Elle voulait s’évader. Profiter de sa soirée, profiter de sa liberté.
Jaewon a Leo ce week-end. Jaewon va pouvoir en profiter, passer du temps avec son fils. Neva, elle, va pouvoir profiter, respirer. Elle l’aime, pourtant, son fils. Il n’y a rien qu’elle ne ferait pas pour lui. Mais elle a besoin de temps pour elle-même, aussi. Elle n’a eu de cesse de le comprendre, depuis qu’elle a demandé le divorce. Depuis, elle s’épanouie, vraiment. Elle pense quand même parfois à Jaewon, se demande si elle n’a pas fait une connerie. Si elle n’aurait pas dû leur accorder une seconde chance, avant de directement partir. Peut-être qu’ils auraient pu arranger les choses, s’ils avaient communiqué. Peut-être. Tant de peut-être, qui continuent de s’accumuler dans sa tête. Cela ne sert à rien de s’accrocher au passé, voilà ce qu’elle essaie tant bien que mal de se répéter. Mieux vaut aller de l’avant. Mais tout de même, Neva, elle a des regrets. Pour Jaewon, pour leur famille. Pour Finn, auquel elle pense beaucoup, aussi.
Mais pas ce soir. Non, ce soir, elle s’évade. Elle profite de sa liberté.
N'est-ce pas ?

Elle est sortie avec des amies. Elle doit l’avouer : de ce côté, c’est plus simple depuis qu’elle est divorcée. Du moins, quand Leo est chez son père. Elle peut sortir plus facilement et rentrer à l’heure qui lui chante. Ou ne pas rentrer du tout, d’ailleurs. Elle peut partager les nuits d’inconnus qu’elle oubliera, bien vite. C'est comme une renaissance, pour Neva. Cela l’était, en tout cas, jusqu’à Finn. Après, elle s’est attachée à lui, et cela a un peu tout compromis. Elle a pris ses distances il y a maintenant plus d’un an, mais elle n’arrive toujours pas à se défaire de ce que cela lui a provoqué. Ils se sont recroisés, parfois. Il y a bien eu un début de révélation, ce soir-là, chez elle, jusqu’à ce qu’une fuite les détourne d’un important sujet. Mais depuis, plus rien.
Elle n’est pas là pour penser à lui, ce soir, Neva. Ce n’est pas son but. Ses copines sont dispersées - ce genre de soirées, c’est aussi l’occasion de rencontrer d’autres personnes. Certaines, pour sûr, ne rentreront pas seules. Elle, elle ne sait pas. Même pas certaine d’être de cette humeur-là. Elle a déjà bu un verre, cependant, qui a suffi à la détendre. Mais est-ce que cela la rend plus sociable ? Elle ne sait pas. Bientôt, elle se retrouve un peu seule, à table. Finit par se lever pour faire un tour aux toilettes, sans s’attendre une seule seconde à la suite. Car, quand elle en sort, passe devant les toilettes des hommes pour retourner dans la salle, la porte de celles-ci s’ouvre et un corps percute le sien. L'homme commence à articuler des excuses, et elle ne sait pas si c’est le son de sa voix qu’elle reconnaît d’abord, ou lui, quand elle l’aperçoit. Il paraît aussi surpris qu’elle de la voir, vu ce qui s’échappe de ses lèvres. « Finn. » se contente-t-elle de répondre, sourire aux lèvres, cependant. Ce n’est pas forcément négatif, de le revoir. Ni désagréable. « Je vois que tu viens toujours ici. » Ici, au Netherworld, où tout a commencé. Où ils se sont rencontrés, puis recroisés.

Ce soir, elle a du temps juste pour elle-même.
Et cela fait du bien. Et elle en a besoin. Même si, à présent, elle s’oublie un peu moins. Elle a quand même la tête un peu ailleurs, Neva. Le cœur toujours empli du même, même si elle ne se l’avoue pas. Elle n’a même pas vraiment vu d’autres personnes, depuis lui. Non pas que tout à coup, elle lui soit devenue exclusive. Simplement, la tête n’y est pas. Il y a des moments, comme cela. Peut-être qu’elle a juste besoin de se concentrer sur elle-même, et sur elle seule, Neva. Sans laisser de place à qui que ce soit d’autre – si ce n’est son fils, évidemment. Mais Finn, elle y pense. Beaucoup, depuis la dernière fois. Que se serait-il passé, s’il n’y avait pas eu cette fuite ? Peut-être que cela les avait au contraire sauvés d’une situation gênante. D'une situation délicate où Neva lui faisait comprendre qu’elle ne voulait rien de sérieux. Pas prête à endurer les regards, les jugements. Il ne pouvait pas comprendre. On aurait dit qu’il voulait plus, Finn. Ou qu’il y avait juste plus, entre eux. Elle le sait bien, au fond, Neva. Elle ne fait que le nier, simplement.

