@Irwan O'Connor & @Delilah Winchester

(outfit) ⋄ La tête appuyée contre la vitre du bus, Delilah observe le paysage défiler. Son livre reste ouvert entre ses mains dans l'hypothèse où elle parviendrait finalement à lire plus de dix lignes sans en perdre le sens. Pour l'heure, elle doit toutefois se rendre à l'évidence : les héros de l'histoire d'amour qu'elle lit ne la tiennent pas suffisamment concentrée. Ses pensées divaguent inlassablement vers Moon alors que l'appréhension grandit au creux de son ventre à mesure que les kilomètres sont parcourus. Avoir fait le choix du bus là où elle aurait pu préférer sa voiture n'est pas anodin. Moins encore alors qu'une seule ligne dessert l'arrêt en dehors de Brisbane auquel elle va descendre, pour un passage toutes les heures et demie environ. Delilah a conscience que la tentative de faire demi-tour ou de partir après avoir passé seulement dix minutes en compagnie de Moon sera trop grande si elle dispose de son propre moyen de transport. En se jetant elle-même dans la gueule du loup elle ne pourra, en revanche, pas faire machine arrière. Elle sera obligée de passer une partie de son après-midi avec sa génitrice.

Pour faire quoi ? Pour dire quoi ? Ce sont les questions qui la taraudent alors que la ville de Brisbane est désormais loin derrière elle. Comment vont-elles occuper le temps qu'elles seront contraintes de passer ensemble ? Moon n'a jamais eu la moindre fibre maternelle envers Delilah. Aucune fierté ne se lit dans ses yeux, aucune reconnaissance non plus. Et si la relation entre la mère et la fille tend à être plus calme ces dernières années, certaines plaies restent béantes, certains travers ne disparaissent jamais totalement. Moon a-t-elle seulement conscience des propos blessants qu'elle peut avoir envers Delilah ? Se rend-t-elle compte que lui faire des réflexions sur son style vestimentaire, son air fatigué ou sa coupe de cheveux sont pour le moins déplacées ? Qui est-elle, d'abord, pour donner son avis sur la vie de Delilah ?

C'est là que se trouve le cœur du problème. Delilah aimerait que Moon ne soit rien pour elle. Elle n'a jamais été une mère, encore moins une maman. Le plus qu'elle ait pu être dans la vie de sa fille est une sorte de copine bancale qui l'appréciait les jours où le vent soufflait en direction du nord. C'est tout. C'est tristement tout. Mais le plus triste reste encore le fait que, malgré les défaillances de sa mère, Delilah reste en quête constante de son approbation. Comme si le but ultime de sa vie était de la rendre fière. Qu'un jour Moon l'appelle « ma fille » en ayant conscience de ce que cela signifie, et pas de ce surnom débile qu'elle lui donne depuis l'enfance. Sunflower. Sunflower rien du tout, ouais.

Un soupir bruyant passe les lèvres de la psychiatre lorsqu'elle descend du bus après avoir salué et remercié le chauffeur. Si elle ne craignait pas de passer pour une folle - déjà qu'elle part avec un handicap en descendant à cet arrêt qui n'est pas le mieux famé des alentours de Brisbane - elle aurait demandé au chauffeur son numéro de téléphone dans l'espoir qu'il vienne la chercher en-dehors des horaires habituels de sa ligne. Cela étant, Delilah reste lucide et sait qu'il ne lui est plus possible de reculer maintenant que les portes du bus viennent de se refermer derrière elle.

D'un pas lent, elle rejoint le camping dans lequel sa mère a élu domicile il y a neuf mois maintenant. L'endroit ne paie pas de mine mais Moon parvient à s'acquitter du loyer du mobil-home dans lequel elle vit.

- Moon vit toujours ici ? demande Delilah à l'agent d'accueil.

La confirmation reçue, elle ne peut s'empêcher de demander si sa mère a des arriérées de loyers avant de verser en liquide l'équivalent de ses deux prochains loyers. Elle ignore si c'est la meilleure chose à faire, Delilah. Sur l'instant, elle se dit cependant que cela lui évitera d'avoir à venir pour les huit prochaines semaines et, surtout, que sa mère pourra profiter de son argent différemment.

