En fond sonore, un film.
Il a oublié le nom. Il n’a pas choisi. Il ne se concentre pas sur l’histoire, le synopsis. Son esprit est ailleurs. La tête posée sur les genoux de la belle, il a le regard rivé vers l’écran, une main posée sur sa cuisse et elle, elle est en train de glisser ses cheveux dans ses cheveux … un instant de tendresse, un instant anodin. Elle apaise, Joséphine. Elle efface le stress accumulé par les journées de service mais sa présence, ses doigts fins dans ses cheveux n’apaisent pas les pensées qui tournent en boucle dans son esprit. Pourquoi ? Est-ce qu’il n’est pas à son goût ? Est-ce qu’elle ne le trouve pas attirant ? Est-ce qu’elle n’a pas envie de le laisser s’approcher car elle n’est pas encore convaincue par son rôle de fiancé, de futur époux ? Est-ce qu’elle hésite ? Sans le savoir, sans le vouloir, elle remet en question la virilité mais surtout la confiance en lui d’Archie. En proie au doute, il ne sait pas … il ne sait pas s’il doit déposer un baiser sur sa cuisse tout en lui soufflant qu’il y a de nombreuses manières de la faire frissonner sans manquer à son envie de rester vierge avant le mariage. Ou s’il doit se tenir à distance et attendre que ce soit elle qui vienne vers lui, qui lui fasse comprendre que la curiosité est plus grande … Les sourcils se froncent alors que la paume de sa main semble brûler contre la peau de sa cuisse.

Lance toi !
Lance-toi, Archie ! Demande-lui !
Ose !

Après tout, ils peuvent se confier. Ils peuvent s’ouvrir l’un à l’autre. Un duo de chic et de choc. Non ?

« Jo », qu’il souffle alors en tournant légèrement la tête vers elle pour déposer un baiser sur sa cuisse. Un moyen d’attirer son attention. « Je sais que tu m’as confié vouloir attendre notre nuit de noces … et tu sais que je respecte ça, » il tourne la tête vers elle pour pouvoir la regarder et observer la moindre de ses réactions, « je ne t’ai jamais demandé pourquoi ? Est-ce que … je peux te poser cette question ou est-ce que tu trouves ça trop … intrusif ? », qu’il demande à voix basse, presque dans un murmure, car il ne veut pas la brusquer. Il ne veut pas la secouer. Il avance sur un terrain miné. Il est prudent.

« Non... Je suppose que c'est normal de se poser la question. » Un point pour Victoria. Elle avait eu raison. Il lui en toucherait deux mots --- ou pas. Néanmoins, cette affirmation lui permet de rester concentré sur sa fiancée et sur ses réactions. Elle accepte qu’il pose la question, elle accepte qu’ils en parlent. Une étape en soi. « Je me suis fait une promesse étant gamine. Un genre de pacte avec moi-même. Je ne donnerai ma vertu qu'à mon mari, le soir de notre mariage. » Archibald hoche la tête. À vrai dire, c’est une promesse vertueuse, emplie de bon sens même si c’est une vieille promesse … qui n’appartenait pas aux femmes à une certaine époque. À ses yeux, il y a parfois tellement plus dans une relation sexuelle, intime … il se demande si ce n'est une folie que de se marier à quelqu’un sans savoir si cette harmonie perdure également en froissant les draps, ensemble. Il se demandait s’il serait à la hauteur, s’ils se correspondront et s’ils seront heureux. « C'est vieux jeu, je sais. Mais ça me tient à cœur. » Silencieux, il digère les informations. Cela lui tient à cœur, alors il est évident qu’il ne va pas essayer de la faire changer d’avis. Il ne se le permettrait pas mais il se permet de poser d’autres questions … il en a le droit ? elle le lui a permis, non ?
« Et, est-ce que tu en as hâte ? est-ce que tu appréhendes ? », qu’il demande alors prudemment. « Je suis quelqu’un de tactile », le fait qu’il soit collé à elle, qu’il savoure les doigts de la Belle dans sa chevelure en sont la preuve, « et ça me manque, pas le sexe enfin si le sexe aussi mais j’ai compris et je respecte, c’est juste que ça me manque … cette proximité avec ma partenaire, le sentiment d’être aimé, désiré de toutes les manières qui soit …» Il parle sans doute un peu trop. Il se confie un peu trop.