Elle y pense.
Et maintenant, il est là. Elle tombe sur lui ici, dans ce bar, par hasard. Quoique, pas complètement - si cela avait été dans un bar où ils ne s’étaient pas croisés, cela aurait pu relever vraiment du hasard, en effet. Mais ici ? Ici, il y avait forcément comme une infime chance de tomber l’un sur l’autre. Peut-être un maigre espoir, inavoué. Impossible de s’oublier. Elle se demande, Neva, si lui l’a fait. Et en même temps, ils sont là, comme deux abrutis, devant les toilettes, sans bouger, alors qu’ils auraient pu trouver d’emblée une excuse pour s’éloigner. À dire vrai, ce n’est pas désagréable de le voir – même s’il a l’air un peu mal à l’aise. De l’avoir bousculée ? Ou de se retrouver face à elle ? Le temps de leur rapide collision, elle a pu sentir son odeur – celle qui a réveillé tant de souvenirs, d’un coup d’un seul. Elle reprend la parole, Neva. Je vois que tu viens toujours ici. Elle est presque déçue d’entendre qu’il n’a pas choisi. Que ce sont ses amis. « Ah ? Pourquoi, tu l’évites, toi ? » demande-t-elle, cash, sourire en coin. Presque une lueur de défi dans le regard. Un brin de malice, ou de provocation. Elle, pourtant si calme, si sage, si raisonnable. Sauf quand elle l’a fréquenté. Il a réveillé quelque chose chez elle, qu’elle avait comme oubliée, ou enterrée. La passion. Le frisson. Le danger. Les sensations. « Oui, moi aussi. J'ai choisi l’endroit. » rétorque-t-elle, un peu moqueuse – en contradiction avec les propres mots du brun, quelques instants plus tôt. C'est drôle, elle est tout à fait différente de l’autre fois, chez elle, Neva. Moins gênée, moins déroutée. Plus insouciante, hardie. C'est peut-être l’alcool qui a commencé à couler dans ses veines, qui lui donne le goût du risque, de la provocation. L'envie de titiller, de chercher, un peu. Finn veut déjà s’en aller. Finn semble vouloir la fuir. Ou ne pas la déranger – qui sait. « Déjà ? » demande-t-elle aussitôt, juste avant qu’il ne s’envole. « Ce n’est pas moi qui te fais prendre la poudre d’escampette comme ça, j’espère. » plaisante-t-elle, dans un léger rire. Elle se doute bien que si. C'est devenu bizarre, entre eux, depuis la dernière fois. C'est sans doute sa faute, à Neva. Leur échange avait pris tout à coup une direction très sérieuse – ce qui ne ressemblait pas à leur relation initiale. Ce qu’elle ne voulait pas, elle. Elle voulait que cela reste léger, sans prise de tête. Peut-être auraient-ils pu continuer à le faire, à se voir, si les choses étaient restées comme cela.

Finn ne lui est pas vraiment sorti de la tête. Finn est toujours là, quelque part. Impossible de le déloger de sa tête, peut-être parce qu’il est difficile de le déloger de son cœur – chose qu’elle n’admet pas encore. L’autre fois, chez elle, elle a paniqué. Quand elle a cru comprendre qu’il aurait voulu plus. Plus que ce qu’elle est prête à lui donner. Peut-être a-t-elle juste besoin de temps seule, Neva. Ce n’est pas qu’elle n’a pas encore assez profité de son célibat. C’est que son mariage, puis son divorce, ont laissé des marques. Elle doit réapprendre à se faire passer en premier. Et puis, réapprendre sans doute à croire en l’amour. Aux relations à deux. Réapprendre à faire confiance, sans avoir peur que le schéma se répète, encore. Car c’est cela qu’elle craint le plus, Neva. Elle ne veut plus souffrir, ne veut plus être déçue. Ne veut plus regretter. Alors elle a tenté de barricader son cœur, sans vraiment y arriver. Malgré tout, il y a Finn. Encore et toujours. Finn qu’elle recroise sans même le chercher. Finn auquel elle propose de passer chez elle, sans trop savoir ce qu’elle espère. Finn qu’elle retrouve encore se voir, sans l’avoir vu venir. Pourtant, elle ne semble pas fuir.

