@Sorcha Adair & @Nelly Scott

(o u t f i t) · Lorsque Lisa Scott apprit qu'une des galeries de South Bank organisait une exposition à la fin du mois, elle y convia sa seconde fille. Ce fut pour elle l'occasion rêvée pour faire le point sur la santé mentale de Nelly, mais surtout d'échanger sur son devenir. Lisa voit bien que depuis quelques temps, Nelly n'est plus elle-même. Sa fille ne prend plus autant soin d'elle qu'auparavant, ne l'appelle plus pour l'informer des dernières nouveauté en matière de mode, et finit régulièrement ivre aux repas de famille. Pour la mère de famille curieuse et engagée dans le bien-être de ses enfants, Lisa est donc décidée à s'offrir un temps avec sa fille pour comprendre les choses. Pour elle, nul doute que Keith est derrière tout ça. Depuis qu'elle a appris que sa fille était de nouveau en contact avec ce voyou O'Connor, Lisa s'est immédiatement imaginée le pire. Keith lui a revolé son cœur avant de le piétiner à nouveau, une seconde fois. C'est forcément la raison derrière les changements de Nelly, et cette façon qu'elle a maintenant, de rester terrer chez elle.

Qui dit proposer une sortie à Nelly, dit la convier à un défiler de mode, à une séance shopping ou à une exposition d'art. C'est donc tout naturellement que Lisa profite du jour chômée de sa fille pour venir à l'improviste chez elle, un dimanche après-midi, afin de la conduire à une nouvelle exposition d'art en ville. Son compagnon dinera sans elle. Cette fin de journée, Lisa compte bien l'accorder à Nelly, comme elle a pu le faire par le passé avec d'autres de ses enfants. Reçue comme elle le prévoyait – par des jérémiades mêlées à des cris – Lisa arrive néanmoins à convaincre sa seconde fille ainée. Sortir ensemble leur fera du bien et les aidera, soi-disant, à retisser un lien.

C'est ainsi que mère et fille passent l'après-midi ensemble, une fois Nelly fin prête et pomponner. Lisa note évidemment que Nelly a passé trois fois moins de temps à se préparer qu'elle pouvait le faire par le passé, et est bien décidée à lui en parler entre quatre yeux. D'ici ce soir. Ou peut-être durant le diner, dans ce restaurant gastronomique où elle a déjà entrepris de réserver une table.

– Celle-ci, ma chérie ? Elle irait bien dans ta chambre ! s'exclame-t-elle après avoir refait trois fois le tour de la galerie, à la recherche de la toile parfaite pour Nelly.
– Elle est un peu chère, maman, murmure aussi discrètement que possible Nelly, qui essaye encore de contrer son horrible mal de tête, dû à son état d'ébriété de la veille. Que penses-tu de celle-là, plutôt ?

Mère comme fille commentent ensemble chaque toile, chaque statue, et finissent par sortir chacune son chéquier. Lisa insiste pour offrir à Nelly ce cadeau, mais sa fille est tout aussi entêtée qu'elle, et finit par payer la totalité de leurs achats respectifs. Ce n'est qu'une fois terminée et sorties de la galerie que Lisa pousse un soupir d'épuisement. Après avoir piétiné autant, la mère de famille est vidée d'énergie. Nelly lui propose de patienter sur le banc situé à deux pas de-là, pendant que de son côté, elle part chercher sa décapotable au parking souterrain, huit cent mètre plus loin.  Dans le fond, ça lui fait du bien à Nelly, de passer enfin un moment comme celui-ci avec sa mère. Car leur relation n'était plus au beau jour, et toutes deux avaient tendance à plus se hurler dessus qu'à s'écouter vraiment.

Désormais seule dans les rues de Brisbane, Nelly trottine presque. Pas très vite, puisqu'elle n'a plus l'habitude de pratiquer une quelconque activité physique. Mais suffisamment pour espérer croiser personne qu'elle connaisse. Et par-là, c'est bien à son ex belle-sœur qu'elle pense. Sorcha habite pas loin. Nelly a un très bon centre de l'orientation et sait que dans la rue parallèle à celle-ci, vit celle qui est aujourd'hui, son pire cauchemar. Celle à éviter à tout prix.

Avec Sorcha, elles ne se sont pas revues ni reparlées depuis plusieurs mois. En réalité, depuis que Nelly a tenu des propos homophobes à son encontre et que Sorcha a quitté son appartement en claquant la porte. Son départ – bien que demandé par Nelly – a été un coup dur pour la Scott, qui s'est forcée de ravaler ses larmes et s'est mise à picoler plutôt que de partir à sa poursuite. Elle l'a laissé s'envoler. Elle, et le rêve qu'un jour elles puissent former un nous. Depuis, Nelly refuse d'entendre parler d'elle, et essaye coûte que coûte de l'oublier. En vain.

