Sale soirée. Sale journée en réalité. Une nuit agitée, le sommeil trouvé bien trop tard. Rêves peuplés d'ombres et de visages connus. Ses sœurs, Helena, Noa. Des souvenirs d'enfance. Douloureux. Un poids sur la poitrine au réveil. Déjà épuisé de la journée qui se présentait à lui. Cette dernière terminée sur les coups de dix-huit heures, le bar lui tendait les bras en sortant du poste de police. L'alcool, allié faussement réconfortant qui ne lui servirait qu'à se réveiller le lendemain avec une gueule de bois, après de nouveaux cauchemars possiblement. L'adage, boire pour oublier, se payait au petit matin. Eli le savait. Mais il répétait le même schéma, encore et encore. Le poids sur sa poitrine ne l'avait pas quitté depuis ce matin. Les rêves réveillaient parfois bien des douleurs enfouies. Il aurait voulu éteindre son cerveau. Il aurait voulu voir Stella. Remède plus raisonnable pour son état que de se prendre une cuite seul en pleine semaine. Il était bien, lorsqu'il était avec elle. Mais elle n'était pas disponible ce soir. Il aurait voulu voir Ula. Foutre en l'air ses résolutions de se tenir à distance, juste pour ce soir. Courir se réfugier chez elle, la laisser le réconforter lui, cette fois-ci. Mais depuis plusieurs semaines, il avait l'impression que ce n'était pas lui qui se tenait à distance, mais bien Ula. Pourquoi ? Il ne comprenait pas. Habituellement si franc, Eli n'osait pas la confronter. Il faisait comme si de rien était, envoyait des messages qui obtenaient une réponse peut-être une fois sur cinq. Ça lui faisait mal, à Eli. Mais c'était peut-être mieux comme ça. Peut-être que ça serait plus facile. De la sortir de ses pensées. Espoir naïf, probablement.
23h30. Assis au comptoir depuis bien trop longtemps, Eli ne savait plus combien de verres il avait bu. Cet oubli indiquait probablement un nombre beaucoup trop élevé. L'esprit embrumé. Les sentiments anesthésiés. L'alcool avait eu l'effet escompté. Peut-être était-il temps de rentrer ? Il avait bien assez enrichi l'établissement pour ce soir. Il finit sa pinte d'une traite et se leva du tabouret. Trop vite. Il vacilla. Oui, définitivement trop d'alcool dans le sang. Il était allé trop loin, ce soir, Eli. Une serveuse lui attrapa l'épaule. "Hey. Peut-être que tu devrais appeler quelqu'un non ?" Eli agrippa également l'épaule de la jeune femme. "Non, pas b'soin. J'rentre à pieds." répondit-il avec une articulation toute relative. "T'es même pas en état de marcher, mec." lança une nouvelle voix, masculine. Eli releva la tête, se tenant toujours à la serveuse, l'équilibre précaire. Le barman lui barrait maintenant le chemin. "Appelle quelqu'un, j'ai pas envie que tu te fasses agresser devant mon bar." Eli leva les yeux au ciel, agacé. "Mais non, j'suis flic t'inquiètes." Le barman le regarda, perplexe. Probablement entrain de se demander s'il mentait ou non. Et d'évaluer ce qui était le pire entre un menteur et un flic qui se mettait aussi minable. "Appelle quelqu'un, j'te dis. Et la prochaine fois j'arrête de te servir bien avant." Eli souffla, exaspération totalement assumée. Mais il était bien trop soûl pour avoir le courage de se disputer. La serveuse le ramena sur le tabouret. Il sortit son téléphone. Appeler quelqu'un. Qui ? Hors de question que Stella le voit dans cet état. Ula ? Non. Elle lui faisait la gueule. Non ? Il ne savait plus. Y avait un truc pas net en tout cas. Il ouvrit ses messages, scrollant sur son écran. Le visage bien trop près du téléphone, fermant un oeil pour tenter d'y voir net. Il tomba sur sa conversation avec Vicky. Vicky ! Elle pourrait l'aider. Non ? Elle habitait dans le quartier ? Ou pas ? Eli ne savait plus. L'esprit bien trop alcoolisé pour réfléchir. Mais il savait qu'il pourrait compter sur elle. Il lança l'appel, trop alcoolisé pour songer qu'il la dérangerait potentiellement. Après tout, il était tard. Elle décrocha au bout de quelques sonneries. "Vic' ! J'ai un p'tit problème. Tu pourrais venir m'chercher ? J'suis au Netherworld et on veut pas me laisser partir..." dit-il en jetant un regard accusateur au barman qui était repassé derrière le comptoir. Ce dernier leva les yeux au ciel pour toute réponse, bien trop habitué à gérer des clients alcoolisés.  

Tu bénis les dieux que l'auditorium de Brisbane soit une salle climatisée. Ces derniers temps, il est vrai que tu y as passé pas mal de temps. Bien que tu ne rechignes jamais à perfectionner ton violon, il est vrai que depuis que la chaleur intense s'est installée, tu as tendance à trainer dans les locaux. Ce soir encore, tu es la dernière. Il n'y a plus personne sur la scène, les chaises de l'orchestre sont vides. L'écho t'entoure. Tu ne répètes sans doute pas les partitions que tu devrais. Les notes qui résonnent dans l'amphithéâtre sont celles du premier violon. Tu ne devrais pas, tu n'es que second violon, pas premier. Pourtant, il y a toujours l'espoir qu'un jour cette nomination te revienne et tu te tiens prête. Peut-être que tu as simplement beaucoup trop d'ambition. Il est vrai que tu es une compétitrice, tu joues du violon depuis tellement longtemps que parfois, tu oublies que tu ne peux pas être la meilleure, tout le temps. Même si tu fais tout pour le devenir. Tu aimerais que ton nom que résonne pas politique, ne résonne pas richesse, empire immobilier... juste violon et ton talent. Un jour peut-être. Il est vrai que tu es jeune. Une prodige peut-être, certains ont réussi à se faire remarquer bien plus jeunes, alors forcément, tu pousses toujours plus la pression. Là où tes parents tendent à te détendre... ils aiment savoir que tu réussis, évidemment mais sans doute qu'ils auraient préféré te voir exceller dans des études plus sérieuses à leurs yeux. Droit, immobilier, sciences politique et on en passe. Ils espéraient pouvoir avoir une digne héritière, une fille femme d'affaire. Mais pour l'heure, tu te tiens le plus éloignée des business de tes parents. Cela vaut largement mieux.

