don't wanna close my eyes,, w. maverick

[ don't wanna close my eyes ]
w. @Maverick Perkins

Elle avait un truc, ce soir. Un anniversaire – celui d’un ami d’ami, d’une connaissance en somme. Le genre de personne très populaire qui connaît plein de monde, qui invite une foule à son anniversaire. Peut-être que c’est surtout pour entretenir les relations, peut-être que c’est sincère – dans le fond, peu importe. Parce qu’elle appréciait tout de même la star de la soirée, elle est venue, Neasa. Et puis, aussi parce qu’elle devait y retrouver quelques têtes connues, quelques amitiés qui aux années ont survécu, ou d’autres qui ne l’ont pas fait mais qu’elle est quand même ravie de revoir ou de recroiser. Alors elle avait confirmé sa présence ce soir, Neasa – car après tout, pourquoi pas. Ce n'était pas en restant terrée chez elle qu’elle rencontrerait qui que ce soit, de toute façon, et peut-être qu’elle commençait à en ressentir le besoin. Rencontrer quelqu’un. Avancer, tout du moins. Cela ne veut pas dire qu’elle cherche nécessairement une relation sérieuse. Pour cela, il faudra encore du temps – retrouver de l’assurance, et puis la confiance. En les autres, en l’amour, en elle-même. De toute manière, elle ne cherche pas forcément à trouver quelqu’un avec qui finir la nuit, Neasa. Elle se dit que c’est peut-être l’occasion de se faire aussi de nouveaux amis. Tant de bonnes raisons de venir, en somme.
Alors elle est venue.

Il y a du monde, ce soir. L’hôte de la soirée, dont c’est l’anniversaire, possède en prime une belle maison dans les beaux quartiers de Brisbane. Cela permet au moins de rendre la fête agréable, plus que si elle avait lieu dans un appartement où l’on serait les uns sur les autres. Là au moins, il y a de l’air, il y a un jardin, il y a même une piscine pour ceux qui voudraient piquer une tête – et comme elle est chauffée, on n’a pas à craindre d’attraper froid, étant donné la saison hivernale. Très peu pour Neasa, en tout cas. Elle, jusqu’à présent, après avoir brièvement salué l’hôte de la soirée, très vite accaparé, elle a retrouvé les personnes qu’elle connaissait. Elle est allée de groupe en groupe, tranquillement, discutant naturellement, se présentant aux têtes inconnues, apprenant à faire connaissance.
Maintenant, elle ne sait plus depuis combien de temps elle est arrivée, son téléphone sagement rangé dans son sac, n’y ayant même pas touché. Elle s’amuse un peu, tout de même, Neasa, même si elle se dit qu’elle ne rentrera pas tard – son projet de création d’agence occupe une grande partie de son temps, et même si elle a délaissé le boulot pour ce soir, demain une grosse journée encore l’attend. Elle prend quand même un bout de gâteau quand on le lui propose, distraitement, sans vraiment demander ce qu’il y a dedans. Elle ne sait plus il y a combien de temps c’était – maintenant, cela lui semble remonter à une éternité, mais en réalité, cela doit faire seulement une demi-heure. Elle ne fait pas le lien, en tout cas, Neasa, entre le fameux gâteau avalé et le soudain apaisement qu’elle ressent. Précisément ce qu’il lui fallait, finalement. Elle se sent détendue, joviale, elle a le rire facile, la sociabilité plus aisée aussi, sans s’en rendre compte. Les autres sont un peu pareils, dans le fond. Et elle passe encore de groupe en groupe, Neasa, jusqu’à trébucher, un peu trop détendue, se rattrapant au dernier moment au bras de quelqu’un. « Ooooh pardon ! » s’exclame-t-elle aussitôt, et bien qu’elle soit désolée, elle ne peut retenir un rire, Neasa. « Oh, Maverick. J’t’avais pas vu. Ça va ? » Il y a bien son cœur qui va vite, dans sa poitrine, quand elle le reconnaît – mais c’est certainement un mélange entre le fait que ce soit lui, le fait qu’elle se soit rattrapée à son bras et le fait que dans le gâteau qu’elle a mangé, il n’y avait pas que des ingrédients lambdas. D’ailleurs, c’est certainement grâce à ce dernier qu’elle semble tout à coup si à l’aise face à lui qui reste son ex. Celui qui, peut-être, la déteste. Elle est peut-être la dernière personne qu’il ait envie de voir, d’ailleurs.
A moins qu’il n’ait mangé du même gâteau ?

don't wanna close my eyes.

