Elle a Leo ce week-end.
Leo, rien que pour elle. Alors elle a prévu d’en profiter, Neva. C'est tout de même fou comme ses week-ends divergent, selon qu’elle ait ou non son fils avec elle. Ceux où il est chez son père, elle sort beaucoup, Neva, profite, s’amuse, boit des verres avec ses amis, découche parfois aussi. Et puis, ceux où Leo est là, elle l’emmène se promener, au cinéma, ou bien ils font des activités à l’appartement, ce genre de choses. Ces week-ends-là, Neva redevient maman – alors que les week-ends où Leo est chez Jaewon, elle a comme l’impression d’être quelqu’un d’autre. Peut-être juste une femme, simplement. Une femme célibataire, libre, sans responsabilités. Mais ce n’est qu’une illusion dont elle se berce, un songe dans lequel elle s’immerge. Bien sûr, elle n’oublie pas vraiment Leo. Elle ne cesse pas de s’inquiéter vraiment. Mais elle a un peu plus de temps libre, un peu plus de temps pour elle-même, aussi. Ce qui ne veut pas dire qu’elle n’aime pas les week-ends avec son fils. C'est juste que l’équilibre est parfois difficile à trouver, quand on est mère.

Cela, elle le sait, Neva.
Elle le sait, alors quand elle a proposé à Sage qu’elles se voient avec les enfants, cet après-midi, ce n’était pas tout à fait anodin. Bien sûr, elle reste sa meilleure amie avant tout – elle n’a pas besoin de raisons particulières pour la voir, passer des moments avec elle. Elle est toujours heureuse de la voir, mais forcément, elles ont moins de disponibilités en commun depuis que Sage est elle-même devenue maman. Voilà pourquoi Neva a proposé qu’elles se voient, aujourd’hui, finalement. Parce que Sage est maman. Maman depuis bientôt cinq mois, d’une adorable petite Nieve, que Neva adore. C'est aussi pour voir la petite, évidemment. Mais surtout pour aider Sage, s’assurer que tout va bien.

Neva avait proposé qu’elles se retrouvent pour le goûter. Elle avait dit qu’elle apporterait un gâteau, histoire de soulager son amie au maximum. Elle avait proposé que Leo et elle viennent aussi, directement – non pas pour s’imposer chez Sage, mais pour qu’elle puisse se reposer avant, pour que Nieve puisse aussi dormir tranquillement. Neva en avait profité pour mettre Leo aussi à la sieste, un peu, avant que tous deux ne se mettent en route, direction la villa des Castillo-Griffin. Quand Leo et elle descendent de voiture, elle remarque l’enthousiasme de son fils. Il est encore jeune, mais toujours éberlué et impressionné de voir un bébé, Neva le sait. Cela l’amuse, la fait sourire. Elle attrape le gâteau et une bouteille de jus de fruit, à l’arrière de la voiture, puis ferme celle-ci, avant de se diriger vers la villa, tenant son fils par la main. Bientôt, les voilà devant la porte, à frapper doucement, assez fort pour signaler leur présence, mais pas trop non plus, au cas où Nieve serait en train de dormir. Au bout de quelques instants, la porte s’ouvre et un sourire étire naturellement les lèvres de Neva. « Heeey. » fait-elle, sincèrement heureuse de la voir. Déjà, elle regarde, cherche les signes pouvant traduire l’état d’esprit de Sage. Peut-être s’en fait trop pour elle. Mais elle est bien placée pour savoir combien la naissance d’un enfant bouleverse l’existence. Elle reste convaincue que quatre mois et demi ne suffisent pas encore pour s’y faire. « Tu vas bien ? Pas trop fatiguée ? » Dans le fond, elle s’en veut pour sa question bête ; n’est-on pas toujours fatigué, quand on a un jeune bébé ? « On a amené le goûter, comme convenu. » dit-elle en montrant la bouteille et le gâteau qu’elle tient, tant bien que mal, et qu’elle a réussi à porter jusque-là tout en tenant la main de son fils.