La mélodie de la partition se termine. Des applaudissement retentissent. Tu sursautes, tu n'as entendu personne entrer dans l'immense salle. Le gardien et agent d'entretien des lieux s'avance dans l'allée. Vous avez fini par sympathiser, parce que ce n'est pas la première fois qu'il te croise à répéter à des heures pas possible, parfois, tu le vois s'installer au premier rang pour te regarder, t'écouter. " - Tu as vu l'heure Victoria ? " Tu souris, son accent te rappelle celui de ton grand-père. Cezary est polonais, il est arrivé jeune ici et il a fait sa vie dans ce pays. Tu as l'impression que l'Australie a cette tendance captiver tellement qu'on n'en repart jamais. " - Je sais Cesar, je sais, je file, je n'ai pas vu l'heure et j'avoue que j'ai profité de la climatisation aussi " Le vieil homme rit un peu. " - Tu joues toujours aussi bien, je suis sûre qu'un jour tu pourras tenir cette place de premier violon, crois en toi !" Tu souris, tu ranges tes partitions dans ton sac, ton violon dans son étui aussi. " - Je crois que tu es mon plus grand fan, enfin, après mon père peut-être " Tu ris. "- J'espère que tu ne t'ai pas trop dérangé " Tu souris, il a ce regard presque paternel. "- Tu sais bien que non, je n'ai pas grand chose de mieux à faire à part mes rondes avant d'aller me coucher " Il est presque 23h30. " - Je file, je file ! " Tu descends de la scène et tu viens te hisser sur la pointe des pieds pour embrasser la joue de cet ami un peu particulier. Il te raccompagne au parking souterrain où tu récupères ta voiture. Lorsque tu sais que tu vas traîner tard à l'auditorium, tu préfères te déplacer en voiture pour être sûre d'avoir un moyen de transport rapide pour rentrer chez toi. Violon dans le coffre, tu prends la direction de ton appartement.  Il est 23h30 et ton portable sonne. Le Bluetooth de la voiture prend le relais et c'est la voix d'Eli qui résonne dans l'habitacle. Il semblerait qu'il ait un problème pour rentrer. Tu fronces les sourcils, étonnée de cet état mais évidemment qu'il n'est pas question de le laisser. Surtout que le bar n'est pas très loin de chez toi, donc, tu n'y seras pas dans très longtemps. " - Tu n'as pas payé ta note ou tu as beaucoup trop bu " Tu le taquines. " - J'arrive, je ne suis pas très loin, je rentrais de l'auditorium " Tu prends la direction. " - Je suis à dans 10 minutes.

23h45. Tu es garée non loin du bar, là où tu as pu trouver une place. Du haut de ton mètre cinquante-sept, tu pénètres toute petite dans le bar, en tentant de trouver ton ami. Tu n'as pas trop de peine à le trouver, heureusement. Tu te plantes devant lui, un petit sourire taquin sur les lèvres. " - Ok monsieur votre taxi est arrivé " Tu ris un peu. " - Tout va bien ? Qu'est-ce qui se passe ? "

Eli aurait aimé pouvoir dire que c'était la première fois qu'il se mettait dans un tel état. Malheureusement, sa relation avec l'alcool n'était pas des plus saines, le menant bien trop souvent à tenter de noyer ses pensées dans la bière. Par contre, se retrouver coincé dans un bar car le barman le jugeait trop soûl pour repartir, ça c'était probablement à inscrire sur la liste des premières. Il se sentait fatigué. Il voulait rentrer. Retrouver son lit, dans la fournaise que devait être son appartement, puis trouver le sommeil sans difficulté grâce à l'alcool. Contre-temps à cause de ce foutu barman. Obligé d'appeler une escorte. Ridicule. L'appartement était largement accessible à pied. Mais il avait bien sentit, Eli, que c'était peine perdue de tenter de négocier avec le barman. Honnêtement, il n'en avait pas réellement la force. Vicky appelé à la rescousse, premier numéro tombé sous ses yeux en ouvrant son téléphone. Malgré l'heure tardive elle décrocha très rapidement. "Je paye toujours ma note, Vicky. Du coup... ça ne laisse que la deuxième option, faut croire." répondit-il en gloussant presque. Ok, peut-être avait-il un peu trop bu. Glousser, ça ne lui ressemblait pas vraiment. "Merci, t'es la best Vicky." Il raccrocha et regarda le barman, un air fanfaron sur le visage, pour on ne sait quelle raison. "Elle arrive dans dix minutes. Vous serez obligé de me laisser partir." dit-il, comme si la situation n'était qu'un défi qu'il s'apprêtait à remporter. Aucune réaction sur le visage du barman qui essuyait ses verres en fixant Eli. "J'imagine que vous allez pas vouloir me servir un p'tit verre le temps que ma pote arrive ?" Un nouveau silence pour toute réponse, accompagné d'un regard noir. Ouais, il s'en doutait un peu de cette réponse, Eli. Il leva les yeux au ciel et replongea le regard dans son téléphone, les bras appuyés sur le comptoir du bar. Ses yeux se posèrent sur sa conversation avec Ula. Tiens. Il pourrait lui envoyer un message. C'était une bonne idée non ? Un message, là tout de suite. Lui demander c'était quoi son problème ? Soudainement, l'idée lui apparaissait comme très séduisante, tout bon sens complètement annihilé par l'alcool. Il cliqua sur la conversation, laissant apparaitre ses derniers messages. Restés sans réponse. Putain mais c'était quoi le problème. Comment est-ce qu'ils avaient pu passer de deux appels quotidiens à trois messages restés en vue pendant des jours ? Ouais, il allait lui écrire. Il voulait savoir. Fort heureusement, ce fut le moment que choisit Vicky pour se présenter devant Eli. Surpris, il se tourna vers son amie et verrouilla rapidement son téléphone. Un vague sentiment de honte l'envahit, comme pris la main dans le sac en train de faire quelque chose de répréhensible. "Vicky ! Merci, franchement je suis désolé mais monsieur ici présent ne voulait pas me laisser repartir seul." Il jeta un regard agacé au barman qui regardait la scène, toujours silencieux. "Comme tu peux le voir, je suis parfaitement capable de rentrer seul mais..." souhaitant joindre le geste à la parole, Eli se leva du tabouret et commença à faire quelques pas tout en parlant. Une nouvelle fois, il perdit l'équilibre et se rattrapa de justesse à l'épaule de Vicky. Merde. Le barman ne disait toujours rien, manifestement convaincu qu'Eli serait capable de démontrer tout seul pourquoi est-ce qu'il avait insisté pour qu'il parte accompagné. Mission accomplie, il semblerait. Il sourit en regardant son amie. "Bon... Peut-être que c'est pas mal que tu sois là en fait." Il se frotta les yeux. "Tu me ramènes ? T'es à pied ?" Eli espérait finalement ne pas avoir à marcher la distance qui les séparait de son appartement, même avec le support physique de son amie, c'était une marche qui restait d'être longue.