À mesure qu'elle évolue dans le camping pour rejoindre l'emplacement de sa mère, les remises en question se font de plus en plus prégnantes. Que fera Moon de cet argent dont elle disposera en plus, maintenant que sa fille a payé pour elle son loyer ? Saura-t-elle l'utiliser à bon escient ? La psychiatre n'est pas en mesure d'espérer une réponse positive, moins encore alors qu'elle aperçoit un homme avachi dans un fauteuil en cuir devant le mobil home. Plus que ses pieds nus ou la bière qu'il tient entre ses mains, c'est l'odeur de cannabis et tout l'arsenal dont il dispose devant lui qui font tiquer Delilah.

- Moon n'est plus sur cet emplacement ? interpelle-t-elle l'homme aux cheveux bouclés, loin de se douter qu'il est en réalité son invité et que sa mère s'est absentée pour faire une course.

@Delilah Winchester & @Irwan O'Connor

(outfit) ⋄ Hier a été une journée miraculeuse. Pour la première fois de son existence, toute la famille proche d'Irwan – frères et parents – a pensé à lui souhaiter son anniversaire. Alors que d'habitude, la mère de fratrie a tendance à mélanger les anniversaires de ses fils ou trouve une chose plus intéressante à fêter le jour venu. Pourtant hier, les messages se sont enchainés et Irwan a même été convié à venir diner chez ses parents. Invitation qu'il a évidemment décliné. Déjà qu'il s'est opposé à passer la soirée avec ses colocataires, ce n'est pas pour aller chez ses tarés de géniteurs à la place ! Irwan a préféré profiter de sa soirée d'anniversaire lors d'une soirée festive organisée par la communauté hippie qu'il fréquente. Qu'importe si cela a déplu à Keith. Irwan, lui, il s'est bien amusé. Manque de chance, tous n'ont pas pu faire le déplacement le jour J. Dont Moon, celle qui considère comme sa mère de substitution. Moon qui regrette évidemment de ne pas avoir pu être présente pour son anniversaire. Alors quand elle lui a téléphoné le lendemain matin pour le convier chez elle pour la journée, il s'est empressé de répondre positivement. Et comme Irwan a promis à Keith qu'il serait à la maison le soir du vingt-neuf, il n'a pas pu proposer à Moon de se retrouver à la tomber de la nuit. Une stratégie doit donc être trouvée pour libérer son temps libre, et ne pas aller travailler. Au petit matin, Irwan prévient donc son équipe du fait qu'il ait  probablement attrapé une gastro-entérite. Il mime des vomissements par téléphone puis raccroche, fier de lui. Les vieilles semblent l'avoir cru, ce qui lui permet de ne pas se rendre au travail. Elles ont trop peur d'attraper ses microbes ! Sa journée libérée, Irwan peut donc profiter de sa Moonette adorée.

Il arrive chez elle dans les alentours de onze heures, même si Moon l'attendait plus tôt que cela. Mais la connaissant, elle ne doit pas se souvenir de l'heure à laquelle elle l'a convié. Irwan arrive donc plus guilleret que jamais, et se fait accueillir d'une étreinte chaleureuse. Le type de câlin qu'on ne lui a jamais fait gamin. Le même genre d'accolade qu'Alfou pouvait lui offrir. L'affection est présente, autant du côté de Moon que du sien. Il a l'impression d'être aimé, d'exister enfin réellement. Que ce soit auprès de Moon, ou de tous les autres de leur communauté. Ils s'aiment. Tous. C'est explosif. Son cœur déborde d'amour. Et ça a le don de le rendre heureux, Irwan.

Ils passent leur fin de matinée à parler d'astrologie. Moon lit des passages de son livre favori à Irwan, et lui livre son point de vue sur son avenir. Ils abordent d'ailleurs la thématique de Noomi et de leurs retrouvailles. Moon est la seule de la communauté à avoir entendu parler de l'ex d'Irwan. La seule qui semble comprendre la plaie toujours présente dans sa poitrine ; des années plus tard. Mais d'après elle, les astres ne sont pas tellement en leur faveur en ce moment. La lune en lien avec mars risque de leur renvoyer des ondes négatives. Mauvaise nouvelle, donc. C'est étonnant puisque la veille, jour de l'anniversaire d'Irwan, ils ont plutôt bien parlé ensemble. Mais Irwan croit tout ce que Moon lui raconte. Tout ce qui sort de sa bouche est le Saint Graal.

