Caméra allumée, ça tourne. Assise dans ton atelier, tu fixes le retour caméra, avant de t'afférer à remettre en place quelques éléments dans le décor de fond. Avec ton retour à Brisbane, tes retrouvailles familiales compliquées, ta nouvelle vie de femme en couple et l'étincelle artistique venue combler les toiles blanches, tu as eu peu de temps pour ton métier de créatrice de contenus. Après des années en vadrouille à voyager dans plusieurs pays, à la découverte de nouveaux lieux, de nouvelles cultures, souvent en autarcie avec toi-même pour te retrouver, est-ce qu'une vie plus simple et rangée plaira aux nombreuses personnes qui te suivent depuis toutes ces années ? Est-ce qu'une vie de citadine, une parmi tant d'autres, saura satisfaire le besoin de contenus de tes abonnés ? Toute ta vie a changé avec ce retour aux sources, et toi qui as toujours cherché à fuir, il est devenu compliqué d'allumer une caméra et de te présenter au même avec la même authenticité qu'avant. Tu ne peux ouvertement expliquer pourquoi tu es revenue à Brisbane, c'est du domaine de l'intime. Alors ceux qui te suivent doivent simplement s'acclimater à ces nouvelles propositions de routine de vie. Toi aussi tu le dois, d'ailleurs. "Ça fait longtemps que je n'avais pas allumé la caméra, ça se bouscule pas mal en ce moment." Tu commences par dire, avec une timidité touchante. Si tu n'as jamais eu aucun souci à parler seule devant une caméra, après une longue pause, c'est toujours compliqué de reprendre. Tu t'étends quelques instants sur les changements de ta vie, sorte d'update à celles et ceux qui voudront bien l'entendre. Tu parles de ton art, qui avance, et de cet atelier qui te fait tant de bien. "Je vous ferai un tour de l'atelier à l'occasion. J'ai aussi une exposition qui se prépare, la première depuis longtemps, ça me fait quelque chose." Ca aussi, tu leur montreras dans une prochaine vidéo. Tu sais que le milieu artistique peut être fermé et élitiste, et t'as un peu peur de mélanger celui de la création de contenus et de perdre l'estime qu'on peut avoir de toi. Mais quand t'avais rien d'autre dans ta vie, il y avait cette communauté soudée qui te faisait te sentir moins seule. Alors tu peux pas disparaître comme ça.

Au bout d'une dizaine de minutes à raconter les dernières informations de ta vie, tu jettes un coup d'oeil sur l'heure. C'est bientôt l'heure de partir. Tu conclus cette partie de la vidéo en disant que tu pars pour faire un atelier de dessin et peinture pour des enfants. Tu coupes la caméra, soufflant en silence. C'était pas si compliqué, pas vrai ? Tu te lèves, faisant craquer ta colonne vertébrale, avant de préparer un sac d'affaires. T'es surexcitée par cet atelier que tu fais bénévolement -il serait bien d'envisager de gagner un peu plus d'argent à l'occasion, d'ailleurs- en compagnie d'Elio, amitié nouvellement créée. Ca te fait du bien, d'avoir de nouvelles aventures même en étant ici, dans la ville qui t'a vue grandir. Sans attendre, tu files, mettant des lunettes de soleil pour rejoindre le point de rendez-vous dans le quartier de New Farm. Tu aperçois Elio au loin, et un sourire fait rayonner ton visage. "Elio !" Comme une enfant, tu sautilles jusqu'à le retrouver, le saluant d'une bise. "Alors prêt ? Tu regrettes pas de m'avoir suivie dans cette aventure ?" Si t'as déjà pu faire quelques ateliers de ce type, parce que t'aimes le partage et l'imagination sans barrière des enfants, tu sais que c'est une première pour Elio. C'est bien aussi, les premières fois dans la vie adulte.

One thing left to try

Raven & Elio

Dans la vie, il existe peu de choses qui mettent Elio Montgomery mal à l’aise. Il est le genre de personne capable de s’adapter quelles que soient les circonstances. L’artiste est doué pour porter bon nombre de masques pour camoufler ce qu’il ressent réellement. Faire semblant, c’est presque une seconde nature pour cet homme élevé dans l’importance de l’apparence et du paraitre. Sourire, même si on n’en a pas envie. Glisser quelques compliments savamment choisis pour flatter les egos. Graisser quelques pattes pour se faire bien voir et améliorer la réputation familiale. Tout est une question de manipulation – ou d’hypocrisie, selon le point de vue dans lequel on se place. Evoluer parmi des requins, ce n’est pas compliqué quand on en a l’habitude. Elio a littéralement grandi dans ce milieu.

Pourtant, il existe une catégorie de personnes avec qui il n’est pas possible de faire semblant. Parce qu’ils se fichent de quel monde on provient, les enfants. Ce sont les seuls individus avec lesquels jouer la comédie ne passe pas. Trop naturels, trop enjoués et trop spontanés, il n’est pas aisé de prévoir leur comportement. Voilà pourquoi Elio n’est pas très à l’aise avec eux. Ils ne peuvent ni être contrôlés, ni manipulés. Qui plus est, l’architecte n’a pas vraiment pour habitude de les côtoyer. Aucun ne gravite réellement autour de lui. C’est la raison pour laquelle, malgré sa démarche assurée, une petite appréhension a pris place dans le creux de son estomac. La tête haute, les lunettes de soleil greffées sur son nez, Elio a laissé sa précieuse voiture hors de prix garée à proximité et parcourt les quelques mètres à pied vers sa destination. Objectif du jour : participer à un atelier de dessin et peinture avec des enfants. Autant l’avouer, au fond, ça ne l’enchante pas vraiment. Les enfants sont difficiles à canaliser et à gérer, d’autant plus quand ils sont en groupe. Pourtant, l’artiste ne laisse rien paraitre et arbore sa mine impassible habituelle parce qu’il a accepté de participer de son plein gré. Et ce, pour une raison qui lui échappe à présent qu’il se retrouve prêt de sauter dans la fosse aux lions.

