@Andy Unigwe


C’est simple, tu la détestes. Oui, tu la détestes. Elle t’a fait poireauter deux heures pour quoi ? Rien. Et toi tu es bien trop stupide pour avoir osé bouger. Ça t’apprendra à faire confiance aux femmes, ou faire confiance tout court. Elle, qui avait soit-disant besoin de cette étagère. Si elle en avait vraiment besoin, elle serait venue. Elle ne t’aurait pas posé un lapin. Cette phrase te fait grimacer, un lapin. Est-ce qu’elle a vraiment fait ça ? Faut croire, c’est ce que les gens disent lorsque la personne ne vient pas. Elle t’a posé un lapin. Pire, tu t’es fait poser un lapin, toi Zeke. Depuis quand ? La dernière fois tu étais au collège, autant dire que cela remonte. Tu ne te laisses pas berner par les gens, ce n’est pas dans tes habitudes, mais là… là tu pensais vraiment que la donne avait changé entre vous. La guerre s’est apaisée, tu n’avais plus envie ces derniers temps de l’emmerder. Tu préférais voir son sourire. Et voilà, tu te sens doublement stupide. Tout ça ne te ressemble pas du tout. Tu avais juré depuis Sadie de ne plus te faire avoir, de laisser les gens en dehors de ton espace. De ne plus t’attacher aux femmes. Et elle. Elle qui est entrée dans ta vie, le jour ou tu as appris que Sadie se fiançait. Elle que tu trouvais belle, avant qu’elle n’ouvre la bouche. Elle dont tu t’es rapproché ces derniers jours. Elle qui vient de te poser un lapin. Ça t’énerve. Elle t’énerve. Oui, tu la détestes, à nouveau. Tout ceci n’était sûrement qu’un jeu pour elle. Tu n’étais qu’un jeu ? Cette idée te déplaît et pas qu’un peu. Tu détestes te sentir ainsi. Ta voiture que tu finis par garer devant l’immeuble. Il faut que tu reprennes le contrôle de ton esprit. Tu bouillonnes et ce n’est pas bon. Seulement cette situation t’énerve, elle t’agace plus que tu veux le croire. Parce que ce n’est pas dans tes habitudes. Parce que tu ne supportes pas t’être fait avoir.. cette situation, elle, tout ça, il faut que tu y mettes un stop et pour de bon. Elle va comprendre que jouer avec toi ça a ses limites.

Tu es remonté et pas qu’un peu.
Ne prenant pas la peine d’attendre l’ascenseur. Tu as assez attendu pour la journée. Tu gravis l’escalier rapidement, serrant tes poings. Rentre chez toi, que tu songes. Ne fonce pas. Trop tard. Ton poing qui tambourine sur cette porte. Tu devrais rentrer chez toi, faire comme si rien ne s’était passé. Reprendre le court de ta vie. Oui, tu devrais, mais non tu n’arrives pas à passer outre. Tu ne sais même pas si elle est là. Si c’est elle qui va ouvrir. Tu attends de nouveau. Diable que tu détestes ça. Cette journée rythme avec attente et ça te met les nerfs à rude épreuve. Tu souffles un bon coup. La porte finit par s’ouvrir. « C’est qu’on est en vie à c’que je vois. » tu la laisses même pas parler, la colère a besoin de sortir. « J’peux savoir pourquoi tu m’as laissé en plan ? T’avais sûrement mieux à faire ? Laisse-moi deviner, ton prétendu copain ? Un autre mec à faire miroiter ? Ou alors non mieux tu devais sauver la vie de quelqu’un ! » tes poings qui se serrent, puis se détendent. Tu recules d’un pas. Levant les mains en l’air, « bon sang que j’suis con d’avoir pu croire que c’était pas un jeu, mais t’es bien comme les autres ! La prochaine fois trouve-toi un autre pigeon ! » que tu lâches agacé. Énervé de t’être fait avoir. Énervé d’avoir surtout cru qu’un truc se passait entre vous. De t’être fait prendre, alors que tu t’étais interdit tout ça.. énervé de savoir qu’au fond tu tiens à elle.

@Zeke Fitzgibbons
Ce n'est pas comme ça qu'on l'a élevée, Andy. On lui a appris à honorer ses promesses et ses rendez-vous, à prévenir si elle ne pouvait finalement pas s'y rendre, à être polie et tolérante. Pourtant, elle est allée à l'encontre de tout ça sans trop y réfléchir. Elle lui en veut un peu, à Zeke. Il y a des choses qui ne sont pas claires, des liens qu'elle aurait préféré découvrir autrement qu'à travers sa porte en laissant traîner ses oreilles. C'est idiot, pourtant, parce qu'il ne se passe rien entre elle et son voisin. C'est ce qu'elle n'a eu de cesse de répéter à Megan. C'est ce qu'elle aimerait croire, sans doute. Elle sait que la vérité est ailleurs, que ce n'est pas vraiment rien, que Zeke ne la laisse pas indifférente. Pas seulement parce qu'il a su la réconforter quand il le fallait, d'ailleurs. C'est un tout, son côté chieur mêlé à une tendresse rare mais bien présente. Andy s'est laissée attendrir mais on ne l'y reprendra pas. Les hommes sont tous les mêmes. Voilà pourquoi elle n'est pas venue à son rendez-vous. Voilà pourquoi elle n'a même pas pris la peine de prévenir Zeke. Quelle excuse aurait-elle pu lui donner, de toute façon ? "J'en ai entendu un peu trop sur ta vie sentimentale et je suis déçue parce que je crois qu'au fond, tu me plais un peu" ? Jamais de la vie. Hors de question que des mots comme ceux-là sortent de sa bouche.