Devenir mère est un grand bouleversement.
Parce que cela change tout, pour le reste de sa vie. Parce qu’on ne voit plus les choses de la même façon. Parce qu’on appréhende la vie différemment. Neva l’a bien vite compris. Dès lors qu’elle a tenu Leo dans ses bras pour la première fois – et même, bien avant, quand il poussait tout doucement dans son ventre. Et elle l’a compris encore plus, tellement de fois depuis la naissance de son fils. Elle essaie encore de trouver comment tout conjuguer, Neva. Elle essaie encore de trouver le temps de mener de front sa carrière, sa vie de femme, sa vie de mère. Divorcer lui aura apporté un peu de liberté, lui aura permis aussi comme une renaissance – mais pour autant, elle n’est pas moins inquiète envers Leo, envers même son ex-mari. Elle continue de s’en faire, continue de culpabiliser surtout. De se dire, se répéter, tout ce qu’elle fait mal, tout ce qu’elle fait de travers, tout ce qu’elle aurait pu, dû, faire différemment. Les reproches vont bon train, en permanence, et seulement envers elle-même. Bien sûr, jamais elle ne reprochera quoi que ce soit à Leo. Il y a eu quelques reproches à Jaewon, mais à présent, ils essaient de trouver comment composer ensemble.
Quoi qu’il en soit, être mère, ce n’est pas simple.
Alors forcément, elle s’inquiète un peu pour Sage, Neva.

Parce que Sage vient de le devenir. Mère.
Parce que cela ne fait pas longtemps. Parce que Nieve est encore si petite.
Parce que Sage est encore en train d’apprendre.
Tout ce que cela implique. Tout ce que cela signifie.

Alors à peine son amie a-t-elle ouvert la porte, que Neva observe, malgré elle. Lit d’emblée la fatigue sur ses traits. Lui demande tout de même si cela va, si elle n’est pas fatiguée, comme si cela ne se voyait pas. Nieve, dans ses bras, a l’air en pleine forme, en revanche – Neva lui adresse un sourire et lui dit quelques mots, avant de se reconcentrer sur Sage. Celle-ci ne tarde pas à expliquer qu’elle s’est réveillée à 3 heures du matin et a refusé cet après-midi de faire sa sieste. Neva ne peut retenir une grimace de compassion. « Ma pauvre, tu m’étonnes. Tu n’as pas pu te reposer toi non plus. Tu sais que si tu as besoin, de temps en temps, tu peux m’appeler pour que je m’occupe d’elle et que tu puisses te reposer, hm ? » tient-elle à reproposer, pour que Sage ne s’en prive jamais. Il faut savoir demander de l’aide, accepter le soutien des autres, après la naissance d’un enfant. Et surtout, savoir se reposer quand on a la possibilité, au lieu de profiter des siestes de son bébé pour faire tout un tas de choses. C'est aussi pour cela que Neva a proposé de s’occuper du goûter, histoire de ménager un peu Sage, qui est déjà bien gentille de les accueillir, Leo et elle. « Je ne sais pas s’il y a de quoi être jalouse ou envieuse – j'ai peut-être plus de temps que toi, mais tu as plus de talent que moi. » plaisante-t-elle en riant, entrant dans la villa avec Leo, tout timide et calme, qui observe les environs qu’il connaît pourtant bien, sans lâcher sa main. Sauf, finalement, quand Sage l’y invite en disant qu’il a le droit de courir dans toutes les pièces. De quoi arracher un nouveau rire à Neva. « Oh, ne tente pas le diable ! On va quand même éviter de courir... » fait-elle, sourire aux lèvres, en regardant son fils. Lui semble plutôt captivé par Nieve, de toute manière. Il finit par lâcher sa main pour aller s’asseoir sur le canapé, Neva l’y ayant encouragé, avant de suivre Sage à la cuisine. Histoire de retirer le gâteau de son emballage et d’ouvrir la bouteille. « Je peux m’occuper des verres et du gâteau, je sais où c’est. Va t’asseoir et te reposer un peu, toi. » dit-elle, faussement autoritaire, un sourire la trahissant, à son amie. Recevoir du monde à la maison doit déjà bien la fatiguer assez comme cela.

Parce que Neva est mère elle-même, elle sait.
Elle sait ce que c’est. De donner la vie – et puis, les semaines qui suivent. D’être pratiquement vingt-quatre heures sur vingt-quatre avec son nouveau-né, d’accourir dès qu’on l’entend pleurer, d’être tout le temps inquiet, de se demander si l’on fait les choses correctement, de rêver de se reposer, de culpabiliser quand on le sait, de culpabiliser quand on n’en peut plus d’être fatiguée, d’entendre son bébé pleurer, et puis, de vouloir dormir, dormir, dormir – toujours dormir. D’en rêver même quand on le fait pour de vrai, dormir. Neva sait également tout du blues qui peut suivre l’accouchement, et même de l’évolution dramatique qu’il peut connaître à travers la dépression post-partum. Alors Neva s’inquiète, naturellement – veut veiller sur Sage, à sa façon. S’assurer juste que tout va bien, qu’elle ne manque de rien, qu’elle reçoit l’aide dont elle a besoin. Qu’elle arrive à penser à elle, dans tout cela, faute de réussir à se reposer complètement. Mais ce qui est certain, c’est qu’elle a besoin de soutien – de tout le soutien qu’on peut lui offrir. Alors Neva est là. Pas seulement parce qu’elle sait, mais parce qu’elle est son amie, sa meilleure amie. Elle est alors comme une seconde famille.

