@Morgan Keller & @Megan Saunders

TW : transphobie, fausse couche, rupture douloureuse, outé à son insu.

Comment réussir à se relever, quand on est tombé au plus bas ?
C'est la question que Megan Saunders se pose, jour après jour, depuis le jour où sa mère a osé faire son coming out trans à sa place, auprès de son ex fiancée. Une révélation qui a eu l'effet d'une bombe au sein de l'ex-couple. Mairead est sortie de ses gongs, a injurié Megan avec tant de férocité, de haine. Les propos transphobes qu'elle a tenus ont eu l'effet d'un coup de poignard dans le cœur de Megan. Autant que le rappel qu'elle lui a soufflé – la raison de leur séparation, douze ans plus tôt – au sujet de la mort de leur bébé. D'après Mairead, c'est Megan la fautive de cette fausse couche très tardive. Elle, rien qu'elle. Et elle la hait plus que tout. Des mots qui lui ont fait du mal à Megan. Parce qu'elle a passé des années à essayer de se reconstruire, suite à la mort de son fils, et la perte de sa fiancée. Elle s'est forgée une carapace, a fini par réussir à s'en remettre sans toutefois réellement tourner la page. Mais d'un claquement de doigts, Mairead a tout fichu en l'air. Elle l'a renvoyée à nouveau dans son trou ; plus bas que terre.

Si Megan a été habituée à la transphobie dissimulée de ses parents, ces dix dernières années, elle a toujours eu du mal à accepter d'entendre des horreurs à son égard. Qui plus est quand celles-ci sortent de la bouche de celle qu'elle a tant aimée. Ce 17 novembre 2024 a marqué le reste de sa vie ; lui donnant le coup ultime. Celui qui l'a achevée.

Le cœur en miette, Megan se voile la face depuis onze jours. Elle essaye de continuer d'avancer, de vivre. Mais comment se supporter dans le miroir, elle qui était autrefois si fière d'elle-même et de ce qu'elle était ? Elle s'est toujours trouvée belle. Une femme merveilleuse ; celle qu'elle a toujours rêvée d'être. Pourtant aujourd'hui, quand elle se regarde dans le miroir, Megan n'y voit plus que l'ombre d'elle-même. Une pauvre quarantenaire – bientôt cinquantenaire – qui, n'a rien accompli dans sa vie. Alors certes, le So What est une vraie réussite. Son bar fonctionne à merveille depuis quatre ans ; elle en a toujours été fière. Mais hormis ça, qu'a-t-elle accompli ? Elle est restée au même stade sa vie, à batifoler à droite et à gauche, pour oublier les grands amours de sa vie. Mairead et leur défunt fils.

Elle essaye de tenir bon, Megan. Elle travaille d'arrache pied, tous les soirs. D'ordinaire elle se serait plongée dans ses jeux vidéos, à ne parler à plus personne. Mais pas cette fois, elle fait son possible pour maintenir la tête hors de l'eau. Pour respirer. Seulement, au bar, elle enchaine les conneries. Elle ne réussit pas une seule commande, et se fait même engueuler par ses propres employés. Putain d'enfoirés, ceux-là. Ils ont de la chance qu'elle les apprécie, sinon ça fait bien longtemps qu'elle les aurait foutus à la porte ! Quoique... Sans eux, le So What ne serait plus aujourd'hui, vu le déchet ambulant qu'elle est devenue. À trainer sa vieille carcasse de gauche à droite, sans savoir quoi foutre dans son propre bar.

Ce soir n'en déroge pas à la règle. Elle est venue et fait mine de travailler. C'est le seul moyen qu'elle a pour ne pas ressasser chez elle, et essayer d'enlever la voix de Mairead de son esprit. Surtout d'oublier la phrase qu'elle lui a dite... Le fait qu'elle ne soit qu'un... Monstre. Travailler pour oublier est donc la solution de facilité ; bien qu'elle n'en foute pas une, en réalité.

Adossée au mur derrière elle, elle manque de renverser les bouteilles accrochées au mur. Andy lui lance une pique méritée, à laquelle Megan répond pas un doigt d'honneur, alors qu'elle observe la foule s'éclater dans son bar. Dans son antre, dont elle est d'ordinaire la reine. Mais ce soir, elle n'est qu'une statue qui fait office de décoration murale. Rien de plus. Elle ne bouge pas, droite comme un piquet. Pourtant ses habitués la réclament. Ils veulent qu'elle leur crée un nouveau cocktail sur place. Mais .. Mouais. Non. Pas ce soir. Elle leur dit de voir avec Andy.

Les bras croisés, Megan observe la foule sans vraiment la regarder. Plongée dans ses pensées les plus noires, qu'elle pensait esquiver en venant travailler, son regard se pose au même instant sur une silhouette qu'elle ne pensait ne plus jamais revoir un jour. Ses paupières papillonnent alors qu'elle la fixe intensément, depuis derrière le comptoir. Est-ce qu'elle hallucine ? Parce que clairement, en ce moment elle sait qu'elle déraille complet. Elle entend la voix de Mairead raisonner en elle. Il lui arrive même qu'elle l'aperçoive en train de lui rire méchamment au nez. Quelle garce ! Mais là... Pourquoi s'imaginerait-elle que Morgan Keller soit ici, dans son putain de bar ? C'est pas possible. Ça doit être son double ! Elle a vieilli en plus, bien fait pour sa gueule.

Depuis qu'elle l'a aperçue, Megan ne la quitte plus des yeux. Ce n'est que lorsque Morgan se rapproche du comptoir, pour venir si accouder, que Megan comprend que oui, merde, c'est bien elle. La blonde déglutit alors qu'elle sent ses mains tremblées. Putain de connasses ! Elles peuvent pas dégager de leur vie une fois pour toute, elle et Mairead ?! Elle les hait. Oh bordel, ce qu'elle les hait ! Ses poings se serrent alors qu'elle voit Morgan s'adresser à Andy – sa barmaid – qui lui sourit en retour. Mais non, oh ! Cette salope mérite aucun sourire ! Comme Daphne, elles devraient toutes deux crever en enfer ! Avec Mairead, aussi, tiens !

La Saunders se décolle enfin du mur. Ça doit faire un moment qu'elle était adossée là car elle sent des fourmillements dans le bas de son dos. Mais elle n'y fait pas gaffe, et fonce en direction de sa proie. Andy est en train de confectionner sa boisson, alors que Megan se perche devant Morgan, de l'autre côté du comptoir, juste à côté de sa barmaid. Elle plaque ses mains sur le comptoir et avance son visage à proximité de celui de Morgan pour la regarder droit dans les yeux. Mais merde, c'est vraiment elle ! Qu'est-ce qu'elle fout là ?!

– J'peux savoir ce que tu viens foutre dans mon bar espèce de conne ?! fait-elle grincer entre ses dents alors que ses ongles essayent de se planter dans le comptoir en bois du bar, son visage à seulement quelques centimètres de celui que Morgan.

Est-ce que Yaël sait qu'elle est en ville ? Putain, elle n'espère pas ! Il manquerait plus que ça ! Mais elle a du mal à réfléchir Megan. Parce qu'à mesure que son regard croise celui de Morgan, elle se revoit face à Mairead en train de lui hurler dessus. Bordel. Comment peut-elle défendre sa frangine alors qu'elle s'est transformée en cette petite chose si fragile ? Si minuscule...