tw : grossesse non désirée, fausse couche (mention vague/suggérée, non détaillée)


Elle est d’humeur morose.
Cela fait quelques jours déjà. Quelques temps, même, maintenant.
Cela dure depuis que c’est arrivé. Elle n’avait rien vu venir, elle ne s’y attendait pas, et elle ne voulait pas devenir mère - pas maintenant, en tout cas. Mais elle ne voulait pas que cela se passe comme cela. Alors oui, depuis, elle est d’humeur morose. Sans arriver à y changer quoi que ce soit. Les jours s’enchaînent, lentement, et elle ne leur trouve plus la même saveur. Mais cela passera, n’est-ce pas ? Oui, sans doute, ce n’est qu’une mauvaise passe. Mais outre la fin de sa grossesse, il y a toujours Eliseo pour la détester. Adrian pour ne pas comprendre, pour toujours l’oppresser. Entre eux, désormais, c’est compliqué. Dans l’impatience, l’impression d’étouffer, Gisela lui avait brusquement demandé de la lâcher. De la laisser respirer. De lui laisser l’espace, de lui laisser du temps. Heureusement qu’il est quand même censé occuper une autre chambre, Adrian, dans l’appartement. Alors ils font vraiment chambre à part à présent. Comme un vieux couple séparé, ou un vieux couple qui n’en est pas encore là mais ne peut plus se supporter. Le truc, c’est qu’eux, ils n’ont pas d’enfants - mais des colocataires, pour assister, silencieux, au drame qui se joue.

Elle ne sait plus trop quoi faire, Gisela.
Avec Adrian. Avec Eliseo. Avec ce mal-être qui ne disparaît pas, ces temps-ci. Elle se sent vide. Elle n’a pas de goût à grand-chose. Ce n’est peut-être qu’une mauvaise passe, oui ; mais elle craint qu’elle ne devienne permanente. Parce que cela dure depuis un petit moment. Parce que, plus le temps passe et plus la rancœur d’Eliseo lui devient insupportable. Et moins elle a envie de se battre, se forcer, avec Adrian. Peut-être que l’amour s’est éteint.

Ils ne se parlent plus. Et elle craint de le croiser dans l’appartement, et l’espère tout en même temps. En revanche, Adrian, elle n’a pas envie de le croiser tout court. Sans doute qu’il la déteste aussi, lui, à présent. Ou se dit qu’elle n’est pas dans son état normal, pauvre petite chose fragile qui a besoin qu’on la couvre – alors qu’elle ne demande rien. Elle déteste se sentir si vulnérable dans son regard.

Ils ne sont pas là, quand elle rentre.
Enfin, elle croit. Mais après une rapide vérification, elle en a bien l’impression.
Alors elle peut tenter d’investir les espaces communs. Elle a bien cru entendre qu’il y avait quelqu’un à la salle de bain, mais ce doit être Penelope. Oui, certainement. Gisela ne se pose pas plus de questions. Dépose son sac dans sa chambre, puis part s’affaler dans le canapé. Vide de tout. Envie de rien. Elle allume toutefois la télévision, sans grande conviction. Pas vraiment captivée par ce qui peut y être actuellement diffusé. Puis elle perçoit quelques bruits de pas. Ne tarde alors pas à voir surgir Juni. Meilleur ami d’Eliseo. Sans doute pas son plus grand fan, par ricochet. Et merde. Il la salue tout de même, mais il a l’air un peu... Gêné ? Mal à l’aise ? « Hey. » répond-elle, se redressant tout à coup, un peu brusquement. Comme si tout à coup, c’était important de ne pas avoir l’air d’une loque. Histoire de ne pas donner une raison de plus de la juger. Mais Juni traverse la pièce pour ranger des vêtements, tandis qu’elle tente de garder son attention concentrée sur la télévision. Elle n’est pas à l’aise non plus, pourtant, Gisela. Elle sait bien qu’il squattait quelques temps à l’appartement, histoire de se trouver un logement, mais elle ne s’attendait quand même pas à le voir. Encore moins à ce qu’il finisse par lui demander s’il peut s’asseoir, livre dans les mains. « Bien sûr, fais comme chez toi. » répond-elle vaguement, dans un léger haussement d’épaules. Non, elle n’est pas à l’aise. Se demande à quelle sauce elle pourra être mangée, et en même temps, peut-être qu’il n’en sera rien. Elle n’a pas l’énergie pour se battre, pas l’énergie pour les réprimandes non plus. Elle voudrait juste pouvoir se cacher sous sa couette et oublier tout ce qui ne va pas, même si ce n’est pas possible. « Je peux... hm, couper la télévision. » Pourquoi ? Pour qu'il puisse lire tranquillement ? Elle était là d’abord. Mais elle ne la regarde pas vraiment, Gisela. Ce qui risque d’arriver, à vrai dire, c’est qu’elle aille juste se cacher dans sa chambre pour fuir tout échange avec qui que ce soit, surtout s’il est chargé de reproches.
Elle ne va pas souffrir davantage, elle le fait déjà bien assez comme cela.

tw : grossesse non désirée, fausse couche (mention vague/suggérée, non détaillée)


Tout est insupportable, en ce moment.
La vie, le temps, le travail, les gens.