Le déjeuner engloutit, Moon lui propose de faire une sieste pendant qu'elle part faire une course rapidement. Ce qu'elle ne lui précise pas, c'est qu'elle a complètement oublié de lui cuisiner son gâteau ce matin, et qu'en voulant le faire après manger, elle a réalisé manquer de farine. Moon s'absente donc pour rejoindre le centre ville, laissant son petit protégé s'occuper seul, dans son mobil-home. Parce qu'elle lui fait une confiance aveugle à Irwan. Après tout, ça fait plus d'un an qu'ils se connaissent, maintenant.

L'heure passe et toujours pas de Moon. D'une personnalité calme et patiente, Irwan ne s'en soucie pas. Il fouille le mobil-home, et surtout le frigidaire pour se sortir une bonne bière. Puis, il va profiter de l'exposition sud de la terrasse du mobil-home. Il remonte son pantalon au-dessus de ses chevilles, retire ses chaussures, et remonte au maximum les manches de son t-shirt avant de se jeter sur le fauteuil en cuir de Moon. Irwan vide ses poches sur la table-basse, puis il se roule un joint sans se soucier du voisinage. De la cocaïne et plusieurs pochettes de cannabis sont disposés à la vue de tous. De toute façon, beaucoup d'individus de sa communauté vivent ici, alors les propriétaires du camping ont bien l'habitude. Tant qu'ils payent le loyer, c'est ce qui compte. Joint en bouche, Irwan s'adosse au dossier du fauteuil, allonge ses jambes sur la table puis ferme ses yeux. Il n'y a rien de tel pour un bon bol de vitamine D !

Le sommeil commence presque à le gagner lorsqu'une voix le ramène sur Terre. Coup de bol, c'était moins une avant qu'il ne lâche sa bière et que celle-ci s'explose au sol. Irwan sursaute, pris par surprise par cette voix féminine. Ses paupières s'ouvrent puis se referment immédiatement. Faute au soleil trop agressif pour lui. Il faut un temps à ses iris pour se réhabituer à la lumière et lui permettre d'observer la silhouette face à lui. WA-HOU. Ses paupières papillonnent alors qu'il se redresse et remet ses pieds au sol. Il ignore qui est cette femme qui l'interroge sur Moon. Mais WAHOU. Clairement son style de femmes. Un sourire charmeur prend possession de ses lèvres alors qu'il vient y glisser son joint pour tirer dessus.

- Saluuut, s'exclame-t-il pour démarrer cet échange par des bonnes manières. Si si ! Moonette habite toujours ici. Elle ne devrait pas tarder, elle est partie faire une course, explique-t-il en souriant gentiment à la demoiselle face à lui. Il pose sa bière sur la table puis coince son joint entre ses lèvres avant de se pencher un peu plus en avant pour venir tapoter le siège de libre à côté de lui. Venez attendre ici. Je peux vous filer un truc à boire en attendant, si vous voulez ?

@Irwan O'Connor & @Delilah Winchester

(outfit) ⋄ Elle aurait dû se fier à son intime conviction, Delilah. Elle aurait dû prêter attention à cette voix intérieure qui n’a eu de cesse de lui répéter que venir voir sa mère aujourd’hui n’était pas une bonne idée, moins encore en étant contrainte par les horaires du bus. Seulement, Delilah n’a jamais vraiment aimé les signaux intangibles, de sorte qu’elle ne s’en remet jamais à eux. Surement parce que cela la remmène trop à inconsistance de Moon et que son pire cauchemar serait de devenir comme elle. Toutefois, en constatant que l’emplacement n’est pas occupé par celle qu’elle recherche, le regret de ne pas s’être écoutée commence à la gagner.

L’homme qu’elle interpelle ne tarde pas à ouvrir les yeux – du moins, à les ouvrir très péniblement. Cette simple tâche a l’air compliquée pour lui et il n’en faut pas davantage à Delilah pour comprendre qu’il vit dans une réalité parallèle. Un simple coup d’œil vers la table basse d’extérieur lui permet de confirmer ses craintes et, surtout, fait croître ses remords à l’idée de ne pas s’être écoutée et de tout de même être venue ici. Un joli foutoir est déposé sur la table et elle n’a pas besoin d’être à meilleure distance pour identifier le sachet d’herbe et, surtout, la cocaïne qui trône fièrement à la vue de tous. En réalité, Delilah ne s’émeut pas de voir de la drogue à portée de main, il en est allé ainsi durant toute son enfance, puis son adolescence. Ce qui l’inquiète, en revanche, c’est de savoir que de tels produits atterrissent chez Moon. Soigner ses addictions n’a pas été une mince affaire ; Moon se bat encore et se battra toujours pour rester sobre. Nul doute que la tâche est bien plus ardue en côtoyant des personnes comme ce type, qui n’hésite pas à apporter et consommer ses merdes chez elle.

