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feat. @Margot Ionesco

hôpital - service des urgences
de service aux urgences depuis son retour à brisbane, richard essaie du mieux qu’il peut à s’habituer à ce luxe. luxe en matière de disponibilité, de matériel, d’hygiène, de traitement, de possibilités. tout est trop mais il ferme souvent les yeux pour ne pas devenir le mec frustré qui ne cesse de rabâcher ses anecdotes vieilles de plusieurs années. il a choisi d’être ici, il fait avec. les urgences de brisbane sont loin d’être celles stressantes des endroits où il a pu passer sa vie --- mais parfois, tout devient différent quand votre regard se pose sur la patiente.

« richard, est-ce que tu peux prendre la patiente de la trois --- ? j’dois aller en traumato… » l’interne lui tend un dossier qu’il n’a pas vraiment le temps de regarder que ses pas l’amènent bien trop rapidement dans cette fameuse chambre. « bonjour, je suis docteur bottom --- je », il ne finit pas sa phrase quand son regard se pose sur le nom présent sur le dossier rempli par la jeune femme quelques minutes plus tôt. son regard se lève pour se poser sur les traits de margot qui est installée sur ce brancard plutôt rustique – on est aux urgences quand même – et qui semble être angoissée. « margot --- qu’est-ce qu’il se passe ? », un réflexe. il ne pense pas à demander si elle souhaite un autre médecin. il s’inquiète immédiatement et s’approche aussitôt d’elle sans la quitter du regard. une fois à sa hauteur, il pose son regard sur le dossier --- douleur abdominale. rien de plus. etrange.

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« j'ai mal au ventre depuis ce matin. » il fronce les sourcils une seconde. un mal de ventre ne doit pas vous emmener aux urgences, pas même dans un pays comme le leur. il essaie de dissimuler ses pensées derrière un air neutre, celui dont elle avait sans doute besoin à cet instant, après ce qu’elle lui avait également dit. « je suis... enceinte. » et, il ne lui en faut pas plus pour se figer après avoir délaissé le dossier à côté de lui. ses lèvres forment un o et un « oh » s’en suit quelques secondes plus tard. « oh woh ! », il ajoute encore un peu sonné par la nouvelle. il se demande si cette grossesse n’a pas également déclenché le reste. peut-être était-elle enceinte quand ils se sont vus ?! il se redresse, essaie de retrouver son rôle de médecin et non d’amant. « je veux seulement m'assurer que tout est en ordre. j'ai lu que c'était normal d'avoir ce genre de douleurs, parce que l'utérus grossit, etc. mais... » « bien sûr, on va vérifier que tout est normal, que tout va pour le mieux, … tu as bien fait de venir », il pose une main sur son épaule et lui offre un sourire, qui se veut réconfortant et rassurant. une infirmière les rejoint presque aussitôt et il se tourne vers elle pour lui demander de ramener un kit à échographie. elle acquiesce d’un signe de tête et disparait pour s’exécuter alors que richard se pose sur ce tabouret à roulettes pour être à sa hauteur. « est-ce que tu préfères que j’appelle une collègue ? », qu’il demande avec pudeur et douceur, cherchant son regard.