Tout est insupportable, en ce moment.
Elle n’a plus une once de résistance, Gisela, simplement. Elle a tout épuisé dernièrement. Alors elle n’a plus d’énergie, de force, pour tenir le coup face à tout. Elle ne peut pas endurer la rancœur d’Eliseo, la pression d’Adrian, les clients chiants au travail, et puis tout ce qui va mal. Elle ne se sent même pas de taille à endurer la froideur de Juni, à présent. Juni, qui reste le meilleur ami d’Eliseo. Juni, qui est forcément de son côté, par ricochet. Cela va de soi, elle n’en doute même pas, Gisela. Ne s’attend pas au contraire, à ce qu’il la plaigne. De toute manière, elle refuse de susciter la pitié de qui que ce soit. Elle préfère garder la face – elle essaie, en tout cas. Mais parfois, c’est trop – trop de poids. Trop pour ses frêles épaules. Trop pour son âge. Elle n’a pas encore assez vécu, Gisela. Et pourtant, en quelques semaines à peine se sont enchaînés deux grandes épreuves bien difficiles à encaisser. Elle a bien été arrêtée quelques jours, mais finalement, elle préférait de loin retourner travailler. Travailler pour oublier, ou a minima se changer les idées. Elle en avait besoin, la brune. Sinon, elle aurait explosé. Et elle n’en peut déjà plus, elle, de cette douleur, de cette tristesse. Celles-là même qui depuis quelques temps, sont devenues permanentes.

Elle n’a pas la tête à se prendre la tête.
Alors, quand elle voit débarquer Juni dans le salon, elle a un peu d’appréhension. Mais elle ne peut pas partir comme cela, ç’aurait l’air louche. Et elle ne veut pas non plus qu’Eliseo lui tombe dessus – lui reproche dieu seul sait quoi. Des choses qu’elle pourrait dire, sans réfléchir, tant elle est à fleur de peau ces temps-ci. Mais en tout cas, Juni ne semble pas bien plus à l’aise qu’elle. Demande s’il peut s’asseoir, sur le canapé, et bien sûr, elle accepte – tout en rêvant de prendre la poudre d’escampette. Mais il faut garder la face, pas vrai ? Elle propose de couper la télévision, finalement, puisque Juni semble vouloir lire. Mais il répond que cela ne le gêne pas – et il y a comme un gros blanc. « Okay, si tu le dis. » répond-elle simplement, mal assurée. Maintenant, elle n’est plus tout à fait concentrée sur la télé. Peut-être que cela se voit ; peut-être que cela se sent. Peut-être même que, malgré elle, cela s’entend : par son silence. Alors Juni reprend la parole, présente des excuses qui la surprennent vraiment. Après tout, il n’a absolument rien fait de mal, pas le moins du monde. « Non, non, c’est pas ta faute. Enfin, t’as rien fait… » répond-elle aussitôt, craignant d’être maladroite. De sous-entendre qu’il a fait quelque chose avec ce c’est pas ta faute, alors que pour le coup, cela n’est pas une allusion. Elle ne cherche pas à provoquer quoi que ce soit, Gisela, pas la tête à se battre. Mais elle n’est pas très à l’aise, c’est un fait. Ce n’est pas sa faute à lui s’il y a Eliseo entre eux, ni de sa faute à lui si elle a tout compliqué en trompant son mec avec Eliseo justement. Juni reprend alors la parole, en disant qu’il peut aller s’installer ailleurs. Et où ? Il n’a pas de chambre et ne sera pas aussi bien installé dans la cuisine, par exemple. « Non, je t’assure. Tu ne vas pas aller lire dans la baignoire. » Léger trait d’humour, même si le léger sourire sur son visage disparaît bien vite. Parce qu’elle n’a pas trop le moral, ni la force de faire  bonne figure, à vrai dire. Peut-être que cela se voit, et elle s’en voudra pour cela, Gisela, parce que Juni lui demande si ça va. « Oui, oui, ça va. » répond-elle pourtant, d’une toute petite voix, le regard un peu fuyant. Ce n’est pas la question qu’il faut lui poser, en ce moment. Ou peut-être que si, justement. Est-il au courant, Juni ? Est-ce qu’Eliseo lui a dit ? Pour la fausse couche ? « J’veux vraiment pas t’embêter. » Ni qu’Eliseo puisse le lui reprocher. Mais cela, elle évite de le préciser.