-- ft / @Neasa Fraser
tw: mention de décès, deuil

Ce soir, il était de sortie, Rick. Ça n’allait pas lui faire de mal de quitter un peu son antre pour voir du monde. C’était l’anniversaire d’un ami, alors ça promettait d’être assez sympa. Ça ne pouvait pas lui faire de mal de toute façon. Pas qu’il soit toujours tout seul dans son coin. Non, il sortait, il voyait du monde régulièrement, mais il fallait quand même avouer que sa vie se résumait beaucoup au travail, dans lequel il avait tendance à se noyer, juste pour ne pas trop avoir à penser au reste. Quel reste, de toute façon ? C’était bien ça le problème. Ula avait quitté la maison depuis quelque temps maintenant et parfois, la solitude qui pesait dans la maison avait comme un goût d'échec. En dehors du boulot, il n’avait pas grand chose. Pas que le célibat lui pèse forcément. Il était certain qu’on pouvait être heureux, sans avoir de vie de couple. C’était plus l’absence de ce qu’il avait eu à une époque, qui pesait sur ses épaules et n’était pas toujours facile à supporter. L’absence d’Olivia et de leur fils. Un deuil qu’il avait plus ou moins surpassé, dans la mesure du possible, en tout cas. On ne se remettait jamais complètement de ce genre de drames et dans le silence de la maison, il y pensait beaucoup, Maverick.

Ce soir alors, ça allait lui faire du bien de laisser ça de côté pour penser à autre chose, sans que ce soit des histoires de boulot qui viennent remplacer le reste. Il y avait une bonne ambiance, plusieurs personnes qu’il connaissait et avec qui, il avait pris le temps de discuter un peu. Et puis il avait fini par prendre un morceau de gâteau posé sur la table, sans vraiment faire attention à ce que c’était. C’était juste un gâteau, ça ne pouvait pas faire de mal, après tout. Il était retourné un peu à sa discussion, avant de commencer à se sentir un peu bizarre. Tout léger et étrangement calme et pourtant content. Un rien le faisait rire comme un idiot. Il se sentait bien. Plus apaisé que d’habitude. Au moins cette fois, toutes les pensées négatives, celles qui lui faisaient du mal au quotidien, elles avaient disparu. Il avait à se distraire pour penser à autre chose Rick, détestait rester en place, parce que c’était dans ces moments-là qu’il pensait le plus à Olivia et Luke, mais jamais il n’oubliait complètement. Pourtant en cet instant, il se sentait vraiment défait de ses peines quotidiennes, pour la première fois depuis longtemps. Il avait soif aussi, le seul truc qu’il était vraiment capable de réaliser, c’était ça. Alors il avait fini par s’éloigner à la recherche d’un verre d’eau. C’est là que quelqu’un s’était accroché à son bras pour s’éviter une chute. Temps de réaction plus lent que d’habitude, il avait eu l’impression de la fixer pendant une éternité avant de parvenir enfin à la resituer. Rare qu’on oublie ses ex, pourtant. « Neasa ? » Qu’est-ce qu’elle faisait là ? Aucune idée et est-ce que ça avait vraiment de l’importance, de toute façon ? Il n’en était pas certain, surtout que son cerveau avait un peu de mal à faire toutes les connexions nécessaires, alors mieux valait laisser tomber. Le simple fait de réfléchir, semblait épuisant en cet instant. « Ouais, ça va. J’me sens un peu bizarre, mais ça va. Et toi ? » Un peu bizarre ouais, parce qu’il n’avait pas fait attention à la part de gâteau qu’il avait avalé et même si pour l’instant, faire le lien entre son état et le gâteau était impossible, il allait finir par le regretter à un moment où à un autre, sans doute quand la réalité viendrait s’imposer de nouveau à lui.

