@Luther Kealoha & @Ruth Aslan

Quelques semaines s'étaient écoulées depuis cette soirée sur la terrasse avec le reste du voisinage. Une soirée dont tu ne gardais pas un souvenir particulièrement agréable, car ton comportement n'avait pas été apprécié par le reste de tes voisins. Plutôt que de te sentir honteuse ou de te remettre en question, tu avais préféré penser que, dans cette histoire, tu n'avais fait qu'énoncer des vérités que personne n'était prêt à entendre. Certes, tu aurais pu y mettre un peu plus de forme, mais devais-tu vraiment t'excuser d'avoir dit tout haut ce que beaucoup pensaient tout bas ? Absolument pas !Tu t’étais convaincue que l'honnêteté, aussi brutale soit-elle, valait mieux que l'hypocrisie douce-amère qui semblait régner autour de toi (hs : sorry !) Et puis il y avait aussi cette grossesse qui se confirmait et qui te rendait particulièrement irritable et de mauvais poil. Ce qui venait accentuer ta mauvaise humeur constante et le fait que tu en voulais à la terre entière. À commencer par ton petit ami. S’il fallait faire le procès d’une personne, ça serait Nils. Rien de ce qu’il faisait n’allait. Il avait beau se plier en quatre pour toi, rien ne te satisfaisait. Enceinte mais loin d’être sainte. Ses attentions te paraissaient maladroites et ses efforts insuffisants. Même ses gestes les plus tendres t'irritaient. Cet enfant ressemblerait à son père si on en croit les anciens. Pour ne rien arranger, ta nouvelle assistante était une vraie plaie, ajoutant encore un peu plus de stress à ton quotidien. Épuisée par ta journée de travail, tu n’as qu’une hâte : rentrer chez toi et te reposer devant la télévision. N’importe quelle émission ferait l’affaire, tant que tu peux mettre ton cerveau en mode off. En arrivant devant l’immeuble, tu remarques des affaires éparpillées sur l’allée et dans le hall. Quelqu’un est en train d’emménager ou de déménager, et tu soupires à l’idée de devoir attendre longtemps l’ascenseur. Même si tu es encore capable de monter les escaliers, aujourd’hui, tu estimes avoir atteint ton quota d’effort physique et refuses de faire la moindre exception. Devant l’ascenseur, tu appuies plusieurs fois sur le bouton, espérant le faire venir plus vite et signaler que quelqu’un attend en bas. Comme il tarde à arriver, tu pestes et te mets à cogner contre la porte pour montrer ton agacement. C’est à ce moment-là que tu le vois arriver. Luther, ton ancien ami. Celui dont le sourire contagieux arrive à effacer d’ordinaire ta mauvaise humeur. Fut un temps où tu aurais été soulagée de voir débarquer le hawaïen avec son air baba-cool, apportant des paillettes anti-stress dans ta vie de petite nerveuse enceinte. Mais aujourd’hui, tu lui fais la tête. Tu lui jettes un regard mauvais avant de pointer le nez vers le haut pour qu’il comprenne bien que tu es encore fâchée depuis la soirée.

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Quel automne inattendu et plein de surprises. L'aménagement de son meilleur ami dans son immeuble. La flamme ravivée de sa dernière déception amoureuse. Inattendu, certes. Coïncidence probablement pas doit-il le reconnaître. C'est bien lui qui a indiqué à Eden qu'un appartement se libérait au premier étage. C'est aussi lui qui a plus ou moins innocemment multiplié les rencontres avec Elliot aux courants des derniers mois. Rencontres fortuites puis totalement provoquées, il a pas fallu longtemps pour qu'ils succombent. Mais c'est le premier de ses deux événements qui l'amène aujourd'hui à faire des allers retours entre le hall et le rez-de-chaussée. Il aide son ami à emménager dans son nouveau chez-lui. Il a bien hâte d'avoir ses deux meilleurs amis à porté de paillasson croyez-le. Callie en face et Eden à l'étage du dessous. Il n'aurait pas 40 ans passés, il sortirait ses plus beaux pyjamas pour faire des sleepovers tous les soirs. Mais il doit avouer qu'il préfère dormir avec Elliot que de passer la nuit à papoter avec Callie ou Eden. Ce ne sont pas les mêmes agréments. Une chose est sûre c'est que tout à son agrément d'avoir des sujets de réjouissance dans sa vie, il n'a pas remarqué que certains de ses proches étaient plus maussades que d'autre. Donc lorsque les portes de l'ascenseur s'ouvrent sur lui et qu'il croise le regard revêche de sa voisine du dessous, il a son habituel grand sourire suivi d'un enjoué “ Tiens Ruth ! Comment ça va ? Ça fait longtemps qu'on s'est pas croisé ! ”. Rapport au fait qu'il passe un ou deux soirs par semaine chez Elliot et que quand c'est elle qui vient le voir ici, il doit reconnaître qu'il s'attarde pas trop dans les couloirs, au risque de croiser des regards curieux. C'est qu’il n’a encore vraiment rien dit à personne, alors que cet immeuble est truffé de connaissances mutuelles.