« Je n'ai jamais ressenti le besoin de franchir le cap... Je n'ai jamais... éprouver du... désir ? »
Il l’observe, l’écoute.
« Et je ne parle pas que de toi. Je parle ... pour n'importe quelle personne sur Terre. Tu sais, je n'ai jamais fantasmé sur un acteur ou un chanteur. Je sais que le problème vient de moi... Regardes-toi. Tu es ... Tu es parfait ! »
Et, il se redresse soudainement sans pour autant que ce soit fait dans un geste brusque. Archi s’installe, assis sur le côté pour finalement lui faire face, oubliant le film qui est toujours en train de se jouer à quelques pas d’eux.
« Parfait ? Pas si parfait que ça si tu n’as jamais osé m’en parler --- tu sais que tu peux tout me dire. » Il hésite à lui prendre la main, il ne sait plus vraiment comment se comporter avec elle. A-t-elle seulement envie qu’il lui prenne la main ? Ou est-ce que ce contact est déjà de trop ? « Ce n’est pas un problème, cela le devient, si on le considère comme tel. » Il connaît ce concept … de nom. L’asexualité. Un concept qu’il ne comprend pas – certes – mais un concept qu’il connaît et maintenant qu’elle lui confie ces quelques mots, il semble comprendre … « Josephine, je pense pas pouvoir --- », il se pince les lèvres, passe une main dans ses cheveux regrettant déjà le début de sa phrase, « je ne pense pas pouvoir passer une vie à côté de toi sans avoir la possibilité de te toucher, de t’embrasser, de t’aimer … pleinement. »

« Je... j'pensais que ça changerait. Avec le temps ou ... avec ... en sautant le pas, tu vois ? Ce n'est pas facile d'avouer ce genre de choses, de se dire qu'on est anormale. J'peux comprendre que ... que tu ne veuilles plus de moi. »
Il fait claquer sa langue et finit par venir prendre ses mains, la faisant cesser de jouer nerveusement avec ses doigts.
« Tu n’es pas anormale. Et je n’ai jamais dit que je ne voulais plus de toi. » Ses doigts s’entremêlent aux siens et une main vient se poser sur sa joue pour lui faire relever la tête. « C’est juste que --- ça me fait peur à moi aussi, Jo », il hausse les épaules. « Je n’ai pas envie que tu sois malheureuse avec moi, je n’ai pas envie que tu te forces à quoique ce soit pour moi, à cause de moi --- je veux que tu sois heureuse, que tu te sens belle, que tu te sentes comme la personne parfaite que moi je vois en toi car bon sang, tu es la personne avec qui je souhaite passer le reste de mes jours, Jo --- mais ça me briserait le cœur de savoir que mes baisers, mes caresses soient une torture pour toi … » Ses doigts caressent doucement la peau de sa joue pour finalement se perdre dans ses cheveux blonds. Son regard se plonge dans le sien. Et, il aimerait qu’elle lui souffle que ce n’est pas le cas, que ses baisers ne sont pas une torture … il aimerait un geste de tendresse, un signe, l’espoir. Alors, il s’y accroche, à son regard et retient son souffle.

« Tes baisers sont loin d'être une torture. »
Il plisse les yeux, essaie d’y déceler un potentiel mensonge mais il ne semble pas voir le moindre mensonge … aveuglé par la pudeur, aveuglé par sa propre candeur.
« Je suis heureuse avec toi, Archibald. Tu es celui qui me comble. Entièrement. C'est juste que moi... je n'ai pas besoin de ça pour être comblée. »
Voilà que son cœur battait un peu plus vite. Il avait envie de lui dire qu’elle pourrait découvrir un tout autre monde, il suffisait de se laisser aller … mais il savait également que l’asexualité était quelque chose qui existait. Peut-être qu’elle n’était pas juste pudique, peut-être qu’elle était vraiment asexuelle et que ce sujet allait rester à jamais un sujet de torture. Mais ses pensées s’évanouissent quand elle se penche vers lui pour capturer ses lèvres.
« C'est toi que je veux, Archie. Toi que j'ai toujours voulu. »
Il ouvre doucement les yeux quand elle lui souffle ces quelques mots contre ses lèvres. Son front se pose sur le sien.
« Alors, c’est moi que tu auras … et on découvrira tout ça, ensemble, main dans la main, pas à pas », qu’il réplique dans un murmure sans changer de position. Et c’est sans éloigner ses mains de sa peau qu’il vient de nouveau cueillir un baiser sur ses lèvres, la main glissant dans sa nuque et la simple idée de pouvoir ne serait-ce que pouvoir poser la main sur elle intensifie ce baiser. Le vin. La fatigue. Le fait qu’il pourrait, un jour, peut-être, la faire frissonner – quel naif ! – il s’embrase. Seul. Lui et ses foutues hormones.

Certains pensent que l’on peut lire beaucoup dans un baiser. Certains pensent qu’un baiser peut transformer votre vie, chambouler l’organisation interne de vos organes. Il paraît que certains ont des fourmis dans le ventre, les joues qui brûlent. Archibald n’a jamais ressenti ça. Pour qui que ce soit. Oh bien sûr, il est mu par des hormones – et un paquet quand on repense à son adolescence – mais il n’a jamais compris ou saisi ce que les autres disaient. Et il a fini par considérer que c’était des images poétiques et romancées … en rien à voir avec la vérité. Alors, quand ses lèvres viennent cueillir de chastes et tendres baisers sur les lèvres de sa fiancée et petite-amie, il ne s’imagine pas vivre un tremblement de terre. Ces baisers sont doux, agréables, apaisants ou peut-être simplement rassurants. Sa main glisse vers sa nuque alors que le baiser s’intensifie.

