ft. @monroe singh cassie's home (#425 west end)

Elle ne s’était pas questionnée plus que cela, Cassie.
Lorsque Monroe avait sauté un peu (trop) vite sur l’occasion de localiser leur soirée chez son amie plutôt que chez elle, Cassie s’était simplement persuadée que l’appartement de la mécanicienne était encore dans le capharnaüm du déménagement, ou que sa moitié désirait simplement profiter de sa tranquillité sans les gloussements de deux amies ayant toujours mille et une choses à se raconter. Et du reste, Cassie ne déclinait jamais une occasion de faire vivre cet appartement investi peu après sa séparation, et au sein duquel les semaines passées sans sa fille paraissaient toujours un peu grises, et ternes. Elle avait hâte ; hâte du jour où chaque action du quotidien ne lui rappellerait pas instantanément un souvenir de ses années de mariage, et ce jour-là encore tandis qu’elle parcourait les rayons de l’épicerie située tout près de chez elle, devoir slalomer entre les interdictions alimentaires liées à la grossesse de Monroe lui avaient rappelé l’époque où elle en faisait de même pour sa future femme, et lui avait arraché un bref soupir. Oh, pendant combien de temps encore allait-elle se lamenter sur une situation dont elle savait qu’elle était inévitable ? Second soupir, et elle avait ajouté à son panier un paquet de baby carrots, de quoi se donner un peu bonne conscience entre les chips et le pot de glace qu’elle prévoyait de prendre en tout dernier au rayon des surgelés.

L’appartement de Cassie se décorait petit à petit. A la fois volontairement, par les objets chinés ici et là et que la jeune femme choisissait avec goût – quand bien même ses goûts n’étaient pas ceux de tout le monde – mais aussi involontairement, par les jouets que Nola semait un peu partout malgré deux mères qui n’en finissaient plus de lui répéter de ranger ses affaires au fur et à mesure … Cassie, surtout, dont l’éducation bien plus stricte avait laissé des traces qu’elle peinait encore parfois à gommer. Ses courses déposées sur le plan de travail de la cuisine, la brune avait aperçu par la fenêtre du salon la mine impatiente de Microbe, tant de recevoir une caresse ou deux que de voir se remplir la coupelle de croquettes que la brune laissait pour lui sur l’escalier de secours par lequel il grimpait. La glace prestement mise au freezer, elle s’était donc occupée de la boule de poils avec cette fausse prétention de le faire de mauvaise grâce, espérant encore maintenir l’illusion que l’animal ne gagnait pas chaque jour un peu plus de terrain – sans doute avait-il saisi la solitude qui alourdissait les épaules de Cassie, lui aussi.

Il avait pourtant été renvoyé dehors sans hésitation lorsque le grésillement de l’interphone avait indiqué que Monroe était en bas de l’immeuble, et les deux femmes désormais installées sur le canapé du salon le chat de gouttière ne pouvait qu’observer depuis l’autre côté de la fenêtre la ribambelle de choses à grignoter disposées sur la table basse sans le moindre espoir de pouvoir mettre un seul coussinet dessus. – Oh, je ne t’ai pas dit ! J’ai croisé ton frère il y a quelques jours. Par hasard, je flânais après avoir déposé Nola à l’école … Et appris de la bouche de son ex-compagne qu’elle avait un rencard la semaine suivante – ça aussi, mais cette information Cassie faisait depuis tout pour tenter de l’effacer de son esprit. – Mais je l’ai trouvé un peu … Je ne sais pas. Éteint. Mais enfin je suppose que c’est normal vu les circonstances … Lentement, Cassie tentait d’en apprendre plus tant sur comment s’étaient déroulées les retrouvailles entre Martin et Monroe, que sur la manière dont cette dernière gérait le deuil de leur mère … Un sujet sans doute aussi épineux qu’il l’avait toujours été, peut-être même plus encore maintenant que Mandy redevenait lentement poussière.