_________________

I get a feeling which I can't escape

I stick to the tried and true. I won't be good enough for you, But what is good enough for you. Wake me up and yell at meThen maybe you don't fall asleep. Maybe we'll unlearn ourselves someday And love each other in an unselfish way.

[ don't wanna close my eyes ]
w. @Maverick Perkins

C’est une soirée comme elle en a connues d’autres. Ni la première, ni la dernière. Une invitation qu’elle honore par courtoisie – pas certaine de rester, s’éterniser. À moins que peut-être, elle tombe sur quelqu’un qu’elle connaisse. Ou quelqu’un qui la retienne. À quand remonte la dernière fois où elle s’est perdue dans les draps de quelqu’un ? Trop longtemps. Neasa n’a plus le temps. Ni l’envie – ou bien c’est le déni. Elle a autre chose en tête, un projet plus grand, un projet qui l’obsède, lui prend tout son temps. Projet dont elle rêve même la nuit. Créer son agence. Cela fait des semaines et des semaines, des mois, même, qu’elle est dessus. Qu’elle rencontre du monde – son banquier, ses auteurices, des partenaires. Qu’elle monte vraiment son entreprise, tout en poursuivant ses activités actuelles en parallèle. Alors non, Neasa n’a pas le temps pour les rencontres. La tête est ailleurs, tandis que le cœur se répare doucement. Dans le fond, ce projet, c’est peut-être aussi pour ne pas penser au reste. À la mélancolie qui l’emplit, à la solitude qui l’habite.
Dans le fond, ce n’était pas plus mal, de venir, ce soir. Cela lui évitait d’encore bosser.
Sans jamais s’arrêter.

C’est une soirée comme elle en a connues d’autres. Une soirée pas désagréable, contre toute attente. Non pas qu’elle ait douté du contraire – c’est seulement qu’elle n’était pas certaine d’être tant que cela d’humeur à la fête. D’humeur à sociabiliser, discuter. Faire du small talk avec des inconnus. Et pourtant, elle s’en est bien sortie. N’est pas encore partie. Elle qui se pensait déjà presque dans son lit à cette heure-ci. Mais les heures ont passé. Maintenant, c’est l’heure du gâteau et elle est toujours là, Neasa. Elle en a même mangé une part. N’a pas fait le lien entre celui-ci et l’euphorie qui maintenant l’habite. Pas désagréable, celle-ci, non plus. Au fond, peut-être que c’était pile ce qu’il lui fallait.
Elle manque toutefois de trébucher, tout à coup peut-être trop tête en l’air. Faut croire qu’elle n’a pas trop perdu de ses réflexes, parce qu’elle s’accroche à un bras. Ç’aurait pu être l’occasion rêvée de flirter (puisqu’elle se sent d’humeur), si le bras en question n’appartenait pas à son ex qui, aux dernières nouvelles, la déteste. Vraiment ? Il avait l’air de la détester un peu moins, lors de l’épisode du train – mais pas de là à enterrer la hache de guerre. Pourtant, voilà Neasa, toute spontanée, toute naturelle, qui entame la conversation le plus simplement du monde. Et Maverick, qui semble mettre plus de temps qu’elle à la resituer, avant de finir par lui répondre. Lui dire qu’il se sent un peu bizarre – comme elle, un truc de dingue. « Mais non ! Moi aussi ! » L’état bizarre ne semble pas la défaire de cette plénitude qui ne la quitte plus. Elle sourit toujours, peut-être plus grand qu’elle ne se l’autoriserait face à lui en temps normal. « Sinon, ça va. Cette fête d’anniversaire est cool. » Haussement d’épaules, sourire aux lèvres toujours grand. « Mais c’est fou que tu sois là, et moi aussi. » Hasard de dingue. Le monde est définitivement petit. À ce moment-là, quelqu’un passe, s’excuse, gentiment bouscule – demande s’il reste du space cake. Et là, tout s’éclaire (ou presque). « Attends, tu crois que… » demande-t-elle à Maverick, ébahie. Presque comme une enfant. Puis elle éclate de rire, Neasa. Cela fait du bien, au fond.

don't wanna close my eyes.

