DUOS DE L'ÉTÉ
   
((with @Gisela Ackerman))

Noor n’avait jamais été fan des rendez-vous galants organisés à la dernière minute, mais cette fois-ci, elle s’était laissée convaincre. Après tout, pourquoi pas ?Les meilleures surprises ne venaient-elle pas souvent sans prévenir ? Elle attendait dans ce bar animé, son troisième cocktail à moitié vide, l’esprit vagabondant en attendant l’arrivée de son rencard. C’était à Kai, son ex, qu’elle pensait. Ces derniers temps, il hantait ses pensées alors même qu’elle essayait de l’oublier. Kai avait tout de l’homme parfait. Il était attentionné, charmant, et il l’aimait profondément. C’était le genre d’amour que l’on pensait éternel, celui dont on se disait qu’il était fait pour durer. Elle se voyait vieillir et mourir à ses côtés. Et pourtant, malgré la perfection de leur relation, elle avait choisi de tout arrêter, brisant en chemin son propre cœur. Une idiote qui, par manque de courage, avait laissé filer l’homme parfait. Une décision qu’elle regrettait amèrement sans trouver de façon de faire marche arrière. Ces temps-ci, elle essayait tant bien que mal de recoller les morceaux de son cœur brisé et d’aller de l’avant. Venir dans ce bar était l’occasion de se changer les idées et l’espoir de rencontrer peut-être quelqu’un. Mais voilà, une demi-heure s’était écoulée et son rendez-vous n’arrivait toujours pas. C’était clair, on lui avait posé un lapin. Elle se retrouvait là, seule, à se demander pourquoi elle s’était donné la peine de venir. Comme souvent, ses attentes et la réalité ne coïncidaient pas.

Soupirant, tentant de chasser cette sensation d’humiliation qui montait en elle, la brune se mit à observer les autres clients autour d’elle. La plupart semblaient plongés dans des conversations animées. Elle se résigna à terminer la soirée seule – mieux vaut être seul que mal accompagné, n’est-ce pas ? Alors qu'elle continuait à balayer la salle du regard, une scène attira son attention. Une jeune femme brune, assise à côté lui parut mal à l'aise en compagnie d'un homme qui - de toute évidence - était bien plus intéressé par lui-même que par sa partenaire. Il parlait sans arrêt, gesticulant avec enthousiasme, tandis que la femme en question jetait des regards furtifs autour d’elle, à la recherche d’un prétexte pour s’échapper de cette conversation unilatérale. L’ennui se lisait clairement sur son visage. Expression qu’elle reconnut presqu’instantanément l’ayant elle-même vécu trop de fois ce qui lui fit ressentir une vague de sympathie pour cette pauvre fille. Elle ne devait pas subir ce rencard. Quand le type se leva enfin pour aller aux toilettes, Noor capta le soupir de soulagement et se leva pour aller à sa rencontre. Elle connaissait ce sentiment où l’on était piégé dans une conversation sans issue en espérant une échappatoire. « Salut… » dit-elle et avant même qu’elle ne propose son aide à la jeune femme, cette dernière la devança. Surprise par son ton direct, elle acquit d’un signe de tête. « Je vois ça. Je peux probablement vous aider à le dégager… » propose-t-elle poliment.

DUOS DE L'ÉTÉ
   
((with @Gisela Ackerman))

C’était comme si elle voyait une version d’elle-même, coincée dans ses propres hésitations. Noor aurait pu compatir davantage si elle-même n’était pas aussi mal à l’aise avec ce genre de confrontations. Le courage, surtout celui de s’imposer ou de mettre un terme à une situation désagréable, n’avait jamais été son fort. Elle préférait les chemins de moindre résistance C’était presque rassurant de voir qu’elle n’était pas seule à lutter avec ce manque de courage, même si cela n’aidait en rien pour la situation. Alors, en bonne lâche qu’elle était, Noor chercha une solution qui ne nécessitait pas trop d’effort de sa part. Après tout, elle ne s’imaginait pas se lancer dans une confrontation directe, ni se mouiller pour une inconnue, aussi sympathique soit-elle. Mais elle ne pouvait pas non plus la laisser dans cette galère. Il lui fallait une solution. Elle devait faire quelque chose, même si cela allait à l'encontre de sa nature. Après quelques échanges futiles sur le prénoms et d’autres détails dérisoire une idée lui vient, sans grande conviction, sans véritable espoir non plus. La jolie brune savait bien que ce n’était pas la solution la plus brillante qu’elle aurait pu trouver, mais c’était la seule qui lui traversait l’esprit, dans l’urgence elle ne voyait d’autre issue. Elle se dit que, de toute façon, rien ne pouvait être pire que cette situation déjà pathétique. Et tant qu’à se mouiller, autant le faire à sa manière : sans trop se tremper. Elle inspira profondément, essayant de se convaincre que ça pourrait marcher. Elle jeta un coup d’œil rapide à Gisela puis au type qui avait de nouveau repris son siège. A son tour, elle se redressa légèrement essayant d’adopter une posture plus assurée. Elle sentait son cœur battre un peu plus vite et une pointe d’anxiété se faufila dans son ventre. Faire semblant, c’était ce qu’elle savait faire de mieux mais là de suite, elle n’était pas sure de ce qu’elle faisait. Alors, elle n’avait plus qu’à espérer que ça suffirait. Sans attendre, elle se pencha légèrement vers Gisela, un sourire forcé sur les lèvres : « Oh mon Dieu, Gisela ? C'est bien toi ?! Ça fait une éternité ! » Elle se pencha vers elle, feignant une familiarité qu’elle n’éprouvait pas le moins du monde, tout en ignorant délibérément l'homme assis en face. Elle continua sans lui laisser le temps de répondre, histoire de bien appuyer son intrusion. « Tu te souviens de moi, hein ? Noor, de la fac !  » Elle rit nerveusement, jetant un regard rapide au type pour évaluer sa réaction. « J’étais sûre que c’était toi, dès que je suis entrée ! Je ne pouvais pas te laisser filer sans dire bonjour. » Elle s’imposa sur la chaise vide à côté de Gisela, s’installant avec une aisance factice. Elle se tourna légèrement vers le type, lui adressant enfin un sourire, mais un sourire de trop. Avant de reporter son attention sur sa fausse ancienne amie. Le but était simple occuper l’espace et se montrer envahissante pour qu’il se sente de trop. Il y avait de quoi se sentir mauvaise de jouer à ce jeu et pourtant elle y prenait doucement plaisir. « Tu n’es plus avec Kai ? J’aurais juré que vous finirez mariés avec de beaux enfants. » ajouta t-elle alors que ce nom lui était venu bien trop facilement pour la rendre aussitôt nostalgique.