@faye warren & @mallory singh
Petite musique d’ambiance. Pas une musique d’ascenseur, quelque chose de tranquille, d’agréable. Quelque chose qui donne envie de rester et de consommer. Quelque chose qui laisse libre court à l’imagination des artistes plastique. Et sans doute quelque chose que Mallory vient massacrer en fredonnant le même air, sans aucune justesse, en faisant couler les diverses boissons. Il fredonne les recettes, une part une, sa manière à lui de se souvenir des trucs, de ne pas inverser certains ingrédients, comme à son premier jour. Comme à sa première semaine. Faut dire qu'il n'était pas très débrouillard, même si ce n’était pas son premier taf ni son coup d'essai. Maintenant, Mallory, il sait y faire. Il sait où est son matériel et il ne fait plus déborder aucune tasse. Au bout de quelques années, il vaut mieux, bien que l’on ne soit jamais à l’abri d’un raté. “Latté glacé, matcha glacé et … cold brew noisette !” Que le brun se permet d’annoncer en les plaçant sur le plateau pour la serveuse. Petite étiquette sur chaque verre. Trop de joie de vivre. Trop d’énergie. Il faut croire qu’il a passé une bonne nuit.

Il attrape la prochaine commande, continuant de fredonner comme s’il était chez sa mère. Enfin chez lui. Pas vraiment chez sa mère. Thés froids. Pêche, citron et la dernière nouveauté hibiscus et framboise. Glaçons. Liquide. Sirops. Cadence militaire alors qu’il dépose la suite sur le nouveau plateau. Ils font tous de leur mieux. Demi tour sur les talons, faire face au comptoir, à la peuplade et se trouver nez à nez avec une jeune femme qui pétille. Pas une cliente habituelle, pas une employée non plus. Curiosité, courtoisie, sourire. “En quoi est-ce que j’peux vous aider ?” Sois pro, Mallory.

@faye warren & @mallory singh
Il se pose comme s’il était chez lui, les coudes sur le bar. Il n’y a personne derrière la demoiselle, cela laisse le temps à la discussion sans prise de tête. Deux choses. Le voilà intrigué. Un sourcil haussé, la moue dubitative mais curieuse sur la trogne. Un thé glacé maison. Il le note, sans bouger. Il a une bonne mémoire le bougre, cela lui sauve les miches bien plus souvent qu’il ne veut bien le dire. Hochement de tête positif. “Pêche ? Citron ? Ou la dernière nouveauté, framboise & hibiscus ?” La question professionnelle qui vient couper la conversation en deux, suite à la demande de la taille. La plus grande, thé glacé. C’est noté. Et en second lieu, elle aimerait parler au manager. Le sourcil arqué. D’un coup, le sang tombe, l’impression d’avoir froid dans les mains. Cliente mécontente ? Réfléchis, mou d’la chapelle, si elle était mécontente, elle demanderait certainement pas un thé glacé en grande taille. Oui. Non. C’est un fait. Mallory se redresse lentement, commençant à se saisir du gobelet. Elle souhaite voir la patronne, donc, sur place, ce qui semble logique dans sa petite tête brune. Le rire s’échappe chez elle et la demoiselle dissipe toute peur, appréhension et surtout questions intrusives. Elle n’est pas une Karen. Il peut souffler. Elle vient présenter un projet. Il met la boisson en stand-by le temps de l’écouter. Pas encore de glaçon ni de base de thé dans le gobelet. Juste le gobelet entre les mains. Retour aux coudes sur le plan de travail. Elle organise des évènements queer et elle trouve que le lieu se prête à ses bingo drags ou brunchs. Attendez, quoi ? Bingo et brunch drag ? Et il ne savait même pas que ça existait ? Le voilà curieux. Elle a ramené documents et études de marché. Il faut qu’elle parle à la bonne personne, si cela peut intéresser.

“Eh bah … j’suis pas la bonne personne. Enfin si mais non mais … ah merde. J’suis pas l’manager, loin de là, mais j’suis curieux ! Attendez, bougez pas j’vais voir si la patronne est là aujourd’hui.” Il se sent assez con, faut dire. Cela lui arrive, de temps en temps. Et le thé glacé ? Oh bah il peut attendre deux petites secondes que tu vérifies si madame est là ou si c’est Nora qui prend le relais aujourd’hui. Ni Nora, ni la patronne dans le champ de vision pour l’instant. Alors, la curiosité prend le dessus et la magouille arrive à grand pas. “J’vois personne pour l’instant. Sans doute en pause repas, clope, que sais-je, mais j’peux écouter si vous voulez ! Histoire de … faire un premier jet de votre speech !” Il commence alors, enfin, à préparer la boisson. Les glaçons, la base de thé, le sirop demandé par la demoiselle. “J’vais p’t’être sonner ridicule mais … bon y’a personne, on va pas venir me casser les rollmops. C’quoi vos pronoms du coup ? Que … j’fasse pas d’connerie ?” Parce qu’on ne sait jamais et lui-même le sait assez bien. Pour avoir eu une crise identitaire lors de l’adolescence - comme un peu tout le monde, il pense.