-- ft / @Neasa Fraser
tw: mention de décès, deuil

Cette soirée, elle allait lui faire du bien. Un bon moyen de se détendre. Il sortait, occasionnellement, évidemment, mais ces derniers temps, c’était compliqué. Il avait souvent envie de rester enfermé chez lui. Il aimait sortir avec ses amis, mais sans eux, il préférait rester chez lui. Il était quelque peu déçu des nouvelles rencontres depuis quelque temps alors ne pas mettre le nez dehors, c’était la meilleure chose à faire. Ce soir, c’était différent, c’était un anniversaire, alors il allait y retrouver des proches, c’était motivant. Alors, ce soir, il était sorti, il avait rejoint cette fête. C’était plutôt sympa. Il avait pu discuter avec quelques amis, certains qu’il n’avait pas vu depuis un moment. Ça lui faisait plaisir d’être là, il ne regrettait pas son choix. Il ne travaillait pas le lendemain, alors il avait au moins l’assurance qu’il n’allait pas se pointer épuisé au cabinet, s’il rentrait trop tard. Il pouvait profiter de cette soirée sans prise de tête et ça faisait du bien. Il avait fini par goûter un peu de gâteau, sans se questionner sur ce qu’il pouvait contenir. Après tout, il n’avait aucune allergie alimentaire connue, alors il n’avait pas trop de souci à se faire, c’était simplement un gâteau.

Pourtant, quelque temps après l’avoir mangé, il avait commencé à se sentir bizarre. Plus léger, comme si l’ensemble de ses problèmes quotidiens n’étaient plus qu’une vieille histoire. C’était agréable dans le fond comme sensation. Il se sentait libéré du poids qui pesait constamment sur ses épaules. Si bien que tomber sur Neasa dans le plus grand des hasards, ne le dérangeait pas tant que ça. Alors que, d’ordinaire, tomber sur son ex, celle qui l’avait insulté sur son métier quelque temps plus tôt, lui aurait très certainement donné envie de prendre ses jambes à son cou et de quitter cette soirée. Habituellement, ça aurait complètement ruiné la soirée. Mais ce soir, ça ne lui faisait absolument rien. « Ouais, c’est plutôt sympa. » Il répondit, peut-être un peu trop enthousiaste, pour ce qui n’était au final qu’une simple fête d’anniversaire. « Le monde est petit. » Il répliqua, dans un haussement d’épaules. Le monde était petit oui, les hasards parfois un peu étranges, mais ce soir, ça ne le dérangeait vraiment pas plus que ça. Dans le fond, ça aussi, c’était agréable. Après tout, se prendre la tête pour un oui ou pour un non, ça pouvait être lourd par moment. Quelqu’un était passé, avait bousculé Neasa et semblait à la recherche de space cake Peut-être que ça devrait leur mettre la puce à l’oreille. « T’as pris du gâteau aussi ? » Il demanda à Neasa, parce qu’ils étaient dans le même état, de toute évidence, alors peut-être qu’ils avaient tous les deux pris le mauvais gâteau. Il avait beau être à la ramasse, il y avait encore quelques connexions qui se faisaient dans son esprit. Alors oui, sans doute que ce fameux gâteau qu’il avait mangé un peu plus tôt était responsable de son état actuel.

_________________

I get a feeling which I can't escape

I stick to the tried and true. I won't be good enough for you, But what is good enough for you. Wake me up and yell at meThen maybe you don't fall asleep. Maybe we'll unlearn ourselves someday And love each other in an unselfish way.