Ce n'était pas comme cela que tu avais prévu de terminer ta soirée. Après avoir siégé dans l'auditorium une bonne partie de la soirée, tu pensais pouvoir rentrer chez toi. Tu sais que tu ne peux pas parfaitement t'exercer à l'appartement. Sans doute parce que le violon est relativement bruyant comme instrument et que tes colocataires en auraient assez trop vite... sans parler des voisins. Le mieux c'est vraiment la scène sur laquelle, la plupart du temps vous vous entraîner ou dans un auditorium sans gradin où vous enregistrez. C'est un endroit apaisant et tu ne vois jamais le temps passer. Lorsque le gardien est venu t'annoncer qu'il était grand temps de partir, tu songeais à rentrer tranquillement chez toi, peut-être avec un plat d'un quelconque fast food pour dîner par flemme de cuisiner à une heure aussi tardive. Tu n'as toujours rien mangé d'ailleurs. Mais les choses ne se passent pas comme prévues. Te voilà dans le rôle d'une sauveuse ou d'un Sam, celui qui conduit, c'est celui qui ne boit pas. Certes tu n'as pas profité d'une soirée mais en tout cas l'un de tes amis à besoin, apparemment, d'un chauffeur. On rappelle messieurs dames que l'abus d'alcool est dangereux pour la santé et qu'il ne faut en aucun cas conduire. Il semblerait qu'Eli s'en soit souvenu. Tu prends donc la route pour venir le chercher, impossible pour toi de laisser un ami dans le besoin. Tu parviens à te garer non loin du bar en question. Tu avances vers l'agitation de l'endroit, un petit sourire aux lèvres, avec une certaine hâte de trouver ton ami dans un état d'ébriété affirmé. Peut-être que cela sera marrant. Tu ne tardes pas trop à le repérer. Et il semble content de te voir débouler. Il semblerait que le barman ait refusé de lui donner ses clés. Même s'il tient sur ses deux jambes, tu constates quand même une attitude qui signe les effets de l'alcool. Evidemment. Le barman n'a pas fait cela par pure sadisme. Tu arques un sourcil, amusée par la scène. Seulement au premier pas qu'il effectue en se levant de son tabouret, monsieur titube et tu le rattrapes de justesse. " - Je confirme que c'est bien que je sois venue ouai " Tu te moques un peu. Tu as bien l'intention de lui rappeler ce moment. Toute sa vie, oui oui oui, tu es ce genre de pote ! Tu l'aides à se redresser. Un regard vers le barman qui a joué les baby-sitters. Il te tend les clés de ton ami que tu saisies. " - Merci " Tu lui souffles, consciente que son métier ne doit pas tous les soirs être simple. " - Allez champion, on y va " Tu surveilles qu'il parvienne à faire un pas devant l'autre sans retomber. " - Je te ramène ouai, on laisse ta voiture ici, on viendra la récupérer demain si besoin, la mienne est à quelques mètres " Tu le suis, amusée, les mains qui le retiennent. On ira un astronaute qui marche sur la lune, c'est clairement compliqué la gravité. Ou alors, il a un dérèglement pour évaluer les distances. Au choix.

Une fois dehors, tu prends son bras pour le passer au dessus de ton épaule. Tu ne dépasses pas le mètre soixante, il s'avère que c'est relativement compliqué de le supporter mais tu y parviens. " - Ok, la voiture est à quelques mètres, je te préviens, si tu vomis dedans, tu m'en payes une nouvelle ! " Tu dois avoir un cabas de course dans le coffre. Tu parviens à asseoir Eli côté passager. Tu vas le chercher pour lui ouvrir sur les genoux. " - Tout ce qui sort de tes entrailles, là-dedans ! " Tu te moques toujours un peu. Tu démarres, avant de t'engager sur la route, tu le regardes. " - Pourquoi tu t'es mis dans un tel état ? Il y a une raison ? "

Sa sauveuse était arrivée. Vicky. Non seulement elle allait pouvoir le libérer du joug d'un barman bien trop concerné par son sort selon Eli, mais en plus la voilà qui se présentait devant lui alors qu'il s'apprêtait à envoyer un message imbibé d'alcool à Ula. Message qu'il aurait sans le moindre doute regretté le lendemain. Sauveuse, vraiment. Eli s'en voudrait probablement le lendemain matin d'avoir fait déplacer son amie à cette heure si tardive. Mais pour l'heure, il réalisa que c'était peut-être pas plus mal qu'elle soit là. Confiance en ses capacités motrices évaporée alors qu'il se voit incapable d'aligner trois pas sans flancher. Vicky se moqua un peu et il ne pouvait pas vraiment lui en vouloir, Eli. Il fut rassuré quand elle lui indiqua être en voiture, la perspective d'une longue marche semée d'embuches n'enchantait finalement plus tellement le jeune homme.

Ils sortirent alors du bar le pas prudent et l'air, bien que toujours brulant pour cette heure tardive, fit du bien à Eli. Vicky l'aida alors à marcher, le bras d'Eli appuyé sur les épaules de la petite silhouette de son amie. "Vomir ? Exagère pas Vicky, j'ai pas vomi depuis des années." répondit-il en grimaçant. C'était vrai mais pas vraiment une excuse valable, après tout ça faisait également pas mal de temps qu'il ne s'était pas retrouvé dans un état pareil. Parvenus à la voiture, son amie ouvrit la portière et Eli prit place sur le siège passager alors que Vicky partait chercher quelque chose à l'arrière. Il leva les yeux au ciel lorsqu'elle lui tendit le sac. "N'importe quoi." grommela-t-il. Mais il prit le sac devant lui, se garda bien de désobéir à son héroïne du soir qui était déjà bien gentille de venir à sa rescousse de la sorte. La voiture démarra et Eli colla un côté de son front à la vitre de la portière. Le contact froid était agréable. Il tourna la tête vers son amie qui le questionnait. "J'sais pas. Non j'crois pas, j'ai juste mal dosé." Mensonge et vérité à la fois. Cette journée avait été pourrie dès le réveil, nuit bercée de cauchemars angoissants. Alors il s'était empressé de se soûler à la sortie du travail, cherchant l'oubli et peut-être une nouvelle nuit moins tourmentée. Ce n'était pas la première fois mais pourtant il s'était rarement retrouvé dans un tel état. Y avait peut-être autre chose. Quelque chose qui le taraudait. "J'peux te poser une question Vicky ? T'es une fille, ptêtre tu sauras mieux y répondre." L'alcool ne le faisait définitivement pas sonner très intelligent. "Pardon, c'est sexiste. J'crois." se reprit-il en fronçant les sourcils, un air perplexe sur le visage. Ses pensées se dispersaient trop vite, l'esprit embrumé. Il secoua la tête brièvement, comme pour faire le tri. "Imaginons. Hypothétiquement. T'as une amie. Tu lui parles tout le temps. Vraiment tu vois, genre tous les jours, tous les matins, tous les soirs, tout le temps, bref t'as compris." Toujours trop de dispersion. "Comme une meilleure amie quoi. Puis un jour, elle te parle plus. Genre elle te lâche des vus, elle répond une fois sur cinq, elle décroche plus quand tu l'appelles. Ça veut dire quoi ?" Question si vague, comment y répondre avec si peu d'informations. Mais Eli ne le réalisait pas, l'alcool le poussait à tout sortir, en bloc. Tout déballer devant son amie, peut-être qu'elle pourra l'aider à comprendre, si tant est qu'elle saisisse tous les mots pauvrement articulés qui sortaient de sa bouche alcoolisée. "Alors que j'ai rien fait tu vois ! C'est un putain de mystère." Au diable le côté hypothétique de la chose. La question le concernait directement bien sûr, le rôle de l'ami laissé en vu lui collant à la peau depuis des semaines maintenant, sans qu'il ne parvienne à comprendre le pourquoi du comment.

