Ce n’était pas la prmeière fois que tu croisais le nouveau voisin. Et à chaque fois que tu le croisais et que tu le saluais d’un rapide bonjour et d’un signe de tête, c’était un rappel que tu ne t’étais toujours pas présentée. Oui, ce n’était pas une obligation mais tu considérais que c’était la moindre des choses. Après tout, c’était lui qui arrivait au milieu de tous ces voisins qui se connaissaient plus ou moins. Ta stratégie était la suivante : bien accueillir les nouveaux arrivants pour s’assurer qu’ils restent plus longtemps. Il n’y a rien de pire à tes yeux que de ne pas connaître ses voisins. Son emménagement datait de plusieurs semaines et tu avais bel et bien prévu d’aller te présenter mais tu avais soudainement eu à aider Jules sur un dossier au cabinet ainsi que gérer les conséquences familiales découlant de l’annonce que les propriétaires actuels voulaient vendre la maison. Cette réunion familiale avait été haute en couleur et vous en gériez encore les secousses. Tu ne savais toujours pas ce que vous alliez faire mais si cela ne tenait qu’à toi, vous auriez déjà vendu les lieux et déguerpis. Etant celle qui gagnait le mieux sa vie, tu savais qu’il était attendu de toi que tu investisses de l’argent mais il était hors de question que tu le fasses dans cette maison qui rassemblait tous tes mauvais souvenirs. Le point de Monroe était logique, il fallait garder une maison où tout le monde pourrait se réfugier en cas de coups durs. D’accord, mais pas celle-là. Voilà ce à quoi tu pensais alors que tu préparais quelques cookies à amener à ton voisin. Tu ne savais même pas s’il avait aménagé tout seul ou s’il vivait avec quelqu’un. Pour l’instant, tu n’avais croisé que lui. Ayant un peu de temps devant toi, tu avais décidé de bien faire les choses. Tu n’étais pas la meilleure pâtissière de l’immeuble mais tu savais préparer des cookies. Il y avait toujours quelque chose de charmant dans l’idée d’offrir des pâtisseries faites soi-même et c’était quelque chose à quoi tu tenais.

Une fois les cookies prêts, tu les laissais refroidir un peu profitant de l’occasion pour faire un peu de ménage dans ta cuisine. Une fois terminé, tu allais rapidement à la salle de bain pour vérifier que tu étais présentable avant d’enfiler des chaussures et de récupérer l’assiette. Tu ignorais si ton voisin serait chez lui mais tu avais maximisé tes chances en allant sonner en fin de journée quand la plupart des gens sont censés être rentrés du travail. Au pire, tu pourras repasser plus tard ou le lendemain. Tu sonnais donc à la porte 555 et tu poussais un léger soupir de soulagement quand tu entendis du bruit dans l’appartement. La porte s’ouvrit sur un homme, brun, dans la trentaine qui te lançait un regard curieux. « Bonjour, je m’appelle Margaret et j’habite à l’appartement 270. Je suis désolée, je n’ai pas pu venir me présenter plus tôt mais je voulais vous souhaiter la bienvenue dans l’immeuble ! » Tu avais bien conscience de ressembler à Bree de Desperate Housewives mais tu pouvais vivre avec. « Voici quelques cookies, j’espère que vous les apprécierez. » Dis-tu avec un sourire que tu espérais accueillant.

