempête passe.

« tu devrais la garder de côté. » répond-t-il quand Esma suggère d'utiliser une fusée de détresse. au-delà de s'allumer sous le rideau de pluie, il faudrait avant tout qu'on sache qu'ils sont coincés ici pour être vraiment utile, comme elle le fait remarquer. et puis, ils n'en sont pas encore là, ne sont même pas perdus, simplement retardés. visiblement angoissée par le fait de n'avoir prévenu personne de son excursion, la brune s'acharne sur son portable. Santi devrait probablement en faire de même, histoire de maximiser leurs chances ; problème, ses mains sont encore maculées de sang séché. ses vêtements, passe encore, mais il n'a pas l'argent pour se racheter un nouveau portable - si tant est qu'il n'ait pas déjà pris l'eau. « je reviens. » indique-t-il en se redressant. s'approchant de l'extrémité de leur abri, il repère un mince filet d'eau qui s'écoule de la falaise. ce sont d'abord ses avant-bras qu'il passe dessous, les frottant vigoureusement pour se débarrasser du mélange de sang et de terre qui les recouvre ; avant de brièvement considérer l'idée de la boire. ses réserves sont minces, prévues pour une seule personne, sans compter le sauvetage improvisé d'un wombat adulte ni la présence d'une équipière d'infortune. mais ce serait prendre le risque de se contaminer bêtement, mieux vaut se contenter de café froid et rationner ce qu'il leur reste. dans son dos, la voix d'Esma prend une intonation soulagée - l'un des messages s'est envoyé. « je vais essayer aussi. » ouvrant son sac, il découvre son portable, heureusement intact. sélectionnant plusieurs destinataires, Santi grimace. il aura quelques explications à donner aux diverses personnes contactées, qui recevront probablement l'alerte à différents moments de la nuit, ou même le lendemain. replaçant l'appareil bien au sec, il s'installe en tailleur, attrape la bouteille d'eau pour en avaler quelques gorgées à son tour. « ok, il faut qu'on réfléchisse à la suite. » lâche-t-il après un instant de silence. difficile d'établir un plan d'action mais il faut s'organiser maintenant, avant que l'énergie ne leur manque trop. « combien de temps tu te sens de rester ici ? » puis, constatant la mine fatiguée d'Esma, ajoute : « je peux prendre la première garde, si tu veux te reposer un peu. »