Quand elle arrive donc chez Sage, elle ne peut que remarquer indéniablement la fatigue sur ses traits. Aussitôt, Neva lui rappelle doucement qu’elle est là si elle a besoin d’aide, besoin que quelqu’un prenne un peu le relai pour qu’elle puisse se reposer. Elle s’inquiète un peu encore en écoutant Sage, mais elle comprend. Elle voit ce qu’elle veut dire, consciente qu’elle ressentirait certainement la même chose à sa place. « Oh, je comprends. Mais c’est sincère, ça ne me dérangerait pas. Ce qui compte, c’est toi, que tu ailles bien, que tu te sentes bien dans tes baskets, et pour ça, ça passe aussi par le repos, y compris quand Moisés n’est pas là. Je n’insiste pas, mais je suis là si besoin. » lui répond-elle, avec un sourire. « Et surtout, surtout, si un jour tu as l’impression que ça ne va pas… s’il te plaît, ne garde pas ça pour toi. » Elle le rappelle, sait-on jamais. Il n’y a pas nécessairement de quoi s’alarmer, mais elle tient quand même à le redire au cas où. « C’est important que tu puisses te reposer quand il n’est pas là aussi. Mais c’est normal que ça ne marche pas toujours, vous êtes encore en train de trouver votre équilibre. » Nieve et elle, Sage. Nouveau duo mère-fille adorable. Elle est heureuse de découvrir Sage dans ce nouveau rôle, Neva. Elle est sûre qu’elle va exceller – quelque part, elle le fait déjà. Et à un moment donné, elle retrouvera le temps pour pâtisser. Quand elle-même aura trouvé son propre équilibre. « Tu as très bien résumé les choses, je n’aurais pas mieux dit. » Elle esquisse un sourire, Neva. Elle espère tout de même que son gâteau sera passable.

Et que Leo sera sage, même si Sage l’a autorisé à courir. La réponse de sa dernière dessine encore un sourire sur les lèvres de Neva. « Je t’assure qu’un enfant de quatre ans et demi qui court n’a rien de reposant pour une jeune maman, ni pour son bébé. » Ce disant, elle regarde son fils pour s’assurer qu’il ne va pas déroger à l’interdiction qu’elle lui a adressé. Continuant sur sa lancée, Neva prend d’elle-même l’initiative de dresser la table pour le goûter, incitant Sage à se reposer. Elle ne quitte pourtant pas sa fille d’un poil, la tenant toujours dans ses bras. Neva lâche un rire à la réponse de son amie – c’est peut-être vrai qu’elle agit comme sa mère, elle-même. Mais elle a toujours été ainsi. « Je ne répondrai rien à ça. » répond-elle tout de même, sourire en coin. Elle s’exécute donc, allant chercher verres et assiettes. Leo, quant à lui, s’assied sagement sur le canapé avec son petit sac à dos, dans lequel se trouvent un livre et quelques jouets. Il semble toutefois fort intéressé par la petite Nieve dans les bras de sa mère. Celle-ci demande d’ailleurs à Neva si c’est normal de voir les enfants grandir à vue d’œil – visiblement autant pour sa fille que pour Leo. Neva lâche un rire en apportant les assiettes et les verres, avant de repartir chercher un plat à gâteau, un couteau pour le couper et des cuillères pour pouvoir le manger. « Oui, c’est normal. Surtout quand ils sont bébés, c’est là où ils changent le plus vite en très peu de temps. » répond-elle en haussant la voix pour que sa meilleure amie puisse l’entendre. « Mais je ne m’y fais pas non plus. Et c’est vrai que Leo a grandi un peu depuis la dernière fois ! » Elle sourit de plus belle en revenant avec le reste. Ne manque plus que le gâteau et la bouteille, à présent. « Ne parle pas trop vite, toi comme moi, on n’a pas hâte que ces deux-là soient ados. » plaisante-t-elle, câlinant au passage la joue de son fils, avant de repartir chercher gâteau et jus de pomme. Bientôt, le goûter semble prêt : elle peut découper le gâteau. « Moisés aura le plus de mal avec son départ pour la fac, donc ? » demande-t-elle, sourire en coin, reprenant les derniers mots de Sage. Elle ouvre à présent la bouteille de jus de fruits, prête à remplir les trois verres.