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« non, ça ira. » « ok », dit-il en hochant la tête et en essayant de récupérer son masque de profesionnalisme et de distance. car il faut instaurer un nouvelle distance même si la revoir ici, dans sa vie, comment est-ce possible ? comment peut-il créer de la distance alors qu’elle est … elle. tout simplement elle. l’infirmière réapparait avec le kit à échographie et il remercie le ciel ou sa bonne étoile de lui permettre à commencer. un regard vers margot et il sourit quand il voit qu’elle est déjà en train de soulever son t-shirt pour dévoiler son ventre, ventre sur lequel il avait posé une ribambelle de baisers … il n’y a pas si longtemps que ça. la pensée est dans un coin de son esprit mais il n’y pense pas. non, masque de profesionnalisme on a dit. il prend une profonde inspiration, tout en roulant vers le kit à échographie pour s’emparer du gel et de l’allumer. « attention, ça va être froid », il prévient même si toutes les femmes sont au courant de ça depuis la nuit des temps mais soit! « ça doit te paraître tellement barbant d'être ici à faire des échographies plutôt que de sauver des vies alors que les balles chatouillent tes oreilles » il étouffe un rire. « je ne dirais pas barbant, c’est juste différent --- très différent et je commence même à apprécier les pauses cafés, c’est pour te dire … » il se redresse pour l’observer, « on y va, ok ? », qu’il lui demande tout en s’armant de ce fameux appareil qui va finir par leur révéler si tout va pour le mieux.
elle acquiesce et le moment fatidique commence. le regard rivé sur l’écran alors qu’il est en train de réaliser cette échographie, il ne le tourne pas encore en direction de la jeune femme. il se contente de vérifier que tout va pour le mieux au niveau de ses organes – sait-on jamais – avant de se concentrer sur le fruit de toutes ses envies. il plisse les yeux et tourne l’écran. « je confirme – tu es bel et bien enceinte », de sa main libre, il désigne cette nuance sur l’écran de l’échographie et son sourire s’étire un peu plus comme s’il se réjouissait pour elle, pour elle et son mari --- après tout, leur mariage battait de l’aile et peut-être que cet enfant allait la rendre plus heureuse, les rendre plus heureux --- et son bonheur, c’était toujours ce qu’il avait voulu. « je crois que des félicitations s‘imposent », sa voix est posée, apaisante, douce alors qu’il prend une photo de l’écran pour qu’elle puisse repartir avec… si jamais c’est ce qu’elle veut. un regard vers son dossier. la mention des dernières menstruations, information communiquée lors de son admission… puis il repose son regard sur l’écran et se permet de faire quelques clics droits pour mesurer le sag gestationnel. il est silencieux pendant quelques secondes avant de reposer son attention sur la jeune femme. « tu peux te détendre, margot, tout va bien --- » vraiment ? dans un cartoon, il y aurait quelques formules mathétiques au-dessus de sa tête.

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« merci », qu’elle finit par souffler alors qu’il entre quelques informations dans son dossier. le regard se lève vers elle alors qu’il repose ce calepin contre sa cuisse et l’observe. elle n’a pas la réaction qu’il connaît quand on annonce à quelqu’une une grossesse … une grossesse qui se passe bien alors qu’elle était venue avec des douleurs. après, est-ce qu’il peut se permettre de juger une réaction ? il n’est pas une femme, il ne sait pas ce que cela fait, ce que c’est que d’être enceinte, d’apprendre que l’on attend un enfant. non, il ne peut pas savoir et il ne connaît pas non plus toute l’historique de sa vie de couple avec son époux. de césar, ils n’ont pas vraiment parlés la dernière fois qu’ils se sont vus. pas dans ces détails de la vie intime et privée. son couple lui appartient. il ne s’était pas imiscé, par pudeur et sans doute un peu par jalousie. « je suppose que tu connais la prochaine étape? prendre rendez-vous avec ton médecin pour que vous soyez accompagnée comme il se doit », il tente un sourire et finit par se lever. « une question, margot, la date indiquée sur ton dossier d’admission --- t’en es certaine ? », qu’il demande comme si la question était innocente alors qu’il est toujours en train de faire un petit calcul dans son esprit.