Le simple fait de le voir tirer sur son joint après l'avoir salué, comme si son attitude était parfaitement normale, l'horripile. Mais ce n'est rien face à ce qui suit et ce surnom ridicule qu'il prête à Moon. Moonette... Déjà que se faire appeler du nom de la Lune est risible, y ajouter un suffixe est ridicule. C'est d'ailleurs bien une expression de dégoût qui passe sur le visage de la psychiatre, qui s'avance tout de même en direction de son interlocuteur.

À mesure que ses pas la rapprochent de lui, la brune regarde tout autour d'elle dans l'espoir de voir apparaître le visage de sa mère. Son appréhension est palpable alors qu'elle se demande dans quel état elle va la trouver. Est-ce normal de s'inquiéter ainsi pour ses géniteurs ? Absolument pas, mais les rôles ont toujours été inversés entre Delilah et Moon, de sorte que c'est bien l'enfant qui a toujours essayé de veiller sur le parent, et non l'inverse. Rapidement, l'information de l'absence de la plus âgée est donnée, mais ce n'est pas pour rassurer Delilah. Bien au contraire. L'idée qu'elle puisse avoir un accident puisqu'elle était dans un état second à cause des drogues l'a toujours effrayée ; ses craintes reviennent au galop alors qu'elle souffle un « super ».

Mais que peut-elle y faire ? Delilah a passé trente-neuf années de sa vie à essayer de sauver sa mère. Son compteur ne dénombre cependant qu'une seule victoire : celle de sa dernière désintoxication. Un succès bien trop fragile, dont l'équilibre demeurera toujours précaire, et qu'elle craint d'ailleurs voir réduit à néant. Si Moon est retombée dans ses travers, Delilah ne pourra rien faire de plus que l'aider à décrocher de nouveau. Et il en ira ainsi jusqu'à ce que ces excès l'emportent vers l'au-delà.

Telles sont les pensées de Delilah, qui prend conscience qu'elle n'a aucun moyen d'agir dans la mesure où elle n'est pas véhiculée, alors qu'elle finit par s'installer dans le fauteuil à côté de l'homme aux cheveux bouclés. S'il est étonnant de voir des fauteuils en cuir à l'extérieur, il y a bien longtemps que Delilah ne prête plus attention à ce genre de chose. Rien n'a jamais été normal avec Moon et rien ne le sera jamais.

- Non, je ne veux rien, répond-elle assez sèchement en prenant place. À part que vous éteignez votre truc.

L'usage du mot "truc" vient seulement remplacer le mot "merde". Le dégoût se lit à nouveau sur le visage de la psychiatre, alors que ses doigts désignent le joint que l'homme tient entre ses mains. Elle n'a pas franchement envie d'être testée positive au THC lors de sa prochaine visite médicale professionnelle à l'hôpital.

- Vous me proposez à boire mais vous êtes ici chez vous ? s'aventure-t-elle à demander aux fins de déterminer qui est réellement cet homme pour Moon. Ça ne l'étonnerait pas d'apprendre, d'ailleurs, qu'il est son nouveau petit-ami.

@Delilah Winchester & @Irwan O'Connor

TW : consommation de drogues, communauté hippie, deuil, décès enfant.

(outfit) ⋄ L'amour est devenu le point d'ancrage dans la vie du O'Connor. Un sentiment puissant auquel Irwan se raccroche depuis le décès d'Alfie – son père de substitution – et de Bran, son neveu. Il a bien failli se laisser complètement aller en sombrant dans les ténèbres à la suite de leurs morts. Néanmoins, il a tenu bon Irwan. Certes, ses vieilles addictions ont repris le dessus ; mais il tient le coup. Il consomme pour oublier le vide laissé par ces deux-là, bien qu'il ait réussi à le combler en rencontrant des membres de la Rainbow Community. Parmi eux se trouve Moon. Cette femme à laquelle il s'est profondément attaché, ressentant l'amour d'un fils pour une mère envers elle. Grâce à cette communauté hippie qui lui a ouvert les bras, Irwan est encore de ce monde aujourd'hui. Il a survécu. La vie, il la voit autrement maintenant. Il se laisse porter, se laisse guider, vivant d'amour et d'eau fraiche. La bonne humeur semble ne plus le quitter, surtout quand il est sous l'emprise de la drogue. Quand il est sobre – ce qui n'arrive presque plus maintenant – il lui arrive de replonger dans un certain mutisme ; celui où sa peine règne en maître. Mais aujourd'hui, Irwan est défoncé. Toute nouvelle rencontre est donc vue comme une chance inouïe. Un clin d'œil de la vie. Il voit là un signe du destin ; cherchant à réunir deux âmes probablement liées par leurs astres.