Il remarque avec un regard surpris que la jeune femme qui lui fait face remonte le nez après lui avoir jeter un regard tout sauf amène. Allons bon. Qu'a-t-il fait pour mériter ça ? Il reconnaît qu'il a pas été très présent ces dernières semaines mais tout de même. Avec une pointe d'hésitation dans la voix, il répète “ ça va ? Quoi de neuf ?” mais sans trop savoir si il s'enquiert de sa santé ou de l’état de leur relation. Ça va, entre nous ? . Il sort de l'ascenseur et en désignant les cartons ajoutent “ Oh pardon, on te fait attendre pour prendre l'ascenseur ? ”.

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La soirée sur la terrasse avec ses voisins n'avait été que le prélude d’une série d'événements qui avaient secouer la vie de Ruth. Et bien plus qu'elle ne l'aurait cru. Ce soir-là, son comportement avait été un peu déplacé. Elle avait laissé libre cours à son franc-parler se mettant quelques voisins à dos. Mais, elle ne regrettait rien. Après tout, elle n'avait fait que dire le fond de ses pensées. Cependant, la réaction de Luther l’avait blessé. Elle avait cru naïvement, que Luther comprendrait ses excès et la soutiendrait. Au lieu de ça, bien qu’il ait été courtois et poli, il avait semblé gêné par son comportement. Et comme si ça ne suffisait pas, elle avait découvert quelques jours après qu’elle était enceinte. Grossesse qui se confirmait jour après jour et qui ne l’aidait pas. Elle la rendait irritable, constamment de mauvais poil. Ses émotions étaient exacerbées, et chaque petite contrariété prenait des proportions démesurées. Elle se sentait constamment au bord de l'explosion, prête à éclater pour la moindre broutille.

Epuisée par sa journée interminable, elle n'aspirait qu'à rentrer chez elle et à se poser devant la télévision. Si son karma voulait bien la laisser tranquille pour les prochains mois. C’est alors qu'elle vit Luther sortir de l'ascenseur avec son habituel grand sourire. Sourire qui se voulait large et confiant et qui semblait ignorer la tension qui régnait entre eux. La brune sentit une vague de frustration l’envahir. Pourquoi devait-il toujours être si joyeux? À cet instant, elle aurait tout donné pour un peu de cette légèreté. Elle lui jeta un regard sombre, sentant sa patience s'effilocher comme un vieux pull en laine. Elle n'avait pas envie de faire semblant d'être de bonne humeur. Ses sourcils se froncèrent légèrement : « Oui… » répondit-elle sèchement sans lui retourner la question, histoire de n’engager aucune conversation : « Désolé Lu, mais je n’ai aucune patience aujourd’hui. Alors si tu veux bien lâcher l’ascenseur que je puisse aussi l’utiliser, ça serait sympa… » Elle souffla nerveusement tandis que sa voix trahis son exaspération. Toujours dans l’excés, la combinaison de la fatigue et de l’énervement la rendait presque insensible à toute nuance : « Et puis c’est quoi ce foutoir. J’espère que ce remue-ménage se termine bientôt. Il commence à se faire tard ! » ajouta-t-elle d’un ton abrupt. « Il y a des gens qui bossent demain ! » conclut-elle, histoire de conserver sa réputation de rabat-joie de l’immeuble. Mais ce soir, elle n’en avait cure.