C’est incongru, tout de même. De le croiser là, devant les toilettes.
Mais ils restent. Et Neva alimente même l’échange, en lui demandant s’il évite l’endroit, puisque Finn indique que ce sont ses amis qui ont choisi. Elle ne sait pas bien ce qu’elle cherche, mais force est de constater qu’elle continue. « Ah oui ? » Puis, elle répond avec humour quand il fait remarquer qu’elle aussi, elle vient toujours. Elle a choisi l’endroit. On peut se demander pourquoi. S’il y a eu là une manœuvre pour le revoir. Mais non ; elle n’est pas si désespérée, Neva. Et elle ne sait pas ce qu’elle veut vraiment avec lui, de toute façon. En tout cas, Finn semble un peu moins mal à l’aise, et entrer dans son jeu. « De très chouettes rencontres, je dirais même. Du genre : inoubliables. » Elle exagère. C’est sa façon à elle aussi de plaisanter. Ou peut-être de flirter. N’est-ce pas ce qu’elle fait, un peu, sans vraiment s’en rendre compte ? Tant pis si ce n’est pas le lieu, ni le moment. Tant pis si elle est contradictoire, aussi, accessoirement. Mais elle continue. De décontenancer peut-être Finn. De le taquiner un peu quand il lui dit qu’il va la laisser poursuivre sa soirée. Elle provoque. Dit qu’elle espère ne pas le faire fuir. Alors bien sûr, il répond que non. Et elle, elle ne se défait pas de son sourire amusé. Finalement, il l’étonne, Finn. Lui dit que si elle a du temps, il peut lui offrir un verre. « J’ai cru que tu ne proposerais jamais. » plaisante-t-elle encore. Ce n’est pas vrai. Elle vient de l’inventer. Se laisse porter, improviser. Avec Finn, mieux qu’avec quiconque, elle a toujours si bien réussi à le faire. « Avec plaisir. Après toi. » Elle est prête à le suivre, mettre en pratique. Dans le fond, c’est elle, ces derniers temps, qui le fuyait. Mais pas là. Pourtant, elle ne sait toujours pas vraiment ce qu’elle veut, Neva.

Qui sait ce qu’elle cherche vraiment, Neva. Même elle ne le sait pas vraiment. Même elle se pose un peu la question. Et puis non, en même temps. Car il est si agréable de se laisser porter. Si agréable de voir comment les choses peuvent naturellement tourner, sans forcément les pousser. Ni les provoquer. Si agréable de retrouver un peu de cette adrénaline des débuts – des moments où elle rencontrait Finn, Neva. Des moments où elle le recroisait, le retrouvait. Cela faisait une éternité, à vrai dire, qu’elle n’avait pas ressenti cela – pas depuis la rencontre avec son ex-mari, des années plus tôt. Même dans leur histoire, leur mariage, il n’y avait plus la même électricité, la même flamme. Peut-être que Neva s’ennuyait. Neva se sentait surtout seule, à devoir tout gérer – à ne pas avoir assez de temps à son goût à passer avec son mari. Finalement, leur histoire ne tournait plus qu’autour de leur enfant, quand Jaewon pouvait être présent. Triste fin pour une si jolie histoire qui l’avait rendue heureuse, un temps. Maintenant, elle a peur de se lancer dans quelque chose de sérieux, pourtant. Préfère s’amuser, prendre les choses comme elles viennent, et puis, jouer. Jouer comme elle le fait maintenant. Quitter à se brûler les ailes, quitte à se faire tout de même du mal.
C’est qu’elle l’aime bien, Finn, quand même, Neva.