Ce ne te dérange pas de faire un léger détour pour aller chercher un ami dans le besoin. Tu imagines qu'il ferait la même chose si tu avais besoin. Et puis forcément, tu ne peux pas le laisser rentrer, ni à pieds, ni en voiture. Deux délits bien connus et pour un flic, cela la foutrait assez mal. Non, clairement, tu préfères aller le récupérer et discuter avec lui pour tenter de savoir pourquoi il a autant picolé ? Etait-il seul ou accompagné et entraîner par un moment festif ? Plein de possibilités. Tu ne vas pas tarder à avoir des réponses de toute façon, puisque tu te gares non loin du bar. Tu n'as quelques pas à faire pour pénétrer dans le lieu et tu ne tardes d'ailleurs pas à repérer Eli. Tu récupères le paquet. Il est bien éméché et cela t'arrache forcément un sourire. " - Tâche alors de faire en sorte que cela reste un vieux souvenir, par pitié " Le vomi c'est clairement quelque chose qui te dégoûte. Mais on ne va pas partir sur ce sujet. Tu installes tant mieux que mal Eli, bon, ce n'est pas si mal. Parce qu'il tient quand même sur ses deux jambes, même s'il est chancelant. S'il ne vomit pas dans le sac que tu lui files c'est parfait, mais dans le doute, tu préfères qu'il soit sur ses genoux.

Tu démarres la voiture. Tu regardes prudemment dans les rétroviseurs avant de t'engager, bien sur les rues de la ville à cette heure-ci sont bien moins fréquentées. Tu demandes à Eli ce qui se passe. Tu t'inquiètes forcément un peu. Savoir s'il a appris une mauvaise nouvelle, si quelque chose dans sa vie ne va pas. N'est-ce pas ton rôle de t'inquiéter ? Tu es son ami après tout. Il semblerait que ce soit un problème de dosage. Tu ne relèves pas. Tu commences à rouler, tes yeux sont concentrés sur la route. Il se remet à parler. " - Vas-y poser ta question " Tu n'es pas sûre de comprendre tout de suite où est-ce qu'il veut en venir. Tu fronces les sourcils, tu ne le regardes pas, mais tu tentes de trouver des réponses à ses interrogations. " - Je ne suis pas sûre de comprendre, tu parles d'Ula ? Vous vous êtes disputez ? " Parce que sa meilleure amie, tu la connais. Tu réfléchis. " - Vraiment t'as rien fait ? Rien dit ? Parce que quand une fille lâche un vu, c'est qu'elle est en colère ou vexée de quelque chose, je dirais. " Peut-être qu'il ne s'est même pas rendu compte. " - C'est typique des mecs de ne pas se rendre compte quand ils dépassent les limites " Tu le dis sur le ton de la rigolade, tu ne l'accables pas. " - Sincèrement, chaque fille est différente mais j'imagine qu'elle doit t'en vouloir d'un truc ? Sinon rien n'aurait changé ? C'est pour ça que tu te noies dans l'alcool ? " Parce que cela peut être une possibilité, effectivement.

Sourcils froncés et yeux levés au ciel lorsque Vicky lui mit un sac de course sur les genoux, assurément effrayée de le voir souiller le sol de sa voiture. Il protesta, intérieurement du moins, ne marmonnant que quelques mots peu audibles à l'oral. Convaincu, Eli, que l'époque du vomi était bien révolue pour lui, réservée à ses excès de jeunesse, lorsqu'il n'était encore pas très expérimenté. Mais il doit bien avouer que ce soir il avait poussé le vice un peu loin et il savait déjà que le lendemain s'annoncerait particulièrement difficile, malheureusement. Mais demain n'est pas encore dans son esprit en cet instant, posé dans le siège de la voiture qui commença à rouler, Eli était perdu. Et alors qu'il n'aurait jamais abordé un sujet si personnel en temps normal, même avec quelqu'un aussi proche de lui que Vicky, il ne put résister. Mettre de l'ordre dans ses pensées alcoolisées n'était pas chose facile mais il tenta de le faire, d'exposer aussi clairement que possible la situation qui le taraudait. Ula. Et la distance qu'elle mettait soudainement entre eux. Il débuta l'explication en évoquant une situation hypothétique mais il était bien trop soûl pour maintenir l'illusion trop longtemps, sa dernière phrase laissant peu de doute sur son implication bien réelle dans cette soi-disant hypothèse. Et Vicky fit bien évidemment le rapprochement, l'interrogeant aussitôt sur Ula. Il haussa les épaules, Eli, tournant ses paumes de main vers le ciel, geste d'incompréhension. "Non on s'est pas disputés. J'pige pas." Il l'écouta alors, son amie, douter qu'il puisse n'avoir réellement rien fait pour provoquer cette situation. "Bah oui, j'imagine qu'elle m'en veut pour un truc mais vraiment c'est un mystère." Il ignora sa question sur l'alcool, car les raisons étaient bien trop nombreuses pour justifier ses cuites mais il ne voulait pas entrer dans les détails. Il se passa une main sur le visage, Eli, nuque posée sur l'appuie tête. "Elle m'fait pas vraiment la gueule en mode elle m'parle plus, tu vois ? Mais elle m'lâche des vus la moitié du temps, ouais... Et l'autre moitié du temps bah... elle répond un peu comme si de rien était. Enfin... plus froidement que d'hab, j'suppose mais elle me dit pas que y a un truc qui va pas tu vois." La route défilait dehors et il vit qu'ils seraient chez lui dans très peu de temps. Il était fatigué, Eli. Il voulait juste dormir, oublier cette sale journée. Il ferma les yeux, le mouvement de la voiture commençait un peu à le bercer. "Je sais pas, ça me fait chier Vicky..." Le ton était plus doux, presque résigné.

