@Billie Butler & @Jalen Butler
Cela devenait de plus en plus difficile pour l’avocat. Si son métier lui avait appris à garder certaines informations pour lui, afin de ne pas desservir son client, il en était toute autre dans sa vie personnelle. Jalen était incapable de mentir dans les yeux des personnes qui comptaient le plus pour lui, à commencer par ses filles. Pourtant, il continuait à retarder le moment où il leur annoncerait la nouvelle. La vérité était qu’il ne savait pas comment faire, ni même comment leur annoncer. La situation était déjà suffisamment compliquée. Il renouait tout juste avec ses filles. Il tentait de regagner leur confiance après avoir quitté un temps soit peu ce concon qu’il avait lui-même créé pour les protéger. Il ignorait la réaction de ces deux jeunes femmes face à cette annonce, face au fait qu’elles allaient devenir grandes sœurs. Raven l’était déjà. Il savait d’ailleurs que sa réaction serait plus tempérée et compréhensive que celle de Billie. Billie la petite dernière. Billie la princesse. Billie, celle qui lui avait toujours demandé plus d’attention. Pire encore lorsqu’il s’était éloigné, pour tenter de guérir des blessures créées par un mariage qui avait pris l’eau. Lui annoncer la nouvelle allait être difficile. Jalen le savait. Il en était persuadé et ignorait totalement comment agir pour que ce soit plus facile pour elle. Pour cet enfant qu’il surprotégeait en permanence, encore plus aujourd’hui qu’elle était en bonne voie de guérison. La nervosité évidente qui l’accaparait ces derniers jours, ces dernières semaines, dès lors qu’il croisait son regard devenait difficile à gérer. Il devait lui dire. Il devait arracher le pansement et en assumer les conséquences, quelles qu’elles soient. Captivé par ses propres pensées, par ses encouragements internes, il n’entend pas la porte d’entrée s’ouvrir puis se refermer. Billie avait les clés de cette maison dans laquelle elle avait longtemps habitée. Raven et Kai les avaient également. La voix de Billie le sort de sa rêverie passagère. Il inspire puis expire bruyamment, comme pour se donner du courage. Comme pour s’insuffler la force nécessaire pour lui livrer une vérité crue. Celle qu’il allait être père, de nouveau. Après plus de vingt-six ans. Ce n’était pas dans ses projets. Lui qui avait toujours pris soin de toujours faire les choses correctement et dans le bon ordre. Lui qui s’était imaginé présenter à ses filles toute nouvelle femme qui aurait de l’importance à ses yeux. Il avait essayé. A plusieurs reprises de refaire sa vie, de présenter une nouvelle femme à ses filles et absolument aucune n’avait réussi à gagner le cœur de la plus difficile de ses filles, Billie, créant une rupture sans issue. Alors il redoutait cette nouvelle qui viendrait probablement créer une énième tornade dans la vie de la jolie blonde, qui était pourtant redevenue plus calme ces derniers temps. Il ne voulait pas créer de nouveau tourment en elle. Il ne voulait pas risquer de fragiliser sa guérison… Alors, lorsqu’il la rejoint dans le hall d’entrée, il sent son courage l’abandonner. Il ne pouvait pas prendre le risque. Pas maintenant. « Billou, ma fille adorée. » Un large sourire s’affiche sur le visage du père de famille alors qu’il vient serrer sa fille dans ses bras, comme il avait l’habitude de le faire, avant d’embrasser son front avec tendresse. Tout comme cette fâcheuse tendance à l’affubler de surnom ridicule. Surtout en public. « Que me vaut cette visite, ton vieux père te manquait ? » Un clin d’œil accompagne cette plaisanterie alors qu’il se dirige vers la cuisine, pour lui apporter sa boisson préférée, comme à chaque fois qu’elle venait. Billie avait toujours été sa princesse, sa petite dernière, il n’était pas question que cela change. Du moins, pas pour le moment…

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Billie poussa la porte de la maison de son père, c’est un peu son refuge depuis qu'elle est sobre. Elle venait ici presque chaque semaine, un rituel qu’elle s’imposait pour montrer à Jalen qu’elle allait bien et qu’elle tenait bon. C’était une manière de le rassurer, car sinon, elle le savait, il serait constamment sur ses côtes, à s’inquiéter et à la surveiller. Aujourd’hui pourtant, sa visite n’était pas prévue. Elle était venu récupérer son passeport, qu’elle avait laissé ici, comme tous ses documents importants. À peine entrer qu’elle l’entendit l’appeler « Billou ». Elle grimace, comme toujours. Combien de fois lui avait-elle dit de ne plus l’appeler comme ça. Elle détestait ce surnom, ou du moins elle faisait semblant. En réalité, c’était mignon, ça la faisait sourire intérieurement qu’il continue de la voir comme son gros bébé, mais ça, jamais elle ne lui avouera. Elle se contenta de lever