when no one is watching.

-- ft / @Irwan O'Connor
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Il terminait tôt aujourd’hui. Ne prenait pas le service de nuit au casino, même si c’était le moment où il y avait le plus de monde. Le soir, la nuit, quand les gens avaient terminé leur travail, il n’était pas rare qu’ils viennent en masse pour faire flamber leur argent. Ça arrangeait bien le casino, parce que le chiffre d'affaires grimpait en flèche à ce moment-là. C’était sans doute aussi le moment où il y avait le plus de choses à gérer d’un point de vue sécurité. Il fallait bien repérer les tricheurs, mais aussi ceux qui passaient un peu trop de temps près du bar et qui au bout d’un moment commençaient à faire n’importe quoi. Mais, il y avait assez d’employés niveau sécurité pour qu’il n’ait pas besoin d’être toujours présent. Il devait bien admettre que, depuis la naissance de sa fille, il était bien content d’avoir ses soirées. Il aimait passer du temps avec Nieve et puis ça soulageait Sage de l’avoir à la maison pour prendre la relève avec le petite. Chose qu’il faisait toujours avec grand plaisir. Il avait bien tenté de prendre un congé pour passer plus de temps avec sa fille, mais comme à son habitude, son père lui avait sorti une remarque bien misogyne et patriarcale, comme quoi, c’était le boulot de Sage de s’occuper de la petite et que lui, il devait ramener l’argent à la maison. Cliché ambulant contre lequel il n’avait même plus la force de riposter.

Ça ne l'empêchait pas de prendre un peu plus ses soirées et pour l’instant, son père n’avait pas fait de commentaires là-dessus. Ça ne saurait tarder, dans le fond. Tant pis, il comptait bien en profiter. Mais ce soir, avant de rentrer à la maison, il avait décidé de faire un saut à la bibliothèque pour emprunter quelques livres pour faire la lecture à Nieve. Il n’avait pas spécialement pensé à regarder les horaires de la bibliothèque. Pour lui qui avait l’habitude de travailler jusqu’au petit matin, il avait vraiment l’impression qu’il était encore très tôt. Il était entré puis s’était dirigé vers la section enfant, désireux de trouver quelques trucs intéressants. ll ne s’y connaissait pas beaucoup en littérature jeunesse. Alors il explorait, feuilletait tranquillement les livres, jusqu’à être interrompu par une voix derrière lui. Il se retourna pour faire face à la personne qui lui parlait. Ce type lui disait quelque chose et vu la tronche qu’il tirait, il s’agissait clairement d’un sentiment partagé. Il sentit son cœur s'accélérer dans sa poitrine, alors qu’il restituait l’homme en question. Erreur causée par l’alcool. Rien de plus. Pourquoi est-ce qu’il stressait comme ça alors ? Pourquoi est-ce qu’il ressentait ce truc bizarre au fond de lui, en se souvenant de se baiser ? Il ne fallait pas y prêter attention. C’était une erreur, rien de plus. L’alcool faisait des ravages, ce n’était pas nouveau. « Hm, est-ce que ce serait une bonne chose ? J’ai toujours cru que le stalking était un crime. » Il répliqua, nerveusement. Il savait qu’il fallait qu’il se ressaisisse, qu’il arrête de penser à ce qu’il s’était passé entre eux la dernière fois, parce que ce n’était rien, ça ne voulait rien dire et de toute façon, il était fiancée. Avec une femme. « Dans tous les cas, c’est juste le hasard, je cherchais quelques livres, pour ma fille. » Il répliqua en montrant le livre qu’il avait entre les mains. Au moins, il mettait tout de suite Nieve sur le plateau, précisant qu’il était père de famille, et sa fille avait une mère, évidemment. Preuve indéniable que, peu importait ce qu’il s’était passé la dernière fois, ça n’était absolument rien et qu’il fallait que ça reste ainsi.

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-- ft / @Irwan O'Connor
tw : homophobie intériorisée ; thérapie de conversion.
Nieve était encore bien jeune, juste un bébé, mais ça ne l’empêchait pas de lui raconter des histoires pour l’endormir. Il ne savait pas si elle comprenait ce qu’il disait, mais il savait au moins que ça la stimulait et qu’un bébé avait besoin de ça. Il voulait que sa fille grandisse dans les meilleures conditions possibles, alors il faisait tout pour. Beaucoup de lecture, de la musique aussi et puis il lui parlait en espagnol, pour qu’elle grandisse avec les deux langues. Ce soir alors, il était venu à la bibliothèque pour refaire le plein de livres, parce qu’à force, ils étaient à court. Ils pouvaient bien lui lire deux fois la même chose, ce n’était pas elle qui allait juger, dans le fond, elle était encore bien trop petite pour ça. Mais, eux ils avaient besoin d’un peu de changement. Il n’avait clairement pas imaginé que le bibliothécaire serait un visage familier. Trop familier et qu’il avait pourtant trop envie de fuir. Une chose était sûre alors : il n’avait pas fait en sorte de le retrouver, bien au contraire, c’était une soirée qu’il avait envie - besoin - d’oublier, Moisés.

