Elias n'en était pas à son premier verre. Comme toujours quand il faisait la fête, il y allait sans vraiment de modération. De toute façon, à quoi bon faire gaffe. La clope, l'alcool, ça ne faisait qu'accélérer les choses puisqu'un jour ou l'autre, tout le monde finirait par mourir, non ? On ne pouvait pas dire qu'il avait le moral en ce moment. Plus il réfléchissait à sa vie et moins il lui trouvait de sens. Son échappatoire, c'était la musique et malgré ses efforts, son dernier album n'avait pas fonctionné comme espéré. Il avait pourtant du talent, et toujours autant d'énergie à revendre ! L'idée d'avoir opté pour un mélange de hard-rock/métal alors même qu'il n'y avait jamais mis les pieds, ça représentait une prise de risque un peu casse-figure. Bon, il n'y avait pas mort d'hommes, pas vrai ? Ca arrivait à n'importe qui de se foirer et de faire un bide, non ? Il le savait et en temps normal, il n'aurait pas tourné cela en boucle dans sa tête. Seulement voilà, il avait le blues... un comble pour un rockeur non ? Il faisait l'inventaire de certaines choses et ne s'en trouvait nullement satisfait.

En premier lieu, il devait l'admettre, se retrouver ici, à Brisbane, loin de sa famille et renié par celle-ci, ça lui en coûtait. Il avait grandi dans une sphère familiale assez solide, avec des parents présents, toujours là pour veiller sur lui. Ok, son enfant n'avait pas été rose non plus. La religion dictait de nombreuses interdictions, taisait beaucoup de questions. Mais au moins, il avait la satisfaction de pouvoir participer à un repas de famille. C'était ce qui lui manquait le plus... Ensuite, il y avait évidemment les événements récents en Israël. Franchement, si on lui demandait ce qu'il en pensait, il ne saurait pas trop quoi répondre. Il faisait partie de ces gens qui se voyaient pris en étau dans cette histoire, à devoir choisir entre une "mère-patrie" qu'il n'avait pas vraiment fréquentée et des gens qui subissaient des agissements politiques meurtriers. La seule certitude qu'il avait, c'est qu'il était contre cette guerre, contre ces violences incessantes... Et ça lui crevait le cœur qu'il y ait des victimes tant d'un côté que de l'autre. Il espérait profondément que sa fille n'en ferait pas partie... ni son ex-femme et ses parents. Malgré leur haine à son égard, il ne leur souhaitait aucun mal.

Enfin, et c'était peut-être le plus compliqué, quand les spots s'éteignaient, quand la soirée se finissait, quand l'un de ses amants partait, la solitude l'accompagnait. Son lit en devenait si inconfortable et si froid qu'il allait dormir sur le canapé, avec ses chiens. Tout comme ce soir, il voulait tromper son cafard avec une bonne soirée dans un bar. Quelques personnes l'avaient reconnu. Solaire et énergique, il ne montra rien de son état d'esprit général. Il fit des photos avec ses fans, leur signa quelques autographes, avant de leur payer une tournée, puis deux... Il entreprit ensuite de faire ce qu'il savait le mieux : charmer. C'est qu'il y avait quelques hommes intéressants dans la salle. Pourtant, rien ne se passa comme prévu. Un jeune commença à lui tourner autour. Ok, il était mignon, il avait l'air d'avoir vraiment une histoire intéressante mais il n'était clairement pas sa cible. Elias préférait les types de son âge ou légèrement plus vieux, pas ceux qui sortaient de leur puberté et avait visiblement un peu de mal à comprendre un "non, pas intéressé". En tout cas, à cause de ce petit malin, les deux gars qu'il avait dans son viseur, partirent ensemble... sans lui...

Par chance, Elias parvint à le gruger en faisant mine de partir mais en se réinfiltrant dans l'établissement. Il observa le gamin sortir à son tour et rejoint le bar pour tourner le dos à l'entrée et être ainsi moins reconnaissable. Sa démarche était pas tout à fait droite, mais il se défendait bien pour quelqu'un qui avait plus d'un gramme d'alcool dans le sang. Il s'installa sur un tabouret, avec quelques difficultés pour monter dessus. Il commanda alors un gin tonic, en demandant à ce qu'il soit bien dosé. Puis il tourna légèrement la tête à la femme qui se trouvait à côté de lui. Il ouvrit grand les yeux et sans trop de discrétion, il lança

- Oh ! Ben ça alors ! Je crois que j'ai un peu trop insisté sur la bouteille... vous ressemblez à Gabriella Ricci... vous savez, celle qui écrit des livres ?

Le barman lui servit son scotch et il en but deux gorgées en grimaçant légèrement. Il ajouta, pour lever tout doute quant à ses intentions :

- J'suis Elias, au fait. Et j'vous rassure, ce n'est pas une tentative de drague. J'suppose que vous devez avoir l'habitude dans les bars. Vous êtes très élégante, mais moi, ce sont les mecs qui m'attirent, donc voilà... ce sont de vrais compliments. Gabriella est une sacré plume, vous savez ? Vous avez déjà lu l'un de ses livres ?

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