les yeux au ciel, se blotissant dans ses bras un petit instant. Et un rituel en entranant un autre, elle le suivit jusque dans sa cuisine où il lui tendit un coca frais, comme à chaque fois. Mais aujourd’hui, il y avait autre chose. Elle avait quelque chose à lui dire, un projet en tête qui la remplissait d’excitation mais dont elle ne mesurait pas réellement la réaction de son bon vieux père. Elle avait prévu une petite semaine en Nouvelle-Zélande avec ses copines. Un road trip pour se vider la tête, profiter du grand air et tout le tralala. Un road-trip que n’importe quelle jeune fille de vingt-six ans n’attendrait pas l’avis de ses parents pour le faire sauf Billie. Elle redoutait un peu de l’annoncer à Jalen et s’inquiétait de sa réaction. Ces derniers temps, il était toujours sur son dos, toujours là à craindre qu’elle ne replonge dans ses travers jusqu’à parfois l’étouffer. Bien sur, il n’y avait que de l’amour à voir dans cela et il devait surement avoir peur de la perdre à nouveau mais elle se sentait prête à faire ce pas. Elle avait besoin qu’il la lâche un peu et qu’il réapprenne à lui faire confiance. Elle posa son coca et pris une profonde inspiration : « Écoute papa, j’ai un truc à te dire. Avec Jo et d’autres copines on a pris des billets pour passer une semaine à Queenstown. On a prévu quelques excursions sympa et balade en fôret. Et j’ai besoin de mon passeport… » dit-elle, cherchant ses mots pour ne pas déclencher son inquiétude.  Et avant même que l’avocat n’émette la moindre objection elle ajouta : « Je te promets que je ferai attention, que je resterai avec les filles tout le temps. Ça ne sera l’affaire que d’une semaine, j’en ai besoin… » une semaine en Nouvelle-Zélande était un grand pas…

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Elle avait besoin de ce voyage. C’était également une manière pour elle de prouver à son père qu’elle était prête à prendre ses propres décisions et qu’il devait arrêter de s’inquiéter pour elle. Elle le rassurait. Quitte à jouer la gentille fille modèle qui avait vaincu ses démons et qui était prête à embrasser sa liberté pour le faire céder. La réalité c’est que ces derniers temps, elle était un peu perdu. Ce baiser échangé avec Wes, juste avant son départ pour l’Ukraine, continuait de la hanter. Et depuis qu’il était parti, elle se sentait vidée comme si une partie d’elle était partie avec lui. L’idée de ce voyage à Queenstown était donc essentielle pour elle. Elle espérait qu’il l’aiderait à remettre ses pensées en ordre et à clarifier ses sentiments embrouillées. Et contre toute attente, Jalen céda. Rapidement, presque trop rapidement pour son propre bonheur. Un sourire éclatant illumina le visage de Billie, et, emportée par une vague d’enthousiasme, elle sautilla sur place avant de l’embrasser très fort sur la joue. À elle le passeport et la liberté. Elle ne prit même pas le temps de goûter au verre de soda que son père lui tendit et se précipita vers le buffet. Ses doigts glissèrent sur des papiers éparpillés, des factures, des lettres jaunies, quelques bricoles mais rien de ce qu’elle cherchait. Elle continuait à fouiller jusqu’à ce qu’elle mette la main sur une petite photo. Ou plutôt, en regardant de prêt une échographie pliée et délicatement repliée. D’abord, elle pensa que c’était la sienne. Que son père avait gardé cette image pour se rappeler de sa naissance et que par nostalgie il la gardait à portée de main. Mais en l’examinant de plus près, une autre vérité s'imposa à elle : la date. Trop récente. « Papa ? » appela-t-elle, sa voix trahissant une inquiétude sourde. Son esprit commença à s'agiter. Que faisait Jalen avec une échographie aussi récente ? « Tu peux venir, s’teu plait ! » Elle ne voulait pas sauter à des conclusions hâtives, mais la situation était trop étrange pour ignorer les implications. Elle déglutit et tenta de balayer les doutes qui commençaient à s'immiscer en elle. Il devait y avoir une explication. « C’est quoi ça ? » Les doutes se bousculaient dans son esprit. Elle voulait se raisonner. Il devait forcement y avoir une explication, quelque chose de logique. Son père n’avait d’autres fonctions que d’être son père et aux dernières nouvelles il ne fréquentait personne. Il lui aurait forcément dit, non ? Et puis elle aurait été intégrer dans la discussion sur un projet de bébé s’il avait eu l’intention d’en avoir un. Elle était la première concernée. C’était comme ça qu’ils fonctionnaient tout les deux. Ou du moins qu’elle croyait qu’ils fonctionnaient. Dans un rapport de total confiance depuis qu’elle lui avait promis de revenir sur le droit chemin. « Je ne comprends pas, qu’est-ce que cette échographie fait dans ton buffet ? » demanda t-elle, en lui tendant l’image aiguisée par la confusion.