Le sourire béat qui prend possession de ses lèvres est donc normale. Irwan est véritablement heureux de rencontrer cette femme, qui connait Moon qui plus est. Toutes les connaissances de Moonette sont ses amis. Irwan arrive constamment à lier un lien fusionnel avec. D'autant que ça fait maintenant un an qu'il a rejoint la Rainbow Community, mais il arrive encore qu'il rencontre quelques membres. Des anciens de passage, des nouvelles recrues, ou encore de simples passants qui les rejoignent que lorsque la vie leur joue des tours. Irwan pense que c'est le cas de cette charmante femme face à lui. Sinon, elle ne serait pas venue chercher Moon ici, non ? Seuls les membres de la communauté hippie connaissent le point de rendez-vous au camping ; là où logent une partie des membres. Les hippies sont les clients majoritaires des emplacements de tente, ou des mobil-homes comme celui de Moon. Il leur arrive souvent de se retrouver ici, avant de tous s'entasser dans des vans pour rejoindre les routes menant au fin fond de la forêt. Ce point de départ est connu uniquement des membres de la communauté hippie. Nul doute que cette charmante demoiselle est donc une hippie elle aussi. Il le croit Irwan, avant que la demoiselle brise ses rêves. Son sourire niais se dissipe pour laisser place à une moue déçue.

Le ton froid dont use la demoiselle pour lui répondre déplait à Irwan. Il ne sait pas ce qu'il lui a fait, mais son joint doit forcément y être pour quelque chose. Vu la tronche dégoûtée qu'elle tire, y'a de fortes chances que la drogue lui pose problème. Irwan tire une, deux, quatre nouvelles bouffées dessus avant de l'écraser dans le cendrier de Moon. Tant pis, il le finira plus tard ! Il compte bien respecter la demande de cette femme, déjà de mauvaise humeur. Irwan redoute trop le conflit pour risquer d'agacer une inconnue en fumant à ses côtés.

- Voilà, grommelle-t-il d'un ton bien moins enjoué que précédemment, avant de se saisir de sa bière afin de s'en délecter d'une bonne gorgée. Le cannabis ça lui fout toujours une sensation pâteuse dans l'œsophage.

S'il est mécontent du timbre de voix de l'inconnue, il ne peut s'empêcher de se réjouir en remarquant qu'elle est venue s'asseoir à ses côtés. Au moins, elle ne le rejette pas entièrement, et semble encline à l'échange. Durant le cours laps de temps où règne le silence, Irwan en profite pour observer cette jeune femme. Les traits de son visage lui rappelle quelqu'un, mais impossible de trouver qui, quoi, où, comment. Peut-être se sont-ils déjà croiser au chalet de la communauté hippie ? Ou se sont-ils simplement vu un jour au Myer Centre ? Essayant de faire marcher sa mémoire catastrophique – la faute aux drogues dures qu'il consomme quotidiennement – Irwan se fait interrompre dans ses pensées. L'inconnue reprend la parole en lui demandant s'il se trouve ici chez lui.

- C'est tout comme ! C'est chez ma mère ici, répond-il spontanément d'un ton à nouveau enjoué, comme il l'aurait fait avec n'importe qui.

Moon c'est la mère adorable qu'il n'a jamais eu ; sa mère de substitution. Celle qui se soucie de lui et qui ne passe pas son temps à lui hurler à la gueule. Celle qui panse ses plaies lorsqu'il chute en forêt et qui ne passe pas son temps à le punir à cause de ses conneries. Moon est une bien meilleure mère que ne l'a été Jane. Et rien que pour ça, Irwan lui doit énormément. Parce qu'elle le comprend, l'écoute, le guide ; comme nul autre.

- Et vous ? Vous la connaissez comment ? Vous êtes l'une des nôtres ? demande-t-il gentiment en s'enfonçant dans son fauteuil et en croisant ses jambes.

