@Jules de Sario & @Stevie Harrington

Tu couches avec Anders, pour réussir à garder ta place ? Les mots lui ont été crachés au visage environ une heure plus tôt, alors que le service s'apprêtait à débuter au Brunswick. Fidèle à son habitude, Jules n'en a pas saisi le sens immédiatement. Est-ce qu'elle couchait avec Anders, son patron ? Celui qui avait accepté de lui tendre la main lorsqu'elle s'était retrouvée en entretien d'embauche dans son petit bureau, quelques semaines en arrière, incapable de vendre correctement son parcours professionnel écoulé ? C'était une question ridicule. Elle était attachée à lui, bien sûr, parce qu'elle lui était avant tout redevable. Grâce à lui, Jules gagnait de l'argent chaque semaine, et pouvait vivre en colocation par ses propres moyens, sans avoir recours à l'argent de ses parents ou à celui de Juliet. Grâce à lui, elle semblait même progresser, Jules : désormais, elle n'enchaînait plus les erreurs de caisse aussi régulièrement qu'avant, et elle savait qu'elle ne devait cet exploit qu'à la patience d'Anders qui avait passé un temps incalculable à la guider sur les procédures. Et puis, il y a toujours la présence rassurante d'Ellis, jamais bien loin, toujours prêt à intervenir en cas de profiteurs qui se serviraient du côté tête en l'air de Jules pour partir sans payer. Mais la brune refusait de le voir une nouvelle fois mettre la main à la poche pour la sauver d'un mauvais pas et d'une possible rupture de contrat.

Oui, c'était une question ridicule, et Jules l'avait dissipé d'un haussement d'épaules, avant de récupérer son tablier et de commencer son service en pensant passer rapidement à autre chose. Mais elle s'était trompée, la brune. La phrase assassine avait continué à tourner en boucle dans un coin de sa tête, amputant le peu de concentration dont elle pouvait faire preuve dans son travail. Et, bien sûr, la catastrophe ne fut pas longue à arriver. Un plateau un peu trop rempli, un client qui la bouscule légèrement en regagnant sa table et... un véritable capharnaüm qui guide des dizaines de paires d'yeux vers le visage de Jules, qui laisse échapper un soupir sans se départir de son sourire pour autant. Elle s'accroupit, s'occupe de ramasser les plus gros morceaux de verre avant que quelqu'un ne se blesse en marchant dessus. Quand elle lève les yeux, c'est une silhouette inconnue qui se tient devant elle et qui se met rapidement à son niveau, mimant ses gestes dans une tentative de l'aider au mieux. « Attention, tu vas te couper. » Elle sourit à Stevie, éloignant délicatement les mains de sa cliente des morceaux de verre coupants qui menacent de la blesser. A la place, Jules se redresse et quitte la pièce avant de revenir armée d'une pelle et d'une balayette quelques secondes plus tard. Tandis qu'elle répare sa faute, la brune semble totalement imperméable aux quelques rires moqueurs qui l'entourent, tout autant aux regards braqués sur elle. La vérité, c'est que la serveuse a l'habitude, de ce genre de situations qui, malheureusement pour le budget vaisselle du restaurant, se produisent bien plus souvent qu'elle ne le souhaiterait. La première fois, Jules avait cru mourir de honte. Et puis, au fur et à mesure, elle avait décidé qu'après tout, elle n'en avait pas grand chose à faire, du regard des autres. Jusqu'ici, ça n'avait jamais été le genre de choses pour lesquelles elle se sentait concerné. Aucune raison que ça change. « Merci pour ton aide, c'est vraiment gentil de ta part. Je m'appelle Jules, et toi ? » Sans attendre la réponse de Stevie, et comme si une idée merveilleuse venait subitement de lui traverser l'esprit, la voilà qui s'éloigne en direction de la cuisine, où elle jette les preuves de sa maladresse. Un passage derrière le bar plus tard, Jules était de retour à la table de la brune, un café glacé dans une main. Cette fois-ci, la boisson trouve la surface sans encombre, ni casse. « Tiens, c'est pour toi. C'est pas génial, mais c'est la seule boisson que je sais faire moi-même, au bar. J'ai dit que c'était ta commande, que j'ai renversé. Comme ça, c'est offert par la maison pour m'excuser d'être maladroite. » Visiblement très fière de son petit stratagème, Jules lève le pouce en l'air en direction de celle qu'elle considère presque déjà comme sa nouvelle amie. Après tout, Stevie a eu la bonté d'âme de l'aider à ramasser le verre brisé au sol, là où la plupart des autres clients n'ont fait que se moquer de son service quasi catastrophique du début à la fin. « J'ai ma pause dans dix minutes. Je t'offre un verre ? Enfin, je veux dire, un verre de ma part, pas de celle de la maison. Et promis, c'est le barman qui s'en charge, pas moi. » Si elle voulait une chance de consommer autre chose que du café aujourd'hui, c'était probablement préférable et plus sûr. Aucune chance qu'Anders ne laisse Jules s'approcher de trop près de la verrerie pour le reste de la journée, voire de la semaine, de toute façon.