Non, il n’était venu que pour sa fille, ce qu’il précisa bien rapidement. Au beau milieu du rayon pour les très jeunes enfants, de toute façon, c’était évident qu’il était là pour quelqu’un de très jeune et pas forcément pour lui. Ni pour stalker Irwan, bien entendu. Sans quoi, il se serait planqué dans un autre rayon, parce que sinon, ça aurait un côté un peu creepy.  « Oui, ma fille. » Il répéta simplement en se disant que cette conversation allait sans doute s’arrêter là. Avant que l’homme en face de lui ne décide d’en rajouter une couche laissant un air perplexe sur le visage de Moisés. « Dans quel monde le stalking se transforme en conte de fée ? » Parce que c’était quand même de là qu’il était parti non ? Très étrange, voire même inquiétant tout ça. Mais peu importait dans le fond, parce que le bibliothécaire ne faisait que divaguer. Il lâcha un rire, avant de reculer d’un pas, besoin de mettre en place un genre de système de défense. Fuire, toujours la meilleure solution, de toute façon, d’après Moisés. Il avait passé sa vie entière à fuir, de toute évidence, sans même sans rendre compte. « Non, je suis pas … » Il ne termina pas la phrase, comme si juste prononcer le mot gay ou homosexuel risquait de lui causer du tort. Ça avait été le cas à une époque après tout et le traumatisme restait présent. Séquelles d’une thérapie de conversion qu’on lui avait imposé et qui restait gravée en lui, peu importait la force avec laquelle il essayait de tout oublier. « Elle est avec sa mère. Ma fiancée. » Il précisa, pour souligner le fait qu’il était bel et bien avec une femme. Dans cette norme qu’on attendait de lui et qu’il avait fini par intégrer. Qu’il n’avait pas eu le choix d’intégrer dans le fond ; admettre n’aimer que les femmes et uniquement les femmes ça avait été le seul moyen de sortir de l’enfer dans lequel ses parents l'avaient laissé pourrir et maintenant, il était bien incapable de faire marche arrière.

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tw : homophobie intériorisée ; thérapie de conversion.
Pourquoi est-ce qu’il fallait qu’il se retrouve dans une telle situation ? Non, il n'avait absolument pas cherché à revoir ce type. Il ne s’était pas renseigné sur lui afin de retrouver son lieu de travail et se pointer comme ça l’air de rien. Il avait tendance à penser que ce serait limite un peu creepy comme comportement. Peut-être que se renseigner sur quelqu’un, parfois c’était important, dans le monde actuel, on pouvait rapidement tomber sur des personnes mal intentionnées. Mais bon, pour le coup, Moisés, il n’avait vraiment jamais eu l’intention de recroiser la route d’Irwan. Pire que ça, sans doute, il avait eu pour ambition de l’oublier complètement et de faire comme si cette fameuse soirée au bar n’avait pas existé. Il avait bu ce soir-là, alors c’était facile de prétendre que le trop plein d’alcool avait effacé quelques-uns de ses souvenirs. Doué comme il était pour vivre dans le déni, ce n’était vraiment pas un problème pour lui. Cette soirée n’avait pas existé. Il n’avait aucune raison d’y repenser et encore moins de raison de rechercher cet homme.

Après tout, il était fiancé et heureux. Ce soir, il était là pour trouver quelques livres pour sa fille, parce qu’il adorait passer ses soirées à lire des histoires. Il aimait tous les moments qu’il passait avec sa fille, Moisés. Elle était ce qu’il avait de plus chère dans ce monde. Une bonne raison d’ignorer ce fameux baiser, parce que tout ce qu’il voulait pour Nieve, c’était qu’elle grandisse dans une famille soudée. Tout ce qu’il voulait pour lui-même, c’était cette vie toute tracée qu’on lui avait toujours imposée et dont il refusait de s’éloigner. Ça faisait beaucoup trop peur, après tout. « Oui, ma fiancée. » Il répondit, comme pour enfoncer le clou. Il avait une fiancée, alors il avait besoin qu’on lui foute la paix avec cette histoire de baiser. Il aimerait que ce soit ça, qu’Irwan soit en train de comprendre, mais évidemment, ce serait beaucoup trop demandé. Il laissa échapper un rire nerveux suite à la réplique de son interlocuteur. « Je vois pas du tout de quoi tu veux parler. » Déni, encore et toujours. Son seul refuge face à des vérités qu’il se refuse d’avouer, Moisés. Des choses qu’on lui a arrachées quand il était adolescent et vers lesquelles il refuse de retourner aujourd’hui. Sa vie, elle est parfaite comme elle est. Fiancé, père de famille. Loin des problèmes de sa jeunesse. Loin de prendre le risque de revivre l’horreur qu’il a pu connaître dans cette soit disant thérapie. Le déni, il a forcément du bon, tant qu’il permet de s’éloigner des choses les plus traumatisantes. Renoncer au bonheur n’était pas si difficile que ça, lorsqu'on savait à quoi on échappait en retour.