@Irwan O'Connor & @Delilah Winchester

(outfit) ⋄ Moon ne pouvait-elle pas se trouver un mec normal ? À tout le moins quelqu’un dans ses âges qui ne chasse pas le goût du cannabis par une gorgée de bière ? C’est ce que regrette Delilah alors qu’elle prend place à côté de celui qui est probablement le nouvel amoureux de sa mère. Non pas qu’elle souhaite avoir le moindre contrôle sur la vie de Moon - elle n’en a jamais eu aucun et n’en aura jamais - mais il est vrai qu’elle aurait préféré qu’elle s’amourache d’une personne stable. D’une personne clean, surtout. Tout ce que ne semble pas être ce jeune homme, en somme.

Piégée dans cette situation sur laquelle elle n'a aucun pouvoir, ni emprise, Delilah finit par faire ce qu'elle fait de mieux : analyser la personne qui lui fait face. Juste après avoir observé discrètement la silhouette frêle du brun, elle s'autorise une question personnelle. Évidemment, plutôt que de demander de but en blanc qui il est pour Moon et ce qu'il représente pour elle, Delilah utilise un chemin détourné. L'art de savoir manier les mots l'a toujours amenée loin et aujourd'hui n'échappera pas à la règle. Moins encore face à un hippie. Ce dernier n'est pas avare de paroles et répond avec spontanéité.

C'est tout comme !
C'est chez ma mère ici.

Les oreilles de Delilah n'en croient pas ce qu'elles entendent. Elles émettent même un léger sifflement qui vient la déranger, alors qu'elle se laisse soudainement happer par une violente quinte de toux. Sa réaction aurait été moins étrange si elle avait eu la moindre boisson entre les mains ; elle aurait pu faire une fausse route. Seulement, Delilah est seule face à elle-même. Une fois de plus, une fois encore, lorsqu'il est question de Moon ou de tout ce qui l'entoure, Delilah Lula Bellingham est tristement seule.

Dans un réflexe d'auto-protection, la psychiatre se lève du fauteuil qu'elle vient juste de rejoindre et s'éloigne de quelques mètres le temps de contrôler sa toux. Le temps de contrôler sa toux, oui, mais aussi et surtout de comprendre et d'analyser l'information qu'elle vient de recevoir. Cet homme est-il réellement le fils de Moon ou est-ce une autre de leurs bizarreries de hippies ? La deuxième option n'a que peu de crédit. Moon n'est pas connue pour son côté maternel. Elle ne s'est même jamais comportée comme une mère à l'égard de sa propre progéniture. Il est donc impensable - inconcevable, même - que quelqu'un puisse la considérer comme une mère, même de cœur. Pourtant, l'idée d'avoir un frère est tout aussi ubuesque. Il lui faut faire le jour sur cette histoire.

Sa toux contrôlée, les larmes dans les yeux en raison des soubresauts de son corps, Delilah finit par se retourner face à l'homme et lui accorder son plus faux sourire. Elle gagne à nouveau le fauteuil et acquiesce d'un léger signe de tête à sa dernière question.

- Plus ou moins. C'est compliqué, commence-t-elle à répondre aux interrogations du jeune homme. J'ai toujours eu un pied dans cette communauté, je ne la quitterai jamais réellement.

Bien qu'elle soit peu à l'aise avec le mensonge et que c'est pour cela qu'elle tourne ses phrases de façon à ne pas mentir, Delilah sait pertinemment qu'elle franchira cette limite si la situation lui l'impose.

- Mais vous n'avez pas tant d'écart d'âge avec Moon fait-elle remarquer alors que la principale intéressée a toujours eu cette chance de faire plus jeune que son âge et ce même depuis que ses cheveux se sont teintés de gris. C'est vraiment votre mère ? ne peut-elle s'empêcher de demander à l'homme vers lequel elle tourne son visage.

Avec attention, Delilah détaille les traits de son visage. Force est de constater qu'elle n'y retrouve pas la moindre ressemblance avec Moon ou même avec son physique à elle.

- J'ignorais qu'elle avait des enfants...

Elle pousse le vice, Delilah. Elle en a parfaitement conscience. Cependant, elle a besoin de savoir ce que sait réellement cet homme sur la vie de Moon. Moon, cette femme qui est peut-être sa génitrice à lui aussi ou, en tout cas, qui se comporte sans doute comme tel à son égard. A-t-il droit à la tendresse d'une mère ? À ses baisers réconfortants ? À une certaine forme de sécurité ? A-t-il droit et a-t-il eu droit à tout ce dont Delilah a cruellement manqué depuis près de quarante ans ?