Au volant de sa BMW, la capote ouverte, Nelly se dépêche d'aller récupérer sa mère. De son côté, Lisa attend patiemment sur le banc, ses deux toiles bien emballées en main. Au même instant où la voiture de Nelly surgit dans la rue de la galerie, le regard de Lisa se pose sur une silhouette au loin, qui s'approche – involontairement peut-être ? – d'elle. Ses yeux s'agrandissent alors qu'un sourire béat prend soudainement possession de ses lèvres. La blonde se lève d'un bond et se met à secouer sa main dans les airs.  

– Sorchaaaaa !!! Ouhouuuu ! Par ici ! hurle-t-elle toute heureuse de pouvoir croiser la route de celle qui fut sa belle-fille favorite. Lorsque la petite brunette arrive à sa hauteur, Lisa ne lui laisse pas le temps de réagir et lance de ses bras réconfortants de maman, en lui soufflant déjà un très joyeux anniversaire. Parce qu'elle est ainsi Lisa ; elle connait les dates d'anniversaire par cœur et trouve d'ailleurs extraordinaire que le destin l'ait mis sur la route de Sorcha le jour de son anniversaire.

Depuis sa voiture, Nelly remarque que sa mère n'est plus seule. Ce n'est qu'une fois à la hauteur qu'elle réalise qui se trouve face à Lisa, en train de discuter avec elle. Ses sourcils se froncent alors qu'elle pile violemment en manquant de peu de rentrer dans la voiture garée sur le côté. La voiture derrière elle la klaxonne et arrive à l'esquiver en se déportant sur la gauche. Le conducteur l'insulte de femme au volant, et se reçoit en guise de réponse un regard destructeur. Bien décidée à rester garée en double file pour ne pas sortir du véhicule et affronter Sorcha, Nelly reste assise derrière le volant.

– Allez monte, maman ! On y va, ordonne la Scott d'un ton glacial.
– Olala Nelly, tout va bien ? Tu as failli te tuer ! Sois plus prudente !!! Enfin, qu'importe ! Regarde qui est lààààà. Sorcha !! s'enthousiasme Lisa d'un ton abominablement niais.

Forcée de poser son regard sur elle, Nelly déglutit lorsque leurs regards s'accrochent. Elle ne lui glisse par un mot et se contente de lui offrir un sourire des plus faux, alors que son cœur, lui, se brise encore en mille morceaux. Elle qui voulait l'esquiver, c'est loupé...

@Sorcha Adair & @Nelly Scott

(outfit) Trente-six ans. Elle aurait préféré l’oublier cet anniversaire, mais elle y a pensé toute la journée et surtout on l’y a fait penser. La quarantaine lui semble bien proche désormais. Elle a pas tellement peur de vieillir Sorcha, mais elle a peur de ce que ça signifie pour son corps et ses envies, surtout après cet affreux rendez-vous avec une gynécologue de l’hôpital. Elle aurait jamais dû faire ce test de fertilité, mais elle était curieuse. Elle l’a bien regretté, parce que les résultats sont loin d’être à la hauteur de ce qu’elle espérait. Sa collègue a pourtant essayé de la rassurer: ça veut rien dire, les résultats peuvent être fluctuants selon tout un tas de facteurs. Mais pour la brune, ça change rien. Elle arrête pas de se dire que son temps est compté, que la fenêtre se ferme et cet anniversaire c’est une occasion de plus de se torturer avec cette idée. Elle l’a admis, qu’elle veut vraiment un enfant. Le truc, c’est qu’elle en a jamais été aussi loin, à maintenant trente-six ans, toujours célibataire et pas prête de rencontrer quelqu’un. Bien sûr, on le lui a dit, il y a d’autres solutions maintenant. Mais elle pense à son quotidien, aux exigences de son métier, à son salaire et au manque de famille autour pour l’aider. Autant dire qu’elle voit pas comment ça peut être faisable.

Les choses vont mieux pourtant, dans l’ensemble. Elle a arrêté ses anti-dépresseurs, d’un commun accord avec son psy. Elle a déménagé, proche de son ancien appartement, mais dans un autre qui lui plait bien plus, qu’elle a l’impression d’avoir vraiment eu le temps de choisir et dans lequel elle se sent bien. Le déménagement l’a épuisée, mais cette fois elle a vidé le dernier de ses cartons, ce qui est clairement un progrès par rapport à la dernière fois.

Peut-être qu’elle devrait se satisfaire de ce qu’elle a. Elle va mieux, c’est important, non ? Pourtant, elle a beau faire, elle a beau essayer de nouvelles activités, avoir repris goût à son travail et se sentir chez elle comme dans un cocon, y a ce trou béant dans sa poitrine et dans sa vie qu’elle arrive pas à combler, peu importe à quel point elle essaie de l’outrepasser ou de l’ignorer. C’est là, ça veut pas partir et elle sait vraiment pas quoi faire pour que ça disparaisse enfin.