Qui sait ce qu’elle cherche vraiment. Elle joue peut-être avec le feu, tout simplement. Et puis, un peu avec Finn, finalement. Peut-être que c’est égoïste. Même sûrement. Peut-être que c’est cruel – quoique ce ne soit pas volontaire. Après tout, il avait sous-entendu qu’il aurait bien voulu tenter quelque chose avec elle ; quand elle ne le veut pas. Continue d’être pétrifiée à l’idée de se lancer dans quelque chose de sérieux. Et en même temps, l’idée qu’il puisse s’intéresser à quelqu’un d’autre la rendrait folle – même si elle ne veut pas l’avouer. Même si elle n’est pas du genre à faire dans la jalousie, contraire à tous ses principes. Mais ici et maintenant, elle ne se pose plus la question. Elle se laisse porter. Peut-être encouragée par l’alcool, quoiqu’elle n’ait pas encore trop bu encore. Peut-être juste assez pour se sentir un peu plus insouciante, un peu plus détachée. Elle cherche, maintenant. Des rencontres inoubliables, comme la leur. « Je vois qu’on est sur la même longueur d’onde. » Elle cherche. Mais c’est si agréable. Et cela semble si facile, sur le moment. Cela le semble toujours – c’est le retour à la réalité, qui est plus compliqué. Celui que Neva a toujours du mal à assurer. Mais là aussi, c’est la réalité. Et une réalité où elle joue sans se soucier des conséquences. Et quand Finn lui propose de lui offrir un verre, elle s’en amuse encore – sans doute l’aurait-elle fait, s’il ne l’avait pas fait en premier. Quitter à jouer encore plus avec le feu. Dans le fond, qu’est-ce qu’elle veut ?

Ils se dirigent alors vers la salle principale, où ils ne sont tout à coup plus seuls. Finn se retourne vers elle, comme pour s’assurer qu’elle est toujours là – puis attrape sa main, si délicatement, si doucement. Un geste simple, presque tendre, qui l’électrise. L’espace d’un instant, elle songe à ce qu’ils pourraient être si elle se décidait. A ce moment-là, elle oublie le monde qui les entoure et peut-être même ses amies un peu plus loin. Les voilà arrivés à une table, libre, où ils s’installent. Finn lui demande si elle prend comme d’habitude, lâchant finalement sa main – sans que le rêve ne prenne vraiment fin. « Comme d’habitude, merci. » répond-elle avec un sourire, moins enjôleur, moins amusé. Peut-être plus sincère. Elle est un peu perturbée. Le serveur ne tarde pas à repasser. « Ça n’va pas gêner tes amis, que tu aies disparu ? » reprend-elle finalement, sur le ton de l’humour. Les siennes, elle sait que non. Que parfois, dans des soirs comme celui-là, chacune finit par faire sa vie dans son coin. Comme c’est un peu le cas, à présent, de Neva.

Elle est un tantinet contradictoire. Toujours à ne pas savoir ce qu’elle veut. Toujours à changer d’avis, comme de chemise. Toujours instable, indécise. Un instant, elle ne veut personne – Finn – dans sa vie, et l’instant d’après, elle le veut lui. Un instant, elle le fuit, et celui d’après, elle le suit. Un instant, elle ne veut rien de sérieux, et celui d’après, s’il avait quelqu’un d’autre, cela la tuerait. Alors non, elle n’est pas au clair avec ce qu’elle veut ni ce qu’elle recherche, Neva, au fond. Elle est toujours perdue, navigant vers l’inconnu. Elle reste convaincue que le moment n’est pas venu de se poser avec quelqu’un à nouveau. Mais comment est-elle censée faire, alors ? Doit-elle ignorer, tirer un trait sur ce qu’elle ressent ? Décider d’abandonner, d’accepter l’idée qu’il ne se passera plus jamais rien entre Finn et elle ? Cela fait des mois qu’il ne s’est rien passé, à vrai dire. Des mois qu’elle a pris ses distances, des mois qu’il a découvert qu’elle était mère, divorcée. Qu’elle n’assumait pas vraiment d’être avec lui. Mais il lui manque. Elle pense encore à lui. Elle regrette, aussi. Sans être certaine de pouvoir donner plus. Ce soir, cela ne change rien. Mais tout paraît toujours plus simple dans ce bar. On n'y cherche pas le grand amour – du moins, selon son point de vue.
Et Finn vient d’accepter de boire un verre avec elle.