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Si Cassie trouvait avec le recul un peu dommageable que Martin et elle se soient progressivement perdus de vue à la faveur du déménagement de Monroe, elle n’irait pas jusqu’à dire qu’elle en était désolée, de même qu’elle n’en tenait pas rigueur au jeune homme de ne pas avoir cherché plus qu’elle à remédier à la chose. La vie avait simplement suivi son cours, chacun pris par ses propres tracas et ses propres obligations, et il en allait souvent ainsi … Pour autant, que le hasard ait remis l’avant-dernier Singh sur sa route à peu près au moment où Monroe se réinstallait en ville ressemblait à un signe que Cassie avait décidé de ne pas ignorer, peu importe que son côté résolument cartésien l’empêche d’y voir autre chose qu’un heureux hasard. – J’crois qu’il a pas mal de choses en tête en ce moment. avait pour sa part commenté Monroe entre deux chips, lorsque son amie avait mentionné la rencontre fortuite, et l’impression un peu en demi-teinte que lui avait laissé Martin. – Il se pose tout un tas de questions, il aurait voulu avoir une vraie mère. Sourire compatissant à l’appui, la brune s’était néanmoins questionnée intérieurement sur ce que pouvait être une “vraie mère” … Mandy n’était pas un exemple, pour sûr. Celle de Cassie, à sa manière et pour des raisons tout à fait différentes, n’en était pas une non plus. – Si j’avais pas eu la mère d’Ada pour me prouver l’inverse, je serais tentée de te dire que les “vraies mères” ça existe que dans les films. Car les Price ressemblaient au cliché de la famille heureuse, le genre que l’on ne voyait habituellement que dans les publicités pour le café ou la pâte à tartiner, et sans doute avaient-ils joué un rôle dans le fait que Cassie se sente les épaules pour devenir mère ; Avec une autre qu’Adaline, il n’était pas dit qu’elle s’en serait sentie capable. Réalisant néanmoins que dresser un portrait aussi pessimiste de la réalité à quelqu’un qui attendait justement un enfant n’était pas une idée de génie, elle s’était empressée d’ajouter – Mais l’avantage pour toi et moi, c’est qu’on sait dès le départ ce qu’il ne faut surtout pas faire. et si le ton semblait aussi convaincu, c’était à n’en pas douter parce que Cassie s’était répété cette phrase tel un refrain destiné à faire taire ses propres angoisses face à la parentalité.

– Et puis … J’crois qu’une fille lui a tapé dans l'œil.
Le sujet était revenu à Martin, et attrapant une chips dans le bol à disposition sur la table basse, Cassie avait aussitôt reporté son attention sur son amie, qui déjà enchaînait : – Mais vraiment. Sauf que ça aussi, c’est un peu compliqué. en ayant l’air d’en dire bien moins que ce qu’elle en savait. Précautionneuse quant au fait qu’elle non plus ne souhaitait pas franchir la limite entre ce qui relevait du conversationnel, et ce que sa fidélité à l’un et à l’autre l’empêchait de dévoiler de but en blanc, Cassie avait penché la tête sur le côté et commenté – Je connais pas une seule histoire de fille qui ne soit pas compliquée. d’un ton vaguement amusé. C’est qu’elle parlait en toute connaissance de cause. – Mais j’ai toujours dit que Marty avait une âme de romantique … Il a ce petit côté torturé. Rien qui ne soit un reproche, il fallait juste y voir la constatation de quelqu’un comme Cassie qui, à l’inverse, n’était pas le genre à trouver son bonheur dans les relations compliquées. Question de tempérament. – Bébé Marty, quand même … Quand je pense qu’on a changé ses couches. Ça me donne un avant-goût de ce que je ressentirai quand Nola aura son premier béguin. Désormais attendrie, la brune était restée un bref instant songeuse, les épaules un peu alourdie par la sensation que les années passaient à une vitesse folle, constatation qui ne lui avait jamais autant fait peur que depuis qu’elle était mère … Nola grandissait trop vite, et c’était autant une fierté qu’un crève-cœur. – Ça lui fait quel effet d’ailleurs, l’idée de devenir tonton ? Elle aurait pu lui poser la question directement, mais la vérité c’est qu’elle n’y avait pas pensé. Et surtout, elle était présentement plus intéressée par le ressenti de Monroe à ce sujet.

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– Tu penses ? J’en sais rien … Y’a tellement de façons de mal faire.
Bien sûr, sans doute autant que de façons de bien faire, et si la remarque avait laissé Cassie songeuse un très court instant, elle s’en était finalement tirée d’un haussement d’épaules avant de piocher dans le bol de chips en indiquant – Je pense que le simple fait de s’inquiéter de mal faire, c’est déjà faire mieux que ce avec quoi on a grandi. Les erreurs commises par les Singh et par les Yeun n’avaient bien entendu rien de comparable, mais tous s’étaient montrés négligeants chacun à leur manière, nourrissant sans nul doute chez Monroe une envie similaire à celle qui s’était emparée de Cassie à la seconde où Adaline était tombée (enfin) enceinte : faire mieux. Faire mieux, mais aussi offrir à son enfant ce dont on avait soi-même eu la sensation de cruellement manquer au même âge. – D’autant que, tu as pratiquement élevé Marty et Mina … Et dans un cadre chaotique qui plus est. T’es tous terrains, après ça. Presque malgré elle, la brune en était néanmoins venue à réaliser qu’elle parlait de son amie comme si elle était seule à la barre, excluant presque inconsciemment le second parent de cette équation où ils étaient pourtant bien deux. – Et puis tu as Cole, un enfant c’est un travail d’équipe. s’était-elle donc rattrapée au vol, étirant ses lèvres en un sourire fin destiné à couper court à toute occasion pour Monroe de constater ce qu’elle savait pourtant déjà : Cassie n’avait jamais été une grande admiratrice de Cole, et les années passées ainsi que son retour au premier plan dans la vie de Moe n’y avaient trop rien changé.