Tu n'as jamais été la plus douée dans les conseils amoureux. Oh, oui, tu tentes, tu tentes d'aider tes amis, qui ne le ferait pas ? Mais est-ce que tes conseils ont déjà porté leurs fruits ? Moins sûr. De toute façon, qui t'écoute réellement ? Conseiller dans le vent, ce n'est pas une passion et à force tu vas arrêter de le faire. Alors tu y vas doucement sur les conclusion avec Eli. Il semble quelque peu désemparé par la situation avec Ula. Parce que clairement, si tu ne te trompes pas, c'est d'elle dont il parle. Tu ne lui connais pas d'autre meilleure amie. Surtout si celle-ci est féminine. Quelques précisions t'arrivent, tu fronces les sourcils, continuant de rouler avec prudence. Il fait nuit et tu crains toujours qu'un truc ne surgisse de nulle-part. " - Attends, si vous ne vous êtes pas disputés, pourquoi tu penses qu'elle te fait la tête ? " Il n'y a pas de logique. " - Il s'est forcément passé quelque chose.. ? " Tu y mets du tien, de la volonté pour l'aider. " - Et si elle a décidé de t'en vouloir pour quelque chose, ça serait bien que tu saches, pourquoi tu ne lui demandes pas ? " Tu détestes tergiverser. Tu aimes les choses fixées, claires. Il reste dans une incertitude qui te rendrait folle. Tu ne comprends pas pourquoi il ne te pointe pas chez elle et qu'il ne lui demande pas entre quatre yeux, bordel, qu'est-ce qui se passe ? " - Non mais il y a forcément quelque chose Eli. Pointes-toi chez elle, attends qu'elle rentre si elle n'est pas, je ne sais pas, et tu demandes. En face à face. Les messages c'est pratique mais ça a ses limites. Faut discuter. On ne t'a pas dit que la communication était le principal atout pour qu'une relation aussi bien amicale qu'amoureuse fonctionne ?" Tu sors des trucs pas trop stupides parfois. " - Juste force-là à te parler, c'est peut-être un truc blessant pour elle, tu n'as pas vu, mais il faudrait que tu saches, au moins pour t'excuser en conséquence ! " Tu prends toujours la direction de l'appartement de ton ami. Vous n'allez pas tarder à arriver dans le quartier. Tu sens que la situation est pesante pour lui et cela te désole. Tu tapotes ton genou pour tenter de le réconforter. Pas simple au volant. La recherche de place commence. Tu parviens à en dénicher une pas trop loin de l'entrée de son immeuble, parfait. " - Ok, je te monte au lit et dodo après, il faut que tu arrêtes de broyer du noir, je n'aime pas te voir comme ça " Tu l'attrapes pour un câlin amical, tu lui frottes le dos. " - Je suis sûre que tu vas réussir à arranger les choses " Par contre toi, la prochaine mission, le monter chez lui, est-ce que tu vas y aller ? Moins sûr !

Il hausse les épaules, Eli, les yeux toujours fermés, lorsque Vicky manifeste son incompréhension. Il veut bien entendre que toute cette histoire ne fait pas trop sens, ce n'est pas pour rien que lui même n'y comprend rien. Ce qu'elle lui dit, il se l'est déjà dit plusieurs fois, Eli. Il s'est forcément passé quelque chose, non ? Mais quoi ? La réponse à cette question n'est pas claire et peut-être qu'il n'a pas réellement envie de la connaitre. Parce que y a bien cette peur, au fond. Celle qu'elle ait compris, Ula. Compris la vraie nature des sentiments d'Eli à son égard. Et qu'elle s'éloigne alors volontairement de lui. Tout ce qu'il voulait éviter, en somme. Une des raisons même pour laquelle il se refuse d'avouer la vérité à Ula. La peur de perdre leur amitié à cause d'un stupide crush non réciproque. Pensée insupportable pour le jeune homme mais il semblerait que malgré tous ses efforts pour empêcher que cela se produise, il n'avait pas réussi. Il réouvre un œil et jette un regard de côté à Vicky qui continue de parler, en se concentrant pour réussir à suivre le débit de parole de son amie. L'alcool n'aidait pas sur ce coup. Elle l'exhorte à confronter Ula, Vicky. Elle doit trouver ça étrange qu'il ne l'ait pas déjà fait, à vrai dire, lui d'habitude si franc, peu enclin à prendre des pincettes pour exprimer ses pensées. Oui, Eli n'était habituellement pas du genre à faire des chichis, à laisser ce genre de non-dits s'installer. Il la laisse finir puis referme les yeux, secoue un peu la tête, geste qu'il regrette aussitôt car il lui semble que tout tourne déjà un peu, en vérité. Vivement qu'il retrouve son lit. "J'ai peur, Vicky. Peur de ce qu'elle va me dire si je lui demande." Honnêteté brute, probablement largement favorisée par son taux d'alcoolémie puisqu'en cet instant, il trouverait presque séduisante l'idée de confier à Vicky le secret bien gardé de ses sentiments pour Ula. Mais il n'en fait rien, se contente de sa réponse précédente, assurément énigmatique. Ils arrivent enfin devant l'immeuble du garçon et il se redresse un peu alors que Vicky lui fait un câlin. Il lui rend bien volontiers, pas tellement tactile de sa propre initiative mais ça lui fait du bien en cet instant, à Eli. "Merci, Vicky. On verra bien." souffle-t-il avant de s'écarter et de commencer à ouvrir sa portière. Il s'extrait de l'habitacle un peu difficilement et referme la porte derrière lui, reste immobile sur le trottoir, un peu chancelant, pas très sur de son équilibre en cet instant. "C'est toi qui a mes clefs non ?"