@Benicio Giordano

Bien entendu, ton voisin ne s’attend pas à recevoir ta visite. Tu dirais même qu’il ne s’attend pas à recevoir la moindre visite d’ailleurs. C’est stupéfait qu’il t’écoute parler, se détendant alors que les mots quittent ta bouche. Tu ne comprenais pas à quel moment il pouvait penser que tu le menacerais de quoi que ce soit mais s’il y avait bien une chose que tu avais apprise en grandissant et dans ton métier, c’était que chacun avait ses traumatismes et qu’un beau visage pouvait cacher pas mal de choses. « Benicio » Tu aimerais dire que c’est la première fois que l’on te rit au nez mais non, ce n’est pas le cas. Le fait qu’il se soit de suite emparé de ton assiette de cookies te rassurait sur le fait qu’il ne devait pas être mal intentionné. « Woh ! Je sais pas trop quoi dire --- ne me dis pas que tu fais ça avec tous les voisins, si ? Nan ? C’est fou ça … Je --- et bien --- merci alors Margaret. » Tu semblais l’avoir décontenancé plus qu’autre chose ce qui te semblait étonnant mais t’amusa surtout. Tu ne cherchais pas à dissimuler le sourire qui se dessinait naturellement sur ton visage. « C’est avec plaisir, vraiment. » Et ça l’était car ton métier ne te laissait pas le temps de cuisiner autant que tu l’aimerais. « Et j’essaie de le faire avec tous les voisins. Je trouve ça plus sympathique de savoir à côté de qui l’on vit. » Dis-tu en haussant les épaules. Les murs n’étaient pas si épais que ça, on finissait toujours par entendre un peu de musique ou des éclats de rire ou de voix. Non, les immeubles n’étaient pas faits pour une vie isolée, chacun partageait un peu de lui avec ses voisins, même sans le savoir. « Tu veux peut-être que je t’offre un café … et en manger avec moi ? ou c’est juste une livraison express ? » C’était toujours le moment un peu délicat de ces rencontres mais tu avais décidé de venir à sa rencontre donc maintenant autant passer un peu de temps avec lui. « Je n’ai rien de prévu mais ce n’est pas une obligation non plus. » Ne pus-tu t’empêcher de lui faire remarquer. Il y avait toujours cette petite chose en toi qui faisais que tu avais l’impression de gêner les autres. Vu qu’il venait de se décaler pour te laisser entrer, tu passais le pas de la porte, décidant de lancer la conversation et de suivre son exemple en le tutoyant. « Le déménagement s’est bien passé ? Le quartier te plaît ? » Questions peu intrusives et assez génériques pour, tu l’espérais, ne pas mettre les pieds dans le plat.

@Benicio Giordano

« Si je propose, c’est vraiment pas par obligation.  » Tu acquiesces sans poser plus de questions. C’était pour ça que tu étais venue aussi, apprendre à connaître ton voisin si ce dernier voulait bien t’en laisser l’occasion. Il y avait eu certaines de tes visites d’accueil qui s’étaient terminées de manière abrupte avec une porte qui te claquait au visage. Ce n’était vraiment pas idéal mais bon, que pouvais-tu bien y faire ? A chaque fois, tu te disais que tu avais au moins essayé. Quand Benicio se décala, tu franchis le pas de la porte et le suivis dans la cuisine où il déposa les cookies et s’afféra à vous préparer les cafés. Pour lancer la discussion, tu lui deandais s’il se plaisait dans le quartier : « Ouais, ça va --- y’a pas à se plaindre ici, c’est plutôt tranquille … Les murs sont pas très épais, ma voisine aime bien regarder la télé jusqu’à pas d’heure, des films d’action … avec le son à fond … je m’attendais à découvrir quelqu’un avec la vingtaine mais … pas du tout. » Tu ris à l’anecdote qu’il venait de te raconter. Cela ne t’étonnait vraiment pas, c’était les joies (ou les peines pour certains) de la vie en communauté. Il avait raison sur un point, la vie par ici était plutôt tranquille. Rien à voir avec le quartier où tu avais grandi et où les bruits qui te réveillaient en pleine nuit n’étaient pas ceux de la télévision. « T’habites ici depuis longtemps ? » Tu hoches la tête car même si tout est relatif, tu vis ici depuis six ans et c’est plus que beaucoup de gens dans le complexe. « J’ai emménagé ici il y a six ans. Je venais d’avoir trente ans et j’avais envi d’investir alors j’ai acheté mon appartement. » Tu avais économisé pendant des années, plaçant l’argent de manière prudente pour être certaine que le retour que tu aurais te permettrait d’acheter un appartement dans le quartier où tu avais toujours rêvé de vivre, New Farm. « Je ne l’ai jamais regretté. J’adore ce quartier et l’immeuble est plutôt agréable à vivre malgré ses murs fins. » Tu n’avais pas de voisins trop bruyants. Tu les entendais parfois dans leur douche, en train de chanter un air entendu à la radio mais cela t’amusait plus qu’autre chose. « Tu as emménagé tout seul ? » Pure curiosité, manière d’en apprendre plus sur Benicio tout en lui laissant la possibilité d’être vague.