Contre toute attention, les pérégrinations sentimentales de Martin avaient eu l’air d’un sujet moins épineux. Du moins pour les deux femmes, qui partageaient cette tendance à regarder le jeune homme avec cette tendre incapacité à le considérer pleinement comme l’adulte qu’il était pourtant désormais. – Le problème, c’est aussi la fille en question … Enfin, je ne porterai pas un avis sur elle sans la connaître, mais … Tu sais, c’est un peu Rose DeWitt-Bukater et lui Jack Dawson. Il est en train de se fourrer dans un pétrin pas possible. Plutôt La Belle et le Clochard que Roméo et Juliette, en somme, et Cassie aurait donc été tentée de dire que Martin avait échappé au pire. – Romantique torturé, qu’est-ce que je disais. Attrapant le verre de thé glacé qu’elle s’était servi pour accompagner la blonde dans sa période sans alcool, elle avait finalement repris sur un ton plus sérieux : – C’est du sérieux entre eux ? Il doit beaucoup l’aimer pour choisir la difficulté. Ou du moins, la brune tendait à penser que l’on ne se mettait pas soi-même des bâtons dans les roues si le jeu ne semblait pas vraiment en valoir la chandelle … Et Martin, comme tous les Singh, devait toujours posséder un certain sens de la préservation. – Mais je comprends ton inquiétude. Même si je doute que tu puisses faire autre chose que de rester à proximité pour amortir la chute si elle finissait par arriver. N’était-ce pas ce que l’on faisait pour les personnes qui comptaient, après tout ? La plaisanterie faite à propos de Nola la laissant un instant songeuse, Cassie ayant depuis sa séparation et le partage de la garde de sa fille l’impression que cette dernière profitait de chaque semaine loin d’elle pour grandir à toute vitesse, elle avait secoué la tête lorsque Monroe avait répondu – Si elle met autant de temps que les Singh, tu seras encore tranquille un moment. Pour sûr, seule Monroe semblait avoir trouvé le secret pour être heureuse en ménage ; Et quand bien même Cassie n’était pas une afficionada de Cole, elle devait au moins admettre que de voir son amie retrouver le bonheur après une divorce lui donnait un brin d’espoir quant au fait qu’il en serait de même pour elle un jour. – C’est Marty … avait par ailleurs repris la future mère lorsque Cassie avait questionné au sujet de la naissance à venir dans la famille. – Il ne comprend pas pourquoi j’ai tant envie d’un enfant – à juste titre – mais il voudrait en être le parrain. Ponctuant sa phrase d’un roulement d’yeux, Moe avait arraché un sourire attendri à son amie. – Ce doit être sa façon à lui de te prouver qu’il est heureux pour toi. Avec toute la maladresse à la fois masculine, mais aussi si caractéristique de leur famille.

– Et toi alors ? Comment tu vas ?
Tombant (presque) comme un cheveu sur la soupe, la question et l’idée d’avoir désormais le projecteur braqué sur sa personne avait arraché à la future divorcée un léger soupir, à la croisée de la lassitude et de la mélancolie. – Oh, moi, on fait aller … Tu me connais. Même triste, Cassie n’était pas du genre à se morfondre en attendant que le temps passe. – Les semaines sans Nola sont un peu longues, mais je m’occupe. Je chine ici et là pour terminer de décorer cet appartement, je continue d’aller faire du sport … Je me suis remise à l’aquarelle, aussi. Pour s’occuper l’esprit, sans doute, mais contre toute attente elle devait admettre éprouver un certain plaisir à renouer avec une activité que le quotidien avec un enfant en bas âge l’avait fait totalement abandonner … Il y avait si longtemps que Cassie n’avait pas fait quelque chose exclusivement pour elle-même. – Et puis ça me sort un peu la tête du pub, c’est pas tous les jours la fête en ce moment. Ou bien était-ce simplement que sa propre tristesse l’empêchait de prendre le recul qu’elle prenait habituellement face au bourdon de Taron, qui lui s’enlisait depuis bien plus longtemps ? Elle se surprenait en tout cas à sentir une pointe d’inquiétude lorsqu’elle poussait la porte du bar certains matins.