hj : désolée du délais  

C’est bien la première fois que tu dois aller chercher un ami qui semble avoir trop bu. C’est relativement amusant certes mais c’est aussi assez étonnant venant de la part d’Eli. Ce n’est pas tellement le genre pourtant et puis, il est policier, donc il est vrai que tu ne l’imagines pas vraiment se mettre dans un tel état. Il doit forcément y avoir une raison. Inspecteur Vicky Starkov mène l’enquête. Outre le fait que ce nom de flic marche super bien et pourrait donner une série exaltante pour netflix, il faut quand même que tu découvres le pourquoi du comment. Et rapidement, c’est le principal témoin de la scène, soit Eli lui-même, qui commence naturellement à parler. Inspecteur Vicky n’a plus qu’à creuser en posant les bonnes questions ! Et te voilà dans le rôle parfait de l’amie qui tente de conseiller son ami sur sa vie… amicale ? Sentimentale ? Tu connais évidemment la fille qui semble le mettre dans un tel état et… pour toi, il semblerait qu’il y ait anguille sous roche. Il va falloir filer le poisson. Eli semble loquace, c’est clairement le moment d’abuser des questions. Tu apprends qu’Ula ne lui adresse plus la parole et d’après le jeune homme sans la moindre raison apparente. Qu’il croie le bougre ! Si une fille boude, il y a forcément une raison, même si celle-ci s’avère être des plus minimums. Il faut juste trouver la cause. En l’occurrence, là, tu n’es pas sûre de savoir quelle est la cause depuis que le témoin lui-même n’en sait rien et tu cites : ne comprends vraiment pas.  Et bientôt un nouvel élément. Eli n’a pas demandé. Il n’a pas demandé à Ula pourquoi elle avait décidé de ne plus répondre à ses sms et d’instaurer un silence radio. « - Sérieux ? Eli, tu as peur de quoi ? Il y a forcément un truc que tu as fait, si tu crains la réponse » Tu roules des yeux, forcément. Tu ne veux pas l’accabler mais tu aimerais bien comprendre qui peut autant le terrifier. « - Tu as peur de quoi ? Qu’est-ce qu’elle pourrait te dire de si terrible ? » Tu sens qu’il y a des éléments qui te manquent. Tu pourrais mettre le doigt dessus mais en l’absence de preuves probantes, tu ne veux pas te faire de plans sur la comète.

Tu finis par le prendre dans tes bras. Tu n’aimes pas le savoir comme ça, tu veux le couvrir de tendresse. Il finit par s’extirper de la voiture. Tu le regardes faire en fronçant les sourcils. Va-t-il s’en sortir ? Il semblerait qu’il ne termine pas sur les fesses, alors sans doute. « - Je t’en prie » Tu lui réponds avec un léger sourire. « - A ton service » Mais l’enquête n’est pas finie, tu restes en plein suspense. Tu le regardes tâter les poches de ses fringues ou réfléchir, dans le noir, tu ne sais pas bien. Et il demande. Les clés. Tu les as récupéré les clés de voiture mais celles de son appartement, sont-elles sur le même trousseau. Tu les sors. « - Celles-ci ? » Tu sors de la voiture même, finalement. Tu notes qu’il est quand même un peu chancelant. « - Ok, je vais monter avec toi je crois, je l’aurais sur la conscience si tu loupes une marche et te pètes une dent » Tu l’attrapes comme à la sortie du bar et hop, vous prenez la direction de l’entrée de l’immeuble, le périple ne fait que commencer puisque devant l’ascenseur, il est noté : EN PANNE. « - Tu m’aurais tout fait Eli Sawyer ce soir » Tu soupires, à moitié amusée par cette fin de soirée, début de nuit totalement ubuesque.

Eli, tu as peur de quoi ? La question fatidique. Surement qu'il la redoute tout autant qu'il a cherché à la provoquer, pourtant. Non ? Peut-être qu'il est juste trop soûl pour provoquer quoi que ce soit, ce soir. Trop soûl pour garder ses secrets ? Il hésiterait presque, Eli, à tout raconter. C'est fatiguant, de mentir constamment. À Ula. À Stella. À tout le monde. À lui même surement ? Mais c'est peut-être mieux que ce qui se passerait s'il disait la vérité ? Il ne sait pas, Eli. L'esprit s'embrouille de plus belle, il ferme les yeux et hausse une nouvelle fois les épaules pour toute réponse. Quelque chose lui dit qu'il est probable qu'elle ne lâche pas l'affaire aussi facilement, Vicky, mais pour l'instant il profite de l'étreinte amicale qui lui est offerte alors qu'ils sont garés devant son immeuble et remercie son amie. Une fois sur le trottoir, il se sent toujours un peu chancelant, Eli, lutte de plus en plus pour garder les yeux ouverts. Il tâte ses poches, vides. Il a un vague souvenir de Vicky qui lui prend ses clefs et tourne la tête vers elle avec un petit sourire lorsqu'elle confirme les avoir. Il souffle un rire lorsqu'elle annonce qu'elle va l'accompagner jusque chez lui mais ne proteste plus désormais. Probablement un peu conscient qu'il ferait mieux de la laisser l'aider s'il ne veut pas s'endormir sur son paillasson parce qu'il n'a pas réussi à ouvrir sa serrure. S'appuyant sur son épaule ils avancent dans le hall de l'immeuble où une nouvelle surprise les attend. Elle soupire, Vicky, il a l'impression qu'elle oscille entre l'amusement et l'exaspération. Le jeune homme espère que c'est bien le cas et qu'elle n'est pas juste passablement agacée. "Oh mais c'pas très grave, j'vis seulement au... quatrième étage." répond-t-il en gloussant presque. Preuve manifeste de son état d'ébriété avancé, le gloussement. Commence alors un nouveau périple en effet, monter les dizaines de marches qui les séparent du palier de l'appartement d'Eli. La tâche n'est pas aisée, il se concentre, Eli, essaye de ne pas trop s'appuyer sur les épaules de son amie. Il ne veut pas lui faire mal. "T'es vraiment la best Vicky..." souffle-t-il, alors qu'ils aperçoivent enfin le pas de sa porte, encore deux ou trois marches. Moment choisi par les jambes d'Eli pour lui faire définitivement défaut, le pied posé trop au bord d'une marche, il glisse et malgré le soutien amical, se retrouve à quatre pattes dans les escaliers, le genou probablement bien amoché sous son jean. "Putain merde, désolé Vicky ! Ça va ?" Il espère qu'il ne lui a pas fait mal en l'entrainant dans sa chute.

Il est clair que tu as bien fait de t’emparer des clés de voiture de monsieur. Il n’est clairement pas en état de conduire, personne ne devrait conduire avec autant d’alcool dans le sang. Une part de toi est rassurée à l’idée qu’il t’ait appelé. De toute façon, avait-il le choix ? Il était un peu dans l’obligation d’appeler un joker, un ami pour rentrer, le gérant du bar ne semblait pas d’accord pour le laisser partir. Le trajet se fait sans encombre et même mieux, sans vomi. On n’était clairement pas sûr de la chose. Et tu aurais voulu éviter de trainer l’odeur pendant des jours, voir des semaines. Tu parviens à trouver de la place non loin de l’entrée de son immeuble. Toi qui pensais ta mission terminée… impossible de le laisser ramper jusqu’à son appartement. Tu décides de l’aider, tu ne devrais pas en avoir pour trop longtemps. Prendre l’ascenseur, ouvrir sa porte d’entrée, je poussais dans son lit et l’abandonner. Enfin non, quand même. Tu es plutôt le genre à mettre un comprimé pour la gueule de bois avec un verre d’eau sur la table de chevet et un post-it qui dit : bois ça au réveil et mange des féculents. Et au pied du lit, on pourrait trouver une bassine, juste au cas-où les toilettes seraient trop loin.

