L'émission a été plus difficile à animer, ce soir-là. Livia n'y était pas vraiment, coincée entre ses pensées et une légère nausée dont elle ne parvenait pas à se débarrasser, dérangée par les thématiques de ruptures et de couples qui se succédaient à l'antenne sans que son cœur ne se serre un peu plus fort tout du long. Les autres animateurs l'ont probablement remarqué, puisqu'ils ont passé l'émission à lui jeter des coups d'œil inquiets, à tenter de lui remonter le moral ou encore à l'exhorter à se confier. Mais Livia était restée professionnelle, déroulant le conducteur de la libre antenne sans sourciller, regagnant simplement son loft un peu plus rapidement que d'habitude. Il était tard, et elle hésita avant d'appuyer sur le nom de Luther mais, la vérité, c'est qu'elle ne savait pas réellement vers qui se tourner d'autre. Peut-être la comprendrait-il, vu ce qu'il traversait actuellement.

« Lulu ? Je sais qu'il est tard, désolée... »

Il a le sommeil compliqué cette semaine. Pas qu'il soit particulièrement agité, mais c'est plutôt qu'il ne vient pas ou du moins très tard dans la nuit. Ca lui donne un air cerné, le teint terne et une mine plutôt fatiguée et il passe son temps à bailler et à décrocher des conversations qu'il est censé suivre. Il a beau être deux heures du matin, il est dans son lit, et éclairé faiblement par la lumière bleue de son téléphone, il continue à lire un article du Financial Time sur le danger des spéculations sur le big data. Autant vous dire que les bras de Morphée ne l'acceuilleront pas de sitôt. Quand il voit le nom de Livia apparaitre sur son téléphone, il marque un instant d'hésitation. Ils ont l'habitude d'échanger par sms, mais les appels ? Il finit par décrocher et puis répond " Allo ?" Avant d'ajouter " T'inquiètes pas, je dormais pas non plus. Tout va bien ? Tu as un problème ?" Il ne voit pas d'autres raisons de l'appeler.

Elle est heureuse, lorsqu'elle entend Luther décrocher, et qu'elle perçoit sa voix parfaitement réveillée au bout du fil. Déjà parce qu'elle ne l'a pas sorti de son sommeil, et surtout parce qu'il semble prêt à l'écouter. Elle a beau le taquiner chaque jour sur l'ancien crush qu'elle avait nourri à son égard et pour lequel il l'avait gentiment repoussé, Livia tient beaucoup au brun même si, parfois, elle se sent intimidée par sa sagesse et son calme sans précédent, là où la brune aurait probablement déjà parlé beaucoup trop fort et renversé les tables – littéralement ou non, à vous de voir.

« Rien de grave, t'inquiètes pas, c'est juste que... » Elle marque une pause, ne sachant pas très bien comment structurer son discours ou sa pensée. Livia sait que si elle laisse échapper les choses à voix haute, alors ça les rendra plus réelles encore. Et ça sera probablement douloureux, bien qu'obligatoire pour ne pas nier les faits. « Tu te souviens, je t'avais parlé de mon ex ? Liam ? Il m'a quitté, aujourd'hui. Enfin, théoriquement on était plus ensemble depuis longtemps, mais... tu vois. » Comment aurait-il pu ne pas voir, Luther ? Elle était d'une clarté impressionnante, ce soir.

Elle était d'abord son élève, ensuite elle lui a fait du pied qu'il a poliment repoussé, avant de s'inflitrer dans sa vie comme une petite litanie, rigolote et parfois un peu tanante. Elle s'y est si bien installée dans sa vie qu'il a fini par la considérer comme un membre honoraire de sa fratrie, une petite soeur cadette un peu envahissante mais pour qui il déplacerait des montagnes si il fallait. Même si il fait semblant de pas s'être trop attaché, personne n'est dupe. Il l'aime bien la Castillo, et il en connait un rayon dans ses histoires de coeur qu'elle ne manque jamais de lui raconter même si il lève les yeux au ciel et fait genre que ça l'intéresse pas. Donc quand il l'entend parler d'un ex, ça le suprend pas plus que ça et il dit "Ha c'est lequel celui-là ? Le douchebag qui te ghost depuis un moment ?", il soupire, se relève contre la tête de lit et allume la lumière de sa table de chevet. "J'entends que ce soit pas facile pour toi, c'est jamais agréable de se faire quitter par quelqu'un qu'on a aimé, mais tu sais au moins tu es débarassée d'une plaie et tu vas pouvoir avancer vers un truc mieux, avec des gens qui te respectent. "Il sait bien que son raisonnement est un peu trop rationnel alors il ajoute " Mais je comprends que tu sois triste hein, on peut parler si tu veux."