[ don't wanna close my eyes ]
w. @Maverick Perkins

Une douce quiétude semble tout à coup l’avoir envahie. Bien sûr, cela ne fait pas tout disparaître. Bien sûr, il y a toujours la réalité, le quotidien, le boulot, les peines de cœur – c’est juste qu’à présent, tout paraît un peu moins fort. Peut-être qu’elle devrait manger des spake cakes plus régulièrement, se mettre à fumer de l’herbe, ce genre de choses. Peut-être qu’elle est là, la clé du problème (ou que ce ne serait qu’une temporaire solution). Toujours est-il qu’elle ne regrette pas d’être venue, Neasa. Ne regrette pas d’avoir lâché le boulot pour une fois. N’arrive même pas à regretter tout à fait d’être tombée sur Maverick. Ne le pourrait jamais, à vrai dire. Elle n’est pas certaine que cela soit la même chose dans l’autre sens. Lui doit préférer ne pas la croiser, le moins possible. Pourtant, elle se souvient de l’autre fois, dans le train. Il s’était arrêté en pleine voie, à cause d’une coupure de courant étrange ou un truc du genre. Ils avaient discuté, un peu, surtout pour passer le temps – parce que ce n'était pas très rassurant. Mais elle avait eu l’impression de les retrouver un peu, les eux d’avant. Ce n’était peut-être qu’une illusion. Peu importe. Elle était partie le cœur un peu plus léger, Neasa, même si cela n’avait pas tout arrangé.

Cela fait bizarre, de le revoir. Qui plus est ici – à une fête d’anniversaire. Elle ignore qui il connaît – la star de la soirée, sans doute. Mais elle ne le savait pas. Lui non plus, probablement. Il faut croire que le monde est petit, ou que la vie se plaît à les réunir. Pour l’heure, elle est bien trop détendue pour vraiment se le demander, pour faire des plans sur la comète, y voir des signes du destin. À la place, elle préfère demander à Maverick comment il va – puis il lui retourne la question, le brun. Au moins, tous deux sont d’accord pour dire que cette soirée d’anniversaire est plutôt sympa. « Pas étonnant quand on voit qui est l’hôte de la soirée. » commente-t-elle dans un haussement d’épaules. Même Maverick est anormalement enthousiaste, jovial – mais c’est agréable. Elle s’est habituée à sa rancœur, le brun ne sautant jamais de joie en la croisant, naturellement. Là, c’est différent. Elle se laisse un peu plus envahir par cette douce quiétude, Neasa. « Oui, on dirait qu’on finit toujours par se recroiser. » Dans son état normal, elle n’aurait jamais osé le dire – mais elle n’est pas dans son état normal, la Fraser. La confirmation ne tarde pas à arriver, quand quelqu’un cherche le fameux space cake. Alors là, tout s’éclaire. Elle ne finit pas sa phrase en regardant Maverick, qui répond par une autre question en lui demandant si elle a pris du gâteau, aussi. « Mais oui ! Tout s’explique ! » Elle éclate de rire, la brune. « Je devrais en prendre plus souvent, ça fait pas d’mal. » Cela étant, cela ne risque pas de se reproduire de sitôt. « J’ai pas dû en manger depuis… une éternité. Et toi ? » Cela la ramène des années en arrière. Lui donne un petit coup de vieux, sans doute.

don't wanna close my eyes.

-- ft / @Neasa Fraser
tw: mention de décès, deuil, drogue douce

On disait souvent que tous les chemins menaient à Rome. Du point de vue de Maverick ces derniers temps, tous les chemins menaient à Neasa. Le hasard n’avait de cesse de les faire se croiser. Bon, ce soir, ce n’était sans doute qu’un demi hasard. Ils n’avaient pas passé beaucoup de temps ensemble, mais assez pour rencontrer quelques amis de l’un et de l’autre et ainsi leurs cercles s’étaient croisés, menant à ce genre de situation : un anniversaire auquel ils étaient tous les deux invités. Ça aurait pu être terrible, de recroiser son ex, comme ça au beau milieu d’une soirée. De quoi tout gâcher. Pourtant, Rick se sentait trop léger, presque trop insouciant pour vraiment en avoir quelque chose à faire. Une drôle de sensation, dans le fond, parce qu’il avait toujours pris trop à cœur tout ce qui pouvait toucher de près ou de loin à Neasa. Ce soir c’était différent. Ce soir, tout lui semblait différent. Une sensation toute nouvelle pour lui, mais pas franchement déplaisante. Il avait l’impression que tous les tracas du quotidien n’étaient que superficiels, comme si plus rien de pouvait l’atteindre ce soir. Il n’avait pas ressenti un tel apaisement depuis une éternité.