@Benicio Giordano

«  Ah ouais, c’est aussi un moyen de fêter ses trente ans » Tu souris en haussant les épaules. Ce n’était pas vraiment fait exprès même si la coincidence faisait sourire. Tu avais dû attendre d’avoir les fonds nécessaires pour l’opération et aussi le salaire nécessaire pour emprunter la partie de la somme qu’il te manquait. Un grand pas pour toi car tu asseyais un peu plus ton indépendance qui t’était nécessaire. Tu préfères ne pas relever et te focaliser sur ta prochaine question. Seul le bruit du café qui est en train de se faire remplit la pièce, il n’y a pas d’autre bruit. Il hoche la tête sans rien ajouter de plus. Tu comprends que tu as fait une gaffe quand son regard se pose sur son alliance. Il n’a pas besoin d’en dire plus. Tu ne sais pas s’il est séparé, tu ne sais rien de son histoire mais ces regards, tu les connais bien. Tu les croises régulièrement dans ton bureau. « J’suis seul, ouais. Un ami m’a recommandé le quartier --- disons que j’avais besoin de changements. » Cela ne fait que confirmer ce dont tu te doutes déjà. Peu importe son histoire, avec ce nouvel appartement, il tournait une page. « En tout cas, si tu as besoin de quoi que ce soit, n’hésite vraiment pas à venir frapper à ma porte. » Tu voulais lui montrer que ce nouveau chapitre ne voulait pas forcément dire qu’il était seul même si, comme il l’avait dit, il était entouré. « Je m’excuse par avance si je suis absente, je n’ai pas vraiment d’horaires. » C’était une bonne chose la plupart du temps mais plus difficile quand on essayait de te trouver chez toi à l’improviste. « Tu veux du sucre ? du lait dans ton café ? » Tu secoues la tête alors qu’il approche la tasse de toi. « Non merci, je le préfère noir. J’ai trop failli me rendre malade avec les lattes pendant mes études. » Dis-tu avec un sourire. Mauvais souvenirs que ces lattes enchaînés qui te pesaient toujours un peu plus sur l’estomac. Au fil des années, tu avais appris à apprécier le café noir. « Je te laisse goûter et me dire ce que tu en penses. » Dis-tu en approchant l’assiette de cookies de ton nouveau voisin.

@Benicio Giordano

On n’a rien à perdre à répendre un peu de bienveillance et de gentillesse. Cela surprend souvent les gens d’ailleurs car le monde est devenu d’une violence inouie, même dans le quotidien. Tu vois bien que ton nouveau voisin te regarde comme une extraterrestre mais cela ne te dérange pas. Il baisse petit à petit la garde, acceptant cette main tendue. « Merci, c’est noté. » Il ne t’en faut pas plus, tu es contente de toi. Créer des liens de bon voisinage te semble être le minimum. Il y a bien trop de personnes qui vivent seules et qui souffrent de cette situation pour ne pas essayer. Cela est tellement plus rassurant de savoir que l’on peut compter sur quelqu’un pour vous dépanner sur des petites choses. « Oh ! tu bosses dans quoi ? » Voilà une chose dont tu adores parler. Ton travail est une passion, c’est comme cela que tu le vis en tout cas. Une passion qui t’a permis de te sortir de ton milieu d’origine. Tu étais la preuve vivante que l’ascenseur social n’est pas encore tout à fait mort. « Je suis avocate en droit de la famille. Comme tout métier de service, cela nécessite d’être plutôt maléable et de ne pas trop compter ses horaires. » C’était d’autant plus simple de faire ce sacrifice que tu travaillais aujourd’hui à ton compte et donc uniquement pour toi. « Et toi ? Tu bosses dans quoi ? » Lui demandas-tu en lui retournant sa propre question. Benicio te prépara ton café et te le servit bien noir comme tu l’aimais. Vous vous installiez autour de la table pour goûter tes cookies. « Et attention, je suis quelqu’un de super honnête » Tu ris avec lui et tu en attrapes un aussi. Mais tu ne le manges pas tout de suite, tu lui laisses le temps de le goûter et de l’apprécier. « Ok, tu peux toujours venir déposer quelques fournées si tu en fais trop,ou si tu as besoin d’un goûteur professionnel ! » Le mini-stress que tu avais ressenti étant retombé, tu croquais toi aussi dans le cookie qui était plutôt réussi en effet. « Je n’ai pas l’occasion de faire de la pâtisserie autant que je l’aimerais mais je vais garder ça en tête. » Quand tu en faisais, il était rare que tu manges tout le plat, tu pourras toujours les partager un peu. « Tu cuisines ? » Lui demandas-tu curieuse.

@Benicio Giordano