La manière dont Luther décrit la situation lui arrache un léger rire. Elle sait que c'est un coup bas, de se réjouir d'entendre quelqu'un d'autre définir Liam de douchebag mais, à cet instant précis, c'est tout ce qu'elle a réellement besoin d'entendre. Même si, l'espace d'un instant, elle a ouvert la bouche pour répliquer qu'il n'était pas comme ça, le brun. Qu'elle l'avait... qu'elle l'aimait sincèrement, et que c'était pour des raisons tout à fait recevables.

« J'suis pas triste, enfin, pas tout à fait. C'est bien ça le problème. » Elle hausse les épaules, consciente que son discours est un peu flou, lui aussi. C'était difficile, de faire le point sur l'entièreté des sentiments qui se bousculaient dans sa tête et dans son cœur. « Je me sens un peu nulle, pour être tout à fait honnête. Je savais bien que ça finirait probablement de la sorte, mais j'ai quand même foncé dans le mur, et maintenant j'ai que mes yeux pour pleurer. Mais je pleure pas, attention, hein. » Il n'y avait aucune honte à pleurer, bien sûr, mais Livia détestait l'idée qu'elle puisse être en mesure de verser des larmes pour quelqu'un qui ne le méritait pas.

Il laisse un silence s'installer un instant quand elle déclare ne pas être triste, ponctuant sa déclaration d'un "Mh mh" pour la pousser à développer son propos. Quand elle poursuit en déclarant qu'elle se sent nulle, il n'en a que la confirmation de ce qu'il affirmait quelques minutes plus tôt. La capacité à se faire se sentir nulle une autre personne n'est pas vraiment la qualité première que l'on recherche chez un individu. Il essaie de faire une plaisanterie pour détendre l'atmosphère quand elle affirme n'avoir plus que ses yeux pour pleurer "Je t'accorde mon épaule aussi, dans ma grande miséricorde."  Il sourit tristement quand elle affirme ne pas pleurer et puis il lui rétorque "Hé, t'as le droit de pleurer hein ... même de rage contre toi même, si tu veux." Et puis il marque une nouvelle pause, pendant qu'il réfléchit à ce qu'il peut dire ensuite. " Avoir accordée ta confiance ou ton estime ne fait pas de toi quelqu'un de nul, tu sais. T'as pas à assumer la responsabilité d'une personne qui a abusé de ta confiance. " Il sait qu'elle sait, mais peut-être que ça fait pas de mal de le lui rappeler, alors il laisse échapper un petit rire sans joie et ajoute " Je suis chiant avec mes affirmations trop raisonnables hein ?"

Elle lâche un soupir à fendre l'âme, parce que serait-elle réellement Livia si elle ne laissait pas exprimer sa part de drama queen dans une situation pareille ? La brune sait que Luther a raison mais, encore une fois, il lui est difficilement acceptable de laisser à Liam l'honneur de ne serait-ce que supposer qu'elle puisse verser une seule larme pour lui alors, vraiment, elle fait tout ce qui est en son pouvoir pour que ses yeux restent désespérément secs, n'en déplaise à son cœur qu'elle sent se serrer douloureusement dans sa poitrine.

« Trop aimable pour ton épaule, vraiment. Mais je te connais, après tu vas tomber amoureux de moi parce que je suis super adorable quand je pleure, et ça va être gênant pour tout le monde. » Un nouveau rire sans joie s'échappe de ses lèvres, mais il n'est pas difficile de prendre conscience qu'elle n'a même pas la tête à plaisanter auprès de Luther. « T'es pas chiant du tout, au contraire. C'est gentil à toi de prendre le temps de me remonter le moral, surtout à cette heure-ci. » Elle garde le silence quelques secondes, semblant hésiter à reprendre la parole, avant de se lancer. « Comment t'as fait pour avaler la pilule, toi ? Avec ta copine, je veux dire. Ou ton ex, je sais même pas comment la qualifier. On est pas obligés d'aller sur ce terrain, hein, mais peut-être que ça pourrait m'aider. »