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Jalen vivait pour le bonheur de ses filles. Il se galvanisait et se nourrissait de chacun de leur sourire, de leur bien-être et de la joie qu’il pouvait lire en elles. Si Raven était plus discrète sur ses émotions, Billie les montrait, en permanence. Comme elle le faisait actuellement, sautillant comme une enfant à la réponse positive de son paternel. Il était heureux de la voir ainsi. Il aimait la voir ainsi. Les yeux pétillant de la petite blonde inondaient le cœur de père de Jalen. Un cœur bien tendre, contrairement à tout ce que pouvait montrer les apparences. Cela le convint qu’il a eu raison d’accepter sans trop rechigner ce voyage. Après tout, elle était adulte, et elle avait le droit de vivre sa vie de jeune femme sans avoir constamment son père sur le dos. Il se devait de lui faire confiance. Et il préférait la voir ainsi plutôt qu’à replonger dans les méandres de ses ténèbres. Plutôt ravi de la tournure des évènements, il la laisse repartir vers le buffet où se trouvait habituellement tous leurs papiers importants. Oubliant qu’un autre document particulièrement important s’y trouvait… Il n’y pensa guère. Car il avait glissé cette photo rapidement, la repliant sur elle-même dans la précipitation, parce que justement, ses filles arrivaient pour dîner. Et elle était restée là, cette photo, sans qu’il n’ait véritablement décidé de cette place. C’était difficile pour Jalen, qui oscillait entre la peur et la joie. Quelque part, il était heureux de l’arrivée de cet enfant, même si elle n’était pas prévue. Cela donnait un nouveau souffle à sa vie. Mais il était si effrayé de la réaction de Billie qu’il n’arrivait pas à laisser sa joie remplir la totalité de son être. Sans se douter de rien, il retourne vers le salon et range calmement ses dossiers dans son sac pour les amener à son cabinet, un sourire sur le visage. Sourire qui n’allait pas tarder à rendre l’âme. « Papa ? » Sans le moindre arrière pensé, il lève le regard, continuant à ranger ses affaires. « [color:f15d=##6E81BD]Oui ma chérie. » Il lit une certaine inquiétude dans son regard. Il avait en réalité souvent vu ce regard. Si souvent qu’il ne s’en formalise pas. A tort. « Tu peux venir, s’teu plait ! » Il hoche la tête et s’exécute, se dirigeant vers elle. « C’est quoi ça ? » Il baisse les yeux vers l’objet de son interrogation et il se fige. Merde. Son sang ne fait qu’un tour. Il est immobilisé, paralysé par le simple fait de s’être fait découvert. Dans son esprit, ça fuse, cherchant désespérément comment réagir. Quelle stratégie adopter. Pourtant rien ne sort de sa bouche. D’ordinaire si posé et maîtrisant à la perfection la moindre de ses émotions, là, il sent son monde s’écrouler. Merde. Merde. « Je ne comprends pas, qu’est-ce que cette échographie fait dans ton buffet ? » Elle lui tend l’échographie. La fameuse échographie que Juliet lui avait donnée. Celle de leur enfant… Du futur petit frère ou petite sœur de Billie, dont elle ignorait totalement l’existence. Merde. Il attrape la photographie qu’il glisse dans sa poche. « Ce n’est rien, c’est à une collègue de boulot. » A la seconde où il prononce ses mots il sait que c’est nul, complètement nul et que ça ne marchera jamais. Douce naïveté. « Je … » Il tourne le dos à Billie, il ne sait même pas comment lui faire face. Lui qui avait fait face à bien des criminels, n’était pas capable de dire à sa propre fille une vérité qui allait potentiellement la briser. Il soupire, alors qu’il ressort l’échographie de sa poche. Il la contemple quelques secondes, les mains moites. « Écoute Billie … » Lorsqu’il n’utilisait pas de surnom affectueux, toute personne qui connaissait un tant soit peu Jalen, savait que quelque chose de terrible allait sortir. Il se retourne vers elle, terrifié. « Je ne voulais pas que tu l’apprennes comme ça … J’avais préparé tout un discours … » Il tourne autour du pot longuement. Une éternité. « Tu vas avoir un petit frère ou une petite sœur… » Il baisse les yeux, comme s’il venait là d’avouer une bêtise et attend que le volcan entre en éruption…