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« on était dans un programme pour pma, j'ai déjà rendez-vous avec notre obstétricien la semaine prochaine. » « ah. dans ce cas, encore mieux », et il affiche un sourire ravi. ravi car une grossesse comme résultat quand on est dans un programme pour pma, c’est plutôt une bonne chose, non ? et il interprète le manque d’euphorie comme un réalisme, une appréhension compréhensive. elle se réjouira quand elle en parlera à son époux, c’est ce qu’il se dit quand son crayon se met à griffonner quelques détails pour son dossier. et l’air de rien, il demande cette information qu’il n’a pas besoin de savoir… «dernières menstruations le 18 septembre, oui j'en suis certaine. pourquoi ? il y a un problème ? » en entendant sa voix tremblante, il relève la tête et voit la peur dans son regard. quel enfoiré ! il pose ce genre de questions à une jeune femme qui vient d’apprendre être enceinte, que tout va bien alors qu’elle avait eu peur qu’il y ait un problème. comment pouvait-il être aussi égoiste ? aussi cruel que de poser ce genre de questions qui crée le doute. « oh ! non non non – tout va bien, je t’assure », lâche-t-il aussitôt en s’approchant pour poser une main sur son épaule, espérant pouvoir ôter les doutes et la panique de son esprit et de son coeur. « je voulais juste --- », quoi exactement, richie ? arrête de penser que tu es au centre du monde et que tu pourrais y avoir quelque chose --- elle ne veut pas être infidèle, elle veut sauver son mariage, elle va avoir un enfant avec son mari. il retire sa main, croise les bras sans lacher son dossier de ses mains. « désolé, je ne voulais pas créer le doute --- c’est juste que --- », doit-il lui dire ? pour qui se prendrait-il ? venir s’imiscer comme élément potentiellement perturbateur ? il secoue la tête et hausse les épaules, l’air de dire « laisse tomber ». son regard se baisse une seconde alors qu’il cherche ses mots. « c’est une bonne nouvelle – je crois, que je ne suis plus habitué à annoncer les bonnes nouvelles. je suis content pour toi », mieux ne vaut pas lui créer le doute, « pour vous. »

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« richard, crache-le morceau. » elle plante son regard dans le sien et il la reconnaît. il reconnaît l’entêtée, la tête brûlée et butée, celle qui telle un pitbull ne lâche jamais l’affaire. jamais. il déglutit difficilement tout en serrant un peu plus dans ses mains son dossier, se demandant pourquoi est-ce que son bipeur ne se met à … biper. ce serait pratique : une urgence. une issue de secours. un moyen de fuir ce qu’il ne veut pas formuler. « je te connais, il y a quelque chose que tu n'oses pas dire. alors, vas-y. » il fronce les sourcils, hésitant. « c’est juste que --- tu sais aussi bien que moi que nous ne sommes pas protégés et que --- ça ne veut sans doute rien dire --- ce n’est pas suffisamment précis pour vouloir signifier quoique ce soit --- je me suis égaré dans mes pensées, voilà tout », il parle vite, trop vite, « c’est débile de penser à ça, d’autant plus que --- bref, on devrait oublier tout ce que je viens de te dire et se focaliser sur le : « tout va bien » » Menteur !

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« comme tu voudras. je pense qu'on en a terminé alors ? » elle pose son regard sur lui et il sent son cœur battre la chamade à la seconde même où il croise son regard. bordel ! comment va-t-il pouvoir rester avec cette idée, cette pensée sans s’en mêler ? après tout, sa venue à brisbane est liée à sa paternité --- apprise il y a seulement quelques semaines et pas encore véritablement vécue. il doit apprendre à connaître une gamine de vingt ans qui n’a jamais entendu parler de lui --- elle remet en question toute sa vie, tout ce qu’il pensait avoir besoin pour être heureux. il s’est même mis à regretter de ne pas avoir vécu les première fois de sa vie : les premiers rots, premières couches, premiers biberons, premiers pas, premiers sourires, premiers rires, premiers mots, premiers bobos. tout. « euh --- en effet, tu vas pouvoir y aller », s’empresse-t-il de dire pour ne pas s’accrocher à l’idée selon laquelle il pouvait avoir un rôle à jouer dans cette grossesse. croisant les bras à son tour, son regard fixe ses chaussures quelques secondes avant de retrouver son regard. « ça m’a fait plaisir de te revoir --- je ne sais pas si j’ai le droit de le dire », étant donné que tu ne veux plus m’avoir dans ta vie, « je trouve ça fou de te savoir dans le coin, en ville, et de ne pas pouvoir se voir --- mais je comprends, je comprends et je respecte. ne t’en fais pas, j’ai compris et je n’insiste pas », il s’empresse de répéter en hochant plusieurs fois la tête. « et tu sais que tu peux toujours compter sur moi, quoiqu’il arrive --- ok ? », si jamais elle a besoin d’un conseil, d’un rendez-vous en urgence pour quoique ce soit --- il serait là pour elle. car elle était celle qui compte, qui compterait toujours dans sa vie.