Il sourit en l'entendant affirmer qu'il risque de tomber amoureux d'elle et puis il plaisante d'une voix un peu perdue " Je tacherai de retenir mes sentiments irrépréssibles pour toi c'est promis." tout en se réhaussant contre l'oreiller. " T'inquiètes, je dormais pas de toute façon" répête-t-il avec un soupir, et puis le silence s'installe quand elle l'interroge sur Elliot. Il hésite. Il n'en a pas vraiment parlé à grand monde - sa soeur ainée, Ugo, il sait qu'il devra en dire un minimum à Ariane, la probabilité est faible qu'elle le laisse s'en tirer juste avec un on a rompu. " Hé bien. C'est très récent aussi, donc comme tu vois je dors pas très bien la nuit et j'écoute ta libre antenne et je répond à mes appels à deux heures du matin. Sinon, hé bien ... je n'ai pas vraiment vraiment de solution pour avaler la pillule. La situation était un peu particulière et c'est moi qui y ai mis un terme sans lui demander son avis quand je l'ai appris parce que je ne voulais ni être impliqué dans des scénarios de séries B, ni la mettre dans une situation indélicate. Donc, bon c'est juste bizzare, je ne pense pas que ça puisse vraiment t'aider." Ils ont quand même un point commun, lui aussi il a l'impression qu'on lui a manqué de respect dans cette histoire. Que c'était pas très honnête de la part d'Elliot de laisser trainer cette situation sans lui expliquer ce qu'il se passait. "Mais tu sais, ça finit juste par passer et on va rencontrer d'autres personnes" la rassure-t-il, avant de plaisanter "Je suis un coeur d'artichaud quand je suis célibataire, donc je m'inquiète pas trop.". Il s'inquiète pas mais il sait pas trop comment il peut arrêter d'aimer quelqu'un dont il est retombé amoureux comme au premier jour au cours de l'hiver. Il a pas la réponse à ça, peut-être qu'il ne l'aura jamais.

« Franchement, c'est trop bête. » Elle laisse échapper après un court silence de pure réflexion, se saisissant au passage de la tasse de tisane qui trône sur sa table de chevet, sirotant doucement la boisson, les yeux perdus dans l'horizon. « J'ai du mal à croire qu'une fois qu'on est en couple avec toi, les choses puissent suffisamment se compliquer jusqu'à mener à une rupture. Et je dis pas ça parce que je veux te pécho, hein. » Livia rit, plus sincèrement cette fois-ci. Parler avec Luther lui fait du bien, sans qu'elle ne puisse s'expliquer pourquoi, au juste. Avec lui, de toute façon, elle a arrêté de se poser des questions depuis bien longtemps : leur amitié était devenue aussi improbable qu'originale, et ça lui plaisait bien, à Livia. « Tu sais, t'as le droit de prendre du temps pour toi, avant d'envisager de tomber amoureux de nouveau. Et t'as le droit de jamais tomber amoureux de nouveau aussi, hein. C'est pas une fin en soi. » Elle précise tout naturellement, comme si cette façon de voir les choses lui était naturellement acquise, et qu'elle avait à cœur de rassurer le brun de l'autre côté du téléphone. Au fond, peut-être que ça lui faisait du bien à elle aussi, de l'entendre de nouveau.

Il rit sans joie en l'entendant dire que c'est trop bête et puis il répond tristement " Oui, je sais. Mais c'est comme ça." Et puis le silence s'éternise quand elle dit qu'elle comprend pas comment ça peut se compliquer avec lui au point de mener à une rupture. Il ne répond rien dans un premier temps, ne rit même pas à sa blague sur le fait qu'elle veuille le séduire. Sans le savoir elle a appuyé là ou ça fait mal et sa gorge se serre un peu. Il finit par avouer " Ouais, bon, tu sais, je préfère qu'on parle pas trop de ça, comment ça a pu dégénérer. C'est un peu sensible. " Il s'est posé la question quelque fois cette semaine. Et si il avait été plus attentif et présent au cours de l'année précédente ? Peut-être que rien de tout ça n'aurait eu lieu. Heureusement, le sujet dévie vite vers le futur et quand elle lui dit qu'il a le droit de prendre du temps pour lui, il rit. " C'est vrai que tu m'as jamais connu célibataire". Elle sait pas à quoi s'attendre. Luther, c'est un nouveau crush galopant par quinzaine jusqu'à ce que l'un des dits crush n'accroche. C'est pas qu'il veuille pas prendre du temps pour lui, il aime juste les fulgurances des romances naissantes et l'adréaline enivrante qui vient avec les premiers dates. " J'aime avoir le béguin. C'est euphorisant. " Pour citer Jane Austen, il n'y a pas de charme égal à la tendresse du coeur.