Seulement les choses ne semblent pas vouloir se passer aussi facilement. L’ascenseur est en panne. Ton optimiste légendaire se dit, ok ce n’est pas grave… jusqu’à ce qu’Eli te rappelle l’étage auquel il vit. Putain. Quatre étages. Quatre putains d’étages. « - Ok, ok on ne se laisse pas abattre, aide-moi du mieux que tu peux et ne vomis pas, je t’en prie ! » Parce qu’aller réveiller le concierge pour avoir le matos de nettoyage des communs… pas sûr qu’il aime. Le périple commence. C’est clairement un éclat physique, tu portes la moitié du poids de ton ami par l’épaule. Heureusement qu’Eli n’est pas Elijah. Tu l’aurais couché en bas avec un oreiller et une couverture, tu n’aurais jamais pu soulever Elijah, jamais. « - On y est pre… » Eli ne tient plus, se laisse glisser par terre. « - Non, non, non ! » Tu tentes de le presser. La seule chose que tu arrives à faire, c’est glisser avec lui. Il s’excuse et tu ris, pas de bobo, au pire un ou deux bleus, rien de dramatique. « - Tout va bien, t’inquiète » Tu te relèves. Tu as envie de rire aussi, un peu quand même. Tu délaisses ton corps un instant pour reprendre un peu de force. Et tu souris malicieuse, tu prends une photo. « - Pour que tu t’en souviennes demain » Tu souris. « - Il ne reste presque rien pour arriver à ton appartement, allez, un petit effort ! » Tu attrapes son bras pour tenter de le tirer, mais clairement rien n’est possible dans cette position, dans des escaliers, surtout dans le sens de la monter. « - Tu veux dormir ici ? Je peux aller chercher un oreiller et un plaid ? » Tu le taquines, ouvertement, peut-être que cette idée peu réjouissante le fera avancer. « - T’es quand même au courant qu’aucune fille ne mérite que tu te mettes dans un tel état ? » Cela te fait de la peine… donc tu tiens à lui dire.

L'ascenseur en panne, c'était quand même pas de chance. Il se trainait un mauvais karma peut-être, ce soir, Eli. Ou bien c'était Vicky, qui trainait le mauvais karma. Puisque c'est désormais elle qui a la lourde lâche de soutenir un très peu sobre Eli jusqu'au quatrième étage. Il fronce les sourcils face à sa réponse. "Mais je vais pas vomir, je sais pas pourquoi tu persites, perstite... P'tain il est dur ce mot... Per-si-ste ! A dire ça." répond-il, l'air fier d'avoir finalement réussi à prononcer le mot récalcitrant. Non franchement, aucune raison de s'inquiéter d'un potentiel vomi, non ? Ils avancent petit à petit, les deux amis, le soutien de la brune est précieux pour enchainer les marches, les unes après les autres. Mais alors que la ligne d'arrivée se profile, Eli peut apercevoir sa porte d'entrée, ses jambes lui font défaut. Et voici qu'il s'étale sur les marches, entrainant Vicky dans sa chute, malgré ses protestations. Aussitôt, il s'inquiète, le garçon, redoutant d'avoir fait mal à celle qui lui rend bien service, depuis déjà surement presque une heure. Il est donc rassuré de l'entendre rire, Vicky, et lui dire que tout va bien. Elle se relève bien plus vite qu'il n'en est capable, toujours les genoux meurtris au sol. Il est fatigué, Eli. Il a hâte d'être demain matin, que cette fichue journée soit enfin terminée. Quoique, peut-être qu'il pensera différemment avec une barre dans le crâne, demain. Vicky, elle semble trouver cette situation particulièrement comique. Le clou du spectacle qu'il lui offre ce soir, qu'elle ne manque pas d'immortaliser, comme il peut le constater en relevant la tête pour faire face au téléphone de son amie. "Pas cooooooooool." geint-il, toujours sur le sol. Elle tente de le tirer, sans trop de succès, lui demande alors s'il souhaite dormir ici. Les coudes toujours sur les marches, il pouffe de rire, à niveau. "Mouais, sur les marches c'quand même pas très confortable, pas assez plat." Il tente de se soulever malgré tout, prenant appui sur ses membres une ultime fois. Le lit est bientôt là. Le voici sur ses pieds, un peu chancelant, alors qu'il écoute la dernière remarque de son amie. "Ouais mais c'te fille là... Elle est spéciale, Vicky. Y en a pas d'autres comme elle." marmonne-t-il, le regard au sol. Sans attendre sa réponse ou son aide, il s'avance seul avec un succès surprenant vers sa porte d'entrée. "Sésame, ouvre toi !" dit-il d'un air amusé, attendant que Vicky ouvre la porte. Il fait le malin, un peu trop pour un mec qui vient de se ramasser dans les escaliers. Enfin, il passe la porte de son appartement. Plus qu'à rejoindre le lit, le gros du boulot est fait.