Ils ont traversé la foule se déhanchant sur la piste de danse.
Cela lui a fait bizarre, d’avoir sa main dans la sienne. L’espace d’un instant, peut-être a-t-elle entrevu ce qu’ils pourraient être, si elle l’avait bien voulu. Cela ne le dérangeait pas, lui. Il voulait être avec elle : il l’avait dit. Bientôt, en tout cas, les voilà assis en tête à tête, sur une table. Commandent comme d’habitude. Pourtant, cela fait des lustres qu’ils n’ont pas bu ensemble. Et Neva, malgré elle, flirte déjà un peu peut-être. A lui demander si cela ne va pas déranger ses amis, qu’il leur fausse compagnie. Même si elle a fait de même, avec ses propres amies, comme Finn le lui fait remarquer. « Ce doit être un peu la même chose. Elles ont sans doute mieux à faire. » Elle hausse les épaules, sans se défaire de son sourire. Elle les connaît assez pour savoir qu’elles ont un peu le même genre de projets. Cela dépend des soirs, bien sûr, mais aujourd’hui, particulièrement, cela semblait évident. Le serveur ne tarde pas à revenir avec leur commande, qu’il dépose sur la table. Et Finn, lui, lève son verre. « A cette soirée. » répond-elle, avant de l’imiter, buvant une gorgée. Finn ne tarde pas à revenir sur le sujet de sa machine à laver. Parce qu’il est venu chez elle, il y a quelques temps de cela. Pour discuter, pour de vrai. Et puis, sa machine a fait ses siennes. A commencé à inonder la pièce. Heureusement que Finn était là, pour l’aider. « Non, tout va mieux, heureusement. Même si je devrais sans doute la changer, elle commence à se faire vieille… » Nouvel haussement d’épaules. Cela devient un poil trop sérieux. « Je pourrais te la remontrer, pour avoir ton avis. » Invitation chez elle, subtile. Ou peut-être pas tant – mais qu’importe, au fond. Elles semblent claires, ces intentions.
Va-t-il accepter, seulement ?

Plus tard, tout cela posera problème.
Mais elle ne veut pas penser à cela, Neva. Pas maintenant. Elle préfère profiter de l’instant présent. Ne pas se prendre la tête avec les décisions, avec la réalité, avec tout ce qu’il y a de compliqué. Son comportement vis-à-vis de Finn ne change rien par rapport à ce qu’ils se sont dit l’autre fois. Cela ne change rien à propos de sa capacité et de sa volonté à s’engager. Mais alors, elle devrait rester à distance – laisser Finn tranquille. Le laisser profiter de la soirée avec ses amis, ou avec d’autres filles. Seulement, voilà : cette idée-là ne lui plaît pas. Les autres filles. Pourquoi est-ce qu’elle éveille en elle ce truc bizarre qui ressemble à de la jalousie ? Parce qu’elle s’est attachée à lui, c’est indéniable. Il y a toujours ce truc entre eux, pas vraiment verbalisé, quoiqu’à moitié admis. Il lui a dit l’autre fois, Finn, qu’il voulait être avec elle. Qui sait ce que cela pourrait donner, si seulement elle se lançait. Mais Neva ne se sent pas capable de se lancer. Neva continue de complètement flipper. Sauf durant les moments comme ce soir. Dans ces moments-là, elle change du tout au tout. L’alcool aide, peut-être. Le cadre aussi. Et tout à coup, la voilà à charmer sans même le regretter.
Et tant pis si elle est égoïste.

Elle a croisé Finn devant les toilettes. Lui s’apprêtait à partir, si elle ne l’avait pas retenue. Il lui a proposé un verre ; elle a accepté. Et maintenant, les voilà attablés. A commander la même chose que d’habitude. A se tourner encore autour. Elle doit l’avouer, Neva : elle entretient l’ambiguïté. Ce n’est pas tout à fait juste pour Finn. Finn, trop gentil, trop patient. Finn, qui ne devrait pas l’attendre. Ni saisir les perches qu’elle lui tend. Et pourtant. C’est lui qui se remet à parler de la machine à laver de Neva, celle qui a coupé court à leur discussion la dernière fois. Sauvés par le gong – enfin, surtout Neva. « Ouais, ça nécessite aussi un bon entretien. » C’est vrai que cela finit par devenir capricieux, ou juste vieux – ou peut-être un peu des deux. Elle devrait se résoudre à la changer, mais elle espère que sa machine tiendra encore un peu. Et voilà qu’elle rebondit là-dessus, Neva, pour prendre une tout autre direction. Celle de la pente glissante, sans doute, mais Finn semble la suivre malgré tout. Du moins, elle le déduit à sa voix, à son regard, à son sourire. Ses mots la font rire. « Mais oui, ton avis compte vraiment beaucoup. » répond-elle sur le même ton, avec le même sourire en coin. Elle attend la suite, qui ne tarde pas à arriver – et la satisfait. « Quel dommage… » fait-elle, à propos de ses premiers mots. Mais la fin lui convient tout à fait. « Mais si tu peux m’apporter ton expertise pour autre chose, je suis tout à fait preneuse. » Reste à savoir s’il va la suivre, à présent. Vu comme leurs deux verres descendent à vitesse grand V, peut-être ne vont-ils pas s’éterniser. Elle n’attend plus qu’une confirmation de la part de Finn.