Légèrement honteuse de s'être engagée sur un terrain sensible pour Luther sans vraiment en avoir conscience, Livia se mordille la lèvre inférieure tandis qu'il lui explique qu'il préférerait ne pas poursuivre la conversation sur ce sujet. Ils ont beau se connaître depuis longtemps désormais, le brun continue parfois de demeurer un véritable mystère pour Livia, tant leurs caractères s'opposent tout en se rejoignant systématiquement. Au final, il semblerait qu'ils soient toujours en train d'apprendre les limites de l'autre, ce soir en étant une preuve supplémentaire - s'il en fallait une. « Désolée, je voulais pas remuer le couteau dans la plaie. » Elle hausse les épaules, consciente que Luther ne lui en tiendra probablement pas rigueur. Mais Livia, elle, s'en voudra toujours un peu. « C'est vrai ça, je t'ai toujours connu en couple et chiant, en fait ! » Elle laisse échapper avec un rictus moqueur, mais attendri. Penser à leur rencontre quelques années en arrière la fait renouer avec une période plus simple de sa vie et, parfois, la facilité de ce temps où elle pensait pourtant que tout était compliqué lui manque. « Allez, fais-moi rêver. Je vais avoir le droit à combien de messages par jour, pour me dire que tu es tombé amoureux encore une fois ? » Elle est curieuse maintenant, Livia.

"C'est pas grave." murmure-t-il quand elle s'excuse d'avoir remué le couteau dans la plaie. Et puis il rit mollement quand elle le traite de chiant, avant qu'un petit silence ne s'éternise quelques secondes quand elle demande combien de messages il va lui envoyer pour lui signaler ses nouveaux crushs. " Zéro ... tu m'as pris pour un lycéen ou quoi ?" qu'il finit par laisser échapper en éclatant de rire. Elle a réussi à le dérider avec son idée absurde. Il prévient jamais trop les autres de ses crushs Luther, il voit pas  l'intérêt, ce ne sont pas ses amis qui vont faire les démarches qu'il sache ? Et puis avec un petite sourire dans la voix il ajoute " Mais bon, hypotétiquement, si j'envoyai un warning pour chaque nouveau crush ... je sais pas, ça serait probablement une fois par semaine ou quinzaine." plaisante-t-il, avant d'ajouter " De toute façon, je suis pas très subtil, tu t'en rendras compte par toi-même. " en riant à nouveau. A la pensée de ces émois futurs, son coeur s'allège un petit peu.

Livia hausse les yeux au ciel, songeant à quel point, parfois, Luther est bien trop terre à terre pour lui faire l'honneur de ne pas laisser son sarcasme sans réponse adéquate. « J'aurais du mal à te prendre pour un lycéen, vu le nombre de fois où tu me rappelles ton âge. » Livia éclate de rire à son tour ; faire référence à son ancien crush déçu l'amusera probablement sa vie entière, la brune en est certaine. « Une fois par semaine ? » Elle répète machinalement, sur le ton de la surprise. Elle qui pensait avoir un cœur d'artichaut, elle constate avec bonheur que, visiblement, Luther représente un sérieux concurrent en la matière. Au moins, Livia sait à qui s'adresser pour aborder ce genre de sujet, dans le futur. « J'ai hâte de voir ça, Lulu. Tu mérites vraiment d'avancer rapidement, tu sais. » Elle sourit sans que le brun ne puisse s'en rendre compte, sincère dans son discours.

Il rit et relève son ton surpris "Tu as l'air surprise ... tu me vois vraiment comme un vieux petit papy pépère et chiant avec son petit couple établi hein" rigole-t-il. Il sourit tendrement et puis répond à sa dernière affirmation. " Hm ... rapidement ? Ne considère pas ça comme une course tu sais ... C'est important de prendre le temps qu'il te faut pour t'accorder une vraie closure, Livia. Fais ton deuil de whatever tu aurais cru ou voulu avoir pour pouvoir repartir sur de bonnes bases." De son côté, il pressent que ça risque de lui prendre un peu de temps. Ne serait-ce que parce qu'il a rompu en étant encore pleinement amoureux et attaché à Elliot, il sait que ça l'empêchera pas de crusher ou désirer quelqu'un d'autre, mais il lui faudra probablement un peu plus de temps pour se laisser à des nouveaux émois romantiques.