Surtout aujourd’hui. Son anniversaire, elle l’a passé au travail jusqu’en fin d’après-midi. On lui a bien sûr demandé ce qu’elle compte faire ce soir. La réponse ? Rien du tout. Enfin, peut-être qu’elle ira boire un verre avec des copines un de ces soirs, histoire de marquer le coup mais elle se voit pas faire plus. Elle a pas tellement le coeur ni l’énergie à organiser une grande fête, surtout chez elle où elle est encore en train de s’installer. Elle a d’ailleurs profité de son temps libre pour organiser sa cuisine, pièce qui est presque terminée. Elle fait ce qu’elle peu, petit bout par petit bout et a bien avancé quand elle décide d’aller se promener dans le quartier histoire de se changer les idées.

Elle marche un moment, essayant de se vider la tête, de profiter de la fraicheur de la soirée, de l’animation des rues de son quartier. Plongée dans ses pensées, il lui faut quelques secondes pour réaliser qu’on l’appelle, et reconnaitre Lisa. L’écossaise sait honnêtement pas si c’est une bonne ou une mauvaise idée qu’elles se croisent par hasard. Pourtant, elle sourit et lorsque la mère des Scott l’enserre de ses bras, la brune répond à l’étreinte. Ca lui a manqué, beaucoup même. Malgré les soucis, Lisa a été une figure importante durant trois ans et elle se réfugie contre elle comme elle le ferait auprès d’une mère de substitution. Elles étaient proches avant, et Sorcha se souvient très bien de comment ça a commencé: ce jour où elles faisaient la vaisselle dans la cuisine, où Lisa lui a demandé des détails sur son enfants, pourquoi elle a fini en foyer. L’infirmière a jamais rechigné à répondre aux questions sur le sujet, alors elle a raconté. Et après ça, elle a bien remarqué que Lisa redoublait d’attentions envers elle.

Quand elle lui souhaite son anniversaire, ça lui fait vraiment plaisir à Sorcha. Elle la remercie à voix basse. Elle voudrait lui raconter ce qu’elle a sur le coeur, mais elle sait que ce serait dépasser certaines limites, parce qu’elle est pas sa fille alors elle peut pas se comporter comme telle. Alors elle se contente de répondre aux questions. Oui elle va très bien, le travail se passe bien aussi. Elle vient de déménager.

Soudain elle entend la voix de Nelly et elle sursaute presque. Parce que ça, elle s’y attendait vraiment pas. Des mois qu’elles se sont plus revues, plus parlées, depuis cet affreux déjeuner manqué. La peine qu’elle a eu, il lui a fallu du temps pour s’en remettre et maintenant qu’elle se retrouve face à la blonde, elle est plus si sûre que ce soit fait finalement. Elle est pas idiote Sorcha, elle sait qu’il y avait autre chose qu’une simple homophobie, ou biphobie tant les attitudes de la styliste étaient pleines de contradictions. Mais ce qu’il s’est passé lui a fait trop mal et elle aurait pas pu en endurer plus. Elle pense à ses pâtisseries, qui ont dû finir à la poubelle.
Le seul contact qu’elle a eu avec son ex belle-soeur, c’est lui envoyer un chèque en estimant le montant approximatif de ce qu’elle avait du débourser. Ce serait un sacré trou dans son budget, mais elle voulait rien lui devoir.

Nelly avait occupé bon nombre de séances chez son psy, jusqu’à ce qu’il ait cette question qu’elle aurait préféré ne jamais entendre: Sorcha a-t-elle des sentiments pour cette femme ? La réponse a été sans appel - non, absolument pas.
Mais elle n’avait pas été aussi certaine qu’elle aurait dû l’être dans sa réponse. Et ça l’a travaillée depuis, évidence qu’elle ne veut pas voir mais qu’il faudra pourtant bien regarder en face un jour. Même si c’est fou, ridicule, invraisemblable.

Et maintenant, Nelly est là. Lisa est si heureuse qu’elle semble pas voir le malaise qui règne. Ce sourire qu’a la blonde, Sorcha le connait. Elle la regarde sans lui parler, autant dire que l’écossaise est sûrement la dernière personne qu’elle aurait envie de voir. La brune tente un faible sourire, un « Bonsoir Nelly. » d’une voix qu’elle espère neutre, posée. Elle se tourne vers la mère Scott, le sourire cette fois plus franc, avec l’intention de s’esquiver le plus rapidement possible. « Je vais vous laisser, vous devez avoir à faire toutes les deux. »