Alors vraiment, cette soirée, il la trouvait sympa. Un peu trop sympa peut-être ? Il n’en savait rien, mais ne pas se prendre la tête, au moins un soir dans sa vie, ça ne faisait de mal à personne, bien au contraire. « C’est vrai, on pouvait difficilement s’attendre à quelque chose d’ennuyeux. » Tant mieux d’ailleurs, parce que s’il avait été certain que l’ambiance était nulle, il n’y serait sans doute pas allé. Si c’était pour s’ennuyer, il pouvait très bien le faire seul chez lui. « C’est vrai, faut croire que c’est le destin. » Pas un truc qu’il aurait dit normalement, surtout que le destin, il n’y croyait pas une seule seconde. Après ce qu’il avait traversé, impossible de juste relativiser en se disant que c’était le destin. Non, la vie n’était pas régi par les choix qu’on pouvait faire, qu’ils soient bons, ou mauvais, comme celui de prendre le volant en étant ivre et de rentrer dans une voiture, tuant une mère et son fils. Mauvais choix, fait par un type qu’il ne connaissait pas, mais qui avait détruit sa vie à lui. Histoire difficile, mais qui ce soit était presque oubliée. Passée au second plan, en tout cas et c’était libérateur. Ils avaient fini par comprendre ce qui les mettait tous les deux dans cet état : le gâteau. De toute évidence, il y avait un ingrédient secret dedans qui les faisait un peu planer. « En effet. » Il répliqua, dans un léger soupir. Tout était clair maintenant, enfin, clair, dans la mesure du possible, vu ce qui circulait actuellement dans leurs veines. « Faut éviter d’en abuser quand même. » Le psychiatre, le médecin n’était jamais bien loin, mieux valait rester prudent. Un leitmotiv qui avait sans doute dicté son comportement toute sa vie. Pas forcément une mauvaise chose, mais à plus de quarante ans aujourd’hui, il fallait croire qu’il était passé à côté de pas mal de choses. « J’ai jamais touché à ça. » Il répondit à la question de Neasa. Non une grande première pour lui. « Entre les études et Ula, j’ai jamais vraiment eu l’occasion. » Il était devenu père très jeune et il s’était engagé dans un parcours long et compliqué. Les deux ensemble, faisait qu’il y avait des expériences de vie qu’il avait balayé d’un revers de la main. Ne jamais tester la drogue, ce n’était pas bien grave, au contraire, mais se mettre à expérimenter ça à quarante-deux ans, c’était peut-être un peu bizarre.

_________________

I get a feeling which I can't escape

I stick to the tried and true. I won't be good enough for you, But what is good enough for you. Wake me up and yell at meThen maybe you don't fall asleep. Maybe we'll unlearn ourselves someday And love each other in an unselfish way.

[ don't wanna close my eyes ]
w. @Maverick Perkins

Elle ne sait pas si c’est un signe. De recroiser Maverick ce soir, de recroiser Maverick tout court. Forcément, elle a un côté romantique et romanesque, Neasa, qui la pousse à penser que cela veut peut-être dire quelque chose. Elle n’irait pas jusqu’à dire que c’est le destin, ni que ce sont les étoiles qui sont parfaitement alignées. Rien de tel. Mais elle recroise Maverick et aucun, pour l’heure, ne prend la poudre d’escampette. Elle aurait plutôt imaginé le contraire, venant du brun – imaginé qu’il la fuirait, puisqu’après tout, il n’est pas son plus grand fan. Puisqu’après tout, elle est son ex ; puisqu’elle a surtout plus d’un an plus tôt dépassé les bornes. Des mots qu’elle ne pourra jamais effacer, Neasa, jamais faire oublier. Des mots qui doivent hanter Maverick, parce qu’elle le sait : il a eu beau lui parler l’autre fois, lui parler ce soir, elle se doute que la rancune est toujours là, toujours tenace. Ne disparaîtra pas en un claquement de doigts. Elle a cessé d’espérer quoi que ce soit, de toute façon, Neasa. Cessé d’espérer qu’il pardonnerait. Que peut-être, il pourrait lui aussi l’aimer.
Elle essaie de l’oublier. Qu’elle le lui a un jour confessé. Que cela n’a rien changé. Qu’il ne le lui a pas retourné.