C'est puéril et c'est idiot, parce qu'ils vivent l'un en face de l'autre. Elle ne va pas pouvoir l'éviter éternellement. Ils se croisent trop souvent, ont des agendas qui s'entremêlent, arrivent à tomber l'un sur l'autre même quand Andy rentre de son service à trois heures du matin. Un jour ou l'autre, elle devra lui donner une explication sur son absence. Mais d'ici là, elle aura le temps de trouver une excuse valable ou à peu près plausible, quelque chose d'autre que la vérité. Du moins, c'est ce qu'elle croit, Andy. Parce que Zeke ne lui laisse pas la chance de construire toute une narration, ce qu'elle ne découvre que lorsqu'on frappe à la porte et qu'elle l'ouvre par réflexe. La prochaine fois, elle regardera à travers le judas.

Elle la voit tout de suite, la colère sur le visage de son voisin. Elle aurait pu comprendre et tenter de prendre du recul s'il n'avait pas choisi l'attaque immédiatement. Un autre mec à faire miroiter ? Une vie à sauver ? Zeke, qui n'est pas dans les petits papiers d'Andy en ce moment, jette de l'huile sur le feu. Manque de chance, elle aussi peut se montrer colérique et la flamme monte encore plus haut lorsqu'il l'accuse d'être comme les autres.

- Pardon ? Je suis comme les autres ?, répète-t-elle, à la fois incrédule et en colère. C'est bien à toi de parler. Tu veux qu'on discute de ton cas, peut-être ? Parce que c'est facile de débarquer comme un bourrin et de me gueuler dessus avant même que j'aie le temps d'ouvrir la bouche, comme si toi t'étais irréprochable au possible.

Des reproches, elle en aurait des tas à lui faire, pourtant. A commencer par le fait de lui avoir montré une partie de lui qui est trop douce pour qu'elle parvienne à oublier son existence.

- Alors soit tu redescends d'un cran, soit tu dégages.

@Andy Unigwe


Le calme ou la tempête. Tu as opté pour la tempête. Tu aurais dû opter pour le calme. Garder ton sang-froid. Agir en adulte. Venir posément, lui expliquer ton ressenti. Lui dire ô combien tu as très mal vécu cet abandon. Bon ce n’est pas un abandon, mais plus un lapin. Sauf que cette expression, tu as dû mal à l’assimiler. Tu acceptes pas qu’on ait pu te poser un lapin. Non, dans ta tête ça ne va pas ensemble, c’est juste impossible. On t’a posé un lapin, à toi. Non. Tu refuses. Pourtant, il faut que tu vois la réalité : c’est ce qui s’est passé. Elle t’a posé un lapin. Elle qui voulait cette étagère. Elle qui avait convenu de ce jour, de l’heure, de tout. Alors pourquoi n’est-elle pas venue ? Tu pourrais lui demander, gentiment, posément. Sauf que c’est très mal te connaître. À ce moment précis, tu la détestes. Tu détestes le fait de t’être fait avoir, comme un bleu. Tu détestes le fait de t’être laissé berner. Tu la pensais différente, sincèrement différente des autres. Foutaise. Elle est pareille que les autres. Elles s’amusent, jouent avec toi, tes sentiments. Parce que oui, tu as des sentiments et là, tu souffres. Ton ego aussi en a pris un coup et pas qu’un peu. Et au lieu d’agir en adulte responsable, tu laisses ton ego prendre le dessus et… ce n’est pas beau à voir. Clairement pas. Ton regard qui pourrait transpercer sa peau. Oui, tu es en colère. Oui, tu lui en veux. Tu lui veux ou tu t’en veux ? Tu ne sais pas trop. Un peu des deux.