« Tu m'en veux si je te réponds oui ? » Elle rit de nouveau, amusée par la réaction de son ami. Livia le considère surtout comme un exemple en ce qui concerne la fidélité et le dévouement à l'autre, bien qu'elle ait la sensation tenace que ce dévouement est parfois de trop, et que Luther finit souvent par s'oublier dans le processus. « C'est pas ça, c'est juste que je te vois comme quelqu'un qui serait capable de tomber amoureux pour de vrai une seule fois dans sa vie, et sans que ça te dérange. » C'est à son tour de marquer une pause, visiblement pensive suite au discours de Luther. Au fond, elle n'avait jamais pensé à l'importance de prendre du temps pour soi entre chaque relation, tout simplement car elle n'avait jamais été du genre à fréquenter beaucoup d'hommes de manière sérieuse. Et l'avantage, lorsqu'on ne prend pas le temps de s'attacher, c'est qu'il n'existe pas de phase de post-rupture qui requiert une pause le temps de panser ses plaies. « Tu sais, et même si ça me fait du mal de l'admettre... Liam était une exception. » Elle sourit un peu tristement, semblant pleinement réaliser l'ironie de toute cette histoire. « D'habitude, les histoires d'amour, c'est pas trop mon truc. Et je pense que tout ça m'a donné raison : c'est pas fait pour moi, les sentiments sincères qui durent toute une vie. »

Il réfléchit et sourit. Il n'est pas tombé amoureux de toutes ses compagnes, c'est un fait. Il n'a jamais connu de coup de foudre au premier regard, c'est une autre vérité. Il est du genre à construire son affection sur plusieurs mois Luther et il a pas mal de relation qui n'ont jamais dépassé ce stade sans que cela le travaille particulièrement. " Je ne sais pas ... Je crois que je ne me prend pas trop la tête avec ces histoires d'être amoureux ou non en fait. Je laisse le temps et les choses se faire et ça me convient. Si la mayonnaise ne prend pas, je passe à autre chose et ce n'est pas grave. ". Il l'écoute parler de Liam et puis il secoue la tête en oubliant qu'elle ne peut pas le voir "Mais non. N'en fais pas une exception, Livia. Ca serait dommage de rester sur cette mauvaise expérience en vrai. Les sentiments sincères comme tu dis, ca peut apporter beaucoup de choses. Et puis, ils n'ont pas à durer toute une vie, personne ne te demande ça. Qu'ils soient temporaires ne les rend pas moins sincères ou importants." Il marque une pause et pince les lèvres en cachant un sourire. Il est entrain de se rendre compte que c'est le genre de conversation qu'il a d'habitude avec ses frères et soeurs, qu'elle est définitivement devenu l'une d'eux en quelque sorte. " Faut juste tomber sur quelqu'un qui te respecte et c'est pas parce que la première fois t'es tombée sur un mec qui t'as goshté ou a un peu abusé de tes bons sentiments que tu dois lui faire l'honneur de te priver de ça pour le reste de ta vie. " Il marque une pause, laisse un silence s'éterniser et puis précise "Je ne te dis pas tu doives tomber amoureuse à tout prix. Ca a pas besoin d'être un but en soin. Je te recommande juste de ne pas te mettre en tête que ce n'est pas fait pour toi. Ne te prive pas de ça. Laisse les portes ouvertes, on ne sait pas ce que ca peut t'apporter. " .

« T'as bien trop de sagesse en toi, Lulu. » Elle souffle dans un long soupir, le cerveau en pleine ébullition sous l'impulsion des mots de Luther. Elle sait qu'il a raison, au fond. Qu'elle ne devrait pas laisser quiconque, et encore moins Liam Nichols, décider de la tournure à venir de sa vie amoureuse. Mais c'est toujours bien plus facile à dire qu'à faire et, à ce stade des choses, la blessure est encore trop fraîche pour que Livia ne puisse espérer la voir se refermer de sitôt. « Le truc, c'est que ma référence en la matière, c'est mes parents, quoi. Et, bon... je crois pas qu'ils étaient malheureux mais c'est clair que ma mère n'était pas la femme la plus épanouie du monde. » Comment pouvait-on l'être réellement, avec un mari comme Juan ? Il ne laissait jamais rien au hasard, et ce besoin de contrôle constant impliquait nécessairement de ne pas se laisser aller à écouter ses besoins et ses désirs bien trop changeants et volatiles à son goût. « Des fois, je me dis que même si Liam acceptait d'être en couple avec moi – pour de bon, je veux dire, on finirait probablement par avoir cette même dynamique et, je crois pas que ça soit quelque chose qui me fasse particulièrement envie. J'ai la sensation que, quoi que je fasse, je serais toujours plus attachée que lui ne le sera jamais. » Et le constat lui fait du mal, à Livia, parce qu'il suppose nécessairement qu'elle ne sera jamais suffisante, aux yeux de Liam. Elle ne l'exprime jamais à voix haute, parce qu'elle sait bien ce qu'on lui répondrait : qu'on ne peut pas plaire à tout le monde, que ça ne veut pas dire pour autant qu'un jour, elle ne sera pas à la hauteur de quelqu'un d'autre. Des choses très vraies, qu'elle a probablement elle-même déjà murmuré à l'oreille de ses auditeurs lorsqu'ils avaient besoin de réconfort. Mais des choses qu'elle n'est pas encore prête à entendre tout de suite. « Mais je sais que t'as raison, bien sûr. Et, merci, d'ailleurs. De prendre le temps de me dire tout ça, et de le penser sincèrement. Je te promets que si un jour, je rencontre la bonne personne, tu en entendras tellement parler que tu regretteras tout ce que tu m'as dit aujourd'hui. » Elle rit doucement. L'idée est plaisante, finalement.

