C’est fini.
C’est officiellement fini. Tu regardes ton appartement une dernière fois. Enfin ce que tu appelais ton appartement, ton chez-toi. À présent, c’est celui de quelqu’un d’autre. Petite boule au ventre en regardant ce vide, carton en main, dernier vestige de votre vie à deux. Tu sais que vous avez pris la bonne décision, mais ça n’empêche pas le pincement au cœur. C’est une partie de toi que tu laisses ici, tu as grandi, appris dans ce lieu. Il fut votre nid d’amour, symbole de votre couple. Dernier regard, tu laisses les clefs sur le plan de travail, les nouveaux propriétaires sont pas loin. Tu réalises à présent, que ta vie prend un nouveau tournant. Nouvelle année, nouveaux chapitres, c’est ce que tu t’es dit. Aujourd’hui, ça devient concret, tu n’as plus de logement, tu n’as plus de copain, tu repars à zéro. Bon tu as encore ton emploi, tu as même été promu, tu as toujours tes amies, sans qui tu ne serais probablement rien. Ta sœur qui est retournée à Sydney pour vivre d’amour et de tennis, sourire qui apparaît sur tes traits en songeant à tout ça. Ta voiture qui se trouve en bas de l’immeuble, avec ta brunette -une nouvelle couleur qu'il faut que tu t'habitues- qui entasse tes cartons. Nouveau départ que tu songes en déposant le carton. « It’s done. » que tu dis en rangeant le carton. Oli et toi, c’est officiellement fini, même si ça l’est depuis l’année dernière. Là, plus rien ne vous lies, vous pouvez refaire votre vie chacun de votre côté. Tu prends place en voiture, direction l’appartement d’Aster. « T’es sûre de ta décision ? Mes parents seront ravis de me voir si jamais... » tu regardes ton amie, priant qu’elle n’ait pas changé d’avis en court de route. Bien sûr que tu peux retourner chez tes parents, mais tu n’en as pas envie. Tu ne veux pas reculer, tu ne sais pas si honnêtement tu pourrais t’en relever. Tu as besoin d’un rebond, d’un endroit pour te reposer, te ressourcer avant de repartir sur le bon chemin. Techniquement tu sais que tu es sur le bon, mais tous ces changements tu perturbes un peu, tu tiens le coup, mais dans le fond... tu n’as pas envie de régresser. Tu sais que ce n’est pas mauvais de retourner chez ses parents, ce n’est pas une honte, mais non. Tu te connais, tu sais que tu n’y arriverais pas. Tu pourrais te prendre un nouvel appartement, tu en as les moyens, mais tu n’as pas regardé. Trop prise par le boulot, tu n’as pas songé à cet aspect. Ce qui te ressemble pas. Mademoiselle j’organise ma vie au millimètre près, là tu te laisses porter. Nouvelle année, nouvelle Stevie. Voilà ton nouveau credo. Et puis cette pause chez Aster ne peut que te faire du bien, ainsi qu’à elle. « J’ai l’impression que ça fait une éternité qu’on a pas passé un moment comme ça. Et promis je m’occupe du p’tit dej tous les dimanches. » sourire qui apparaît sur ton visage. Cette perspective te fait du bien. Tu sais que tout se mélange en toi, mais Aster c’est une de tes ancres, ton phare dans la nuit. Cette proposition qui s’est faite machinalement, juste en discutant, une main qu’elle te tend. Une main que tu prends ou plutôt une proposition. Tu lui as bien dit que c’était temporaire, le temps que tu retombes sur tes pieds, que tu trouves un logement qui te plaise. Un logement digne de toi comme elle le dit si bien. Le temps que tu mettes tes idées en ordre, même si tu restes persuader que c’est la bonne décision. « Et t’en fais pas, je ne prends pas beaucoup de place, » toujours ce besoin de te justifier, de t’excuser en quelque sorte. Tu n’as juste pas envie qu’elle regrette ou juste qu’elle change d’avis. Tu as déjà vu des amitiés se briser juste à cause d’une colocation. Certaines personnes sont faites pour être amis, mais pas pour vivre ensemble. Tu es consciente de ça et tu n’as pas envie que ça se produise entre vous.