Et là, si Andy était tout aussi responsable que toi. Elle calmerait la tempête. Bip, erreur. Cela est mal vous connaître. Ton regard qui s’agrandit. Tu as envie de l’étriper. Elle ne vient pas de te dire ça. Elle ne manque pas de toupet, clairement pas. Tu serres les poings. Elle t’agace, encore un peu plus. Ah la maturité, que c’est beau à voir. « Parfaitement, tu prends tu jettes, mais j’suis pas un jouet qui répond présent aux besoins de madame. » tu n’es pas un jouet, mais tu réponds souvent présent lorsqu’elle t’appelle. Pire qu’un chien et ça t’énerve. Pourquoi tu agis comme ça avec elle ? Pourquoi ça te touche autant ? Tu te poses la question, vraiment Zeke ? Tu tiens à elle. Tu pensais qu’il s’était passé un truc la dernière fois. Et là, t’as juste l’impression de t’être fait berné en beauté. « Quoi mon cas ? Excuse-moi, mais c’est pas moi qui aie planté l’autre. C’est pas moi qui aie supplié l’autre et au final qui s’est pas pointé ! Mais pardon madame a mieux à faire. Et non je dégagerais pas. T’as peur de quoi ? Que les voisins voient ta vraie nature. Tintin, jackpot c’est fait ! » bon pour le son de la cloche on repassera. « Mais que j’suis con, vraiment » tes mains qui passent sur ton visage. Oui tu te sens con, con de l’avoir cru, con d’avoir accepté. « J’pensais vraiment que.. » que quoi. Tu te stoppes net. Impossible de laisser filer les mots. Impossible de continuer cette phrase sans te perdre.  

@Zeke Fitzgibbons
Zeke a toujours eu un côté agaçant. Il a suffi d'une première blague pour que la guerre soit lancée entre eux et pour qu'il révèle ses fourberies. Un adversaire de taille, mais du même niveau qu'Andy qui n'a pas lésiné sur les moyens, embarquant même ses colocataires avec elle dans leurs bêtises. Au fil du temps, ce qui ne faisait que l'agacer est parvenu à l'amuser aussi. Cette guéguerre n'avait aucun sens mais elle a apporté un peu de divertissement dans la vie d'Andy et dieu sait qu'elle en a eu besoin - qu'elle en a toujours besoin. Agaçant mais amusant, donc. Puis agaçant et doux. Changement déstabilisant qui s'est immiscé dans les pensées d'Andy pour ne plus en sortir, du moins jusqu'au jour où ses oreilles ont traîné trop près de la porte. Mais aujourd'hui... Aujourd'hui, c'est retour à la case départ. Zeke l'agace, purement et simplement. Elle se sait en faute autant que lui mais elle ne parvient pas à décolérer. Pour qui se prend-il, à débarquer ainsi et à l'agresser devant sa porte ? Pourquoi agit-il comme s'il n'y avait qu'elle qui avait mal agi, comme s'il était blanc comme neige ?

Elle lui fait des reproches, et il les lui rend. Elle ne sait pas ce qui lui prend, à l'accuser d'avoir joué avec lui. Elle ne comprend pas vraiment, Andy. Tout ce qu'elle a fait, c'est ne pas honorer leur rendez-vous. A aucun moment il n'a été question de profiter de lui, de prendre et de jeter. Elle fronce les sourcils alors que l'incompréhension s'installe à mesure qu'elle saisit que son absence n'est visiblement pas le seul problème aux yeux de Zeke. Mais elle n'a pas le temps de creuser. L'homme ouvre à nouveau la bouche, en remet une couche, redonne un peu d'éclat à la colère d'Andy qui apprécie moyennement de se faire passer un savon.

- Te supplier ?, s'esclaffe-t-elle. Je crois pas, non. Tu te fais des films, Zeke. J'ai demandé gentiment et t'as accepté, y a personne qui t'a forcé la main et je me suis certainement pas mise à genoux pour que tu dises oui, tient-elle à rectifier, un peu trop fière pour accepter de le laisser croire n'importe quoi à son sujet. Tu as encore d'autres conneries de ce genre en stock ? Parce que t'as peut-être envie de te donner en spectacle devant les voisins mais pas moi.

Avec un peu de chance, personne n'est là pour les écouter. Elle l'espère, en tout cas, parce qu'elle n'a ni envie qu'on se mêle de sa vie, ni envie qu'on parle d'elle tout bas la prochaine fois qu'elle croise des gens dans le hall. En revanche, elle regrette que Sasha ne soit pas dans les parages. Sa colocataire aurait pu calmer le jeu, puisque ni lui ni elle n'en semble capable. Ou du moins, elle aurait pu se charger de Zeke. Zeke à qui Andy aurait volontiers tiré les cheveux comme l'aurait fait une gamine en attaquant une autre dans la cour de l'école primaire. Mais elle reste sur sa position : elle ne veut pas se donner en spectacle. Alors elle tâche de se montrer un peu plus mature que son voisin en marquant un pas en arrière, visiblement prête à lui claquer la porte au nez et à le laisser râler dans le couloir tout seul. Du moins, presque prête. Parce qu'elle l'intrigue, la phrase qui suit, celle qui s'achève avant même sa véritable fin. Zeke s'interrompt lui-même mais il est trop tard : la curiosité d'Andy est piquée parce qu'elle sent, la brune, que les mots qu'ils ne prononcent pas sont pourtant l'explication même de sa colère, de ce truc que son absence n'a fait qu'exacerber.

- Tu pensais que quoi ? Dis-le.