Quand elle parle de ses parents, il reste silencieux et l'écoute tranquillement.  " Hm, oui j'imagine que les role models que l'on a autour de soi nous faconnent toujours un peu." C'est vrai que lui a des parents qui forment un couple pour le moins insolite mais heureux qui l'a maintenu hors du schéma classique couple, pavillon de banlieue, enfants et golden retriever. Il reste silencieux quand elle mentionne l'idée d'être en couple avec son dénommé Liam, il ose pas se permettre de lui dire de laisser tomber cette idée, qu'elle mérite mieux que ça. A la place il se contente de lui dire un classique "Mais je t'en prie Livia, ça me fait plaisir, " quand elle le remercie de prendre le temps de parler avec elle. Il ajoute " J'ai l'impression de parler avec mes frères et soeurs, c'est ... un peu pareil ... j'aurai pu avoir cette conversation avec eux aussi " Il rit quand elle lui promet de lui parler en long large et travers de ses futurs crushs et il réplique "Oh je doute pas que je saurais tout ce qu'il y a à savoir sur le sujet. Peut-être même un peu trop ...". Un coup d'oeil à son réveil matin lui annonce qu'ils discutent depuis une vingtaine de minute et il se dit que même si c'est le weekend ils devraient pas tarder à dormir tous les deux.

« Tu sais, j'ai beau avoir un vrai grand frère, c'est difficile de lui parler de tout ça. C'est pour ça que je t'aime bien, aussi. C'est beaucoup plus simple, de se confier. » Livia avoue sincèrement, prenant probablement Luther par surprise, tant la confession est inattendue. Elle n'en veut pas à Moisés, cependant. Elle sait qu'il fait de son mieux, qu'il répond toujours présent quand elle en a besoin mais, qu'au fond, c'est elle, qui ne fait pas appel à lui aussi régulièrement qu'elle le pourrait. Elle ne sait pas pourquoi, Livia. Probablement parce qu'elle a la sensation qu'il a d'autres choses à gérer, et qu'elle ne veut pas lui rajouter un poids, avec ses problématiques futiles. « Tu veux peut-être aller dormir ? C'est gentil à toi de me tenir compagnie mais, j'avoue, j'abuse un peu sur l'heure. » Elle réprime elle-même un bâillement, décollant son téléphone de son oreille le temps de jeter un coup d'œil à l'heure tardive. Maintenant qu'elle a pu exprimer la plupart de ses angoisses à voix haute et qu'elle a rencontré le discours rassurant de Luther en retour, Livia commence à sentir les effets de la fatigue s'abattre sur elle.

Il sourit quand elle lui confirme qu'elle a le même ressenti fraternel et puis il ajoute " C'est normal, des fois c'est plus simple de se confier auprès de personnes qui sont moins intriqués." Quand elle lui propose de raccrocher, il jette un nouveau coup d'oeil à son réveil matin et acquiese dans le vide. " Ca me parait pas une mauvaise idée de dormir, pour toi aussi. C'est un baillement que j'entends non ?" dit-il avec un petit rire. "Tu vas t'en sortir, Liv', une bonne nuit de sommeil te fera pas de mal. On se tient au courant, ok ? Hésite pas à m'envoyer un petit texto ou à me proposer un café." conclut-t-il avant de lui souhaiter une bonne nuit et de raccrocher. Il branche son téléphone au chargeur et se rallonge dans son lit avant d'éteindre la lumière de chevet.