Le sort s’acharne. L’ascenseur les lâche alors qu’ils sont si près du but. Le but ? L’appartement d’Eli. Victoria du haut de son mètre soixante sept va devoir supporter le poids d’Eli, bien plus grand qu’elle, dans les escaliers. Elle est sportive certes mais pas non plus une surhumaine. Il va falloir que son ami y mette du sien. Sinon, elle ira lui cherche un oreiller et un plaid et il dormira dans la cage d’escalier. Ok ok, elle ne sera pas capable de l’abandonner comme cela à son triste sort. Ce n’est clairement pas son genre. Trop douce Vicky, vraiment. « - Je persiste parce que tu galères à un mettre un pied devant l’autre, je n’ose pas imaginer l’état de son estomac si ton cerveau est à l’envers ! » Et puis sans doute parce que c’est une crainte, une grosse crainte. Le vomi reste à ces yeux l’un des pires trucs. Surtout celui des autres. « - Mais si tout est sous contrôle parfait » Conclut la jeune femme.  Ce qui devait arriver, arriva. La chute. Certes pas douloureuse, mais elle aurait pu l’être. Ils parviennent à se relever sans trop d’encombre, quelques bleus demain, ou peut-être des courbatures mais rien de grave. Vicky n’en tiendra pas rigueur à son ami. En revanche, elle se fera un malin plaisir à lui rappeler cette soirée. Sachant que la cause de la descente d’alcool est sentimentale, elle fera aussi attention à ne pas trop lui rappeler sa peine de cœur. Parce qu’il est question de peine de cœur. Ula est peut-être sa meilleure amie mais il ne réagirait pas comme cela si elle comptait plus que ça, plus qu’une amie. Elle prend quand même une photo. Il faut un souvenir à cette nuit mémorable. Elle garde un sourire dessiné sur ses lèvres. « - Tu la recevras demain quand tu émergeras, avec plaisir mon cher, moi aussi je t’adore » Elle fait réponse à tout avant qu’il ne réplique trop. Elle a tout de même envie qu’il se rappelle dans quel état il s’est mis pour une fille. Aux yeux de Victoria, aucune fille ne mérite qu’il se mette dans un tel état et elle le lui dit. Son cœur se brise un peu quand il lui avoue que si… cette fille semble importante. « - Alors tu devrais être en bas de chez elle à crier combien tu tiens à elle, au lieu de te bourrer la gueule, tu crois que l’alcool va résoudre le problème ? » Elle a envie de le secouer mais ce n’est pas évident. Il avance de lui-même jusqu’à la porte de son appartement, comme si évoquer cette fille lui avait donné des ailes. Soit, la violoniste le suit de près, prête à le rattraper si besoin. La formule d’Eli pour ouvrir la porte la laisser perplexe, elle arque un sourcil. Un air mi amusé, mi résigné, elle ouvre la porte. « - Tu devrais peut-être prendre une douche avant de te mettre au lit ? » Elle propose. Pas qu’elle ait envie de l’assister sous la douche. Elle pose les clés dans l’entrée et le premier réflexe qu’elle fait c’est aller lui servir un verre d’eau. « - Déjà bois tout ça ! » Et dieu sait qu’il en faudrait d’autres. « - Tu les mets où des antalgiques ? Histoire qu’on les mette à portée de main pour demain ? » Elle sourit, parce qu’on sent la gueule de bois arriver. « - Rassure-moi tu ne bosses pas demain ? » Est-ce qu’il sera en état ? Il n’a pas un job de tout repos. Elle prépare deux trois affaires pour l’aider dans son état d’ébriété. « - ça va aller ? » Elle prend quand même le temps de se poser deux minutes avec lui pour être sûre qu’elle peut le laisser. « - je n’aime pas te savoir mal » Elle se répète mais c’est la vérité.

Pour Eli, elle ne fait pas vraiment sens cette peur dont Vicky ne semble pas vouloir se débarrasser. La peur qu'il vomisse. Ça lui semblait invraisemblable, probablement en partie car il était trop intoxiqué pour se rendre compte de son niveau d'intoxication, justement. Et puis aussi car il ne se rappelait même plus la dernière fois où il avait vomi. Ce qui, pour lui, était signe que c'était il y a bien longtemps. Mais au vu de son état, c'était tout aussi probable qu'il soit incapable de s'en souvenir convenablement, même si cela avait eu lieu hier soir. Il n'a plus la force d'argumenter contre Vicky et se concentre plutôt sur sa montée des marches, renonçant à essayer de la convaincre qu'il ne va pas vomir. La mission n'est pas vraiment un succès puisqu'il s'effondre de tout son long sur les marches, à peine la ligne d'arrivée se dessinant dans son champ de vision. D'abord inquiet pour Vicky, il est vite rassuré sur son état lorsqu'il la voit brandir son téléphone devant lui, immortalisant la scène avec un petit sourire manifestement plutôt fier. Il grommelle quelques paroles inintelligibles devant la jeune femme qui fanfaronne, lui promettant un message avec la photo dès le lendemain matin. Après quelques efforts, le revoici debout, avec un équilibre tout relatif. Victoria ramène Ula dans ses pensées. Oui, y en avait pas d'autres comme elle. C'est très clair dans son esprit, comme une évidence. Et pourtant c'est aussi le type de pensées qu'il s'efforce de chasser, habituellement. La culpabilité qu'il ressentait envers Stella n'était jamais très loin dans ces moments. La réponse de Vicky lui arrache un sourire et il se pince le menton entre ses doigts, l'air interrogateur. "Bonne idée. Tu m'emmènes ?" demande-t-il, tentant de garder un air très sérieux avant de pouffer une nouvelle fois de rire. Ouah, il était capable de faire des blagues. Merci l'alcool, pour le coup. Bien sûr, il s'agissait d'une blague. Vu les efforts qu'ils avaient du déployer pour monter jusqu'ici, hors de question de repartir en sens inverse. Et puis le Eli sobre le détesterait au plus au point s'il venait à s'aventurer chez Ula dans cet état. Conneries garanties. Conneries qu'il regretterait, assurément. S'avançant vers la porte de son appartement, il continue son humour qui ne fait manifestement rire que lui et s'engouffre dans les lieux lorsque Vicky déverrouille la porte. Zigzaguant avec une habileté surprenante dans le bordel qui règne dans son appartement, il s'écroule sur le canapé idéalement situé quelques mètres après la porte d'entrée et secoue la tête à la question de son amie. "Flemme. Demain." marmonne-t-il, fermant les yeux et s'allongeant sur le canapé, chaussures encore aux pieds. Vicky s'éloigne dans la cuisine et il tâtonne entre les coussins pour tirer un plaid qu'il étend plus ou moins correctement sur lui. Ça fera bien l'affaire. Flemme d'aller jusqu'au lit, aussi. Il a tout donné, pour monter ces fichues marches. Vicky est de retour et il prend le verre qu'elle lui tend sans protester. Le Eli de demain la remerciera. Cul sec. "Merci, Vicky. Pas que pour l'eau." dit-il doucement, posant le verre sur la table basse devant lui. "Euh... Y a du paracétamol sous la table basse j'crois, t'inquiète." Il tire le plaid sous son menton et referme les yeux à nouveau. "Je commence à dix-sept heures, j'crois." De quoi cuver suffisamment, espérons le. Les yeux toujours clos, il écoute son amie le questionner, encore. "Oui ça va aller, t'inquiète pas." marmonne-t-il. Sa voix se fait plus petite. Il sent le monde tourner, même les yeux fermés. Morphée guette, bien que le sommeil ne s'annonce pas vraiment réparateur. Il sourit doucement, toujours sans ouvrir les yeux, lorsque Vicky explique ne pas aimer le savoir mal. "T'inquiète pas..." souffle-t-il, articulant difficilement. "Ça va aller... Faut juste que... J'oublie. J'oublie... Ce que je sens. Ce que je ressens." Le sommeil le gagne, malgré lui. "J'oublie que je l'aime... Et puis ça ira bien. C'est mon amie. Faut pas qu'elle sache..." Il ne fait pas vraiment sens. "Je veux juste... la garder... dans ma vie. J'oublie et c'est bon. Tout va bien... Merci... Vicky..." Il sombre, Eli, peu à peu, perd le fil, perd pied alors que le marchand de sable semble enfin passer.