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Il pige pas tout de suite le ton sec du oui avec lequel elle lui répond. Enfin, il entend la sécheresse de sa voix, mais il ne perçoit pas que cela lui est destiné à lui particulièrement. Il croit juste avoir affaire à Ruth qui joue Ruth. Et étant Luther being lui-même, quand quelqu’un fait sa mauvaise trogne et qu’il n’est pas particulièrement impliqué dans l’affaire, il a juste tendance à laisser les rageux rager et à vivre sa vie sans s’en soucier. Parce qu’il a pas que ça à faire, pardonnez-le. Donc il se contente de hausser les épaules, puis de lever un sourcil en entendant aucune patience et lacher l’ascenseur et répond “ Mais vas-y Ruth, je t’en prie, utilise l’ascenseur ” en sortant de la cabine, les yeux qui se lèvent légèrement au ciel. Il se dirige vers les cartons encore présents dans le hall pour en prendre quelques-uns qu’il a bien l’intention de monter à pied jusqu’au premier étage, puisqu’apparemment l'ascenseur est un sujet sensible ce soir. Avec beaucoup de zèle, il se baisse pour respecter la sacro-sainte trinité de la manutention de carton - accroupi, flexion des genoux, on pousse les jambes - c’est pas à son âge vénérable qu’on attrape un lumbago, merci. Et au milieu de sa génuflexion, il se fige en entendant la tirade de Ruth. Le voilà qui se redresse et se retourne et la dévisage “ Moi aussi j’travaille demain, et il est encore tôt alors détends-toi cinq minutes, tu veux ?”. Secouage de tête désabusé et regard plissé “ Et c’est l’bordel de quelqu’un qui emménage, t’as pas utilisé l'ascenseur quand t’es arrivée ici peut-être ?” Il bloque l'ascenseur avec son pied pour l’empêcher de partir. Si on joue comme ça, certainement pas qu’il va lui céder l'ascenseur si facilement, elle va attendre qu’il prenne son bric à brac et qu’il remonte dans la cabine. Donc il appuie sur le bouton qui retient les portes une ou deux fois - même si il sait que ça sert à rien d’appuyer plusieurs fois - puis il entasse entre elle et lui quelques chaises de salle à manger enveloppées de bubbleswrap, prenant son temps pour en entasser une de plus, puis il remonte dans la cabine avec elle. Pendant que l'ascenseur s’élève, on l’entend distinctement jurer dans sa barbe “ Jesus Christ ! ”, avec d’ajouter la mine sombre, avec presque autant de mauvaise humeur que Ruth “ T’as un nouveau voisin au fait. ”. Le palier juste en face de celui de Ruth, et à cet instant précis il plaint un peu Eden pour son futur voisinage direct. Il sort de l'ascenceur en marmonnant "Enjoy" et va trainer les chaises empilés quelques pas derrière la porte d'entrée du 541 en criant à l'intérieur à son ami qu'il vient de déposer les chaises dans l'entrée. Il ressort dans la cage d'escalier déjà prêt à redescendre chercher autre chose en bas.  

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Ruth le fixe, encore plus irritée par son attitude désinvolte lorsqu’il sort de la cabine, comme si son agacement n’était qu’un caprice de plus à ignorer. Elle serre les dents, déterminée à ne pas lui montrer à quel point sa nonchalance l’exaspère. Il croit quoi, qu'elle va se calmer comme ça? Un rien l'irrite en ce moment, et cette condescendance déguisée en politesse ne fait qu’attiser davantage son exaspération. Lorsqu'il ajoute, d’un ton presque moqueur qu’il bosse aussi, elle roule des yeux alors qu’elle s’enerve doucement. Pour qui se prend-il? Elle le regarde, les yeux plissés, prête à riposter.  « J’ai utilisé l’ascenseur comme tout le monde, mais j’ai pas pris tout l’immeuble en otage pour autant » réplique-t-elle sèchement. Un nouveau voisin fonc ? Ruth hausse un sourcil, à peine intriguée. « Super ! » dit-elle d’un ton mordant. « Encore a qu’il va falloir supporter… » Elle soupire bruyamment avant de pénétrer dans l’ascenseur « toujours un plaisir de te croiser… » Son sarcasme est évident. Ce soir, tout l’épuise, même les nouvelles sans importance.

((quelques jours plus tard))

En arrivant, elle aperçut les portes de l’ascenseur en train de se refermer. Pressant le pas pour le retenir, elle cria : « Attendez, s'il vous plaît ! » en se précipitant, elle espérait que quelqu’un retiendrait les portes pour elle. Alors qu’elle atteignait la cabine, elle aperçut la silhouette familière de Luther à l'intérieur. En entrant, elle laissa échapper un Oh involontaire, pas vraiment déçue mais plutôt surprise de se retrouver face à lui après leur dernière confrontation. La dernière fois qu’ils s’étaient croisés, elle n’avait pas été très sympa. Elle resta un instant, hésitant entre gêne et fierté. Finalement, elle opta pour une approche détendue, comme si rien de tout cela ne la concernait vraiment. « Salut. » dit-elle, sa voix plus addoucit que ce qu’elle lui avait servi la fois d’avant. Un sourire timide flottait sur ses lèvres, trahissait une volonté de passer à autre chose. Elle évitait de le regarder trop longtemps, fixant plutôt les chiffres lumineux qui indiquaient l'étage. C'était étrange, ce sentiment de vouloir apaiser les tensions sans vraiment savoir comment s’y prendre parce que les excuses, Ruth ne savait pas s’y prendre. Dans un élan d’embarras - impulsivité qui la caractérisait, elle décida de briser la glace avec le premier commentaire qui lui vint en tête « Il fait un peu plus chaud aujourd'hui, non ? C'est presque agréable... »