Ce soir, ce baiser est un appel au secours. La guerre froide menée contre ses parents. La distance les séparant qu’ils le veuillent ou non. La peur de ne pas être à la hauteur, de ne pas lui plaire. Ce baiser est son appel au secours. Il s’accroche à elle, à ses lèvres car il a besoin de se sentir aimé et rassuré. Quand elle se rapproche et réduit un peu plus les centimètres qui les séparent sans pour autant venir se lover contre lui, il semblerait que son cœur batte un peu plus vite. Son bas-ventre s’anime et il sait qu’il doit y mettre fin pour ne pas finir par perdre pied … à regret, il y met fin sans pour autant retirer sa main de sa nuque. Les paupières s’ouvrent de nouveau, il plonge son regard dans le sien. Il sait – il a compris ! – que rien ne se passera … pas avant la nuit de noces. Il sait qu’il devra prendre une douche un peu longue que la normale pour ne pas penser à sa silhouette se glissant sous ses draps pour dormir près de lui. Il sait qu’il devra chasser les quelques images de son esprit qui viennent d’y prendre place. Il sait et bordel ! ça va être compliqué.
« Merci d’être venu --- d’être ici », avec lui, après ce dîner des plus horribles. Le bout de ses doigts caresse ses joues. « Je t’aime, Josephine. »

« Je t'aime aussi, tu sais. » Front contre front, il acquiesce alors qu’en réalité, parfois il doute … parfois, il se pose des questions. Il se demande si elle l’aime … vraiment. Il se demande s’ils font le bon choix. Car, Archie n’a pas toujours les bons mots et a besoin de plus que des mots pour se sentir aimé. C’est là qu’ils diffèrent l’un de l’autre – il le croit du moins. Son regard quitte le sien pour se poser sur ses lèvres rosées et sa fantaisie le lance déjà dans un tas de scenarios … qui ne sont pas encore réalisables, hélas. Elle s’avance et vient se lover contre lui, enroulant ses bras autour de lui pour venir finalement poser sa tête sur son torse. Son cœur bat un peu plus fort et ses bras viennent à son tour encercler la frêle Joséphine. « Je ne sais pas comment faire, tu sais... Mais peut-être que tu pourrais m'aider ? Enfin, m'apprendre ? » Elle murmure avec pudeur … et le cœur d’Archie ne bat pas qu’un peu plus fort, il bat un peu plus vite. « Je veux que tu aies la possibilité de m'aimer, de me toucher et de m'embrasser aussi pleinement que tu en as envie. » Elle relève la tête pour venir accrocher son regard et Archie en a presque quelques difficultés à déglutir. Il l’observe avec cette tendresse habituelle mais une lueur brille au fond de ses prunelles … car il a le sentiment de pouvoir toucher du bout des doigts ce qu’il lui manque, ce qui manque à cette relation, à leur couple, … il se pince les lèvres un instant. Avec ses paroles, avec son regard, elle le déleste d’un poids … Archie se sent soulagé, soulagé de ne pas être le problème, de ne pas être face à un mur … il est soulagé d’entendre qu’elle en ait envie, qu’elle ait envie de le voir et l’avoir près d’elle. Il a les joues qui brûlent à l’idée de pouvoir se perdre en elle, contre elle. Il a le cœur qui bat la chamade à la simple idée de pouvoir la sentir frissonner, la voir vibrer … car il a la candeur de s’imaginer en être capable … car elle lui a dit : elle l’aime. Lui. « Tu n’as même pas idée de combien ces paroles me rendent encore plus amoureux … te rendent encore plus belle. » Il prononce ça comme stupéfait de l’effet de simples mots sur sa personne. Ses doigts caressent sa joue pour finalement tendre un peu plus le cou vers elle. « Bien sûr … », souffle-t-il contre ses lèvres sur un ton rassurant. Bien sûr, il lui montrera. Bien sûr, il fera cette aventure à ses côtés … Ses lèvres déposent un baiser sur les siennes avant de glisser dans son cou. « On se découvrira ensemble --- », car il n’a pas l’arrogance de lui apprendre quoique ce soit … il apprendra à découvrir ce qu’elle aime, ce qu’elle désire, ce qui la fait vibrer ... en pensant naïvement en posséder les clefs. Ses baisers glissent dans son cou alors qu’une main se fait un peu plus courageuse et vient effleurer du bout des doigts le tissu de sa robe au niveau de sa poitrine … il aimerait pouvoir avoir l’audace, le courage de déboutonner cette dernière … il aimerait en avoir l’audace, oui. Il s’enivre de son parfum, de cette odeur rassurante qu’est la sienne … « On a dit que tu dormais ici ce soir … ? », demande-t-il alors en ramenant ses lèvres contre les siennes, les mains venant se poser dans le creux de ses reins. La gourmandise jusque dans les yeux, il la dévore du regard. Prédateur de l’amour.