Pour qu’elle ouvre la porte de son antre, sa grotte, son intimité, c’est que la personne est forcément importante. Sinon, Aster n’aurait jamais proposé. En fait, c’est simple : il n’y a bien que quelques personnes auxquelles elle aurait pu proposer de venir squatter chez elle. Peut-être est-elle difficile, compliquée à vivre. Ou bien trop solitaire, introvertie. Aster a bien souvent besoin d’être seule, surtout si c’est pour composer, jouer – réfléchir aux notes à écrire, mélanger, enchaîner. Mais, voilà. C’est de Stevie, dont il est question. Et pour Stevie, non : Aster n’hésite pas une seule seconde. Parce que c’est son amie, avant toute chose. Et son amie traverse une passe difficile, avec sa rupture. Des années d’histoire tout à coup réduites à néant : la voilà qui recommence à zéro. Ce n’est pas facile, ce n’est pas tous les jours la joie. Elle a besoin qu’on soit là, qu’on la choie. En tout cas, c’est ce que se dit Aster, ce qu’elle a décidé. C’est tout naturellement qu’elle lui a ouvert les portes de son (trop grand) appartement. Tout naturellement qu’elle la laisse s’installer là, troubler le silence qui l’habite, troubler aussi la solitude de la brune. Tout naturellement que cette dernière lui fait une place – oui, dans cette grotte qu’elle ne quitte pas tout le temps.

Aster l’a accompagnée pour déménager. Quitter officiellement l’appartement dans lequel Oli et Stevie ont vécu ces dernières années. Un grand pas en avant, pas évident. Elle a bien vu que cela faisait quelque chose à son amie, Aster. Elle le voit encore quand Stevie dépose le dernier carton, puis la rejoint dans sa voiture. Lui demande si elle est sûre de sa décision. « Oui, je suis sûre. Puisque je te le dis. » répond-elle en souriant, avant de lui faire un clin d’œil. Puis elle reprend : « Cela dit, c’est peut-être moi qui devrais te poser à nouveau la question : tu es sûre de vouloir squatter chez moi et de me supporter ? » Elle plaisante, lâchant un rire, avant de mettre le contact pour démarrer la voiture. Bientôt, les voilà lancées sur la route, direction l’appartement d’Aster où Stevie va pouvoir déposer ses affaires, faire désormais comme chez elle. Quand elle lui a proposé de rester quelques temps chez elle, Aster le pensait sincèrement. Elle lui a même dit qu’elle pourrait rester aussi longtemps qu’elle le souhaite. Elle a une chambre d’amis de disponible après tout, autant que cela serve.
Aster lâche un nouveau rire quand Stevie précise qu’elle va s’occuper du petit déjeuner tous les dimanches. « Fais attention à ce que tu dis, je vais te prendre au mot… » Elle a un sourire en coin, la brune, amusée. Elle est d’excellente humeur, prête à tout faire pour changer les idées à son amie. Elle espère que leur nouvelle colocation, quoique temporaire, lui fera du bien. « Et ouais, moi aussi, j’ai l’impression que ça fait une éternité. C’est devenu compliqué avec le boulot, le quotidien, aussi. » Enfin, un peu moins dans son cas depuis quelques temps. Maintenant, elle goûte à la liberté de pouvoir travailler chez elle comme bon lui semble. C’était différent quand elle travaillait en orchestre. Regard concentré sur la route, Aster esquisse un sourire encore plus grand quand Stevie tient à la rassurer sur le fait qu’elle ne prend pas beaucoup de place. « Tu n’as pas besoin de dire ça. Tu pourras prendre toute la place que tu veux, t es la bienvenue chez moi. Vraiment. Je suis ravie que tu viennes vivre là quelques temps. Et tu sais que venant de moi, c’est rare ! » rit-elle à nouveau. C’est vrai. Elle a son tempérament, son besoin d’être seule par moments que Stevie respecte parfaitement. « On va pouvoir faire des soirées pyjamas tous les soirs… » Bien sûr, elle plaisante. Cela n’aura rien à voir avec quand elles étaient plus jeunes, loin de là.