Alors qu’il approche du bâtiment, une voix l’interpellant s’élève à proximité. Un bref coup d’œil dans sa direction et il reconnait Raven, cette jeune artiste avec qui il se lie progressivement d’amitié depuis à peine quelques mois. C’est toujours un plaisir de côtoyer d’autres amateurs d’art, surtout quand eux aussi laissent s’exprimer leur imagination à travers crayons et pinceaux. Un sourire s’affiche sur son visage quand elle s’approche pour le saluer. « Bonjour Raven. » La politesse toujours de rigueur, jamais elle ne lui fera défaut. « Prêt, oui. Quant au regret potentiel, repose-moi la question dans une heure, si on survit à l’assaut d’une bande de petits monstres. » La remarque pourrait sonner comme une plaisanterie, mais au fond, Elio est très sérieux. « Qui sait, peut-être aura-t-on affaire à des artistes en herbe. Dans le cas contraire, je compte sur ta patience. La mienne risque d’être mise à mal. » L’architecte n’est absolument pas doué avec les enfants, il est incapable de les gérer. Pas sûr que l’activité soit une partie de plaisir si les jeunes se montrent dissipés. « Et toi, tu es prête ? » C’est sans doute le facteur le plus important, avec le suivant. « Dis-moi que tu as un bon feeling avec les enfants, de manière générale. Pitié ? » Une grimace s’affiche sur les traits de son visage. « Inutile de te cacher qu’à ce niveau, je compte sur toi. » En tous les cas, Elio lui intime d’ouvrir la marche, d’un geste de la main. Après tout, elle est l’initiatrice de cet événement.

AVENGEDINCHAINS @Raven Butler


Sincèrement désolée pour le délai

Il y a deux choses que tu aimes le plus au monde. La première, de façon assez évidente et peu originale, c'est l'art. Destinée à suivre des études universitaires pour qui t'auraient menée à un métier ô combien prestigieux et important, t'as pourtant tout laissé tomber du jour au lendemain pour embrasser la vie de nomade et d'artiste. La vérité retiendra que tout a été déclenché par un traumatisme trop dur à gérer pour rester à Brisbane. La réalité, cependant, taira à toujours cette vérité désormais bien enfuie en toi depuis huit ans. Ne garder que le positif, même s'il reste conservé en toi des restes de fêlures inadaptées au monde. Tant pis. Ça fera vivre ton art aussi, d'une certaine façon. Tu es de toute façon intimement persuadée que l'art t'a sauvée. Alors, à ton échelle, tu veux rendre ce bien.

Et la seconde chose que tu aimes le plus au monde, c'est être entourée. Peur terrible de la solitude, et la bravant pourtant depuis des années, t'es entourée d'inconnus, le plus souvent et ça te convient. Ce retour à Brisbane te confronte à une peur que tu as toujours essayé de fuir : la stabilité. Les visages que tu côtoies se répètent, deviennent familiers, et même, réconfortants. T'es contente, finalement, d'avoir des repères autour de toi, des gens que tu aimes et apprécies. C'est nouveau pour toi -presque- alors tu savoures cette nouveauté jusqu'à ce qu'elle aussi, te lasse. Et de temps en temps, t'as tout de même ce besoin de rencontrer de nouvelles personnes. Tu sais que tu apprends énormément des autres, que tu grandis grâce à eux. Alors cette rencontre avec Elio, basée sur la passion commune de l'art et cette compréhension que vous avez tous les deux d'être dans une certaine confidence, un jardin secret, celui de l'artiste, t'a poussée à interroger comment tu pourrais ouvrir ce secret défendu aux autres ? Et l'idée première qui a popé, ce sont les enfants. Merveilles d'innocence, d'inventivité et de spontanéité. Un public à la hauteur de ta personnalité. Peut-être moins du côté d'Elio, que tu sens plus hésitant. Ses remarques te font sourire. Tu adores sortir de ta zone de confort, tu sais le bien que ça te fait, alors pouvoir entraîner d'autres personnes dans cet état te plaît. Que ça leur plaise à eux, ou non. "Je vois que tu as une haute opinion des enfants." Tu souris, regardant le jeune homme avec un air intrigué. Lui qui est toujours propre sur lui, en contrôle de la situation -de ce que tu as pu voir et de comment tu as pu te comparer à lui- tu es étonnée d'être aujourd'hui plus dans ton élément. "On a tous commencé quelque part, l'idée c'est de leur donner l'opportunité d'être créatif et innovant, dans un cadre sans jugement, comme les adultes peuvent trop souvent le faire." Les adultes entre eux sont terribles, mais ils peuvent l'être aussi avec les enfants. Il est hors de question pour toi d'être hypocrite aujourd'hui. Que leur folie et imagination s'emparent de toi. "J'ai un bon feeling avec tout le monde." Clin d'oeil taquin, vérité dévoilée. Tu t'entends avec tout le monde, en général. Tu peux compter sur les doigts d'une main les fois où tu n'as pas été en bons termes avec quelqu'un. Les doigts se nommant souvent Butler, d'ailleurs. "Ne t'en fais pas, je lead sans problème et tu interviens quand tu le souhaites. Je suis toute excitée de cet atelier, tu vas voir, ça va être super !" T'essaies tant bien que mal de communiquer ta joie à Elio. Peut-être que par effet miroir, il se posera moins de question et profitera plus du moment présent ? Tu croises les doigts pour qu'il passe un bon moment, et que cette aventure puisse donner une autre dimension à votre amitié.

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