Mais ce soir, elle recroise Maverick, et elle non plus, elle ne s’en va pas. Ne s’éloigne pas. Ne trouve pas d’excuse pour prendre congé. Elle voudrait l’oublier – pour l’heure, elle n’y est pas arrivée. Elle est encore là à chercher inconsciemment son attention. À grapiller la moindre miette. Comme une adolescente. Mais pour sa défense, elle n’est pas vraiment dans son état normal, Neasa. Maverick non plus, d’ailleurs – mais tous deux l’ignorent, encore. « Exactement. » La soirée d’anniversaire n’est pas ennuyeuse, alors. Et ils ne savent même pas encore à quel point elle est extravagante, à quel point elle les sort de leur zone de confort. Elle les remet sur la même route, en tout cas. Comme s’ils ne pouvaient pas ne pas se recroiser en permanence. Elle n’arrive pas à croire que Maverick dise qu’il faut croire que c’est le destin, même pour rire – elle a l’impression que ce n’est même pas le genre de choses sur lesquelles il plaisanterait, pas avec elle en tout cas. Mais il a l’air moins rancunier. Que la dernière fois, où il le lui semblait déjà moins que celle d’avant. Peut-être parce que la dernière fois n’était pas une situation normale, même si c’était différent de ce soir. « Ouais un truc du genre, ou les planètes sont bien alignées, je sais pas. » plaisante-t-elle en réponse, petit sourire en coin. Non pas qu’elle y croie. C’est juste pour rire ou faire la conversation, éviter peut-être que le silence ne s’installe définitivement – pourtant, on dirait que pour une fois, la conversation entre eux se poursuit naturellement. Comme avant.
Peut-être que c’est grâce à ce fameux space cake. Peut-être qu’il les détend, peut-être qu’il apaise la rancœur, peut-être qu’il rend tout un peu plus facile. Elle n’en sait rien, Neasa. Mais elle plaisante en disant qu’elle devrait peut-être en prendre plus souvent. « Ça va, ça devrait aller, ça. Mais à partir de quelle quantité on risque quelque chose ? J’me demande vraiment. » Question tout à coup presque existentielle, avant qu’elle n’enchaîne, Neasa. Ce n’est pas la première fois qu’elle en consomme, en témoignent ses mots, la question qu’elle pose à Maverick concernant sa propre consommation. « Noooon, c’est vrai ? » réagit-elle aussitôt, stupéfaite. Ne tarde pas à avoir le complément d’informations, qui explique tout : il a eu ses études, il a eu Ula. Pas la même jeunesse qu’elle et elle l’oubliait presque, Neasa. « Ah oui, c’est vrai, ça paraît logique. » Elle n’y avait pas pensé, là, comme cela, sans doute parce qu’elle réfléchit un peu moins vite. « T’étais mature avant l’heure, c’est pas plus mal. » ajoute-t-elle en haussant les épaules. Peut-être avait-il déjà un mode de vie meilleur que ceux de son âge, ce qui, quelque part, était déjà une bonne chose. « Tu veux pas bouger de là ? Y’a trop de monde. » souffle-t-elle. Et cela lui donne chaud, ou c’est peut-être le space cake, ou peut-être juste dans sa tête. Au moins, elle réfléchit un peu moins, osant suggérer qu’ils aillent parler ailleurs alors que cela pourrait simplement signifier la fin de cette conversation.

don't wanna close my eyes,, w. maverick

brisbane, australie

paddington

take me home